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Date : 20150105


Dossier : IMM-4693-14

Référence : 2015 CF 3

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 5 janvier 2015

En présence de madame la juge Kane

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

et

David Morrow Wright

Kathryn Anne Wright

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration présente une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel de l’immigration [SAI] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [CISR], datée du 2 mai 2014, où il a été conclu que les motifs d’ordre humanitaire invoqués étaient suffisants pour justifier la prise d’une mesure spéciale au titre de l’alinéa 67(1)c) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi] et faire lever l’interdiction de territoire des défendeurs attribuable à leur défaut de se conformer à leur obligation de résidence en tant que résidents permanents.

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

Contexte

[3]               Les défendeurs, M. et Mme Wright, sont des citoyens des États‑Unis d’Amérique (États‑Unis) qui se sont établis à Vogler’s Cove, en Nouvelle‑Écosse, en 1972, et sont devenus des résidents permanents du Canada. M. Wright gagnait difficilement sa vie comme pêcheur de homard. Mme Wright travaillait pour divers journaux de la région. En 1977, M. et Mme Wright ont quitté le Canada pour retourner aux États‑Unis pour y occuper des emplois plus stables qui leur avaient été offerts par le père de M. Wright. Ils n’avaient pas essayé de trouver du travail dans d’autres régions de la Nouvelle‑Écosse ni ailleurs au Canada à ce moment‑là ou par la suite.

[4]               De 1977 à 2012, les Wright ont vécu dans plusieurs villes des États‑Unis, et M. Wright a occupé divers emplois. Les Wright sont retournés à Vogler’s Cove pour s’y rétablir 35 ans plus tard.

[5]               La preuve des Wright révèle que, dans cet intervalle de 35 ans, ils sont venus au Canada de temps à autre, notamment à Montréal et à Québec, et que M. Wright a fait quelques voyages d’affaires à Scarborough. Ils sont retournés à Vogler’s Cove une fois en 2005, puis tous les ans en 2006, 2007 et 2008 pour chercher une maison, et ils ont finalement acheté une maison en 2010. En janvier 2012, ils sont retournés vivre à Vogler’s Cove.

[6]               Le 25 janvier 2012, l’Agence des services frontaliers du Canada [ASFC] a produit un constat d’interdiction de territoire visant M. et Mme Wright en raison de leur défaut de se conformer à leur obligation de résidence en tant que résidents permanents. La Loi exige que les résidents permanents soient présents au Canada pour au moins 730 jours au total pendant chaque période quinquennale (alinéa 28(2)a)). L’ASFC a tenu compte de la période quinquennale précédant la date de retour des Wright au Canada en janvier 2012 et conclu que M. Wright avait été présent au Canada pendant 201 jours et que Mme Wright l’avait été pendant 140 jours durant cette période quinquennale.

[7]               Le délégué du ministre a examiné les constats d’interdiction de territoire et déterminé qu’ils étaient bien fondés et qu’aucun motif d’ordre humanitaire ne justifiait que les Wright soient dispensés de leur obligation de résidence et, par conséquent, une mesure de renvoi a été prise.

[8]               Les Wright ont interjeté appel de la mesure de renvoi devant la SAI.

La décision faisant l’objet du contrôle

[9]               La SAI a examiné l’appel, a tenu une audience de novo en personne et rendu sa décision le 2 mai 2014. La décision a été communiquée aux parties vers le 23 mai 2014.

[10]           La décision souligne que les Wright (à savoir, les appelants devant la SAI et les défendeurs dans la présente demande de contrôle judiciaire) n’ont pas contesté la validité des mesures de renvoi et que la SAI convenait que les mesures de renvoi étaient valides. Les Wright ont avancé qu’il existait des motifs d’ordre humanitaire. La SAI a convenu et conclu qu’ils avaient établi des motifs d’ordre humanitaire suffisants, selon la prépondérance des probabilités, pour justifier la prise de mesures spéciales au titre de l’alinéa 67(1)c) de la Loi, rendant ainsi inopposable le manquement à leur obligation de résidence.

[11]           La SAI a énuméré les facteurs qui l’ont guidée dans son évaluation. Même si c’est à bon droit que la SAI a mentionné que la Cour a confirmé ces facteurs, les renvois des notes de bas de page dans la décision indiquent qu’il s’agit de décisions de la CISR ou de la SAI, et non des décisions de la Cour fédérale. LA SAI a examiné chacun des facteurs et tiré plusieurs conclusions.

[12]           La SAI a conclu que la durée d’établissement des Wright au Canada, qui était de sept ans depuis 1972, « n’est pas négligeable, sans être convaincante ».

[13]           La SAI a conclu que l’établissement des Wright au Canada « aujourd’hui » (c’est‑à‑dire en 2014) et depuis leur retour « est plus important qu’il ne l’était en 1977 et qu’il est aussi plus important que leur établissement aux États-Unis, aujourd’hui ». La SAI a jugé qu’il s’agissait là d’un facteur favorable.

[14]           La SAI a également conclu que les Wright avaient des raisons impérieuses (au sens de convaincantes) de quitter le Canada, parce que le travail de M. Wright, à savoir son rêve de pêcher le homard, n’était pas viable « en raison de l’importance de leurs difficultés financières ». Elle a conclu qu’ils ne pouvaient se permettre de rester à ne rien faire au Canada : il n’y avait pas d’emplois disponibles dans leur région.

[15]           La SAI souligne que, durant les 35 ans d’absence, M. Wright a occupé plusieurs emplois dans diverses régions des États‑Unis. Il n’a jamais cherché d’emploi au Canada. Les Wright ont acheté leur première maison en 1983 et ils ont vendu et acheté d’autres maisons au fur et à mesure de leurs déplacements d’un bout à l’autre des États‑Unis. La SAI a souligné qu’ils n’étaient pas revenus au Canada à la première occasion et conclu qu’il s’agissait là d’un facteur défavorable.

[16]           La SAI souligne que les Wright n’ont pas d’enfants et qu’ils n’ont pas non plus de famille au Canada, mais qu’ils considèrent leurs amis de Vogler’s Cove, avec qui ils sont restés en communication, comme de la famille. La SAI a fait remarquer que dix membres de la communauté de Vogler’s Cove avaient assisté à l’audience pour appuyer les Wright. Elle a conclu que ce lien permanent avec leurs amis constituait un facteur favorable.

[17]           En ce qui a trait à l’intégration à la collectivité canadienne, la SAI s’est intéressée à leur intégration à Vogler’s Cove. M. Wright a été pompier volontaire de 1972 à 1977 et, depuis son retour en 2012, il a participé à des activités de collecte de fonds. Mme Wright participait aux activités d’une bibliothèque de Vogler’s Cove. Les deux ont participé à des activités sociales avec d’autres membres de la communauté. La SAI a conclu qu’il s’agissait d’un facteur favorable.

