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Date : 20150219

Dossier : T‑1285‑14

Référence : 2015 CF 210

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 février 2015

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

STEFAN VANCE JONATHON CHRISTIE

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 18(1) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, à l’encontre de la décision par laquelle Transports Canada a refusé au demandeur l’habilitation de sécurité en matière de transport [l’habilitation] requise pour travailler à l’Aéroport international Lester B. Pearson [l’aéroport].

[2]               Pour les motifs exposés ci‑après, la demande est rejetée.

II.                Contexte

[3]               En décembre 2012, le demandeur a commencé à travailler à temps partiel pour Servisair sur les lieux de l’aéroport. En mars 2013, il est entré au service d’Air Canada à temps partiel et, en avril 2013, il travaillait à temps plein.

[4]               Il a présenté sa demande d’habilitation aux alentours du 15 janvier 2013 et des fonctionnaires du Programme d’habilitation de sécurité en matière de transport [le PHST] ont demandé à la Gendarmerie royale du Canada [la GRC] de procéder à une vérification des antécédents criminels. La GRC a répondu à la demande le 2 décembre 2013 en transmettant un rapport écrit [le rapport de la GRC].

[5]               Le rapport de la GRC faisait l’énumération des incidents impliquant le demandeur et des accusations criminelles portées contre lui :

­   En janvier 2007, des policiers se sont rendus sur les lieux d’un appartement après qu’on eut signalé des coups de feu. Le demandeur était l’une des sept personnes présentes; il se trouvait dans une chambre à coucher où les policiers ont découvert une carabine à canon tronçonné de calibre .22 et deux cartouches. Lorsque ces derniers l’ont fouillé, ils ont trouvé deux autres cartouches et de la cocaïne.

­   Relativement à l’incident de janvier 2007, le demandeur a été accusé de possession non autorisée d’une arme à feu, de possession d’une arme à feu alors qu’il savait ne pas y être autorisé, d’entreposage négligent d’une arme à feu, de possession d’une arme à feu prohibée avec des munitions et de possession d’une arme à feu obtenue par la perpétration d’une infraction [les accusations liées aux armes].

­   En avril 2007, le demandeur et un « associé » ont été interceptés lors d’un contrôle routier. Ce dernier a été arrêté pour manquement à un engagement, tandis que le demandeur a été autorisé à reprendre la route.

­   Le 7 août 2007, des policiers ont aperçu le demandeur, qui était assis dans un véhicule garé dans un parc de stationnement commercial, cacher quelque chose sous le siège du conducteur; ils ont perquisitionné le véhicule et trouvé 400 mg de crack.

­   Relativement à l’incident d’août 2007, le demandeur a été accusé de possession d’une substance désignée en contravention du paragraphe 4(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, LC 1996, c 19 [l’accusation liée à la drogue] et de manquement à un engagement (relativement aux accusations liées aux armes);

­   Les accusations liées aux armes ont été retirées le 11 novembre 2008.

­   L’accusation de manquement à un engagement a été retirée le 27 novembre 2008.

­   L’accusation liée à la drogue a été retirée le 29 janvier 2009.

[6]               Le rapport de la GRC indiquait également que quatre individus, simplement désignés « sujets A, B, C et D » [les sujets], accompagnaient le demandeur lors des incidents susmentionnés. Ces quatre sujets avaient été reconnus coupables par le passé d’infractions criminelles liées à l’usage de la violence, aux drogues et aux armes.

[7]               Le 2 janvier 2014, le chef du programme de filtrage de sécurité [le PFS] a écrit au demandeur pour l’aviser de la réception d’information faisant douter de son aptitude à obtenir l’habilitation et du renvoi de sa demande devant l’Organisme consultatif d’examen d’habilitation de sécurité en matière de transport [l’organisme consultatif]. Dans sa lettre, le chef du PFS donnait le détail des incidents et accusations mentionnés dans le rapport de la GRC et il invitait le demandeur à consulter la politique sur le Programme d’habilitation de sécurité en matière de transport [la Politique] et à lui faire part de tout renseignement ou toute explication supplémentaire, notamment en ce qui concerne les circonstances atténuantes.

[8]               Le 10 février 2014, Transports Canada a reçu des observations de la part de l’avocat qui représentait le demandeur à l’époque, dont une lettre qu’il avait rédigée au nom du demandeur, une lettre écrite par le demandeur, des références concernant la personnalité du demandeur rédigées par sa fiancée et sa sœur et des photos de famille. Dans sa lettre, l’avocat faisait les observations suivantes :

­   Le demandeur n’a pas fréquenté les sujets depuis son arrestation.

