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Date : 20150220


Dossier : IMM-6115-14

Référence : 2015 CF 227

Montréal (Québec), le 20 février 2015

En présence de madame la juge Bédard

ENTRE :

TAI EVE DE BEAUVILLE

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision rendue le 22 juillet 2014 par la Section d’appel des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la SAR), dans laquelle elle a rejeté l’appel de la demanderesse et confirmé la décision rendue le 3 avril 2014 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la SPR). La SPR avait rejeté la demande d’asile de la demanderesse au motif que ses allégations n’étaient pas crédibles. Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

I.                   Contexte

[2]               La demanderesse est citoyenne de la Barbade. Elle allègue avoir été victime de violence de la part de son ancien copain. Elle soutient avoir aménagé avec son ancien copain en avril 2009, après avoir été mise à la porte par sa mère. Elle allègue que son copain est devenu violent avec elle, qu’il la frappait, l’insultait et la forçait à avoir des relations sexuelles avec lui. En juillet 2012, il aurait tenté de la forcer à avoir des relations sexuelles avec un de ses amis. La demanderesse aurait quitté l’appartement de son copain pour rejoindre sa mère qui lui aurait alors conseillé d’aller visiter son père qui habite au Canada. La demanderesse est arrivée au Canada le 3 juillet 2012 et elle a soumis sa demande d’asile le 6 janvier 2014.

[3]               Lors de l’audience à la SPR, la demanderesse a allégué qu’un mois et demi après son départ, son ancien copain était allé chez sa mère pour la voir et qu’il avait menacé de la tuer lorsque sa mère l’avait informé qu’elle n’était pas là. La demanderesse a ajouté que peu après cette visite, une voiture est passée devant la maison de sa mère et qu’une personne à bord de cette voiture a lancé des pierres et brisé les fenêtres de la maison de sa mère.

[4]               Le défendeur est intervenu devant la SPR pour déposer une preuve concernant l’historique de voyage de la demanderesse. Cet historique indiquait que la demanderesse était  allée six fois à la République de Trinité-et-Tobago et une fois aux États-Unis durant la période au cours de laquelle elle allègue avoir été victime de violence de la part de son ancien copain.

[5]               L’historique démontrait également qu’après son arrivée au Canada le 3 juillet 2012, la demanderesse avait fait un séjour d’environ cinq mois aux États-Unis, soit du 4 février 2013 au 29 juin 2013. À son retour, elle avait reçu un visa temporaire pour une durée d’un mois parce qu’elle avait un billet de retour pour la Barbade le 24 juillet 2013. Ce visa ayant expiré le 25 juillet 2013, la demanderesse a fait une demande de restauration de statut le 28 octobre 2013 qui a été refusée le 17 janvier 2014.

II.                La décision de la SPR

[6]               La SPR a rejeté la demande d’asile de la demanderesse au motif que ses allégations n’étaient pas crédibles. La SPR a fondé sa décision sur divers éléments.

[7]               Dans un premier temps, la SPR a relevé une contradiction au niveau des adresses données par la demanderesse. Dans son formulaire de demande d’asile, la demanderesse a indiqué qu’elle avait habité chez sa mère entre décembre 2003 et juillet 2012, alors que dans le récit joint à son formulaire de renseignements personnels (FRP), elle a indiqué avoir habité avec son ancien copain d’avril 2009 à juillet 2012. La SPR a jugé que l’endroit où avait résidé la demanderesse était un élément important relativement à ses allégations de violence conjugale. La SPR n’a pas été satisfaite de la réponse que la demanderesse a donnée lorsqu’elle a été confrontée à la contradiction. Lors de son témoignage, la demanderesse a indiqué qu’elle ne voulait pas mettre l’adresse de son ancien copain, mais qu’elle ne savait pas pourquoi. La SPR a aussi jugé insatisfaisante l’hypothèse soumise par le conseil de la demanderesse suivant laquelle cette adresse rappelait à la demanderesse de mauvais souvenirs dont elle ne voulait pas se rappeler.