[18]           En ce qui a trait aux difficultés que les Wright éprouveraient si les appels étaient rejetés et si la mesure de renvoi était mise à exécution, la SAI souligne que, compte tenu de leur témoignage, ils seraient dévastés s’ils étaient contraints de faire leurs valises et de partir, car leurs cœurs resteront à Vogler’s Cove. La SAI souligne également que, compte tenu de leur âge et de leur revenu de pension, il serait difficile pour eux de faire la navette entre les deux résidences des États‑Unis et du Canada.

[19]           La SAI ajoute ceci : « [c]e n’est pas que leurs vies seraient menacées ou en danger s’ils devaient vivre aux États-Unis, mais le simple fait de déménager serait traumatisant à un âge où la vie est plus fragile ». La SAI a conclu que les Wrights seraient exposés à de « sérieuses » difficultés s’ils devaient quitter Vogler’s Cove.

[20]           La SAI a ensuite résumé les facteurs favorables et défavorables et conclu que les facteurs favorables « l’emportent sur » les facteurs défavorables et que les appelants ont établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’il existait des motifs d’ordre humanitaire suffisants pour la prise de mesures spéciales et l’annulation des mesures de renvoi.

[21]           Selon la SAI, les facteurs suivants militaient en faveur des Wright :

         les amis qu’ils considèrent comme des membres de leur famille au Canada et les liens qu’ils ont entretenus de façon continue au Canada;

         « le degré important d’établissement [des Wright] au Canada, plus important que leur établissement très restreint aux États-Unis en date de l’audience, et également plus important qu’au moment où ils ont obtenu le droit d’établissement au Canada ou au moment où ils sont repartis en 1977 »;

         le fait que les Wrights avaient des raisons impérieuses de quitter le Canada en 1977;

         la période continue passée au Canada depuis la prise de mesures de renvoi contre eux;

         leur « intégration importante » à la communauté de Vogler’s Cove, abstraction faite des membres de leur famille, et leur contribution à cette communauté;

         les « difficultés importantes » que les Wrights éprouveraient si leurs appels étaient rejetés, « même si leurs vies ne seraient pas en danger aux États‑Unis ».

[22]           Selon la SAI, les facteurs suivants nuisaient à la cause des Wright :

         « l’importance de l’obstacle juridique qui, cependant, n’est pas insurmontable »;

         la période « plus longue » qu’ils ont passée aux États‑Unis, comparativement à la période passée au Canada, depuis l’obtention de leur droit d’établissement;

         le fait que les Wright ne sont pas revenus au Canada dès qu’ils en ont eu la possibilité;

         leur famille élargie aux États‑Unis (facteur auquel la SAI a accordé peu d’importance, étant donné qu’ils n’entretiennent pas de liens étroits avec les membres de leur famille).

Questions en litige

[23]           La principale question en litige consiste à déterminer si la décision de la SAI est raisonnable, notamment si la SAI a omis de tenir compte d’éléments de preuve pertinents, tiré des conclusions contraires à la preuve et tenu compte d’éléments de preuve non pertinents.

[24]           Comme question préliminaire, la Cour doit déterminer s’il faut prolonger le délai prévu pour la signification de la demande d’autorisation aux défendeurs par le demandeur.

Norme de contrôle applicable

[25]           Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable à la décision du délégué du ministre est la norme de la raisonnabilité.

[26]           Lorsque la norme de la raisonnabilité s’applique, le rôle de la Cour consiste à déterminer si la décision « fait partie des “issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit” (Dunsmuir, par. 47). Il peut exister plus d’une issue raisonnable. Néanmoins, si le processus et l’issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, la cour de révision ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable » (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 59, citant Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190).

[27]           Comme les défendeurs le soulignent, une décision raisonnable est une décision capable de résister à un examen assez poussé (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, [1999] ACS no 39, au paragraphe 63 [Baker]).

Les dispositions pertinentes, à savoir les articles 28 et 67 de la Loi, sont énoncées à l’annexe A.

Question préliminaire – Prorogation du délai pour la signification aux défendeurs

[28]           La requête présentée par le demandeur en vue de faire proroger le délai imparti pour faire signifier la demande de contrôle judiciaire et faire confirmer la signification tardive est accueillie. Le retard de quelques jours dans la signification aux défendeurs a été amplement justifié; le demandeur a donné acte de son intention de la déposer, et les défendeurs conviennent que l’explication est raisonnable et reconnaissent que la prorogation du délai de signification devrait être accordée.

La décision de la SAI était‑elle raisonnable?

La position du demandeur

[29]           Le demandeur soutient que, même si la Cour n’a pas défini les facteurs d’ordre humanitaire à prendre en considération en cas de manquement à l’obligation de résidence, la SAI a fait sienne, quoiqu’elle l’ait formulée légèrement différemment, une liste non exhaustive de facteurs.

[30]           Le demandeur soutient que, dans l’ensemble, la décision ne respecte pas le principe de la Loi. L’immigration au Canada est un privilège, et non un droit, et elle est régie par la Loi. Bien que l’intégration à la société canadienne fasse partie des objectifs de la résidence permanente, le résident permanent doit notamment être effectivement présent au Canada (ou, suivant l’une des autres possibilités prévues à l’article 28, travailler à l’étranger pour une société canadienne). Le demandeur soutient que la SAI n’a pas interprété l’alinéa 67(1)c) et la mesure exceptionnelle fondée sur des motifs d’ordre humanitaire à la lumière de l’objet de la Loi.

[31]           Le demandeur prétend que, pour tirer une conclusion favorable fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, la SAI devait se demander si les Wright avaient maintenu des liens étroits avec le Canada pendant 35 ans, si leur raison de quitter le Canada était à ce point importante, si leur apport à la communauté depuis leur retour cadrait avec l’objet de la Loi et si leur retour aux États‑Unis les placerait dans une situation insupportable. Le demandeur souligne que ces questions auraient dû être examinées en tenant compte du fait que les Wright n’ont aucune famille au Canada, du fait que, même s’ils y ont des amis, ils ne les ont pas visités depuis environ 30 ans et du fait qu’ils ont vécu aux États‑Unis pendant 63 ans sur les 71 années de leur existence.

[32]           Le demandeur avance que la SAI n’a pas examiné la preuve pertinente et qu’elle a plutôt tenu compte d’éléments de preuve non pertinents et que, par conséquent, elle a tiré des conclusions qui n’étaient pas fondées sur la preuve dont elle disposait.

[33]           La SAI n’a pas évalué dans quelle mesure les Wright avaient manqué à leur obligation de résidence. Elle n’a tenu compte que de leur absence du Canada pendant la période quinquennale précédant leur retour en 2012, mais elle n’a pas bien pris en compte le fait qu’ils avaient été absents pendant 35 ans et qu’ils ne s’étaient pas conformés à leur obligation de résidence antérieure pour chaque période de cinq ans. Même si la SAI a conclu que leur manquement n’était « pas négligeable », le demandeur prétend qu’il était en fait beaucoup plus important – voire énorme.

