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Date : 20141218


Dossier : IMM‑5855‑13

Référence : 2014 CF 1240

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Calgary (Alberta), le 18 décembre 2014

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

NAOME KARAMBAMUCHERO

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie du contrôle judiciaire de la décision en date du 3 juillet 2013, par laquelle un agent des visas de Pretoria, en Afrique du Sud, a refusé de délivrer à Naome Karambamuchero un visa de résidente temporaire [VRT].

[2]               Madame Karambamuchero est citoyenne du Zimbabwe. Elle a demandé un VRT pour rendre visite au Canada à sa fille, à son gendre, à ses petits‑enfants et à son fils. Elle avait visité ses enfants au Canada en 2002, en 2004 et en 2007. Or, depuis 2007, elle s’est vu refuser un VRT à quatre reprises. Par suite de ces refus, Mme Karambamuchero a décidé de retenir les services d’un avocat pour l’aider à présenter sa demande de visa la plus récente, espérant sans doute obtenir un résultat différent.

[3]               Dans la lettre type par laquelle il rejetait la demande de la demanderesse, l’agent des visas a coché les cases indiquant qu’il avait pris en considération plusieurs facteurs, dont [traduction] « les attaches familiales au Canada et dans votre pays de résidence » et « l’objet de la visite ». Les notes de l’agent contiennent les précisions suivantes :

[traduction] Demande examinée. La DP occupe le poste de directrice d’école au Zimbabwe depuis 1994. La DP a un fils au Royaume‑Uni et deux enfants au Canada, qui avaient demandé l’asile – la DP a voyagé au R.‑U. en 2010 et en 2012 pour des vacances – la DP indique que le motif de son voyage en Chine en 2012 était d’ordre professionnel. La DP a présenté une lettre de son avocat canadien précisant qu’elle a de solides attaches au Zimbabwe – la DP vit avec sa mère, son fils et un de ses neveux. Vérification effectuée au sujet de sa fille qui a demandé l’asile en 2002 et a obtenu le droit d’établissement en 2004 et au sujet de son fils qui a demandé l’asile en 2008 et a obtenu le droit d’établissement en 2011. Compte tenu des renseignements fournis, je ne suis pas convaincu que la situation de la DP a changé de façon notable depuis le refus antérieur de lui accorder un visa en 2012 – elle exerce le même emploi, etc. et a les mêmes attaches familiales au Canada; ses enfants ont tous les deux demandé l’asile au Canada. J’ai également examiné des éléments qui pourraient inciter la DP à rester au Canada, par exemple la situation actuelle instable au Zimbabwe et je ne suis pas convaincu que la DP quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. VRT refusé. [non souligné dans l’original]

[4]               Madame Karambamuchero soutient qu’il y a trois questions en litige, consistant à savoir si l’agent des visas a omis d’examiner l’ensemble de la preuve, si l’agent des visas a manqué à son obligation d’équité en se fondant sur des éléments de preuve extrinsèques et sur sa connaissance des conditions locales, et si l’agent des visas a manqué à son obligation d’équité en omettant de fournir des motifs suffisants pour permettre à la demanderesse de comprendre pourquoi sa demande avait été rejetée.

[5]               Je suis d’accord avec le ministre pour dire que nul n’a droit à un VRT, que la décision d’un agent des visas à cet égard appelle une grande retenue et commande une obligation d’équité minimale et que les tribunaux ne devraient pas analyser trop en détail le texte de la décision, compte tenu de la nature de celle‑ci et des exigences imposées à l’agent des visas. Néanmoins, la présente demande doit être accueillie et la décision doit être annulée puisque le processus décisionnel et son résultat ne satisfont pas à la norme de justification, de transparence et d’intelligibilité.

[6]               Madame Karambamuchero a fourni des éléments de preuve concernant les facteurs pouvant indiquer qu’elle ne prolongerait pas indûment son séjour au Canada. Comme le note l’agent des visas, Mme Karambamuchero est directrice d’école à Harare. Mais ce n’est qu’une partie de l’histoire. Elle est directrice et administratrice du collège Greatstride, qu’elle a fondé en 1994. Par conséquent, elle n’est pas une simple employée, mais plutôt une femme d’affaires prospère. Elle détient deux comptes bancaires d’entreprise dont le solde s’élève à plus de 35 000 $ US, elle est propriétaire de sa maison et possède trois véhicules. Elle a des attaches familiales au Zimbabwe. Elle vit avec sa mère et avec l’un de ses fils. Elle a d’autres membres de sa famille au Zimbabwe.