[8]               La SPR a aussi retenu le fait que la demanderesse n’avait pas indiqué dans son FRP la visite que son ancien copain aurait faite au domicile de sa mère après son départ pour le Canada et les menaces qu’il aurait proférées à ce moment à l’endroit de la demanderesse. Confrontée à cette omission, la demanderesse a indiqué qu’elle ne savait pas pourquoi elle n’avait pas mentionné cet incident et qu’elle avait seulement relaté son histoire. La SPR n’a pas été satisfaite de l’explication fournie par la demanderesse et elle n’a pas cru que cet incident s’était produit.

[9]               La SPR a aussi retenu le délai de 18 mois entre l’arrivée de la demanderesse au Canada et le dépôt de sa demande d’asile et elle n’a pas jugé satisfaisantes les explications fournies par la demanderesse pour expliquer ce délai. À cet égard, la demanderesse a allégué qu’elle espérait que son père qui habite au Canada la parraine. La SPR n’a pas cru cette allégation et elle a notamment relevé une contradiction entre le témoignage de la demanderesse à cet égard et la lettre écrite par sa demi-sœur. Dans une lettre que la demanderesse a déposée, sa demi-sœur a indiqué que c’est elle qui avait informé la demanderesse que son père n’avait pas l’intention de la parrainer, alors que lors de son témoignage, la demanderesse a indiqué que c’est son père qui l’avait informée en décembre 2012 qu’il ne pouvait pas la parrainer. Confrontée à cette contradiction, la demanderesse a déclaré que son père lui avait dit qu’il ne pouvait pas la parrainer pour l'instant, mais qu’il essaierait plus tard lorsqu’elle serait retournée à la Barbade, mais que sa demi-sœur lui avait dit que son père ne voulait pas la parrainer. La SPR n’a pas retenu cette explication. La commissaire a aussi demandé à la demanderesse d’expliquer pourquoi elle n’avait pas mentionné dans son FRP que son père avait promis de la parrainer. La demanderesse a répondu qu’elle ne pensait pas que c’était important.

[10]           La SPR a ensuite relevé les nombreux voyages que la demanderesse a faits à la République de la Trinité et Tobago et aux États-Unis depuis 2010, y incluant un séjour de près de cinq mois aux États-Unis de février 2013 à juin 2013, et a noté que la demanderesse n’avait jamais demandé l’asile dans un de ces pays. La SPR n’a pas jugé satisfaisante l’explication de la demanderesse. La demanderesse a indiqué qu’elle ne savait pas qu’elle pouvait faire une demande d’asile jusqu’à ce qu’elle consulte un consultant en immigration à son retour de son dernier séjour aux États-Unis. La SPR a retenu le fait que la demanderesse avait eu six opportunités de demander l’asile à la République de Trinité et Tobago et deux opportunités de demander l’asile aux États-Unis.

III.             La décision de la SAR

[11]           La décision a été portée en appel à la SAR, qui a identifié trois motifs d’appel :

  1. La SPR a commis des erreurs en concluant que la demanderesse n’était pas crédible;
  2. La SPR a commis une erreur en omettant de considérer la question de la crédibilité eu égard à l’ensemble de la preuve au dossier; et
  3. La SPR n’a pas effectué une analyse détaillée sous l’article 96 et l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR].

[12]           La SAR a, dans un premier temps, considéré la norme de contrôle qu’elle devait appliquer. Elle a décidé que le premier motif d’appel soulevait une question de fait, alors que le deuxième motif soulevait plutôt une question mixte de droit et de fait. Invoquant Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, la SAR a conclu que ces deux types de questions étaient assujetties à la norme de la décision raisonnable, citant le paragraphe 51 de cette décision sur la signification de cette norme. La SAR a appuyé son analyse de la norme de contrôle sur l’arrêt Iyamuremye c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 494 au para 40, [2014] ACF no 523.

[13]           La SAR a ensuite analysé chacune des conclusions de la SPR et a relaté les éléments de preuve soumis à l’égard de chacun de ces éléments.

[14]           La SAR a noté l’analyse et la conclusion de la SPR relativement à la contradiction entre l’adresse donnée par la demanderesse dans son formulaire de demande d’asile et celle qu’elle a indiquée dans le récit joint à son FRP. La SAR a jugé que la conclusion de la SPR était raisonnable puisqu’il s’agissait d’une contradiction importante.

