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Date : 20150209


Dossiers : T-1068-13

T-1087-13

T-1086-13

Référence : 2015 CF 163

Ottawa (Ontario), le 9 février 2015

En présence de monsieur le juge Martineau

ENTRE :

SYLVIO THIBEAULT

demandeur

et

LE MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L’INFRASTRUCTURE ET DES COLLECTIVITÉS

et

LA MARINA DE LA CHAUDIÈRE INC.

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le demandeur conteste la légalité de trois approbations datées du 12 ou du 14 juin 2013 par lesquelles le ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités [ministre ou défendeur] approuve les ouvrages connus comme étant le quai « B » (T-1068-13), quai « D » (T-1087-13) et l’aire de mouillage – zone 4 (T-1086-13) de la Marina de la Chaudière Inc. [Marina ou défenderesse], et ce, aux emplacements indiqués et conformément aux plans qui sont joints aux approbations ministérielles.

[2]               Les trois approbations ministérielles ont été données en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables, LRC 1985, c N-22 [Loi ou LPEN], renommée la Loi sur la protection de la navigation, le 1er avril 2014. Ces approbations sont valables pour une période de trente (30) ans en application de l’annexe précisée au paragraphe 3(1) du Règlement sur les ouvrages construits dans les eaux navigables, CRC, c 1232. Toutes les références à la Loi et à tout règlement applicable dans les présents motifs renvoient aux dispositions en vigueur lors de l’émission des approbations contestées.

[3]               Les présents dossiers, de même que le dossier T-884-13, où le demandeur recherche l’annulation de l’ordre ministériel ordonnant au demandeur de retirer son installation flottante située à l’entrée de la rivière Chaudière, ont été entendus consécutivement par la Cour les 27 et 28 janvier 2015. Le jugement de la Cour dans le dossier T-884-13 est rendu concurremment : Thibeault c Canada (Procureur Général), 2015 CF 162.

[4]               C’est le dernier volet d’une longue saga judiciaire devant les cours québécoises et fédérales, qui oppose, depuis la fin des années 1980, le demandeur et d’autres propriétaires riverains de la rivière Chaudière à la Marina. En plus des faits relatés par les parties dans leurs affidavits respectifs, le défendeur a produit le jour de l’audience, avec la permission de la Cour, un historique des litiges concernant le bassin de la rivière Chaudière, dont les aspects saillants sont ci-après résumés.

[5]               En 1988, la Cour supérieure a été invitée à examiner la propriété du lit de la rivière Chaudière. Dans Marchand c Marina de la Chaudière inc, [1988] JQ no 1730, EYB 1988-83449 (QC CS), elle rejetait l’action en déclaration de droit de propriété et en injonction de plusieurs propriétaires riverains au motif que le lit de la rivière Chaudière n’était jamais sorti du domaine public. En appel, la Cour d’appel du Québec a maintenu ce jugement, sans toutefois confirmer le droit de propriété de la Couronne : Marchand c Marina de la Chaudière inc, [1998] JQ no 2185 (QC CA) (sub nom Amyot c Marina de la chaudière inc, 1998 CanLII 13000), autorisation de pourvoi à la CSC refusée, [1998] CSCR 464. De fait, même si le lit de la rivière Chaudière était entré dans le domaine privé en 1636, les propriétaires riverains n’avaient pas démontré une continuité de la chaîne des titres se rapportant au lit de la rivière Chaudière.

[6]               Les litiges des propriétaires riverains avec la Marina – qui invoque une possession trentenaire – ont donné lieu à plusieurs escarmouches, sans qu’une partie ne ressorte vraiment vainqueur jusqu’ici. À ce chapitre, messieurs Tremblay et Thibeault semblent être les deux porte-étendards principaux dans cette guerre de tranchées livrée à l’embouchure de la rivière Chaudière, là où elle se déverse dans le fleuve Saint-Laurent, non loin de l’ancien pont de Québec, dans une zone sous la juridiction de l’Administration portuaire de Québec.

[7]               Ainsi, en 2004, par exemple, dans l’affaire Tremblay c Marina de la Chaudière Inc, 2004 CanLII 18226 (QC CS), conf par 2005 QCCA 1149, la Cour supérieure a statué que le demandeur Tremblay, un autre résident de la rive de la rivière Chaudière, avait des droits riverains, incluant celui de maintenir son quai et a ordonné à la Marina de s’assurer que ses quais flottants soient installés à 70 pieds du quai du demandeur Tremblay. Au passage, en 2011, la Division des petites créances de la Cour du Québec a refusé la demande du demandeur Tremblay qui alléguait, cette fois-là, que les quais de la Marina avaient endommagé ses installations lors d’un coup d’eau  : Tremblay c Marina de la Chaudière, 2011 QCCQ 18187. Le motif de rejet est toutefois limité à une question de preuve et de lien de causalité : le demandeur Tremblay n’a tout simplement pas établi, par preuve prépondérante, que les installations de la Marina étaient la cause des dommages subis.