[34]           Le demandeur soutient de plus que la SAI, dans son évaluation de la période passée au Canada et du degré d’établissement et dans sa conclusion selon laquelle leur établissement dans la communauté était « plus important », n’a pas bien tenu compte du temps passé au Canada (sept ans échelonnés sur deux périodes distinctes) comparativement au temps passé à l’étranger (plus de 60 ans).

[35]           Le demandeur allègue également qu’il n’y a aucun élément de preuve à l’appui de la conclusion selon laquelle l’établissement des Wright depuis 2012 est plus important qu’il l’était ou l’avait été aux États‑Unis ou au Canada pour la période de 1972 à 1977.

[36]           Le demandeur convient qu’il ne fait aucun doute que les Wright sont de bons voisins et qu’ils sont appréciés au sein de leur communauté. Il soutient toutefois que la preuve de leur intégration ne prouve pas leur établissement. Le demandeur soutient que le bénévolat que fait Mme Wright pendant quelques heures par semaine à la bibliothèque et la présence de M. Wright aux réunions des pompiers volontaires, en combinant ces activités aux rencontres sociales avec les voisins, ne sont pas suffisants pour fonder une conclusion d’établissement ou d’intégration.

[37]           Le demandeur souligne de plus que M. Wright continue de faire le même travail qu’il faisait aux États‑Unis, comme consultant, avant de revenir à Vogler’s Cove et que tous ses clients sont aux États‑Unis. De la même manière, Mme Wright fait du travail d’édition, également pour des clients aux États‑Unis. Le demandeur soutient que, là encore, ce travail pourrait être fait à partir des États‑Unis. Cela montre également que les Wright demeurent intégrés dans une certaine mesure aux États‑Unis et pourraient s’y réintégrer. La SAI a tout simplement omis d’en tenir compte dans le contexte de son analyse du degré d’établissement.

[38]           En ce qui a trait à la conclusion selon laquelle les Wright n’avaient aucune raison impérieuse (c’est‑à‑dire, convaincante) de partir du Canada, le demandeur souligne que, bien que la SAI ait jugé qu’il s’agissait d’un facteur défavorable, elle n’a pas tenu compte du fait qu’ils n’avaient aucune raison de ne pas revenir au Canada avant et qu’ils n’y sont pas revenus avant 2008 lorsqu’ils ont commencé à chercher une maison. Même après avoir trouvé une maison en 2010, ils sont demeurés aux États‑Unis jusqu’en 2012. La SAI a retenu l’argument selon lequel les Wright ne pouvaient se réinstaller tant que leur maison au Massachusetts n’était pas vendue; or, ils avaient déjà acheté la maison à Vogler’s Cove et fait des rénovations avant de vendre leur maison au Massachusetts.

[39]           Rien dans la preuve ne laissait croire que les Wrights avaient déjà essayé de trouver du travail au Canada. La SAI a conclu qu’il n’avait pas d’autres choix que de partir pour un emploi offert par la famille aux États‑Unis. Elle n’a pas tenu compte du fait qu’ils n’ont pas tenté de trouver du travail à Vogler’s Cove, en Nouvelle‑Écosse, ou ailleurs au Canada. Elle a tout simplement accepté qu’ils n’avaient aucune autre option. Le demandeur souligne que les Wright n’avaient pas hésité à déménager dans différentes régions des États‑Unis, pourtant le seul endroit où ils voulaient travailler au Canada, qui leur aurait permis de maintenir leur statut de résident permanent, était la petite communauté de Vogler’s Cove.

[40]           Le demandeur soutient que la SAI n’a pas tenu compte du témoignage de M. Wright selon lequel il était en mesure de gagner un revenu décent aux États‑Unis. Même si Vogler’s Cove était la destination de rêve des Wright, les États‑Unis étaient l’endroit choisi pour gagner leur vie pendant les 35 dernières années. Le demandeur soutient par conséquent que les Wright sont véritablement attachés aux États‑Unis, et non au Canada.

[41]           Le demandeur allègue de plus que la conclusion de la SAI selon laquelle les Wright continuent d’entretenir des liens avec le Canada n’est pas étayée par la preuve. Selon les lignes directrices de la CISR et de la SAI, deux éléments devraient être pris en considération pour évaluer ce facteur; les liens avec les membres de la famille au Canada et la dislocation d’avec la famille au Canada en cas de renvoi.

[42]           Le demandeur souligne que la SAI a reformulé les facteurs en substituant les amis à la famille. Le demandeur souligne que, même si les Wright affirment entretenir des liens étroits avec des amis de Vogler’s Cove, les facteurs énoncés par la SAI et la CISR parlent des liens avec la famille. De plus, la Loi, de par son objet, favorise notamment le regroupement familial, mais pas celui des amis.

[43]           Qui plus est, la conclusion de la SAI concernant les liens que les Wright entretiennent avec leurs amis n’est pas étayée par la preuve. Il ressort clairement de la preuve que les Wright ne sont pas retournés une seule fois à Vogler’s Cove en au moins 24 ans, bien qu’ils aient visité d’autres parties du Canada.

[44]           Le demandeur prétend également qu’il était déraisonnable pour la SAI de croire que les Wright ne disposaient pas de ressources financières suffisantes pour revenir plus tôt à Vogler’s Cove, parce qu’ils avaient déclaré dans leurs témoignages qu’ils avaient voyagé dans d’autres régions du Canada et que Mme Wright avait voyagé à l’étranger.

[45]           De plus, la SAI n’a pas tenu compte de la déclaration de M. Wright, en réponse à une question directe, selon laquelle il revenait au Canada pour prendre sa retraite.

[46]           En ce qui a trait à l’appréciation des difficultés, le demandeur soutient qu’elles doivent dépasser les conséquences normales du renvoi. La conclusion de la SAI selon laquelle les Wright éprouveraient de sérieuses difficultés s’ils étaient tenus de quitter le Canada n’est pas étayée par leurs propres témoignages. M. Wright a affirmé en répondant à des questions spécifiques sur l’incidence de son retour aux États‑Unis que [traduction] « je suppose que je pourrais » (dossier certifié du tribunal, à la page 466) et que les répercussions seraient principalement d’ordre économique parce qu’ils auraient deux résidences à entretenir.

[47]           Le demandeur soutient que la SAI a également omis de tenir compte du fait que les Wright avaient pris une ligne de crédit pour acheter la maison à Vogler’s Cove qu’ils ont remboursée avec le produit de la vente de leur maison à Springfield, au Massachusetts. La SAI n’a pas envisagé que les Wright pourraient faire la même chose à leur retour aux États‑Unis. Par conséquent, le facteur de l’incidence économique au moment du renvoi n’était pas étayé par la preuve. Le demandeur souligne que, comme on pouvait s’y attendre, les Wright n’ont pas les moyens d’avoir deux maisons, mais il soutient que ce genre d’incidence économique est une conséquence normale du renvoi d’une personne qui n’a pas de statut au Canada.

[48]           Le demandeur souligne également que le dossier mis à la disposition de la SAI comportait des renseignements financiers qui montraient que, même si les Wright ne sont pas riches, ils ont une maison libre d’hypothèque, des prestations mensuelles de retraite et un compte d’épargne libre d’impôt et que M. Wright continue de faire du travail comme consultant pour le compte de plusieurs clients aux États‑Unis.

