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Date : 20150113


Dossier : T-939-14

Référence : 2015 CF 42

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 13 janvier 2015

En présence de monsieur le juge Hughes

ENTRE :

DECOMMODIFICATION LLC,

BURNING MAN PROJECT ET

BLACK ROCK CITY, LLC, FAISANT AFFAIRE SOUS LA RAISON SOCIALE

BURNING MAN

demandeurs

et

BURN BC ARTS COOPERATIVE,

JACKSON SMITH,

BHAK JOLICOEUR ET BRIAN CORKUM, EXERÇANT PARFOIS LEURS ACTIVITÉS INDIVIDUELLEMENT OU COLLECTIVEMENT SOUS LES NOMS BURN BC, burnbc.org ou

BURN BC ARTS COOPERATIVE

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               Les demandeurs ont présenté une requête ex parte visant l’obtention d’un jugement par défaut contre la défenderesse Burn BC Arts Cooperative. La présente action a fait l’objet d’un désistement contre la défenderesse Tanya Evans, qui faisait à l’origine partie des défendeurs. Une ordonnance sera rendue pour que son nom soit retiré de l’intitulé de la cause. Deux autres défendeurs nommés, Brian Corkum et Jackson Smith agissant pour leur propre compte ont déposé de longs arguments de défense essentiellement identiques. Aucune réparation n’a été demandée dans la présente requête contre Bhak Jolicoeur, qui est aussi nommé en tant que défendeur individuel, et qui n’a pas encore déposé de défense, même si la Cour a été informée qu’il a envoyé signification d’une défense, essentiellement identique à celles de M. Corkum et de M. Smith, aux avocats des demandeurs, mais hors délai.

[2]               Bhak Jolicoeur a présenté une demande « informelle » à la Cour visant l’obtention de l’autorisation de représenter la défenderesse Burn BC Arts Cooperative (désignée dans les présents sous le nom de Burn BC). Dans une ordonnance datée du 6 novembre 2014, la juge Heneghan a rejeté cette demande d’autorisation. À la page 5 de son ordonnance, la juge Heneghan a écrit ce qui suit :

[traduction]

Par conséquent, Burn BC devra nommer un avocat pour agir en son compte dans un délai de 30 jours. Cet avocat doit déposer une défense dans un délai de 30 jours, en cas de défaut, les demandeurs peuvent continuer la procédure ex parte, c’est-à-dire sans avis à Burn BC, pour la demande de jugement par défaut.

[3]               Plus de deux mois se sont écoulés depuis l’ordonnance rendue par la juge Heneghan. Aucun appel n’a été interjeté, aucun avocat n’a été nommé pour représenter Burn BC, et aucune défense n’a été déposée pour le compte de cette défenderesse. Par conséquent, les demandeurs ont continué la procédure ex parte, sans avis à Burn BC, visant l’obtention d’un jugement par défaut, conformément à la procédure décrite dans l’ordonnance précitée de la juge Heneghan.

[4]               L’article 210 des Règles des Cours fédérales dispose que lorsque le défendeur ne signifie pas sa défense dans le délai prévu, le demandeur peut, par voie de requête, demander un jugement par défaut. Contrairement aux dispositions prévues dans les Règles de certaines autres cours, les allégations faites dans la demande ne peuvent pas être acceptées comme étant véridiques, à moins qu’elles ne soient étayées par une preuve par affidavit déposée dans la requête. En l’espèce, les demandeurs ont déposé une preuve par affidavit de Raymond Allen, avocat général des demandeurs. Il occupe divers postes auprès des demandeurs depuis 2004. La preuve par affidavit de Dayle Boutilier, adjoint juridique dans le cabinet d’avocats représentant les demandeurs, a aussi été déposée. Dans un dossier de requête supplémentaire déposé avec la demande d’autorisation à la Cour, les demandeurs ont aussi déposé la preuve par affidavit de Roxanna Monemdjou, une stagiaire en droit au cabinet d’avocats représentant les demandeurs.