[8]               D’un autre côté, en 2007, la Cour supérieure a refusé d’émettre une injonction interlocutoire pour obliger la Marina à enlever toute entrave à la navigation et à dégager une voie d’une largeur minimale de 100 pieds afin que le demandeur puisse accéder à son quai avec son navire le « Grand Charlevoix » : Thibeault c Marina de la Chaudière inc, 2007 QCCS 4178. La demande a été refusée parce que les trois critères d’une injonction interlocutoire n’étaient pas remplis. D’un côté, la Cour n’écarte pas les droits riverains du demandeur Thibeault. Par contre, il lui parait douteux que le droit de navigation du demandeur puisse couvrir un navire d’une longueur de 67 pieds et largeur de 21 pieds, alors qu’il ne semble pas que le demandeur subira un préjudice irréparable et que la balance des inconvénients penche en faveur de la Marina. Dans le même dossier, en 2011, la Cour supérieure accueillait la requête du demandeur pour amender la requête en injonction suite à la vente du « Grand Charlevoix » et rejetait une requête en irrecevabilité de la Marina : Thibault c Marina de la Chaudière, 2011 QCCS 3435, conf par 2011 QCCA 1524.

[9]               Toutefois, en 2011, la Cour supérieure a rejeté la requête en injonction permanente du demandeur Thibeault, mais encore une fois pour des motifs nuancés. En effet, le recours était rendu académique du fait que le demandeur ne possédait plus le « Grand Charlevoix », tout en soulignant, d’un autre côté, ce qui peut nous intéresser aujourd’hui, que la Marina ne possédait elle-même plus aucune approbation pour les installations visés par la demande d’injonction : Thibeault c Marina de la Chaudière inc, 2012 QCCS 2938, requête en rejet d’appel accueillie 2012 QCCA 1226. La Cour supérieure indique que, dans ces circonstances, il reviendra au ministre d’évaluer la situation dans le contexte de la nouvelle demande d’approbation présentée par la Marina.

[10]           Également, plusieurs dossiers connexes sont encore en instance d’être entendus. Devant la Cour fédérale, en plus des présents dossiers et du dossier T-884-13, le dossier T-895-12 oppose le demandeur Tremblay à titre personnel et la compagnie appartenant au demandeur Thibeault à la Marina et toutes les personnes ayant un droit sur les bateaux « Ponton C » et « Ponton D ». Deux dossiers sont également pendants devant la Cour supérieure. Dans le dossier numéro 200-17-018142-133, le demandeur et deux autres riverains poursuivent en dommages la Marina qui s’est portée demanderesse reconventionnelle, tandis que dans le dossier numéro 200-17-018621-136, la Marina poursuit en dommages et en injonction les demandeurs Thibeault et Tremblay qui se sont portés demandeurs reconventionnels. Le Procureur général du Canada est intervenu dans ce dernier dossier, et sa représentante nous a confirmé à l’audition qu’elle escomptait que, cette fois, la Cour supérieure confirme le titre de propriété de la Couronne sur le lit de la rivière Chaudière. Rappelons qu’à l’époque, dans l’affaire Marchand, précitée, le Procureur général du Québec s’en était tout simplement remis à la justice, n’avait administré aucune preuve et s’était limité à appuyer la thèse de la Marina et des autres défendeurs qui contestaient le titre de propriété des riverains sur le lit de la rivière Chaudière.

[11]           Quant aux faits particuliers ayant donné lieu aux présentes demandes de contrôle judiciaire, ils ne sont pas vraiment contestés. Le 20 avril 2013, un avis a été publié dans la Gazette du Canada informant le public que la Marina avait fait une demande auprès du ministre pour obtenir l’approbation des plans et de l’emplacement de trois quais flottants dans la rivière Chaudière et de zones de mouillage dans le fleuve Saint-Laurent et dans la rivière Chaudière. Dans les 30 jours suivant la publication de l’avis, tout intéressé pouvait adresser ses commentaires par écrit sur l’incidence de ces ouvrages sur la navigation maritime au gestionnaire du Programme de protection des eaux navigables [PPEN].

[12]           De fait, le 13 mai 2013, le demandeur a transmis à Richard Jones, gestionnaire du PPEN, une mise en demeure qui a été traitée comme une opposition à la demande d’approbation ministérielle de la Marina. Essentiellement, le demandeur informe le gestionnaire qu’il est le propriétaire ou le locataire exclusif du lit de la rivière Chaudière où les quais B et D et les bouées d’amarrage de la zone 4 seront installés, alors que le ministre n’a pas le pouvoir d’émettre des approbations visant les quais flottants de la Marina, puisqu’il s’agit de bateaux plutôt que d’ouvrages au sens de la Loi. Dans la même logique, le demandeur informe le gestionnaire qu’il a placé « un navire à l’ancre aux environs de l’endroit prévu par la Marina pour l’emplacement du ponton "B", soit sur la parcelle C dont il a la propriété exclusive, et ce, pour effectuer des travaux sur son terrain ».