[49]           Mme Wright a affirmé que quitter Vogler’s Cove serait très difficile sur le plan émotif, mais qu’elle pourrait rester en communication avec ses amis comme elle l’avait fait par le passé.

[50]           Bien que la SAI ait considéré l’âge des Wright comme un facteur pertinent, leur âge ne les a pas empêchés de se réinstaller il y a deux ans, et rien dans la preuve n’indique que leur retour aux États‑Unis serait traumatisant.

[51]           La séparation d’avec les amis, les ruptures et l’incidence économique sont les conséquences normales d’une mesure de renvoi. Les faits ne permettent pas de conclure à l’existence de « sérieuses difficultés » ou de « difficultés importantes », comme l’a fait la SAI.

[52]           Le demandeur insiste pour dire que le ministre ne demande pas à la Cour d’apprécier de nouveau la preuve ni de remettre en balance les facteurs favorables et défavorables à une conclusion suivant laquelle il existait des motifs d’ordre humanitaire suffisants, mais bien de déterminer si les conclusions de la SAI sont étayées par la preuve. La SAI est parvenue à une conclusion déraisonnable parce qu’elle a écarté des éléments de preuve pertinents, qu’elle a tiré des conclusions contraires à la preuve et qu’elle a tenu compte d’éléments de preuve dépourvus de pertinence.

La position des défendeurs

[53]           Les défendeurs soutiennent que le point litigieux n’est pas leur absence de 35 ans. La question en litige est celle de savoir si la SAI a à juste titre conclu qu’il existait des motifs d’ordre humanitaire suffisants pour rendre inopposable le manquement à leur obligation de résidence. Ce pouvoir discrétionnaire a été délégué à la SAI, car elle est l’organe spécialisé en la matière et elle connaît l’objet de la Loi. Les défendeurs soutiennent que, indépendamment du temps qu’ils ont passé ailleurs ou de l’importance de leur manquement à leur obligation prévue par la Loi, la SAI s’est montrée attentive à tous les facteurs pertinents et elle a fourni des motifs convaincants à l’appui de ses conclusions.

[54]           Les défendeurs prétendent que le demandeur conteste simplement la conclusion de la SAI auquel il ne souscrit pas et que, compte tenu du fait que la Cour ne peut apprécier de nouveau la preuve examinée par la SAI, le demandeur n’a pas établi en quoi la décision était déraisonnable. Ils soulignent que la SAI a tenu une audience d’une journée complète, qu’elle était d’avis que les demandeurs étaient très crédibles et qu’elle a analysé minutieusement les faits et les circonstances de leur absence du Canada. Ils soutiennent que le demandeur n’a pas réfuté la présomption voulant que la SAI ait examiné toute la preuve.

[55]           Les défendeurs sont d’avis que la décision est intelligible, transparente et justifiée. Par conséquent, la Cour devrait s’en remettre à l’expertise de la SAI.

[56]           Les défendeurs contestent la qualification faite par le demandeur du fardeau qui incombe à ceux qui demandent la prise de mesures spéciales et de la tâche de la SAI dans l’évaluation des motifs d’ordre humanitaire. Ils prétendent que rien n’exige que la situation causée par le renvoi soit insupportable, ni que les difficultés éprouvées soient injustifiées ou excessives, tel qu’il est établi dans le contexte de l’article 25 de la Loi. Les défendeurs soulignent que l’alinéa 67(1)c) exige seulement qu’il existe des motifs d’ordre humanitaire suffisants.

[57]           Les défendeurs contestent également l’allégation selon laquelle la SAI a tenu compte d’éléments de preuve dépourvus de pertinence ou a écarté des éléments de preuve pertinents. La SAI est présumée avoir examiné toute la preuve et elle n’a pas à faire état de chacun des éléments de la preuve dans ses motifs.

[58]           En ce qui a trait au temps que les Wright ont passé à l’étranger, les défendeurs contestent la position du demandeur suivant laquelle la durée de leur absence ne peut être rendue inopposable par des facteurs d’ordre humanitaire. D’ailleurs, aucune limite n’est fixée quant au nombre d’années d’absence ne pouvant être rendu inopposable par des facteurs d’ordre humanitaire; si le législateur avait eu l’intention d’établir pareille limite, il l’aurait prévue dans la Loi. La SAI a tenu compte de la période pendant laquelle ils étaient à l’étranger et elle a pourtant exercé son pouvoir discrétionnaire pour rendre inopposable le manquement à leur obligation de résidence en raison de l’existence de motifs d’ordre humanitaire.

[59]           Les défendeurs soulignent également que, même si la SAI s’est intéressée à la période quinquennale précédant leur retour en 2012, elle n’a pas fait abstraction du temps passé à l’étranger et elle a d’ailleurs considéré qu’il s’agissait d’un facteur défavorable.

[60]           Les défendeurs ne sont pas d’accord avec le demandeur pour affirmer que les motifs de leur départ étaient purement économiques : ce n’était pas un motif suffisant, selon le demandeur. Les défendeurs confirment toutefois n’avoir fait aucune démarche pour trouver du travail au Canada. Selon leur témoignage, il était raisonnable pour eux de partir parce qu’ils avaient reçu une offre d’emploi ferme aux États‑Unis et qu’ils étaient presque démunis en 1977.

[61]           Les défendeurs prétendent que, contrairement à ce qu’affirme le demandeur, la SAI a bien tenu compte du fait qu’ils n’avaient pas tenté de revenir au Canada à la première occasion, puisqu’ils ont déménagé dans diverses villes aux États‑Unis et occupé divers emplois. La SAI a jugé qu’il s’agissait d’un facteur défavorable.

[62]           En ce qui a trait à l’établissement et l’intégration au sein de la communauté, les défendeurs avancent qu’ils s’étaient intégrés et établis autant qu’il était possible au sein leur communauté, compte tenu de sa petite taille. Contrairement à l’argument du demandeur selon lequel le travail bénévole et les activités sociales des Wright ne constituent pas une réintégration et un établissement suffisants, la SAI a soutenu le contraire. Ils soutiennent que la taille et la nature de la communauté nous informent sur ce que signifie être actif au sein de la communauté. À Vogler’s Cove, on ne peut faire guère davantage pour être plus établi.

[63]           Les défendeurs soulignent que la liste des facteurs à prendre en compte par la SAI n’est pas exhaustive; elle peut prendre en compte tous les facteurs qui découlent des circonstances particulières de l’espèce. La SAI a tenu compte à juste titre des liens continus qu’avaient entretenus les Wright avec leurs amis de Vogler’s Cove comme faisant partie intégrante des circonstances particulières de l’espèce, et non comme une substitution au facteur concernant les liens avec la famille ou un prolongement de ce facteur.