­   Le demandeur évite désormais délibérément toute relation avec des personnes dont il sait qu’elles ont un casier judiciaire.

­   Le demandeur n’a été accusé d’aucune autre infraction criminelle depuis 2007 et n’a pas eu de démêlés avec la justice pénale depuis le retrait des accusations le visant, en novembre 2008.

­   Toutes les accusations portées contre le demandeur ont finalement été retirées.

­   En ce qui concerne l’arrestation de janvier 2007, le demandeur soutient que les policiers se sont mépris parce qu’il ne vivait pas dans l’appartement où ils se sont rendus : il se trouvait là pour servir de disc‑jokey à l’occasion d’une fête, il ne connaissait pas véritablement toutes les personnes présentes et il n’a jamais eu en sa possession des munitions ou des armes à feu.

­   Le demandeur soutient qu’il n’est pas coupable des infractions dont il a été accusé relativement à l’arrestation d’août 2007 et que le [TRADUCTION] « fait que les accusations aient été portées puis retirées ne témoigne pas d’une propension à se livrer à des comportements criminels ou à des actes de violence ».

­   Depuis 2008, le demandeur s’est consacré à ses enfants et sa fiancée, qui dépendent de ses revenus, et il s’est concentré sur son éducation et la recherche d’un emploi stable.

III.             La décision faisant l’objet du contrôle

[9]               L’organisme consultatif s’est réuni le 11 mars 2014 pour examiner la demande. Il a pris note des accusations criminelles portées contre le demandeur, de sa relation avec les sujets et du fait que ces derniers avaient fait l’objet, au total, de vingt condamnations au criminel pour des infractions liées à l’usage de la violence, aux drogues et aux armes. Concernant l’incident de janvier 2007, l’organisme consultatif a déclaré qu’il était difficile de voir [TRADUCTION] « pourquoi un disc‑jokey se trouvait dans une chambre à coucher et [pourquoi] il n’y avait que sept [...] personnes dans l’appartement ». L’organisme consultatif a également fait l’observation suivante : [TRADUCTION] « [L]a cocaïne est [...] une drogue dure qui crée une dépendance, et non une drogue d’initiation. » Il a constaté que [TRADUCTION] « l’usage passé de drogues et d’armes [du demandeur] et ses liens avec des individus mêlés à des activités criminelles faisaient douter de son jugement, de son honnêteté et de sa fiabilité ». Enfin, l’organisme consultatif a tenu compte du fait que sept années s’étaient écoulées depuis le dépôt des dernières accusations criminelles tout en disant douter [TRADUCTION] « qu’il se soit écoulé suffisamment de temps pour démontrer l’existence d’un changement dans les comportements et les fréquentations du demandeur ». Par conséquent, il a conclu qu’il y avait des raisons de croire, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur était sujet ou susceptible d’être incité à commettre un acte d’intervention illicite pour l’aviation civile, ou à aider ou inciter une autre personne à commettre un tel acte. Selon l’organisme consultatif, les renseignements contenus dans les observations du demandeur ne suffisaient pas à dissiper ces doutes.

[10]           L’organisme consultatif a recommandé au ministre de refuser l’habilitation. La décision de refuser l’habilitation a été prise le 18 avril 2014 par la déléguée du ministre, Mme Brenda Hensler‑Hobbs, directrice générale par intérim de la Sûreté aérienne. Elle a été communiquée au demandeur dans une lettre datée du 23 avril 2014, lettre qui reprenait pour l’essentiel les facteurs examinés par l’organisme consultatif et ses doutes quant à l’aptitude du demandeur à obtenir l’habilitation.

IV.             Les dispositions législatives

[11]           Les dispositions suivantes de la Loi sur l’aéronautique, LRC 1985, c A‑2 [la Loi], s’appliquent en l’instance :

3.

[...]

« habilitation de sécurité » Habilitation accordée au titre de l’article 4.8 à toute personne jugée acceptable sur le plan de la sûreté des transports.

[...]

3.

...

“security clearance” means a security clearance granted under section 4.8 to a person who is considered to be fit from a transportation security perspective;

...

 

4.8 Le ministre peut, pour l’application de la présente loi, accorder, refuser, suspendre ou annuler une habilitation de sécurité.

4.8 The Minister may, for the purposes of this Act, grant or refuse to grant a security clearance to any person or suspend or cancel a security clearance.

 

[12]           Les dispositions suivantes du Règlement canadien de 2012 sur la sûreté aérienne, DORS/2011‑318 [le Règlement], s’appliquent en l’instance :

3.

[...]

