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Date : 20141210


Dossier : T-1515-14

Référence : 2014 CF 1193

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 10 décembre 2014

En présence de monsieur le juge Harrington

ENTRE :

MOHAMMAD WASEF ABU-TALEB

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie de l’appel interjeté par M. Abu‑Taleb à l’encontre de la décision d’une juge de la citoyenneté qui a estimé qu’il ne satisfaisait pas à l’obligation de résidence prévue par la Loi sur la citoyenneté.

[2]               L’affaire a débuté avant les récentes modifications de la Loi; l’obligation de résidence était donc de trois ans (1 095 jours) au cours des quatre années ayant précédé la date de la demande de citoyenneté.

[3]               M. Abu‑Taleb a présenté une demande de citoyenneté canadienne le 1er septembre 2010. Il a affirmé avoir été présent au Canada pendant 1 197 jours au cours des quatre années précédentes.

[4]               Avant que la Loi soit modifiée, il existait trois écoles de pensée sur le sens à donner au mot « résidence » employé dans la Loi. L’un de ces points de vue a été exprimé par le juge Muldoon dans la décision Re Pourghasemi [1993] ACF no 232, 19 Imm LR (2d) 259. Il a adopté la méthode du comptage strict des jours, c’est‑à‑dire une méthode fondée sur la présence physique, plutôt que philosophique – le cœur y est même si le corps n’y est pas.

[5]               Dans la décision Lam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF no 410, 164 FTR 177, le juge Lutfy, tel était alors son titre, a conclu qu’il était loisible au juge de la citoyenneté de souscrire à l’un ou l’autre des trois courants jurisprudentiels contradictoires. La décision Lam a d’ailleurs été le précurseur des décisions où la Cour suprême a conclu qu’il fallait manifester de la déférence à l’égard de l’interprétation par un décideur de sa loi constitutive (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 RCS 654).

[6]               En l’espèce, la juge de la citoyenneté a plus particulièrement suivi la méthode fondée sur la présence physique énoncée dans la décision Re Pourghasemi.

[7]               La preuve présentée à la juge de la citoyenneté ne l’a pas convaincue. Elle a accordé beaucoup d’importance au fait que M. Abu‑Taleb, qui est d’origine palestinienne, et qui était titulaire d’un passeport jordanien, n’en avait eu aucun du 28 janvier 2008 au 24 mars 2009, soit pendant plus d’un an au cours des 1 197 jours en question. M. Abu‑Taleb n’était pas tenu de maintenir son passeport en vigueur. S’il était à l’étranger, il n’avait pas été physiquement présent au pays pendant au moins 1 095 jours. S’il était au Canada sans passeport, il ne pouvait, à toutes fins utiles, s’en aller. S’il était à l’étranger, par contre, il ne pouvait revenir.

[8]               La juge de la citoyenneté a également fait état d’opérations de carte de crédit qui lui permettaient de penser que M. Abu‑Taleb se trouvait à l’étranger au cours de la période en cause. Selon M. Abu‑Taleb, les opérations de carte de crédit en question concernaient des achats en ligne. Étant donné qu’il avait attrapé une contravention au Canada la veille d’une opération effectuée aux Pays‑Bas et qu’il avait acheté quelque chose au Canada le lendemain, et compte tenu des documents d’entrée du gouvernement canadien, et du fait qu’il n’avait pas de passeport, il n’avait pas pu se trouver à l’étranger pour acheter quelque chose aux Pays‑Bas.

[9]               L’analyse n’était pas raisonnable. L’appel doit donc être accueilli.

[10]           L’avocat du ministre a fait remarquer que, contrairement à une récente modification de l’alinéa 309(2)e.1) des Règles des Cours fédérales, le dossier du demandeur ne contenait aucun document certifié par le tribunal comme le prévoit l’article 318 des Règles. Le dossier certifié du tribunal comptait 1 240 pages, et il a été fait référence à plusieurs parties de celui‑ci dans les observations écrites, sans qu’elles soient reproduites dans le dossier du demandeur. Le demandeur a alors présenté une requête en vue d’être exempté de l’application de cette règle en vertu de l’article 55 des Règles. Cette requête a été accueillie.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  L’appel est accueilli.

2.                  La décision rendue le 16 juin 2014 par la juge de la citoyenneté est annulée.

3.                  La demande de citoyenneté du demandeur doit être examinée de nouveau par un autre juge de la citoyenneté.

« Sean Harrington »

Juge

Traduction certifiée conforme

Diane Provencher, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

T-1515-14

 

INTITULÉ :

MOHAMMAD WASEF ABU-TALEB c MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 5 décembre 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

le juge HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :

le 10 décembre 2014

 

COMPARUTIONS :

Isabelle Sauriol-Nadeau

POUR LE DEMANDEUR

 

Alain Langlois

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bertrand, Deslauriers Avocats Inc.

Avocats

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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