[64]           Les défendeurs contestent également l’argument du demandeur selon lequel la SAI n’a pas tenu compte du fait qu’ils étaient revenus pour prendre leur retraite. Le témoignage de M. Wright à propos de la retraite à Vogler’s Cove a été pris hors contexte. La transcription du témoignage de M. Wright révèle qu’il a parlé de la retraite lorsque l’avocat du ministre lui a présenté une définition où ce mot s’entendait d’une retraite d’un emploi à plein temps aux États‑Unis. M. Wright continue de travailler et a transféré son entreprise au Canada. Même s’il touche des prestations de sécurité sociale, elles sont payables à l’âge de 65 ans, indépendamment du départ à la retraite d’un emploi à plein temps. Les défendeurs soutiennent que ce témoignage ne corrobore pas la prétention du demandeur selon laquelle les Wright n’avaient pas d’intention continue de revenir au Canada durant leur vie « active ».

[65]           Les défendeurs avancent que le défaut de la SAI de faire état d’un élément de preuve en particulier n’est pas fatal. La SAI a eu la possibilité d’entendre les Wright et elle a jugé qu’ils étaient très crédibles. La SAI a cerné les facteurs à prendre en considération, tiré une conclusion à l’égard de chacun d’eux et conclu, selon la prépondérance des probabilités, qu’il existait des motifs d’ordre humanitaire suffisants pour rendre inopposable le manquement à leurs obligations de résidents permanents.

[66]           De façon générale, les défendeurs font valoir que la SAI est un tribunal spécialisé et que, compte tenu du fait qu’elle a procédé à une audience complète et à une analyse méticuleuse de la preuve et évalué les facteurs pertinents favorables et défavorables aux motifs d’ordre humanitaire, l’exercice de son pouvoir discrétionnaire est raisonnable et commande que la décision soit traitée avec déférence.

La décision de la SAI n’est pas raisonnable

[67]           La SAI a été impressionnée par les Wright et elle a compris qu’ils caressaient le rêve de vivre à Vogler’s Cove. Il ne fait aucun doute que leurs témoignages étaient sincères et crédibles. Et il ne fait aucun doute non plus qu’ils s’adapteraient à la communauté ou qu’ils seraient de bons résidents. Toutefois, les critères d’immigration sont plus stricts, tout comme le sont les critères pour rendre inopposable le manquement aux obligations de résident permanent.

[68]           La norme de la raisonnabilité exige plus qu’une décision clairement rédigée qui cerne les facteurs examinés et les conclusions tirées. La norme de la raisonnabilité exige que les conclusions tirées et la conclusion générale résistent à un examen assez poussé. Lorsque des éléments de preuve sont écartés ou mal interprétés et que les conclusions ne sont pas étayées par la preuve, la décision ne résiste pas à un examen poussé.

[69]           Comme les défendeurs l’ont souligné, la norme applicable dans le cas d’un examen assez poussé a été exposée par la Cour suprême du Canada dans Baker, au paragraphe 63 :

[63] J’examinerai maintenant si la décision dans la présente affaire, et l’interprétation par l’agent d’immigration de l’étendue du pouvoir discrétionnaire qui lui était conféré, étaient déraisonnables au sens où l’entend le juge Iacobucci dans l’arrêt Southam, précité, au par. 56 :

Est déraisonnable la décision qui, dans l’ensemble, n’est étayée par aucun motif capable de résister à un examen assez poussé. En conséquence, la cour qui contrôle une conclusion en regard de la norme de la décision raisonnable doit se demander s’il existe quelque motif étayant cette conclusion. Le défaut, s’il en est, pourrait découler de la preuve elle‑même ou du raisonnement qui a été appliqué pour tirer les conclusions de cette preuve. [Non souligné dans l’original.]

[70]           Dans Ambat c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 292 [Ambat], le juge Near (maintenant juge à la Cour d’appel fédérale) a souligné ce qui suit aux paragraphes 32 et 33 :

[32][] La SAI a toute latitude pour évaluer chaque facteur et il lui est donc loisible de n’accorder aucun poids à un facteur déterminé selon les circonstances. Le défendeur cite à ce propos la décision rendue par le juge Yves de Montigny dans l’affaire Ikhuiwu, précitée, au paragraphe 32 :

[32] Le demandeur ne souscrit pas aux conclusions selon lesquelles les circonstances de l’espèce ne justifiaient pas que le membre de la SAI exerce son pouvoir discrétionnaire lui permettant d’accueillir sa demande pour des motifs d’ordre humanitaire. Malheureusement pour lui, le fait qu’il ne soit pas satisfait de la manière selon laquelle la SAI a évalué l’ensemble des facteurs d’ordre humanitaire n’est pas suffisant pour que la Cour intervienne.

[33] De même, dans le cas qui nous occupe, à défaut d’indice permettant de penser que la SAI a ignoré des éléments de preuve ou qu’elle a mal interprété les faits, notre Cour n’a aucune raison d’intervenir.

[71]           Les faits de la présente affaire sont différents de ceux qui caractérisent l’affaire Ambat, parce que des éléments de preuve ont été écartés et que des faits ont été mal interprétés. Par conséquent, il y a lieu pour la Cour d’intervenir.

[72]           Dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c Sidhu, 2011 CF 1056, la Cour a conclu que la décision de la SAI était déraisonnable parce que des éléments de preuve avaient été occultés, même si elle était d’avis que certaines des conclusions de la SAI étaient raisonnables. La Cour a fait remarquer au paragraphe 50 :

[50] Finalement, la Commission a conclu que le défendeur et sa famille connaîtraient de graves difficultés si la demande de titre de voyage présentée par le défendeur était rejetée. […]

Là encore, la Cour croit que, quand bien même serait-il loisible à la Commission d’arriver à une telle conclusion, celle‑ci a l’obligation de considérer l’ensemble de la preuve. […] Avant de préférer la preuve du défendeur selon laquelle il connaîtrait d’extrêmes difficultés, la Commission avait l’obligation de la confronter avec cette preuve contraire.

[73]           Comme dans Sidhu, certaines des conclusions de la SAI quant aux facteurs applicables sont raisonnables, mais d’autres conclusions importantes ne le sont pas. En particulier, ne sont pas étayées par la preuve les conclusions de la SAI selon lesquelles les Wrights avaient entretenu des liens continus avec le Canada, s’étaient établis de façon importante (ce qui signifie, à mon avis, de façon considérable) au Canada et subiraient un préjudice grave s’ils étaient renvoyés. La SAI avait l’obligation d’examiner l’ensemble de la preuve.

[74]           Le demandeur a laissé entendre que la Cour n’avait pas défini les facteurs applicables concernant les motifs d’ordre humanitaire lorsque les résidents permanents ne se sont pas conformés à leur obligation de résidence. Même s’il est vrai que la Cour n’a pas défini de manière précise les facteurs applicables, elle a confirmé que les facteurs décrits par la CISR et la SAI sont appropriés et peuvent être adaptés aux différents contextes lorsque les motifs d’ordre humanitaire peuvent justifier l’inopposabilité d’un manquement à la Loi.