« carte d’identité de zone réglementée » Laissez‑passer de zone réglementée délivré par l’exploitant d’un aérodrome énuméré aux annexes 1 ou 2 ou sous son autorité.

[...]

 

3.

...

“restricted area identity card” means a restricted area pass issued by or under the authority of the operator of an aerodrome listed in Schedule 1 or 2.

...

 

146. (1) Il est interdit à l’exploitant d’un aérodrome de délivrer une carte d’identité de zone réglementée à une personne à moins qu’elle ne réponde aux conditions suivantes :

[...]

c) elle possède une habilitation de sécurité;

[...]

146. (1) The operator of an aerodrome must not issue a restricted area identity card to a person unless the person

...

(c) has a security clearance;

...

165. Il est interdit à toute personne d’entrer ou de demeurer dans une zone réglementée à moins qu’elle ne soit, selon le cas :

 

165. A person must not enter or remain in a restricted area unless the person

 

a) titulaire d’une carte d’identité de zone réglementée;

[...]

(a) is a person to whom a restricted area identity card has been issued; or

...

[13]           Les parties suivantes du PHST s’appliquent en l’instance :

Objectif

I.4

L’objectif de ce Programme est de prévenir l’entrée non contrôlée dans les zones réglementées d’un aéroport énuméré de toute personne :

1.         connue [sic] ou soupçonnée d’être mêlée à des activités relatives à une menace ou à des actes de violence commis contre les personnes ou les biens;

2.         connue [sic] ou soupçonnée d’être membre d’un organisme connue [sic] ou soupçonné d’être relié à des activités de menace ou à des actes de violence commis contre les personnes ou les biens;

3.         soupçonnée d’être étroitement associée à une personne connue ou soupçonnée :

‑ de participer aux activités citées à l’alinéa (1) [sic];

‑ d’être membre d’un organisme cité à l’alinéa (2) [sic];

‑ d’être membre d’un organisme cité à l’alinéa (5) [sic];

4.         qui, selon le ministre et les probabilités, être sujette ou peut être incitée à :

‑           commettre un acte d’intervention illicite pour l’aviation civile; ou

‑           aider ou inciter toute autre personne à commettre un acte d’intervention illicite visant l’aviation civile;

5.         connue ou soupçonnée d’être ou d’avoir été membre d’une organisation criminelle ou d’avoir pris part à des activités d’organisations criminelles, telles que définies aux articles 467.1 et 467.11(1) [sic] du Code criminel du Canada;

6.         membre d’un groupe terroriste, tel que défini à l’alinéa 83.01(1)a) du Code criminel du Canada.

Refus/Annulation/Suspension

I.5 

Toute personne à qui l’on refuse une habilitation ou dont ladite habilitation est suspendue ou annulée, sera avisée par écrit :

1.         du refus, de l’annulation ou de la suspension; et

2.         de la raison ou des raisons justifiant le refus, l’annulation ou la suspension à moins que les renseignements ne soient exemptés en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels; et

3.         du droit à un redressement.

[...]

L’organisme consultatif

I.8

Un Organisme consultatif sera tenu d’étudier les renseignements des demandeurs et de formuler des recommandations au ministre concernant l’octroi, le refus, l’annulation ou la suspension d’une habilitation.

[...]

Annulation ou refus

II.35

1.         L’Organisme consultatif peut recommander au ministre de refuser ou d’annuler l’habilitation d’une personne s’il est déterminé que la présence de ladite personne dans la zone réglementée d’un aéroport énuméré est contraire aux buts et objectifs du présent programme.

2.         Au moment de faire la détermination citée au sous‑alinéa (1), l’Organisme consultatif peut considérer tout facteur pertinent, y compris :

a.         si la personne a été condamnée ou autrement trouvée coupable au Canada ou à l’étranger pour les infractions suivantes :

i.          tout acte criminel sujet à une peine d’emprisonnement de 10 ans ou plus;

ii.         le trafic, la possession dans le but d’en faire le trafic, ou l’exportation ou l’importation dans le cadre de la Loi sur les drogues et substances contrôlées;

iii.        tout acte criminel cité dans la partie VII du Code criminel intitulée « Maison de désordre, jeux et paris »;

iv.        tout acte contrevenant à une disposition de l’article 160 de la Loi sur les douanes;

v.         tout acte stipulé [sic] dans la Loi sur les secrets officiels; ou

vi.        tout acte stipulé [sic] dans la partie III de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés;

b.         qu’il est probable qu’elle participe à des activités directes ou en appui à une menace ou qu’elle se livre à des actes de violence sérieuse contre la propriété ou des personnes.