[13]           Les 12 et 14 juin 2013, compte tenu des effets sur la navigation, le ministre a accordé à la Marina les trois approbations qui font l’objet des présentes demandes de contrôle judiciaire qui ont été réunies aux fins d’audition. Les approbations ministérielles permettent à la Marina – sous réserve des conditions spécifiées et conformément aux plans approuvés – d’installer le quai B (T-1068-13), le quai D (T-1087-13) et l’aire de mouillage – zone 4 (T-1086-13) dans la rivière Chaudière. En effet, ces approbations sont considérées « recommandables » par le ministre conformément aux plans correspondants pour une période de trente (30) ans.

[14]           Le demandeur requiert dans les présents dossiers l’annulation des approbations ministérielles en soulevant les moyens suivants. Premièrement, le ministre a excédé sa compétence en concluant que les quais B et D de la Marina sont des « ouvrages » au sens de la LPEN. Deuxièmement, le ministre a commis une erreur révisable en ne considérant pas la propriété du lit de la rivière Chaudière avant d’émettre les approbations. Troisièmement, le ministre a erré dans son évaluation des droits riverains. Quatrièmement, le demandeur allègue que les actions des fonctionnaires font naître une crainte raisonnable de partialité, ce qui vicie l’ensemble du processus administratif.

[15]           La norme de la décision raisonnable s’applique aux trois premiers moyens puisqu’il s’agit de questions mixtes de fait et de droit, tandis que la norme de la décision correcte s’applique au dernier motif d’annulation soulevé par le demandeur puisqu’il s’agit d’une question d’équité procédurale : Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au para 51 [Dunsmuir]; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 43.

Intérêt d’agir

[16]           Avant d’examiner les quatre moyens d’attaque du demandeur, la Cour doit disposer de l’argument préliminaire du défendeur voulant que le demandeur n’ait pas l’intérêt d’agir. Le défendeur soutient que ce dernier est un « tiers » et qu’il n’est pas « directement touché » par les approbations ministérielles, de sorte qu’il n’a pas l’intérêt requis selon le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7 [LCF] :

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande.

18.1 (1) An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought.

 

[17]           Règle générale, une personne sera « directement touchée », lorsque celle-ci pourra démontrer à la Cour que la décision contestée affecte ses droits, lui impose des obligations en droit ou lui porte préjudice : Ligue des droits de la personne de B'Nai Brith Canada c Odynsky, 2010 CAF 307 au para 58. Le défendeur qui craint une avalanche de demandes de contrôle judiciaire de la part d’autres riverains (Irving Shipbuilding Inc c Canada (Procureur général), 2009 CAF 116 au para 50), considère que les approbations ministérielles n’affectent pas les droits ou les obligations du demandeur et ne lui causent pas directement préjudice.

[18]           Le demandeur argumente au contraire avoir l’intérêt d’agir puisque ses droits individuels ont été affectés par les approbations ministérielles. On ne peut pas restreindre l’intérêt d’agir à la personne ayant demandé l’approbation ministérielle – en l’occurrence la Marina qui deviendrait la seule partie intéressée – ce qui est contraire au droit de tout justiciable intéressé de faire réviser une décision d’ordre administratif qui affectera pour une période de trente (30) ans le droit à la navigation. En tant qu’opposant au projet de la Marina et propriétaire riverain, le demandeur peut donc contester la légalité des approbations ministérielles.

[19]           À mon avis, la question de l’intérêt du demandeur est non seulement reliée à la question de savoir si ses droits sont affectés, mais également à la portée du remède recherché et à la compétence du ministre et des tribunaux. Dans la mesure où le demandeur recherche l’annulation des approbations ministérielles parce qu’il serait titulaire d’un droit exclusif de propriété ou de location sur les portions du lit de la rivière Chaudière où seraient ancrés les quais B et D, ainsi que certaines bouées, son intérêt juridique nous apparaît non seulement très contestable, mais pour les motifs exposés plus loin nous sommes d’avis que le ministre n’a commis aucune erreur révisable en ne considérant pas la propriété du lit de la rivière Chaudière.

[20]           Il en va cependant autrement des effets du projet de la Marina sur la navigation et les droits riverains affectés par les approbations ministérielles. C’est que les approbations données par le ministre en vertu de la LPEN sont exclusivement données à un ouvrage « compte tenu de ses effets des ouvrages sur la navigation maritime », ce qui confère un intérêt juridique certain aux riverains. D’ailleurs, à l’invitation même des autorités, de nombreux riverains ont fait parvenir leurs commentaires écrits au gestionnaire du PPEN. Il est par ailleurs apparent du Dossier certifié de l’office fédéral que le ministre a pris en considération les droits riverains, incluant le droit d’accès à l’eau, avant d’émettre les approbations, et que dans certaines circonstances, il a imposé des changements aux plans de la Marina pour respecter ces droits (voir « La Marina de la Chaudière – Rationnelle des décisions de prépublications LPEN TC », Dossier certifié de l’office fédéral, document 88 [Rationnelle des décisions]).