[75]           Dans Sidhu, la Cour a confirmé, comme elle l’a fait dans d’autres affaires, les facteurs pertinents à prendre en considération pour déterminer si les motifs d’ordre humanitaire justifient un manquement à l’obligation de résidence, en soulignant, au paragraphe 43, que les facteurs établis par la CISR dans Ribic c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] IABD no 4 (QL), ont été adoptés par la Cour suprême du Canada dans Chieu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 RCS 84, 2002 CSC 3, aux paragraphes 40, 41 et 77.

[76]           La Cour, dans Sidhu, a de plus souligné, au paragraphe 43, que les facteurs établis dans Ribic l’ont été dans le contexte de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire relativement à une mesure de renvoi, mais que la CISR et la SAI les a adaptés à d’autres contextes, en donnant comme exemples les décisions Tai c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 248, aux paragraphes 36 et 47 [Tai], et Shaath c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 731, au paragraphe 20 [Shaath].

[77]           Dans Tai, précitée, le juge Shore a fait remarquer que les facteurs exposés dans Ribic avaient été largement appliqués dans les analyses relatives à des motifs d’ordre humanitaire et il a appliqué ces mêmes facteurs dans le contexte de l’article 28, qui est une disposition analogue à l’alinéa 67(1)c) pour déterminer si les motifs d’ordre humanitaire justifient un manquement à l’obligation de résidence permanente.

[78]           Les facteurs de la décision Ribic sont les suivants :

a)      le degré d’établissement au Canada, notamment sur les plans de l’emploi et de la formation professionnelle;

b)      les raisons de quitter le Canada;

c)      les raisons justifiant un séjour continu ou prolongé à l’étranger;

d)     la question de savoir si des tentatives ont été faites pour revenir au Canada à la première occasion;

e)      le soutien familial au Canada;

f)       les conséquences du renvoi sur la personne concernée et sur sa famille;

g)      le degré des difficultés occasionnées par le renvoi.

[79]           En l’espèce, la SAI a adapté des facteurs appliqués dans d’autres décisions de la SAI et de la CISR, en les formulant de manière semblable. Comme les défendeurs l’ont souligné, la liste n’est pas exhaustive et certains facteurs peuvent ne pas s’appliquer, selon les faits de l’espèce.

[80]           Comme je l’ai déjà mentionné, certaines des conclusions de la SAI sont raisonnables.

[81]           La SAI a cru à juste titre que la période d’absence des Wright était « plus longue » que la période passée au Canada et que cet élément leur était défavorable. Là encore, j’interprète les mots « plus longue » comme signifiant une période considérable.

[82]           La SAI a jugé que l’obstacle juridique à leur statut de résident permanent, à savoir leur absence du Canada dans la période quinquennale considérée, constituait un facteur défavorable, mais elle a ajouté que l’importance de cet obstacle n’était pas insurmontable. Ce peut être le cas, mais il n’en demeure pas moins que la SAI n’a pas tenu compte du fait que, pendant cette période quinquennale, où ils devaient être présents pendant au moins 730 jours, ou pendant deux des cinq années considérées, les Wrights ont été présents pendant seulement une petite fraction du temps requis. Il s’agissait néanmoins d’un facteur défavorable et, même si la SAI ne semble pas avoir accordé beaucoup de poids à ce manquement, il n’est pas loisible à la Cour de l’apprécier de nouveau.

[83]           Je ne partage pas l’avis des défendeurs selon lequel l’argument du demandeur est que la durée de l’absence des Wright ne peut être rendue inopposable par des facteurs d’ordre humanitaire. Le demandeur a plaidé que la SAI s’était intéressée seulement à la période quinquennale précédant leur rétablissement et que, même si la durée de l’absence avait été considérée comme un facteur défavorable, la SAI n’a pas tenu compte du fait que la Loi exige la présence d’un résident permanent pour au moins 730 jours pendant chaque période quinquennale. Même si cela peut sembler indiquer que la SAI n’a pas accordé suffisamment de poids à ce facteur défavorable, cet argument signale en fait qu’il n’a pas été tenu compte des prescriptions de la Loi.

[84]           Plusieurs autres conclusions de la SAI ne sont pas étayées par la preuve et ne sont pas raisonnables.

[85]           La SAI était d’avis que « le degré important d’établissement [des Wright] au Canada, plus important que leur établissement très restreint aux États-Unis en date de l’audience, et également plus important qu’au moment où ils ont obtenu le droit d’établissement au Canada ou au moment où ils sont repartis en 1977 » constituait un élément favorable.

[86]           La SAI a d’abord jugé que la durée de l’établissement des Wright au Canada, qui était de sept ans depuis 1972, « n’est pas négligeable, sans être convaincante ». C’est un euphémisme. Une période d’établissement de 7 ans sur 40 ans ou sur la durée de leur vie ne peut pas raisonnablement être considérée comme n’étant « pas négligeable ».

[87]           Cette conclusion faisait partie de la conclusion générale favorable selon laquelle l’établissement des Wrights au Canada était « important ». (Comme je l’ai mentionné, j’ai interprété ce mot employé par la SAI comme signifiant considérable.) La période de deux ans qui s’est écoulée depuis 2012 ne peut pas raisonnablement être considérée comme étant considérable, et la période de 7 ans sur 40 ne peut pas non plus être considérée comme une période d’établissement considérable.

[88]           La SAI a considéré comme un facteur favorable la période continue que les Wrights ont passée au Canada après la prise de mesures de renvoi contre eux, en soulignant qu’ils avaient toujours résidé à Vogler’s Cove après 2012. Or, ce n’est pas un facteur qui présente de l’intérêt pour l’établissement dans la période évaluée par l’ASFC.

[89]           La SAI a jugé que leur intégration à la communauté de Vogler’s Cove, abstraction faite des membres de leur famille, et leur apport à celle‑ci étaient importants (c’est‑à‑dire considérables).

[90]           Comme les défendeurs l’ont souligné, les Wrights ont peut‑être fait tout ce qui était possible pour s’intégrer au petit village de Vogler’s Cove. Toutefois, la SAI fait état dans les facteurs pris en considération de l’intégration à la collectivité canadienne, ce qui peut inclure la région, la province et le pays de façon plus générale, étant donné que l’immigration se fait au Canada, et non à une localité en particulier.

[91]           Je conviens avec le demandeur que la preuve ne corrobore pas la conclusion de la SAI selon laquelle l’établissement des Wright depuis 2012 est plus important qu’il l’avait été en 2012 ou qu’il l’a été aux États‑Unis antérieurement ou au Canada de 1972 à 1977. Leur établissement depuis 2012 est minimal : des activités sociales avec des amis, des heures de bénévolat et des collectes de fonds occasionnelles pour les pompiers volontaires. La preuve révèle qu’ils demeurent établis aux États‑Unis grâce à leurs clients qui s’y trouvent, car ils continuent de faire le même travail qu’ils faisaient avant de se réinstaller à Vogler’s Cove. La SAI ne semble pas avoir tenu compte de cet élément de preuve.

