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Date : 20150204


Dossier : IMM‑3637‑14

Référence : 2015 CF 138

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Montréal (Québec), le 4 février 2015

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

THIRUSUTHAR THURAISINGAM

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Contexte

[1]               Le demandeur est un citoyen du Sri Lanka d’origine tamoule âgé de 35 ans, originaire de la péninsule de Jaffna, au nord du Sri Lanka. Il affirme craindre avec raison d’être persécuté par le Parti démocratique populaire de l’Eelam (le PDPE) et l’Armée sri-lankaise (l’ASL) en raison de son appartenance au groupe des jeunes hommes Tamouls et en raison de sa race et de sa nationalité.

[2]               À son arrivée au Canada, au point d’entrée de St‑Bernard‑de‑Lacolle, le demandeur a été interrogé par un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’agent de l’ASFC).

[3]               Une audience a eu lieu devant la SPR le 18 mai 2014. Dans sa décision rejetant la demande d’asile du demandeur, la SPR a conclu que, dans l’ensemble, le demandeur n’était pas crédible.

[4]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001 c 27 (la LIPR) d’une décision datée du 8 avril 2014, par laquelle la Section de protection des réfugiés (la SPR) a établi que le demandeur n’a pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la LIPR.

II.                Décision contestée

[5]               En premier lieu, la SPR a jugé que le demandeur n’était pas crédible en ce qui concerne les aspects suivants, qui sont considérés comme essentiels à la demande d’asile du demandeur :

i)                    Les prétendues arrestations et détentions du demandeur au Sri Lanka : Le demandeur a déclaré, pendant son entrevue avec l’ASFC et en réponse aux questions 37 et 42 de son formulaire Demande d’asile au Canada (le formulaire DAC), qu’il avait été détenu pendant sept jour par le PDPE; dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP), en réponse à la question 31, et à l’audience, le demandeur a déclaré qu’il avait été détenu pendant quatre jours. En réponse à la question 9‑B, le demandeur a omis de mentionner sa détention de sept jours par le PDPE.

Le demandeur a expliqué que les omissions peuvent être attribuées à des erreurs commises par les interprètes qui l’ont aidé à présenter sa demande d’asile. La SPR a rejeté les explications du demandeur et estimé que la prétendue détention de trois mois par l’ASL était un mensonge.

ii)                  La crainte alléguée de l’ASL du demandeur : Dans son FRP, en réponse aux questions 9‑B et 31, le demandeur a déclaré qu’il avait été arrêté par l’ASL en juin 2010 et détenu pendant trois mois. La SPR a souligné que, en réponse à la question 42 du formulaire DAC, le demandeur n’avait pas mentionné sa crainte de l’ASL.

iii)                L’appartenance du frère du demandeur aux Tigres de libération de l’Eelam tamoul (les TLET) : À la question 31 de son FRP, le demandeur prétend que son frère Prabaharan faisait partie des TLET, tandis que, à l’entrevue avec l’agent de l’ASFC, le demandeur a indiqué qu’aucun membre de sa famille n’était lié aux TLET.

À l’audience, le demandeur a expliqué que sa sœur et son beau‑frère lui avaient conseillé de ne mentionner les liens d’aucun membre de sa famille avec les TLET, étant donné que cela pourrait diminuer ses chances d’obtenir le statut de réfugié au Canada. La SPR a rejeté les explications du demandeur quant aux omissions.

iv)                Le voyage et la durée du séjour du demandeur aux Bahamas : À la question 23 de son FRP, le demandeur indique qu’il a passé deux jours aux Bahamas, tandis que, en réponse à une question posée pendant l’entrevue avec l’ASFC, il a déclaré qu’il y avait passé un mois. À l’audience, le demandeur a affirmé qu’il était nerveux, ce qui l’a amené à fournir des éléments de preuve contradictoires, et qu’il avait passé un mois aux Bahamas. La SPR a rejeté les explications du demandeur.

[6]               En second lieu, la SPR a rejeté la demande d’asile sur place du demandeur. Elle a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur ne risquait pas d’être persécuté au Sri Lanka pour avoir demandé l’asile au Canada. De plus, elle a conclu que le demandeur ne serait pas exposé à une menace à sa vie ni au risque de traitements ou peines cruels et inusités à son retour au Sri Lanka.