[21]           En l’espèce, en plus d’alléguer être le propriétaire de parcelles du lit de la rivière, le demandeur est également résident d’une propriété riveraine, le lot 2 288 416, 2 454 403 [Lot 416], tel qu’il appert notamment des « Plan 1 de 5 : Illustration des droits riverains dans le fleuve Saint-Laurent & l’estuaire de la rivière Chaudière vs les installations maritimes de la Marina de la Chaudière Inc. Suivant l’analyse par TC-PPEN daté du 8 avril 2013 » (Dossier certifié de l’office fédéral, document 14) et « Plan 5 de 5 : Illustration des droits riverains à proximité du quai D (marina) suivant l’analyse par TC-PPEN » (Dossier certifié de l’office fédéral, document 16). En tant que bénéficiaire de droits riverains, le demandeur est directement touché par l’objet de la demande d’approbation de la Marina au moins en ce qui concerne spécifiquement le quai D qui est situé en front de la propriété riveraine où il réside (dossier T-1087-13). L’approbation ministérielle quant à l’emplacement exact du quai D dans la rivière Chaudière a un effet direct sur les droits riverains du demandeur, qui voit maintenant son droit d’accès à l’eau délimité par les installations de la Marina.

[22]           Les paragraphes 35 à 40 du jugement de la Cour supérieure dans Thibeault c Marina de la Chaudière, 2012 QCCS 2938, sont particulièrement instructifs :

[35] Les avis de publication dans la Gazette du Canada ainsi que dans des journaux des environs de l’endroit où les ouvrages doivent être construits devaient être effectués dans les jours suivant l’audition du présent dossier et c’est à compter de la dernière publication que commençait la période de 30 jours requise pour permettre au PPEN de recueillir les commentaires du public, incluant évidemment les commentaires du demandeur Sylvio Thibeault, s’il souhaite en formuler.

[36] D’ailleurs, le plan de l’emplacement des ouvrages projetés par la Marina a été déposé au dossier de la Cour et le demandeur Sylvio Thibeault a pu en prendre connaissance.

[37] Est-ce que dans les circonstances, il appartient à la Cour supérieure de déterminer la largeur du chenal libre devant être maintenue dans la rivière Chaudière de même que la largeur du couloir de navigation, alors que le processus d’examen de cette question en vertu des dispositions de la Loi sur la protection des eaux navigables est actuellement en marche?

[38] Nous sommes d’avis qu’il appartient à Transports Canada et non à la Cour supérieure d’approuver les ouvrages dans les eaux navigables en fonction de la loi habilitante et des règlements. Par ailleurs, il ne nous appartient pas de spéculer sur les recours possibles, le cas échéant, dans l’éventualité où une partie intéressée ne serait pas satisfaite des décisions prises par les autorités compétentes en vertu des dispositions de la Loi sur la protection des eaux navigables.

[39] Bref, nous sommes d’avis que les droits du demandeur en tant que riverain de la rivière Chaudière à la navigation sur ce cours d’eau comportent des limites et que, dans les circonstances, il revient au ministre, en vertu des pouvoirs que lui confère la Loi sur la protection des eaux navigables, de réévaluer la situation en fonction de la demande qui a été soumise par la Marina et des observations que les intéressés peuvent présenter conformément aux dispositions de l’article 9 (5) de la Loi.

[40] C’est pourquoi, la requête du demandeur sera rejetée avec dépens. Les dépens n’incluront toutefois pas les frais et les honoraires des experts puisqu’ils n’étaient pas nécessaires pour disposer du litige.

[23]           Aussi, même si le demandeur dispose d’un recours potentiel en injonction et en dommages contre la Marina si son droit de propriété et les troubles de jouissance allégués sont confirmés par la Cour supérieure du Québec, il n’empêche, la Cour fédérale a compétence exclusive pour statuer sur la légalité des approbations ministérielles et examiner tous les arguments du demandeur fondés sur le droit public à la navigation, incluant le caractère contraignant et les effets de la directive interne TP 10387 E dans l’évaluation des droits riverains. Cependant, pour les motifs exposés ci-après, les présentes demandes de contrôle judiciaire doivent échouer, la Cour n’ayant trouvé aucun motif d’intervenir au mérite.

Raisonnabilité de la qualification ministérielle

[24]           Le premier moyen du demandeur a trait à la compétence du ministre de donner suite à la demande d’approbation de la Marina. Cette compétence est contestée par le demandeur qui prétend qu’on a affaire à des bateaux et non à des ouvrages. Pour les mêmes motifs que ceux exposés dans le dossier T-884-13 (2015 CF 162 aux paras 12 à 26), il était raisonnable pour le ministre de conclure que les quais B et D, ainsi que l’aire de mouillage – zone 4, sont des ouvrages au sens de la Loi.

[25]           Les définitions de « bateau » et d’ « ouvrage » se trouvent à l’article 2 de la Loi :

2. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

 

2. In this Act,

 

[...]

 

[...]

« bateau » Toute construction flottante conçue ou utilisée pour la navigation en mer ou dans les eaux internes, qu’elle soit pourvue ou non d’un moyen propre de propulsion. Est compris dans la présente définition tout ce qui fait partie des machines, de l’outillage de chargement, de l’équipement, de la cargaison, des approvisionnements ou du lest du bateau.

 

“vessel” includes every description of ship, boat or craft of any kind, without regard to method or lack of propulsion and to whether it is used as a sea-going vessel or on inland waters only, including everything forming part of its machinery, tackle, equipment, cargo, stores or ballast;

 

[...]