[...]

Redressement

II.45

Lorsqu’une habilitation est révoquée ou qu’une demande d’habilitation est refusée, une demande d’examen peut être adressée à la Cour fédérale du Canada, Division de première instance, dans les trente (30) jours suivant la réception de l’avis de révocation ou de refus [...].

V.                Les questions en litige

[14]           La présente demande soulève les questions suivantes :

1.      Les nouveaux éléments de preuve présentés par le demandeur sont‑ils admissibles?

2.      La déléguée du ministre a‑t‑elle commis une erreur lorsqu’elle a refusé d’accorder l’habilitation?

VI.             La norme de contrôle

[15]           Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir], la Cour suprême du Canada a affirmé qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse pour arrêter la bonne norme de contrôle. Lorsque la norme applicable à une question particulière dont elle est saisie est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut l’adopter sans reprendre l’analyse.

[16]           L’article 4.8 de la Loi confère au ministre le pouvoir discrétionnaire de décider s’il faut accorder ou refuser une habilitation de sécurité, même avec la participation de l’organisme consultatif. Il s’agit d’une conclusion de fait tirée dans le cadre de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire et assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable (Sylvester c Canada (Procureur général), 2013 CF 904, au paragraphe 10 [Sylvester]; Clue c Canada (Procureur général), 2011 CF 323, au paragraphe 14 [Clue]; Russo c Canada (Ministre des Transports, de l’Infrastructure et des  Collectivités), 2011 CF 764, au paragraphe 20; Fradette c Canada (Procureur général), 2010 CF 884, au paragraphe 17).

[17]           La jurisprudence a déjà établi que la norme de contrôle applicable aux questions d’équité procédurale en matière d’habilitations de sécurité dans les transports est celle de la décision correcte (Sylvester, au paragraphe 11, citant la décision Clue). Le degré d’équité exigé dans de tels cas est « limité au droit de connaître les faits qui sont allégués contre le demandeur et le droit de présenter des observations au sujet de ces faits » (Sylvester, au paragraphe 11, citant Poulot c Canada, 2012 CF 347, et Rivet c Canada (Procureur général), 2007 CF 1175, au paragraphe 25).

VII.          Analyse

A.                 Questions préliminaires

[18]           Le défendeur soutient que la partie défenderesse en l’instance devrait être le procureur général du Canada et demande la modification de l’intitulé de l’affaire. L’intitulé est donc modifié afin de désigner le procureur général du Canada comme partie défenderesse au lieu de Transports Canada et du ministre des Transports.

B.                 Les nouveaux éléments de preuve présentés par le demandeur sont‑ils admissibles?

[19]           Le défendeur soutient que la procédure de contrôle judiciaire ne correspond ni à un procès de novo ni à un appel, de telle sorte que les éléments de preuve dont le décideur ne disposait pas ne doivent pas être admis, sauf s’ils se rapportent à un manquement à l’équité procédurale ou s’ils sont produits à titre d’information d’ordre général. La déléguée du ministre ne disposait pas des éléments de preuve figurant dans les affidavits du demandeur et dans les pièces qui y sont jointes lorsqu’elle a décidé de refuser l’habilitation. Il s’ensuit, selon le demandeur, que ces éléments de preuve ne sont pas admissibles et qu’aucun poids ne doit leur être accordé.

[20]           Je suis du même avis. Dans une instance en contrôle judiciaire, la cour de révision doit limiter son examen à la preuve versée au dossier produit devant le décideur administratif. Ce principe comporte quelques exceptions, notamment lorsque de nouveaux éléments de preuve sont présentés pour étayer une allégation de manquement à l’équité procédurale, pour fournir des informations générales susceptibles d’aider la cour à comprendre les questions se rapportant au contrôle judiciaire ou pour faire ressortir l’absence totale de preuve dont disposait le décideur lorsqu’il a tiré une conclusion déterminée (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, 428 NR 297, aux paragraphes 18 à 29).

[21]           Quoi qu’il en soit, je ne crois pas que les éléments de preuve supplémentaires auraient modifié la décision de la Cour.

C.                 La déléguée du ministre a‑t‑elle commis une erreur lorsqu’elle a refusé d’accorder l’habilitation?

[22]           Le demandeur soutient que la preuve ne permettait pas à la déléguée du ministre de conclure qu’il était sujet ou pouvait être incité à commettre un acte d’intervention illicite pour l’aviation civile, ou à aider ou inciter une autre personne à commettre un tel acte. Il n’a été reconnu coupable d’aucun crime, toutes les accusations portées contre lui ont été retirées et il n’a pas fréquenté les sujets après les incidents de 2007. Depuis, le demandeur affirme avoir repris sa vie en main et précise que jamais il ne prendrait le risque de perdre son emploi, dont dépendent la santé et la sécurité financière de sa famille, en raison d’activités illicites ou de mauvaises fréquentations.

