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Date : 20150203


Dossier : IMM‑6546‑13

Référence : 2015 CF 132

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 3 février 2015

En présence de monsieur le juge Phelan

ENTRE :

MARIA BRIGITTE DIAZ CASTRO

JULIETTE JOHANA ESPITIA DIAZ

BRIGGETTE LORENA BALLESTEROS DIAZ

MARIANA ESPITIA DIAZ

JUAN ALEJANDRO MONTOYA ESPITIA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés [la SPR] a rejeté la demande d’asile des demandeurs en raison de doutes quant à leur crédibilité et de la disponibilité de la protection de l’État. Les demandeurs sont Maria Brigitte Diaz Castro (la demanderesse principale), sa fille, sa nièce et les enfants de sa nièce.

II.                Le contexte

[2]               La demande d’asile de la demanderesse principale était fondée sur sa crainte des Forces armées révolutionnaires de la Colombie [les FARC]. Elle a prétendu que, lorsqu’elle est retournée à la ferme familiale pour s’en occuper en 2010 (la ferme avait été abandonnée en 2005), elle avait été menacée par les FARC, qui lui avaient demandé de leur donner la somme de 30 millions en devises colombiennes. Elle ne leur a pas donné d’argent, de sorte que les FARC l’avaient à nouveau menacé ainsi que son neveu, qui vivait et travaillait à la ferme.

[3]               La demanderesse principale a fui en direction de Baranquilla. Le neveu s’est sauvé à Bogota, mais il retournait à la ferme une ou deux fois par semaine. Le neveu a quitté la ferme après une autre menace proférée par les FARC.

[4]               La demanderesse principale s’est adressée au procureur de Baranquilla, qui lui a dit de s’adresser à l’Unité d’intervention immédiate [UII]. L’UII lui a dit de s’adresser au GAULA. L’agent du GAULA l’avait avisée de présenter sa plainte aux autorités locales, qui avaient compétence quant à l’affaire. Les demandeurs n’ont pas pris d’autres mesures, hormis leur fuite aux États‑Unis et leur venue au Canada.

[5]               Les demandeurs ont présenté leur demande d’asile au Canada. La SPR l’a rejetée, et ils ont interjeté appel auprès de la Section d’appel des réfugiés [SAR], en plus de présenter la demande de contrôle judiciaire en l’espèce.

La SAR a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour trancher l’appel, en raison de l’Entente entre le Canada et les États‑Unis sur les pays sûrs. La demande de contrôle judiciaire à l’égard de la décision de la SAR a été rejetée.

[6]               En l’espèce, la SPR a conclu :

a)                  Que la crainte des FARC n’était pas crédible, en raison des incompatibilités dans les documents des demandeurs au point d’entrée.

b)                  Que les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption relative à la protection de l’État, parce que la demanderesse principale avait attendu huit mois avant de s’adresser aux autorités, que son neveu ne s’était pas réclamé de la protection de l’État, que la demanderesse principale ne s’était pas vu refuser la protection de l’État, mais qu’on lui avait plutôt dit de présenter sa plainte aux autorités compétentes, et que ni la fille ni la nièce ne s’étaient réclamées de la protection de l’État, malgré le fait qu’elles alléguaient avoir fait l’objet de menaces et d’agressions physiques.

[7]               En ce qui concerne la demanderesse principale, cette dernière s’est fondée en partie sur la décision de la SPR de faire droit à la demande d’asile de sa sœur, qui était à la ferme familiale en 2005. Lors de ses plaidoiries à la Cour, l’avocat a soulevé la possibilité qu’une autre sœur se soit vu octroyer l’asile. Cependant, il n’a rien fait valoir d’autre devant la Cour à l’appui de cet argument. Dans les circonstances, il était inapproprié de soulever la question et la Cour ne peut donc davantage se pencher sur celle-ci.

III.             Analyse

[8]               Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable à l’égard des deux questions est la raisonnabilité. Fait important en l’espèce, la question déterminante est celle de la protection de l’État.