 

[...]

« ouvrage » Sont compris parmi les ouvrages :

 

“work” includes

 

a) les constructions, dispositifs ou autres objets d’origine humaine, qu’ils soient temporaires ou permanents, susceptibles de nuire à la navigation;

 

(a) any man-made structure, device or thing, whether temporary or permanent, that may interfere with navigation; and

b) les déversements de remblais dans les eaux navigables ou les excavations de matériaux tirés du lit d’eaux navigables, susceptibles de nuire à la navigation.

 

(b) any dumping of fill in any navigable water, or any excavation of materials from the bed of any navigable water, that may interfere with navigation

[26]           Le fait que les quais B et D de la Marina soient des « constructions flottantes » ne fait pas en sorte que celles-ci soient automatiquement des « bateaux ». De plus, il était raisonnable pour le ministre de conclure que les quais B et D n’étaient ni conçus, ni utilisés pour la navigation, puisque l’intention de la Marina est évidente : les quais ont toujours servi et vont encore servir à amarrer des bateaux. Le fait que certains des critères jurisprudentiels de la définition de navire au sens de la LCF soient remplis par les quais – par exemple, ils ont été construits pour être utilisés dans l’eau (Canada c Saint John Shipbuilding and Dry Dock Co, (1981) 126 DLR (3d) 353, [1981] FCJ No 608 (CAF) au para 29) – ne fait pas en sorte que les quais doivent être considérés comme étant conçus ou utilisés pour la navigation. Il était donc raisonnable pour le ministre de conclure que des quais ancrés de façon fixe qui servent à amarrer des bateaux sont des ouvrages au sens de la Loi.

Non-considération de la propriété du lit de la rivière Chaudière

[27]           Deuxièmement, le demandeur allègue que le ministre a commis une erreur révisable en ne considérant pas qu’il était le propriétaire du lit de la rivière Chaudière. Selon le demandeur, le lit de la rivière Chaudière fait partie du domaine privé, alors qu’il est propriétaire ou locateur exclusif de quatre parcelles du lit de la rivière. Le ministre avait l’obligation de prendre en considération la propriété du lit de la rivière Chaudière, puisqu’il devait faire une évaluation de plusieurs éléments pour déterminer s’il est justifié dans les circonstances de limiter le droit public à la navigation (Friends of the Oldman River c Canada, [1992] 1 RCS 3 à la p 39). De plus, les approbations émises par le ministre approuvent non seulement l’ouvrage, mais également « sa construction, son emplacement, son entretien, son exploitation et son utilisation ». Il s’en suit que le ministre devait vérifier si la Marina pouvait légalement construire l’ouvrage à l’emplacement prévu. Également, lorsqu’un requérant fait une demande d’approbation d’ouvrage, il doit indiquer dans le formulaire de demande s’il est propriétaire du terrain riverain ou s’il a obtenu l’autorisation du propriétaire riverain, ce qui démontre que le ministre vérifie si le requérant est propriétaire ou a la permission du propriétaire. Les consultations avec la Ville de Lévis, le Port de Québec et les consultations des groupes autochtones démontrent que le ministre se préoccupait de la propriété du lit de la rivière et qu’il aurait donc dû s’assurer que la Marina avait l’autorisation du demandeur d’installer les ouvrages.

[28]           Mais pour le défendeur, les droits de propriété du lit de la rivière Chaudière n’avaient pas à être considérés lors de l’examen de la demande d’approbation des ouvrages de la Marina. C’est que le droit public de navigation est indépendant de la propriété du lit des eaux. Au demeurant, les approbations données par le ministre n’ont aucun impact sur les droits de propriété allégués par le demandeur, puisqu’elles indiquent clairement que d’autres lois ou règlements peuvent être applicables et que la Marina doit obtenir « toute autre approbation, ou permis de construction, en vertu de toute loi applicable ». Également, le bénéficiaire d’une approbation du ministre n’acquiert aucun droit d’interférer avec les droits privés de tiers (Champion & White v Vancouver (City), [1917] SCJ No 84 au para 7; Nicholson v Moran, [1949] 4 DLR 571, [1949] BCJ No 102 (C-B CS) aux paras 19-21). De plus, le demandeur a reconnu dans la cause numéro 200-17-018621-136 opposant les parties devant la Cour supérieure du Québec que les approbations octroyées par le ministre n’ont aucune incidence sur le droit de propriété d’un immeuble. Le défendeur allègue qu’imposer au ministre l’obligation de considérer les droits de propriété équivaudrait à demander au ministre de se substituer à la Cour supérieure pour décider de la propriété du lit de la rivière Chaudière. Également, les consultations faites par le ministre avec des tiers ne concernaient pas la propriété du lit de la rivière, mais bien pour remplir les obligations de la Couronne fédérale notamment en matière de consultation des peuples autochtones et en matière environnementale.