[15]           La SAR a ensuite résumé la conclusion de la SPR relativement à l’omission de la demanderesse de mentionner dans son FRP la visite que son ancien copain aurait fait chez sa mère après son départ pour le Canada et elle a jugé que la conclusion de la SPR était raisonnable. La SAR a noté qu’il s’agissait d’une omission importante et a indiqué qu’un incident de cette nature aurait effrayé tant la demanderesse que sa mère et que la demanderesse aurait eu en tête une telle menace de mort lorsqu’elle a complété son FRP.

[16]           La SAR a aussi jugé que la conclusion de la SPR relativement au délai entre l’arrivée de la demanderesse au Canada et sa demande d’asile était raisonnable, et ce, pour plusieurs raisons. La SAR a retenu le fait que la demanderesse avait fait de nombreux voyages à l’étranger au cours desquels elle aurait pu demander l’asile, qu’elle avait acheté son billet avant l’expiration de son visa le 25 juillet 2013 et avait faussement déclaré son intention de retourner à la Barbade pour étudier, de même que la preuve contradictoire soumise par la demanderesse relativement au moment où elle aurait été informée que son père refusait de la parrainer.

[17]           Dans un deuxième temps, la SAR a jugé que la SPR n’avait pas erré en ne traitant pas de certains éléments de preuve documentaire relativement au traitement réservé aux femmes à la Barbade au motif qu’une telle preuve n’avait pas à être considérée puisque la SPR avait conclu que la demanderesse n’avait pas démontré de crainte subjective.

[18]           Dans un troisième temps, la SAR a jugé qu’à la lumière de ses conclusions sur le manque de crédibilité de la demanderesse, la SPR n’avait pas l’obligation de procéder à une analyse distincte de la demande de protection en vertu des articles 96 et 97 de la LIPR.

IV.             Analyse

[19]           La demanderesse reproche à la SAR d’avoir entériné l’analyse et les conclusions de la SPR sans véritablement procéder à sa propre analyse de la preuve.

[20]           Dans les faits, les reproches formulés par la demanderesse mettent en cause la norme de révision que le SAR a appliquée à l’égard de la décision de la SPR et son appréciation des conclusions de la SPR.

[21]           La jurisprudence de notre Cour n’est pas arrêtée quant à la norme de contrôle que la Cour doit appliquer à l’égard de la décision que fait la SAR lorsqu’elle détermine la norme de révision qu’elle va appliquer à l’égard de la décision de la SPR. Certains juges ont indiqué que cette décision devait être révisée selon la norme de la décision correcte (voir par exemple Huruglica c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 799, paras 30-32, [2014] ACF no 845) alors que d’autres ont plutôt énoncé que la Cour interprétait la compétence qui lui est dévolue au terme de sa loi constitutive et que par conséquent la Cour devrait réviser la décision de la SAR en appliquant la norme de la raisonnabilité (voir par exemple Akuffo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 1063 aux para 18-27, [2014] ACF no 1116 [Akuffo]).

[22]           La jurisprudence de la Cour n’est pas non plus arrêtée relativement à la norme de révision que la SAR devrait appliquer à l’égard des décisions de la SPR (Alayi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 952 au para 16, [2014] ACF no 989). Il semble toutefois se dégager un consensus au sein de la Cour suivant lequel la SAR commet une erreur lorsqu’elle révise les décisions de la SAR en important la norme de la raisonnabilité appliquée en matière de contrôle judiciaire (Aloulou c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 1236 au para 36, [2014] ACF no 1307).

[23]           Je considère qu’en l’espèce, il n’est pas nécessaire que je me prononce sur la norme de contrôle que la Cour doit appliquer lorsqu’elle révise le choix de la norme de révision qu’a fait la SAR. En effet, en déterminant qu’elle réviserait la décision de la SPR en appliquant la norme de la décision raisonnable telle qu’elle est entendue et appliquée dans le contexte d’une révision judiciaire, la SAR a erré, et ce, quelle que soit la norme de contrôle applicable. Je considère toutefois que cette erreur n’est pas déterminante, et ce, pour les raisons suivantes.