[92]           La conclusion de la SAI suivant laquelle les Wright avaient des raisons impérieuses (au sens de « convaincantes ») de quitter le Canada en 1977 n’est également pas corroborée par la preuve. La pêche au homard n’est pas économiquement viable. La SAI a conclu que les Wright ne pouvaient pas « traîner » dans la région ni y chercher un travail lorsqu’ils ont reçu une offre d’emploi ferme aux États‑Unis. Même si on peut comprendre que l’emploi offert aux États‑Unis était trop avantageux pour le refuser, il n’était pas réaliste de leur part de s’attendre à ce que leur statut de résident permanent ne soit pas mis en péril par leur départ. La conclusion selon laquelle ils n’avaient pas d’autres choix ne l’était pas non plus; la SAI n’a pas examiné quelles auraient été les options qui s’offraient à un jeune couple ailleurs que dans le petit village de Vogler’s Cove.

[93]           Les défendeurs ont tenté de prétendre que la conclusion favorable selon laquelle ils avaient entretenu un lien continu avec le Canada grâce à leurs amis qu’ils considéraient comme des membres de leur famille comme une situation faisant partie des circonstances spéciales ou particulières que la SAI peut prendre en considération. Toutefois, la SAI a clairement considéré le lien avec les amis comme un substitut au lien avec la famille. La Loi favorise la réunification des familles. Les facteurs exposés dans Ribic incluent le soutien familial et l’incidence du renvoi sur la personne concernée et sur sa famille. En l’espèce, la SAI a annoncé dès le départ les facteurs dont elle tiendrait compte, y compris « [l]es liens que les appelants continuent d’entretenir au Canada, y compris avec des membres de leur famille, et les bouleversements que subiraient les membres de leur famille si l’appel était rejeté ». Toutefois, à l’égard de ce facteur, la SAI a souligné que les Wrights n’avaient pas de famille au Canada et elle a ensuite étendu ce facteur à leurs amis. Je suis d’accord avec le demandeur pour dire que cette réinterprétation par la SAI ne reflète pas l’objet de la Loi ni les facteurs sur lesquels se sont appuyées la CISR et la SAI, facteurs que la Cour a adoptés dans d’autres décisions.

[94]           Même si la SAI a considéré comme des circonstances spéciales le lien que les Wright avaient entretenu avec le Canada grâce à leurs amis de Vogler’s Cove, cette conclusion ne repose sur aucun élément de preuve soumis à l’examen de la SAI. Il s’avère que les Wrights ont maintenant à Vogler’s Cove des amis qui les soutiennent, mais, si l’on se fie à leurs propres témoignages, ils auraient été en communication avec ces amis de façon sporadique et minimale au cours de leur absence de 35 ans, par l’envoi de cartes de Noël et de lettres à l’occasion. Les Wright ne sont pas retournés à Vogler’s Cove de 1977 à 2005, bien qu’ils aient visité d’autres villes canadiennes à l’occasion. Ils sont ensuite retournés une fois à Vogler’s Cove en 2005 et, par la suite, ils y sont retournés une fois par année seulement avant d’acheter une maison et d’y déménager en 2012.

[95]           La SAI était aussi d’avis que les Wright éprouveraient des difficultés sérieuses ou « importantes » (que j’interprète comme signifiant considérables), mais elle a souligné que leurs vies ne seraient pas en danger aux États‑Unis.

[96]           Cette conclusion n’est pas étayée par la preuve et elle est déraisonnable.

[97]           La Cour a examiné bon nombre de demandes de contrôle judiciaire visant des décisions fondées sur des motifs d’ordre humanitaire dans le contexte d’autres dispositions de la Loi, y compris les articles 25, 28 et 67, et, bien que leur libellé varie légèrement, ces dispositions ne font pas expressément état des « difficultés », mais des « considérations d’ordre humanitaire », des « circonstances d’ordre humanitaire » et des « motifs d’ordre humanitaire ». Toutefois, la jurisprudence a constamment confirmé que les difficultés à prendre en considération avec les autres facteurs pour déterminer s’il existe des motifs d’ordre humanitaire suffisants doivent être plus contraignantes que les difficultés normalement occasionnées par le renvoi (par exemple, Ambat, précité, au paragraphe 27; Shaath, précité, au paragraphe 42).

[98]           L’argument des défendeurs voulant que les éléments à prendre en considération dans une décision fondée sur l’article 67 diffèrent de ceux d’une décision fondée sur l’article 25 et que les difficultés n’aient pas à être inhabituelles ou excessives ne tient pas compte des principes généraux qui se dégagent de la jurisprudence analogue. Il n’y a pas lieu, à mon avis, que des difficultés existent dans le contexte des motifs d’ordre humanitaire pour rendre inopposable un manquement au statut de résident permanent lorsque, dans d’autres contextes, tels que celui de la protection des réfugiés, les critères établis par la CISR et la SAI et confirmés par les tribunaux commandent que les difficultés soient inhabituelles, injustifiées ou excessives, à savoir qu’elles soient plus contraignantes que les conséquences normales du renvoi.

[99]           Bien que la SAI ait conclu que le renvoi des Wright entraînerait des difficultés sérieuses, ce qui semble indiquer qu’elle comprenait que les difficultés devaient être plus contraignantes que les difficultés normales ou attendues pour tirer pareille conclusion, la preuve dont disposait la SAI portait sur les désagréments, les déceptions et les bouleversements émotifs du renvoi, ainsi que sur les conséquences économiques d’avoir deux résidences. M. Wright a dit qu’il « supposait » qu’il pouvait avoir deux résidences, même si cela n’était pas facile. Dans leurs propres témoignages, les Wright ont reconnu qu’ils surmonteraient les difficultés du renvoi, même s’ils ne veulent pas du tout partir. Ils ont reconnu qu’il serait difficile de conserver deux résidences avec un revenu de pension, mais ils n’ont pas dit que cela serait impossible, ni qu’ils ne passeraient pas autant de temps que cela leur serait possible à Vogler’s Cove, même s’ils ne peuvent pas conserver leur statut de résidents permanents.

[100]       La SAI n’a pas tenu compte du fait que les Wright avaient un revenu d’emploi et un revenu de pension et n’étaient pas démunis et qu’ils ne seraient pas sans toit aux États‑Unis, compte tenu du fait qu’ils y avaient acheté et vendu plusieurs maisons et qu’ils s’étaient départis de leur résidence au Massachusetts en 2012. De plus, leur âge n’était plus un obstacle à la réinstallation, comme en 2012, malgré le fait que la SAI considérait que c’en était un.

[101]       En conclusion, sur le fondement d’un examen assez poussé, je conclus que la SAI n’a pas examiné les éléments de preuve pertinents qui auraient eu une incidence sur ses conclusions relativement à plusieurs facteurs, en particulier l’établissement des Wright au Canada, leur liens continus avec le Canada dans l’intervalle de 35 ans et les difficultés sérieuses qu’ils éprouveraient en cas de renvoi, puis sur le poids à accorder à ces facteurs et sur l’analyse générale de la question de savoir s’il y a des motifs d’ordre humanitaire suffisants – pas seulement des motifs d’ordre humanitaire – pour justifier la mesure exceptionnelle de l’inopposabilité du manquement à leur obligation de présence au Canada pendant 730 jours pour chaque période quinquennale.