[7]               L’agent des visas fait remarquer qu’il existe une [traduction] « situation actuelle instable au Zimbabwe », mais il est difficile de savoir comment ou si cette situation touche Mme Karambamuchero. Or, rien dans le dossier ne donne à penser que la stabilité au pays a eu quelque effet en ce qui la concerne. Bien au contraire, Mme Karambamuchero semble connaître la prospérité là‑bas et il faut se demander pourquoi elle quitterait le pays de son plein gré. Le Zimbabwe connaît effectivement une situation instable depuis quelque temps, mais Mme Karambamuchero a quitté le pays et y est revenue à de nombreuses reprises, notamment à l’occasion des deux voyages d’affaires récents en Chine et du voyage au Royaume‑Uni pour rendre visite à son fils qui vit là‑bas.

[8]               On ne saurait reprocher à l’agent des visas d’avoir accédé au Système de soutien aux opérations des bureaux locaux [SSOLB] afin de confirmer le statut au Canada des deux enfants de Mme Karambamuchero. Il est cependant préoccupant que l’agent des visas ne se soit pas contenté de noter que tous les deux ont obtenu le droit d’établissement. L’agent fait au contraire remarquer que les enfants de Mme Karambamuchero [traduction] « ont tous les deux demandé l’asile ». L’agent en déduit sans doute que Mme Karambamuchero présentera à son tour une demande d’asile pendant son séjour au Canada. Or, une telle conclusion est déraisonnable en l’espèce.

[9]               Dans les faits, Mme Karambamuchero est déjà venue au Canada à l’époque où les demandes d’asile étaient en instance ou avaient été accueillies et elle est retournée au Zimbabwe. Sa fille est arrivée au Canada en 2002 et a obtenu l’asile en 2004, alors que son fils est arrivé au Canada en 2008 et a obtenu l’asile en 2011. Mme Karambamuchero a visité le Canada en 2002, en 2004 et en 2007. Elle est donc venue au Canada et est retournée au Zimbabwe au moins une fois, probablement deux fois après que sa fille eut obtenu l’asile. L’indication qu’elle pourrait demander l’asile à présent, alors qu’elle ne l’avait pas fait dans le passé, exige certaines explications de la part de l’agent des visas. Or, aucune explication n’a été présentée.

[10]           En résumé, la décision repose sur deux observations formulées par l’agent des visas quant à la situation instable au Zimbabwe et aux demandes d’asile présentées par les enfants de la demanderesse. En l’absence d’une explication de la façon dont la situation au pays pourrait inciter cette femme d’affaires à quitter son pays et à abandonner son entreprise prospère, sa mère, son fils, sa maison et les autres membres de sa famille, la mention de la situation au pays ne saurait à elle seule justifier raisonnablement la décision de l’agent. En l’absence d’une explication quant à la raison pour laquelle le fait que ses enfants ont demandé et obtenu l’asile au Canada pourrait pousser la demanderesse à agir de la même manière, alors qu’elle ne l’a pas fait dans le passé, la décision de l’agent des visas ne saurait raisonnablement être défendue.

[11]           Pour ces motifs, la décision est annulée.

[12]           Les parties n’ont proposé aucune question aux fins de certification.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande est accueillie, que la décision est annulée, que la demande de visa de résident temporaire doit faire l’objet d’une nouvelle décision de la part d’un autre agent des visas, que la demanderesse est autorisée à mettre à jour ses renseignements et qu’aucune question n’est certifiée.

« Russel W. Zinn »

Juge

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑5855‑13

 

INTITULÉ :

NAOME KARAMBAMUCHERO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

calgary (alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 DÉCEMBRE 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 18 DÉCEMBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

Lisa Couillard

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Maria Green

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Caron & Partners

Avocats

Calgary (Alberta)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ministère de la Justice – Région des Prairies

Calgary (Alberta)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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