[5]               L’action des demandeurs est fondée sur l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13. Il est allégué que les défendeurs, par leur emploi des noms Burning Man, Burn BC et Decompression en liaison avec la promotion ou la tenue d’événements relatifs à la culture ou à la vie communautaire au Canada ont appelé l’attention du public sur leurs marchandises, leurs services et leurs entreprises de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’ils ont commencé à appeler ainsi l’attention entre leurs marchandises, leurs services ou leurs entreprises et ceux des demandeurs.

[6]               Il est important de relever que la présente action n’est pas une action en contrefaçon de quelque marque de commerce enregistrée que ce soit. Les demandeurs ont récemment déposé des demandes visant l’enregistrement de certaines marques de commerce, mais celles‑ci n’ont pas encore été enregistrées.

[7]               Il est par ailleurs intéressant de relever que Burn BC a déposé des demandes visant l’enregistrement de Burning Man et de BC Decompression en tant que marques de commerce auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada, elle affirmait qu’elle voulait interdire la « commercialisation » de ces marques par « d’autres ». À la suite de lettres échangées avec les avocats des demandeurs, ces demandes d’enregistrement ont été retirées.

[8]               La Cour a examiné la preuve par affidavit présentée par les demandeurs dans la présente requête, et la Cour conclut que la preuve démontre que :

           les demandeurs ont, depuis le début de 1986, et certainement vers le milieu des années 1990, organisé et tenu un événement annuel, qui se déroule maintenant au Nevada, qui a acquis une grande notoriété, non seulement aux États-Unis, mais aussi au Canada et probablement ailleurs;

           cet événement est connu sous le nom de Burning Man et peut être décrit comme une combinaison de festival artistique, événement social, et expérience de la vie en communauté;

           les marques de commerce Burning Man et Decompression sont devenues très connues comme étant associées à cet événement annuel;

           les demandeurs ont accordé des licences à d’autres pour la tenue de tels événements;

           depuis au moins 1996, ces événements sont devenus très connus au Canada, notamment en liaison avec les marques de commerce Burning Man et Decompression. D’importants efforts ont été déployés pour faire la publicité et la promotion de ces événements au Canada, des milliers de billets pour ces événements ont été vendus chaque année aux Canadiens; ces événements ont été très publicisés dans les médias canadiens;

           depuis environ 2009, la défenderesse, Burn BC, a commencé à organiser des événements semblables au Canada. Cette défenderesse a, au moyen de ses sites Internet et autrement, donné l’impression qu’elle était autorisée par les demandeurs ou associée à ces derniers et à leurs événements. Cette défenderesse a utilisé les noms Burning Man, Burn BC et Decompression en liaison avec de telles activités;

           la défenderesse, Burn BC, n’est pas titulaire de licence ou d’autorisation des demandeurs pour tenir de telles activités.

[9]               La Cour conclut que les activités de la défenderesse Burn BC peuvent vraisemblablement causer de la confusion entre ses activités d’organisation, de promotion et de tenue d’événements et les activités des demandeurs de manière contraire aux dispositions de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce.

[10]           Après avoir tiré une telle conclusion, les questions à trancher deviennent relatives aux réparations. Les demandeurs sollicitent une déclaration et une injonction en des termes très larges. Ils sollicitent la destruction du matériel offensant. Ils sollicitent le transfert de certains noms de domaine, des dommages‑intérêts et des dépens.

[11]           La première question à trancher consiste à décider comment la défenderesse, Burn BC, doit être décrite dans l’injonction. Elle est constituée en vertu du Cooperative Association Act, SBC 1999, c 28. Elle a donc des membres et des actionnaires; elle a des administrateurs. La responsabilité des membres et des actionnaires dans une telle coopérative est limitée au montant, s’il en est, non payé des actions du membre ou de l’actionnaire (article 55 du Act). Elle est une personne morale distincte de ses membres (McGauley c Colombie‑Britannique [1989] BCJ no 1699 (CA), à la page 30). Par conséquent, l’injonction devrait être rendue contre la défenderesse, Burn BC Arts Cooperative, ses membres, actionnaires, administrateurs, préposés, mandataires, et tous ceux sur lesquels elle exerce un contrôle.