[24]           Plusieurs décisions de notre Cour ont traité du degré approprié de retenue dont doit faire preuve la SAR à l’égard des conclusions de fait de la SPR. Il se dégage deux principaux courants qui privilégient chacun une approche qui commande un degré de déférence différent. Il y a d’un côté les tenants de la norme de révision de l’erreur manifeste et dominante et, d’un autre côté, ceux qui estiment que la SPR n’a pas à faire preuve de retenue à l’égard des conclusions de fait de la SPR. Toutefois, plusieurs des juges parmi ceux qui estiment que la SAR ne doit pas faire preuve de retenue à l’égard des conclusions de fait de la SPR reconnaissent tout de même qu’une certaine retenue doive être exercée par la SAR lorsque la crédibilité du témoin est cruciale ou déterminante. La juge Gagné a très bien résumé l’état de la jurisprudence à cet égard dans Akuffo, aux para 35-38 :

32        La Cour a récemment rendu plusieurs décisions concernant le rôle de la nouvelle SAR (voir Iyamuremye c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2014 CF 494; Garcia Alvarez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2014 CF 702 (Garcia Alvarez); Eng c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2014 CF 711 (Eng); Huruglica; Njeukam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2014 CF 859 (Njeukam); Yetna c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2014 CF 858 (Yetna) et Spasoja c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2014 CF 913 (Spasoja). En outre, dans Alyafi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2014 CF 952, le juge Martineau, qui n'était pas particulièrement tenu de prendre position sur ces questions, a effectué un examen intéressant des décisions rendues antérieurement par la Cour.

33        Les juges de la Cour s'entendent pour dire que le régime de contrôle judiciaire ne s'applique pas aux appels des décisions de la SPR dont la SAR est saisie. À mon avis, cela signifie que la SAR devrait éviter de faire référence à la jurisprudence et aux termes employés, et de se fonder sur ceux-ci, tels qu'ils ont été établis dans le contexte du contrôle judiciaire.

34        Cela dit, il semble également exister un consensus selon lequel la SAR, lorsqu'elle n'a pas tenu d'audience, doit faire preuve de retenue à l'égard des conclusions tirées par la SPR concernant la crédibilité.

35        Les opinions sont plutôt divergentes en ce qui a trait : i) au degré de retenue qu'il convient d'accorder ou à sa définition exacte et ii) à l'étendue des questions de fait et des questions mixtes de fait et de droit à l'égard desquelles la retenue s'impose.

36        Les juges Phelan (Huruglica) et Locke (Njeukam et Yetna), en se fondant sur le libellé des dispositions relatives à la SAR, ainsi que sur les pouvoirs réparateurs qui sont accordés à celle-ci, ont conclu que la SAR n'a pas à faire preuve de retenue à l'égard des conclusions de la SPR concernant une question de fait ou une question mixte de fait et de droit (voir p. ex. Yetna, au paragraphe 17), sauf lorsque la crédibilité d'un témoin est cruciale ou déterminante, ou lorsque la SPR jouit d'un avantage particulier. Le juge Phelan ne précise pas le degré de retenue qu'il y aurait lieu d'accorder aux conclusions de la SPR concernant la crédibilité, mais le juge Locke, citant le juge Phelan, explique que la SAR a commis une erreur en concluant que la norme de la raisonnabilité était applicable à la décision de la SPR.

37        Les juges Shore (Garcia Alvarez et Eng) et Roy (Spasoja) sont plutôt d'avis que la SAR doit faire preuve de retenue envers la SPR en ce qui concerne toutes les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit, et non seulement en ce qui a trait aux conclusions concernant la crédibilité ou aux questions pour lesquelles la SPR jouit d'un avantage particulier en tirant une telle conclusion. En outre, ils sont d'avis que la SAR ne devrait intervenir que lorsqu'il existe une erreur "manifeste et dominante".

38        Je suis loin d'être convaincue qu'il existe une différence réelle et pragmatique entre une erreur "déraisonnable" et une erreur "manifeste et dominante", mais j'estime que ladite distinction n'aurait aucune incidence en l'espèce.