[29]           À l’audience, l’avocate du demandeur a répliqué qu’il était apparent à la lecture du dossier que le ministre considérait que le lit de la rivière Chaudière était une terre domaniale. Elle en tire plus loin une conclusion de partialité. Ce n’est donc pas que le ministre n’a pas considéré la propriété du lit, mais plutôt que le ministre a excédé sa compétence en concluant que le lit de la rivière Chaudière relève des terres domaniales et en imposant des conditions qui empiétaient sur la propriété du demandeur. Dans des circonstances où la propriété de l’endroit prévu pour la construction des ouvrages de la Marina était litigieuse, le ministre aurait dû s’abstenir d’émettre toute approbation pour des installations dans la rivière Chaudière. De plus, selon le demandeur, le fait que les approbations indiquent que leur détenteur doit s’assurer que les ouvrages soient conformes aux autres lois et règlements applicables ne dispense pas le ministre de considérer les droits de propriété. En effet, cela équivaudrait à laisser une latitude totale au ministre, ce qui forcerait les justiciables à se battre indéfiniment devant les tribunaux de juridiction civile.

[30]           Les arguments du demandeur ne sont pas fondés en l’espèce.

[31]           Comme indiqué plus haut, les approbations accordées par le ministre n’ont aucun impact direct sur les droits de propriété du lit de la rivière Chaudière, puisque la Marina doit toujours respecter les autres lois et règlements applicables. Les approbations indiquent clairement que :

Le présent document approuve l’ouvrage compte tenu de ses effets sur la navigation maritime en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables. La construction, l’emplacement, l’entretien, l’exploitation, l’utilisation et l’enlèvement de l’ouvrage doivent être conformes à cette approbation, incluant les conditions énumérées ci-dessous et les plans ci-joints, ainsi qu’à tout règlement en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables.

Il incombe au demandeur d’obtenir toute autre approbation, ou permis de construction, en vertu de toute loi applicable. [soulignements ajoutés]

[32]           À l’audition, le procureur de la défenderesse a renchéri en affirmant que cette dernière avait, de fait, conclu un bail en bonne et due forme avec l’Administration portuaire de Québec, ce qui lui permet d’installer sur le lit de la rivière et d’ériger des quais flottants aux emplacements indiqués sur les plans approuvés par le ministre. Bien évidemment, le demandeur n’est pas d’accord et considère que c’est plutôt à lui que la défenderesse devait s’adresser. Cette question devra être résolue un jour ou l’autre, de façon finale, par la Cour supérieure.

[33]           De plus, contrairement à ce que l’avocate du demandeur a prétendu dans sa plaidoirie orale, il n’est pas apparent du dossier que le ministre ait été influencé par le fait que le lit de la rivière Chaudière serait une terre domaniale. De toute façon, le ministre n’a pas le pouvoir de déclarer qu’un tel ou tel est propriétaire. C’est une question touchant la propriété et les droits civils relevant de façon exclusive au pouvoir législatif des provinces, et sous réserve bien entendu, des dispositions particulières que l’on retrouve dans la Constitution du Canada relativement aux propriétés publiques provinciales et fédérales (e.g. articles 108 et 109, et troisième Annexe, paras 1, 2 et 3 notamment de la Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Victoria, c 3).

[34]           Pour conclure, en vertu de la LPEN, le rôle du ministre ou des fonctionnaires responsables est d’assurer le respect de la LPEN et de ses textes d’application (articles 33-34 de la LPEN), et non d’assurer le respect des droits de propriété que revendique en l’espèce le demandeur. Il était donc raisonnable pour le ministre de ne pas considérer les allégations de droits de propriété sur le lit de la rivière Chaudière faites par le demandeur dans sa lettre de mise en demeure.

Évaluation des droits riverains

[35]           Le troisième moyen d’annulation soulevé par le demandeur concerne l’évaluation des droits riverains (riparian rights) faite par le ministre.

[36]           Dans le jugement qui a été rendu par la Cour d’appel du Québec en 1998 dans l’affaire Marchand, précité, le juge Letarte, au-delà de la question de la propriété du lit de la rivière Chaudière, rappelle, aux pages 11 et  12 de son opinion, ce qui suit au sujet de la nature des droits riverains :

Les droits riverains («riparian rights») ne comprennent pas la propriété du lit; ils sont plutôt intimement liés aux droits de propriété du terrain riverain, peu importe le caractère navigable de la rivière. S'ils peuvent comprendre les droits suivants, droit d'accès, droit d'usage domestique général, droit d'ancrage et d'amarrage, droit d'approvisionnement et de détournement à des fins non commerciales, droit d'usage à des fins industrielles et commerciales et, dans certaines circonstances, droits de pêche, les droits riverains n'ont rien à voir avec la propriété du fonds.

[37]           Il ne fait aucun doute que lorsque le ministre approuve les plans d’un emplacement projeté dans une rivière navigable, il se trouve incidemment à restreindre ou modifier pour les trente (30) ans à venir les droits d’usage et d’accès à l’eau des riverains, alors qu’il a le devoir de s’assurer, par ailleurs, que les quais et les aires d’amarrage, ainsi que les bouées qui seront installés ne restreindront pas indûment la navigation. Les conditions prescrites dans les approbations ministérielles relèvent de l’exercice de la compétence fédérale en matière de navigation, qui a été déléguée au ministre. Mais, s’il faut reconnaître une très large discrétion au ministre, encore faut-il que les approbations données aient tous les attributs de la raisonnabilité.