[12]           La question litigieuse suivante est celle de la portée de l’injonction. Elle ne peut pas être si large qu’elle interdit simplement toute activité contraire à l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce, car cela ouvrirait la voie à d’autres arguments quant à savoir si une certaine activité est visée ou non par cette disposition. L’injonction inclura, en plus d’une disposition générale, une disposition selon laquelle l’emploi des marques de commerce précises en question relativement à des activités précises en cause est interdit.

[13]           La troisième question litigieuse consiste à savoir si la Cour peut ordonner que la défenderesse transfère certains noms de domaine. La Cour peut interdire de continuer à utiliser certains noms de domaine et restreindre leur transfert à d’autres, mais, selon moi, la Cour n’est pas compétente pour exiger leur transfert aux demandeurs.

[14]           La dernière question à trancher est l’établissement du montant des dommages-intérêts et des profits à accorder, s’il en est. Il n’y a pas d’élément de preuve quant aux profits générés par Burn BC, s’il y en a eu. Les demandeurs n’ont produit aucun élément de preuve à l’appui de quelque montant précis de pertes subies, s’il y en a eu, en raison des activités de Burn BC. Des dommages‑intérêts symboliques, pas nécessairement peu élevés, ont été accordés par la Cour et d’autres tribunaux dans une telle situation. Ils sont généralement fondés sur une estimation des pertes, notamment un montant suffisant servant à dissuader d’autres qui envisageraient des activités semblables. Les demandeurs ont demandé 25 000 $. Étant donné que rien dans leurs éléments de preuve ne permet d’appuyer l’adjudication de ce montant, la Cour convient cependant que les demandeurs ont subi certains dommages, et que d’autres devraient être dissuadés. La Cour accordera 10 000 $ de dommages‑intérêts.

[15]           Les demandeurs ont produit une ébauche de Mémoire des frais dont la Cour est convaincue qu’elle étayera l’adjudication de 10 000 $ de frais pour la présente requête, montant qui doit inclure les frais de jugement contre Burn BC.


ORDONNANCE

LA COUR STATUE que :

1.                   Le nom Tanya Evans est retiré de l’intitulé dans la présente affaire;

2.                  Le jugement tel qu’il est rendu séparément dans la présente affaire est prononcé contre la défenderesse, Burn BC;

3.                   Les dépens de la présente requête sont inclus dans les dépens adjugés dans le jugement.

« Roger T. Hughes »

Juge

Traduction certifiée conforme

L. Endale


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-939-14

INTITULÉ :

DECOMMODIFICATION LLC, BURNING MAN PROJECT ET, BLACK ROCK CITY, LLC, FAISANT AFFAIRE SOUS LA RAISON SOCIALE BURNING MAN

c

BURN BC ARTS COOPERATIVE, JACKSON SMITH, BHAK JOLICOEUR ET BRIAN CORKUM, EXERÇANT PARFOIS LEURS ACTIVITÉS INDIVIDUELLEMENT OU COLLECTIVEMENT SOUS LES NOMS BURN BC, burnbc.org ou BURN BC ARTS COOPERATIVE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 janvier 2015

Ordonnance et motifs :

Le juge HUGHES

DATE DE L’ORDONNANCE

ET DES MOTIFS :

Le 13 janvier 2015

COMPARUTIONS :

Kevin Sartori et James Green

 

Pour les demandeurs

Aucune comparution

Pour la défenderesse

BURN BC

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling LaFleur Henderson LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandeurs

Aucune comparution

Pour la défenderesse

BURN BC

 

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