39        Cependant, je suis d'accord avec la conclusion du juge Phelan selon laquelle la SAR doit faire preuve de retenue uniquement à l'égard des conclusions de la SPR concernant la crédibilité, et lorsque celle-ci jouit d'un avantage particulier pour tirer une conclusion.

[25]           En l’espèce, il est clair que la décision de la SPR est fondée essentiellement sur ses conclusions relativement à la crédibilité de la demanderesse. La SPR n’a pas cru la demanderesse et elle a expliqué de façon détaillée les raisons pour lesquelles elle ne la croyait pas.

[26]           La demanderesse allègue que la SAR s’est contenté de reprendre les conclusions de la SPR sans procéder à sa propre analyse. Je considère qu’en l’espèce, cet argument n’a pas de mérite.

[27]           Il ressort de la décision de la SAR, qu’elle a compris et traité les moyens d’appel invoqués par la demanderesse et qu’elle a procédé à son propre examen du dossier. Elle a également analysé en détail chacun des éléments sur lesquels la SPR a fondé ses conclusions au niveau de la crédibilité de la demanderesse.

[28]           Bien que la SAR ait indiqué qu’elle révisait la décision de la SPR en appliquant la norme de la raisonnabilité, elle a fait sa propre analyse de la preuve. À titre d’exemple, traitant de la contradiction au niveau de l’adresse de la demanderesse, la SAR a jugé que cette contradiction était importante. Ensuite, lorsqu’elle a traité de l’omission de la visite de l’ancien copain de la demanderesse chez sa mère dans le FRP, la SAR a jugé qu’il s’agissait d’une omission importante. De plus, lorsqu’elle a discuté du délai à demander l’asile, la SAR a détaillé les éléments émanant de la preuve qui l’amenaient à juger que la décision de la SPR était raisonnable.

[29]           Je conclus donc que la SAR a erré en révisant la décision de la SPR en appliquant une norme de révision propre au contrôle judiciaire, mais je considère qu’en l’espèce, cette erreur n’est pas déterminante. Je suis convaincue, à la lumière de la preuve et de l’analyse qu’en a faite la SAR, que l’erreur de la SAR ne justifie pas l’intervention de la Cour. J’estime que les propos du juge Simon Noël dans Yin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 1209 au para 37, [2014] ACF no 1282 trouvent application en l’espèce:

37        En l'espèce, dans sa décision, la SAR réitère les conclusions sur la crédibilité tirées par la SPR et conclut qu'elles sont raisonnables. [...] Quel que soit le degré de retenue dont la SAR devait faire preuve à l'égard des conclusions sur la crédibilité tirées par la SPR, la SAR a, en l'espèce, examiné la preuve et les questions de crédibilité en appel, et a conclu que les conclusions sur la crédibilité de la SPR étaient sensées, comme sa propre évaluation le révélait. Par conséquent, je conclus que la SAR, en procédant à l'examen et à sa propre évaluation de la preuve, a joué pleinement son rôle de tribunal d'appel et a fait preuve de la retenue requise à l'égard des conclusions sur la crédibilité tirées par la SPR.

[30]           Les deux autres questions dont a traité la SAR, soit l’omission de la SPR de traiter de certains éléments de preuve documentaire dans sa décision et le défaut de la SPR d’avoir effectué une analyse indépendante de la demande d’asile sous l’angle de l’article 97 de la LIPR, étaient accessoires et intimement reliées à la crédibilité de la demanderesse. Je considère de toute façon que les conclusions de la SAR relativement à ces deux questions ne comportent aucune erreur qui justifierait l’intervention de la Cour.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

« Marie-Josée Bédard »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6115-14

 

INTITULÉ :

TAI EVE DE BEAUVILLE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 février 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS:

LA JUGE BÉDARD

 

DATE DES MOTIFS :

LE 20 février 2015

 

COMPARUTIONS :

Luc Desmarais

 

Pour la demanderesse

 

Yaël Levy

pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Luc Desmarais

Avocat

Montréal (Québec)

 

Pour la demanderesse

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE défendeur

 

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