[23]           Selon le défendeur, le ministre peut « prendre en considération tout facteur qu’il juge pertinent » dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère l’article 4.8 de la Loi, et il cite à l’appui la décision Fontaine c Canada (Transports, Sécurité et Sûreté), 2007 CF 1160, au paragraphe 78 [Fontaine]. Il fait valoir que, selon ce que la Cour fédérale a statué de façon constante, le ministre n’a pas à limiter son examen aux actes ayant entraîné une condamnation au criminel : il peut aussi tenir compte des actes menant à des accusations (Lavoie c Canada (Procureur général), 2007 CF 435, aux paragraphes 26 à 28; Clue, au paragraphe 20). La norme de preuve exigée aux termes de la Politique est simplement celle de la « croyance raisonnable ». De plus, le fait que la Politique exige des organismes d’application de la loi qu’ils soumettent un éventail de renseignements allant bien au‑delà des condamnations constitue une bonne indication de l’importance de ces renseignements dans la décision d’octroyer ou non une habilitation de sécurité. Par ailleurs, ni la Politique ni la Loi n’obligent Transports Canada à mener une enquête indépendante ou à procéder à la vérification du rapport de la GRC (Fontaine, au paragraphe 81).

[24]            Le défendeur ajoute qu’il est raisonnable que le ministre prenne en considération les comportements et fréquentations passés du demandeur, car ces informations permettent de dire si ce dernier est sujet ou peut être incité à commettre un acte d’intervention illicite visant l’aviation civile ou à aider ou inciter une autre personne à commettre un tel acte. La Cour fédérale a également statué que le fait d’entretenir des liens avec des individus impliqués dans la narco‑criminalité et la consommation passée de drogue représentaient des aspects particulièrement inquiétants (Thep‑Outhainthany c Canada (Procureur général), 2013 CF 59; voir aussi Russo). Le défendeur soutient que le comportement antérieur du demandeur et ses fréquentations remettent en question son jugement, son honnêteté et sa fiabilité et, en cela, il n’était pas déraisonnable que le ministre tienne compte de ces éléments malgré le temps écoulé.

[25]           Même si cela peut sembler excessivement sévère aux yeux du demandeur, qui s’est bien conduit depuis qu’il a cessé de fréquenter les milieux interlopes, en 2007, le ministre est autorisé à se fonder sur de tels événements, car il dispose du pouvoir discrétionnaire de refuser une habilitation de sécurité en fonction d’un critère peu exigeant, c’est‑à‑dire la possibilité que le demandeur commette un acte d’intervention illicite pour l’aviation civile. La Cour ne peut substituer sa propre opinion à celle de personnes d’expérience dans ce domaine. La Cour fédérale a confirmé semblables décisions à maintes reprises par le passé.

[26]           Par ailleurs, je conclus que l’organisme consultatif n’a pas eu tort de dire que le demandeur [TRADUCTION] « [a] des liens avec des criminels notoires », même s’il a semblé ainsi laisser entendre que c’était toujours le cas. Partout ailleurs dans la décision, les allusions aux liens entretenus par le demandeur avec des criminels font clairement référence au passé.

[27]           En conséquence, je conclus que la décision appartient aux issues acceptables et raisonnables, compte tenu de la preuve dont disposait l’organisme consultatif et la déléguée du ministre, et qu’elle repose sur des motifs transparents et intelligibles.

VIII.       Conclusion

[28]           La demande est rejetée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE : 

1.      L’intitulé est modifié afin de désigner le procureur général du Canada en qualité de partie défenderesse au lieu de Transports Canada et du ministre des Transports.

2.      La demande est rejetée.

« Peter Annis »

Juge

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1285‑14

 

INTITULÉ :

STEFAN VANCE JONATHON CHRISTIE c TRANSPORTS CANADA, MINISTRE DES TRANSPORTS

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 4 DÉCEMBRE 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ANNIS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 19 FÉVRIER 2015

 

COMPARUTIONS :

Stefan Vance Jonathan Christie

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Lars Brusven

POUR LE DÉFENDEUR

TRANSPORTS CANADA

MINISTRE DES TRANSPORTS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : 

Stefan Vance Jonathan Christie

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

TRANSPORTS CANADA

MINISTRE DES TRANSPORTS

 

 

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