[38]           Nous l’avons vu plus haut, les propriétaires riverains ont eu l’opportunité de faire des observations écrites, de sorte qu’aucune question d’équité procédurale ne se soulève en l’espèce. Cela étant dit, le demandeur prétend que le ministre a commis plusieurs erreurs dans son évaluation des droits riverains, ce qui rend les approbations ministérielles déraisonnables, ce qui est contesté en l’espèce par les défendeurs.

[39]           Selon le demandeur, les calculs ministériels ne prennent pas en considération la grandeur réelle des bateaux qui passent sur la rivière Chaudière. En effet, le ministre n’a pas considéré le trafic double des bateaux, il n’a pas considéré les vents et courants, et la projection des lignes des lots riverains n’a pas été faite en accord avec les principes reconnus par l’Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec. Enfin, le demandeur allègue que le ministre n’a aucunement suivi la directive TP 10387 E quant aux distances à respecter.

[40]           À ce chapitre, le demandeur allègue que le ministre a prévu une zone de dégagement de 14,5 mètres, ce qui correspond uniquement à une circulation de bateaux à sens unique sur la base de bateaux de largeur moyenne de 3 mètres. Le demandeur allègue qu’il avait déjà avisé le ministre que les installations de la Marina ne respectaient pas l’espace nécessaire pour une marge de manœuvre sécuritaire des navires, qui vont aujourd’hui d’une largeur de 6 à 8 mètres, et que le ministre aurait dû considérer le passage de grands bateaux plutôt que de petits ou moyens bateaux. De plus, le ministre indique avoir considéré la circulation à double sens, mais il s’agit de « fausses représentations » puisqu’il est apparent des calculs au dossier que seule une circulation à sens unique a été considérée, ce qui revient à une zone de dégagement de 14,5 mètres qui est beaucoup trop petite pour permettre la circulation à deux sens. De surcroît, le demandeur allègue que le ministre n’a pas respecté la distance de 45,7 mètres prévue pour les droits riverains dans la directive TP 10387 E. Également, la rivière Chaudière est une rivière à marées, mais le ministre a plutôt appliqué les critères applicables aux rivières sans marées, ce qui fait en sorte que les distances ne sont pas appropriées à la situation réelle.

[41]           Le défendeur maintient que le ministre a agi d’une manière raisonnable et que la Cour n’a pas à se substituer aux fonctionnaires qui ont procédé à une évaluation minutieuse de la demande d’approbation tel que le révèle la « Rationnelle des décisions ». La directive TP 10387 E contient simplement des lignes directrices qui n’ont pas force de loi et qui ne peuvent pas limiter le pouvoir discrétionnaire prévu par la Loi. La directive laisse au décideur la discrétion quant à l’importance à accorder à chacun des facteurs. De plus, même si une erreur s’est glissée dans la « Rationnelle des décisions » – puisque le graphique applicable aux cours d’eau sans marées a été copié plutôt que celui applicable aux cours d’eau avec marées – le ministre a bel et bien considéré les critères applicables aux cours d’eau avec marées, tel qu’il appert des références et calculs dans le reste du document. Enfin, les droits riverains ne sont pas absolus. Par exemple, ceux-ci ne confèrent pas au riverain le droit d’avoir à quai un bateau d’une dimension illimitée (Thibeault c Marina de la Chaudière inc, 2007 QCCS 4178 au para 33). En l’espèce, le ministre a évalué la situation et a imposé des conditions à la Marina pour s’assurer que l’impact sur la navigation soit limité.

[42]           Je suis d’accord avec le raisonnement général des défendeurs. Faut-il le rappeler, le pouvoir d’approbation du ministre est de nature discrétionnaire. Il est manifeste que le ministre a évalué les effets sur la navigation des ouvrages projetés par la Marina et qu’il a évalué les droits riverains, même si les distances appliquées ne sont pas les mêmes que celles indiquées par la directive TP 10387 E. Or, la directive n’a pas force obligatoire et ne lie pas le ministre. Il n’existe ici aucune preuve de mauvaise foi. Le raisonnement du ministre n’est pas arbitraire et s’appuie sur la preuve au dossier. Il n’y a pas lieu d’intervenir en l’espèce.