III.             Question en litige

[7]               La Cour estime que la question déterminante en l’espèce consiste à savoir si les conclusions de la SPR quant à la crédibilité sont raisonnables.

IV.             Analyse

[8]               Une jurisprudence constante a établi que les conclusions quant à la crédibilité de la SPR et l’appréciation par celle-ci des éléments de preuve commandent l’application de la norme déférente de la raisonnabilité (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12; Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 RCS 190).

[9]               Par conséquent, il n’est pas loisible à la Cour de réexaminer les éléments de preuve ou de substituer ses propres motifs à ceux de la SPR. La Cour doit plutôt apprécier la raisonnabilité de la décision visée par le contrôle, à la lumière des éléments de preuve dont disposait la SPR (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 15).

[10]           Le demandeur soutient que la SPR a concentré son attention sur des contradictions mineures et cherché avec un zèle excessif les différences dans son exposé circonstancié. Dans son mémoire des faits et du droit, le demandeur a formulé des explications quant aux divergences relevées dans son témoignage, lesquelles sont en grande partie attribuables à des erreurs commises par les différents interprètes qui l’ont aidé à remplir ses formulaires de demande d’asile, à sa nervosité et à sa crainte de dévoiler l’appartenance de son frère aux TLET.

[11]           De plus, le demandeur soutient que la SPR a omis d’apprécier l’ensemble des éléments de preuve documentaire et d’examiner la preuve en conséquence (Myle c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 871; Bacchus c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 616).

[12]           En premier lieu, la Cour estime que la SPR a pris en compte et comparé minutieusement l’ensemble des éléments de preuve. Comme l’a souligné la SPR, les contradictions dans les éléments de preuve écrits et le témoignage de vive voix du demandeur sont importantes et nombreuses et ne sont pas justifiées par des explications valables.

[13]           En second lieu, concernant la demande d’asile sur place du demandeur et du risque auquel celui-ci prétend être exposé à son retour au Sri Lanka, la SPR a pris en compte les éléments de preuve se rapportant à la crainte subjective et objective du demandeur en examinant les éléments de preuve fournis par le demandeur et la documentation se rapportant à la situation dans le pays.

[14]           Plus précisément, la SPR s’est fondée sur les éléments de preuve contenus dans le Cartable national de documentation sur le Sri Lanka (3 mai 2013), comme Country of Origin Information (COI) Report of the United Kingdom Home Office on Sri Lanka et Home Office of the United Kingdom Operational Guidance Note on Sri Lanka, et a conclu que le gouvernement du Sri Lanka ne s’intéressait pas aux anciens membres ou sympathisants des TLET, mais bien aux personnes représentant une menace à la stabilité du pays après des années de guerre. La SPR a aussi pris en compte le fait que le demandeur avait légalement quitté le Sri Lanka muni de son propre passeport, et qu’il n’avait pas de casier judiciaire, n’était pas visé par un mandat d’arrestation et n’avait pas de dossier relatif à sa détention au Sri Lanka, pour conclure que le demandeur n’avait aucun des éléments supplémentaires le liant aux TLET et l’exposant à un traitement justifiant que le statut de réfugié lui soit accordé.

[15]           En se fondant sur les éléments de preuve, la SPR a donc conclu que le demandeur ne correspondait pas au profil d’une personne susceptible d’être perçue comme une menace par le gouvernement du Sri Lanka et qu’il ne serait pas exposé à un risque à son retour au Sri Lanka à titre de demandeur d’asile débouté. La SPR a aussi fourni des motifs exhaustifs à l’appui de ses conclusions.

[16]           Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que les conclusions de la SPR sont fondées sur les éléments de preuve et sont justifiables au regard des faits et du droit. La décision de la SPR a un fondement raisonnable (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, au paragraphe 55).

V.                Conclusion

[17]           En somme, les conclusions de la SPR sont raisonnables et s’accordent avec les éléments de preuve dont celle‑ci disposait. Par conséquent, la demande doit être rejetée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.             La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.             Il n’y a pas de question grave de portée générale à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge

Traduction certifiée conforme

Line Niquet


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑3637‑14

 

INTITULÉ :

THIRUSUTHAR THURAISINGAM c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (QuÉbec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 3 FÉVRIER 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 4 FÉVRIER 2015

 

COMPARUTIONS :

Nilufar Sadeghi

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Pavol Janura

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Allen & Associates

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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