A.                La crédibilité

[9]               La conclusion de la SPR quant à cette question est déraisonnable. La SPR a critiqué la demanderesse principale, parce qu’elle n’avait pas été claire dans sa déclaration (IMM 5669) quant à la question de savoir si elle travaillait à la ferme ou dans un restaurant en 2012.

[10]           Cependant, dans la section 12 du même document, la demanderesse principale donne davantage de détails qui traitaient de la question de son emploi du temps et de l’endroit où elle se trouvait lors de la période pertinente. La SPR n’a pas fait mention de cet élément de preuve. Celui‑ci était hautement pertinent, car il constituait une réfutation entière à l’égard de la conclusion de la SPR, en plus de relater une situation contemporaine à cette conclusion. Par conséquent, la conclusion quant à la crédibilité ne peut être confirmée.

[11]           Cependant, l’erreur en ce qui a trait à cette conclusion sur la crédibilité n’a aucune incidence sur l’analyse relative à la protection de l’État. Il ne s’agit pas d’une situation où la conclusion quant à la crédibilité a pour effet de vicier ou d’influencer la question quant à la protection de l’État.

B.                 La protection de l’État

[12]           Je ne décèle rien de déraisonnable dans l’analyse relative à la protection de l’État qu’a effectuée la SPR. La SPR a tenu compte du fait que la présomption relative à la protection de l’État efficace est plus difficile à réfuter dans un pays où, comme la Colombie, le régime est démocratique. Le retard de la demanderesse à se réclamer de la protection de l’État était incompatible avec une crainte réelle de subir un préjudice, et son hésitation subjective à mobiliser les organismes étatiques était insuffisante pour contrer l’application de la présomption. Elle ne s’était pas vu refuser la protection de l’État; elle a choisi de ne pas mobiliser les autorités compétentes en matière de protection de l’État – du moins, il était raisonnable pour la SPR de tirer cette conclusion.

[13]           La situation de sa première sœur ainsi que le témoignage que cette dernière a livré lors de l’audience de la SPR étaient généraux et peu utiles. Sa situation était différente; la période pertinente était six années plus tôt. De plus, la demanderesse principale n’avait pas soulevé cette question dans son récit circonstancié et, lorsque le commissaire a soulevé la question d’autres personnes ayant été menacées, elle a choisi de ne pas relater la situation de sa sœur.

[14]           Compte tenu de ces conditions, on ne peut critiquer la SPR de ne pas avoir analysé la situation de la première sœur, ou de ne pas s’être fondée sur celle‑ci.

[15]           Comme il a été mentionné précédemment, l’avocat des demandeurs a tenté, de manière incorrecte, de soulever la question du statut de réfugié d’une deuxième sœur. L’excuse qu’il a donnée pour avoir soulevé la question de cette manière est qu’on lui avait donné l’instruction de le faire.

[16]           Peu importe les instructions qu’il a reçues, l’avocat est responsable de la conduite de l’affaire, et il aurait dû refuser de faire droit à ces instructions. Procéder sciemment d’une manière qui est reconnue comme étant inappropriée, et cela est incompatible avec ses obligations à titre d’officier de la Cour.

Si la preuve quant à la situation de la deuxième sœur était si importante, il existe des procédures qu’il aurait dû respecter pour soumettre la question en bonne et due forme à la Cour.

IV.             Conclusion

[17]           La demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n’y a pas de question à certifier.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑6546‑13

 

INTITULÉ :

MARIA BRIGITTE DIAZ CASTRO, JULIETTE JOHANA ESPITIA DIAZ, BRIGGETTE LORENA BALLESTEROS DIAZ, MARIANA ESPITIA DIAZ, JUAN ALEJANDRO MONTOYA ESPITIA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 JANVIER 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 3 FÉVRIER 2015

 

COMPARUTIONS :

Dov Maierovitz

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Nur Muhammed Ally

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Doc Maierovitz

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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