[43]           Plus précisément, le document de « Rationnelle des décisions » démontre que le ministre a pris en considération les droits riverains d’accès à l’eau et de sortie de l’eau, et que ces droits riverains ont été évalués dans le contexte approprié des zones à marées. Le ministre a pris en considération de nombreux facteurs, incluant qu’il n’y a pas partout dans le bassin de la rivière Chaudière 2 mètres d’eau de profondeur à marée basse, et qu’il s’agit d’une zone non cartographiée à risque. Pour chaque ouvrage de la Marina, le ministre a considéré les lots riverains affectés, et lorsque les plans de la Marina ne respectaient pas une zone de manœuvre suffisante et ne prévoyaient pas un espace suffisant pour les droits d’accès à l’eau, le ministre a demandé des modifications aux plans pour pouvoir libérer suffisamment d’espace pour l’exercice des droits riverains. D’ailleurs, en ce qui concerne le quai D, le ministre a conclu que le quai devrait être déplacé de 12 mètres vers le Nord-Est. De plus, le ministre avait en sa possession un Rapport d’étude et d’expertise (Dossier certifié de l’office fédéral, document 84), qui faisait état des variations de distances entre les quais causées par les marées et de l’utilisation du plan d’eau. Sur la base de ce rapport, il était raisonnable pour le ministre de baser les distances de la zone de manœuvre sur des embarcations d’une largeur moyenne de 3 mètres. Également, il est apparent du document 105 du Dossier certifié de l’office fédéral que le ministre a calculé une zone de manœuvre à circulation à sens unique, et le fait que la Rationnelle des décisions indique erronément que la circulation à deux sens ait été utilisée ne rend pas la décision déraisonnable, d’autant plus qu’il était loisible au ministre de choisir d’appliquer une zone de manœuvre de circulation à sens unique.

[44]           Pour conclure sur ce point, l’évaluation faite par le ministre des ouvrages projetés sur la navigation et les droits riverains était raisonnable. La Cour n’a pas à procéder à sa propre évaluation de la preuve et des facteurs techniques particuliers considérés par le ministre dans l’exercice de sa discrétion.

Aucune crainte raisonnable de partialité

[45]           Enfin, le demandeur allègue que le ministre a fait preuve de partialité en faveur de la Marina en préjugeant la question de la nature du lit de la rivière Chaudière, en agissant avec partialité lors de l’évaluation des droits riverains, en faisant enlever l’ouvrage du demandeur et en n’appliquant pas la directive TP 10387 E.

[46]           Quant à elle, la défenderesse plaide qu’il n’y a aucune crainte raisonnable de partialité. De fait, elle s’est conformée à la Loi et aux directives du ministre. Le ministre n’avait pas à prendre en considération la propriété du lit de la rivière Chaudière et il ne serait pas pratique que le ministre suspende l’émission d’approbations à chaque fois qu’il y a une allégation de droit de propriété contestée. De plus, dans un cours d’eau comme le bassin de la rivière Chaudière, il n’est pas possible d’avoir des coordonnées au centimètre près pour les installations puisque la marée et les coups d’eau rendent impossible une telle précision.

[47]           Je rejette l’ensemble des arguments du demandeur, qui sont une reprise – cette fois sous la thématique de la partialité – d’arguments qui ont été précédemment examinés et rejetés par la Cour plus haut et dans le dossier T-884-13 : 2015 CF 162 aux paras 32 à 36. Les arguments de partialité soulevés par le demandeur sont essentiellement un désaccord sur les faits et les méthodes utilisées par le ministre. Le demandeur n’a pas soumis de preuves crédibles faisant naître une crainte raisonnable de partialité, seulement des suppositions. Il n’existe aucune preuve de mauvaise foi, ni aucune preuve que le ministre aurait donné raison de croire que les approbations allaient être émises avant qu’elles ne le soient.

[48]           Pour conclure, le demandeur n’a pas démontré qu’une « [...] personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique » aurait lieu de craindre que la décision ait été prise de façon partiale (Committee for Justice and Liberty c L’Office national de l’énergie, [1978] 1 RCS 369 à la p 394).

Conclusion

[49]           Pour ces motifs, les trois demandes de contrôle judiciaire seront rejetées avec dépens.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que les trois demandes de contrôle judiciaire sont rejetées avec dépens.

« Luc Martineau »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1068-13

 

INTITULÉ :

SYLVIO THIBEAULT c LE MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L'INFRASTRUCTURE ET DES COLLECTIVITÉS, LA MARINA DE LA CHAUDIÈRE INC.

 

ET DOSSIER :

T-1087-13

 

INTITULÉ :

SYLVIO THIBEAULT c LE MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L'INFRASTRUCTURE ET DES COLLECTIVITÉS, LA MARINA DE LA CHAUDIÈRE INC.

 

ET DOSSIER :

T-1086-13

 

INTITULÉ :

SYLVIO THIBEAULT c LE MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L'INFRASTRUCTURE ET DES COLLECTIVITÉS, LA MARINA DE LA CHAUDIÈRE INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 28 janvier 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :

LE 9 FÉVRIER 2015

 

COMPARUTIONS :

Me Isabelle Pillet

 

Pour le demandeur

 

Me Mariève Sirois-Vaillancourt

 

Pour le défendeur

LE MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L'INFRASTRUCTURE ET DES COLLECTIVITÉS

 

Me François Marchand

 

Pour LA DÉFENDERESSE

LA MARINA DE LA CHAUDIÈRE INC.

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

De Man, Pilotte

Avocats et procureurs

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

LE MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L'INFRASTRUCTURE ET DES COLLECTIVITÉS

 

Cabinet d'avocats Saint-Paul

Québec (Québec)

 

Pour LA DÉFENDERESSE

LA MARINA DE LA CHAUDIÈRE INC.

 

 

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