[102]       L’appel doit être examiné de nouveau par une formation différemment constituée, et, dans le cadre de ce nouvel examen, la SAI devra apprécier chacun des facteurs pertinents et les prendre en compte cumulativement pour déterminer si des motifs d’ordre humanitaire suffisants justifient la mesure exceptionnelle de l’inopposabilité au manquement à l’obligation de résidence.

Question proposée en vue de la certification

[103]       Les défendeurs ont proposé la question suivante en vue de la certification :

La nature d’une communauté est-elle un élément pertinent à prendre en compte dans l’appréciation du degré d’établissement au Canada?

[104]       La Cour d’appel fédérale a exposé le critère applicable à la certification d’une question au paragraphe 4 de l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Liyanagamage, [1994] ACF no 1637, 176 NR 4. La question doit transcender les intérêts des parties au litige et porter sur des questions ayant des conséquences importantes et qui sont de portée générale; elle doit également être déterminante quant à l’issue de l’appel. En d’autres termes, et tel qu’il a été souligné dans des affaires subséquentes, pour obtenir la certification, il doit s’agir d’une question grave de portée générale qui permettrait de régler de l’appel.

[105]       Il ne convient pas de certifier la question proposée par les défendeurs. La question en litige en l’espèce est celle de savoir si la SAI a à bon droit conclu qu’il existait des motifs d’ordre humanitaire suffisants pour rendre inopposable le manquement des défendeurs à leur obligation de résidence, comme le prévoit l’alinéa 67 (1)c). Comme la SAI l’a souligné, cela entraîne la prise en compte de plusieurs facteurs. Pris isolément, aucun facteur n’est déterminant. De plus, la SAI n’a pas fait état de l’importance particulière qu’elle a accordée à chacun des facteurs, et la mise en balance des facteurs favorables et défavorables n’était pas un simple calcul mathématique. Peu importe que la nature de la communauté constitue ou non une considération pertinente, la conclusion générale quant à savoir s’il existe des motifs d’ordre humanitaire suffisants ne serait pas nécessairement différente.

[106]       De plus, la question proposée ne vise que les faits de la demande; les défendeurs se sont établis dans le petit village de Vogler’s Cove et ont été aussi actifs que cela était possible compte tenu de la nature de la communauté, mais cette question ne transcende pas les intérêts des défendeurs. Ce n’est pas une question qui a des conséquences importantes et qui est de portée générale.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie et que la décision de la SAI est annulée. L’appel de la décision du délégué du ministre sera examiné de nouveau par une formation différemment constituée de la SAI. Aucuns dépens ne sont adjugés.

Aucune question n’est certifiée.

« Catherine M. Kane »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


ANNEXE A

Voici les dispositions législatives pertinentes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés :

28. (1) L’obligation de résidence est applicable à chaque période quinquennale.

28. (1) A permanent resident must comply with a residency obligation with respect to every five-year period.

 

(2) Les dispositions suivantes régissent l’obligation de résidence :

(2) The following provisions govern the residency obligation under subsection (1):

 

a) le résident permanent se conforme à l’obligation dès lors que, pour au moins 730 jours pendant une période quinquennale, selon le cas :

 

(a) a permanent resident complies with the residency obligation with respect to a five-year period if, on each of a total of at least 730 days in that five-year period, they are

 

(i) il est effectivement présent au Canada,

 

(i) physically present in Canada,

 

(ii) il accompagne, hors du Canada, un citoyen canadien qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d’un enfant, l’un de ses parents,

 

(ii) outside Canada accompanying a Canadian citizen who is their spouse or common-law partner or, in the case of a child, their parent,

 

(iii) il travaille, hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale,

 

(iii) outside Canada employed on a full-time basis by a Canadian business or in the federal public administration or the public service of a province,

 

(iv) il accompagne, hors du Canada, un résident permanent qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d’un enfant, l’un de ses parents, et qui travaille à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale,

 

(iv) outside Canada accompanying a permanent resident who is their spouse or common-law partner or, in the case of a child, their parent and who is employed on a full-time basis by a Canadian business or in the federal public administration or the public service of a province, or

 

(v) il se conforme au mode d’exécution prévu par règlement;

 

(v) referred to in regulations providing for other means of compliance;

b) il suffit au résident permanent de prouver, lors du contrôle, qu’il se conformera à l’obligation pour la période quinquennale suivant l’acquisition de son statut, s’il est résident permanent depuis moins de cinq ans, et, dans le cas contraire, qu’il s’y est conformé pour la période quinquennale précédant le contrôle;

 

(b) it is sufficient for a permanent resident to demonstrate at examination

(i) if they have been a permanent resident for less than five years, that they will be able to meet the residency obligation in respect of the five-year period immediately after they became a permanent resident;

(ii) if they have been a permanent resident for five years or more, that they have met the residency obligation in respect of the five-year period immediately before the examination; and

 

c) le constat par l’agent que des circonstances d’ordre humanitaire relatives au résident permanent — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — justifient le maintien du statut rend inopposable l’inobservation de l’obligation précédant le contrôle.

(c) a determination by an officer that humanitarian and compassionate considerations relating to a permanent resident, taking into account the best interests of a child directly affected by the determination, justify the retention of permanent resident status overcomes any breach of the residency obligation prior to the determination.

 

[…]

[…]

 

67. (1) Il est fait droit à l’appel sur preuve qu’au moment où il en est disposé :

 

67. (1) To allow an appeal, the Immigration Appeal Division must be satisfied that, at the time that the appeal is disposed of,

 

a) la décision attaquée est erronée en droit, en fait ou en droit et en fait;

 

(a) the decision appealed is wrong in law or fact or mixed law and fact;

 

b) il y a eu manquement à un principe de justice naturelle;

 

(b) a principle of natural justice has not been observed; or

 

c) sauf dans le cas de l’appel du ministre, il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

 

(c) other than in the case of an appeal by the Minister, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

 

(2) La décision attaquée est cassée; y est substituée celle, accompagnée, le cas échéant, d’une mesure de renvoi, qui aurait dû être rendue, ou l’affaire est renvoyée devant l’instance compétente.

(2) If the Immigration Appeal Division allows the appeal, it shall set aside the original decision and substitute a determination that, in its opinion, should have been made, including the making of a removal order, or refer the matter to the appropriate decision-maker for reconsideration.

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

imm-4693-14

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION c DAVID MORROW WRIGHT et KATHRYN ANNE WRIGHT

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Halifax (noUVELLE‑ÉCOSSE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 DÉCEMBRE 2014

 

JUgeMENT et MOTIFS :

LA JUGE KANE

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 5 JANVIER 2015

 

COMPARUTIONS :

Ian Demers

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Lee Cohen, cr

Scott McGirr

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Lee Cohen Law Inc

Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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