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Date : 20150326


Dossier : IMM-6847-13

Citation : 2015 CF 384

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 26 mars 2015

En présence de monsieur le juge Phelan

ENTRE :

JEGATHEESWARAN KULASEKARAM

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Le présent contrôle judiciaire concerne un jeune demandeur qui a voyagé à bord du MV Sun Sea. La Section de la protection des réfugiés [SPR] a rejeté sa demande d’asile et de protection.

II.                Contexte

[2]               Le demandeur est un Tamoul du Sri Lanka qui affirme avoir quitté le Sri Lanka parce qu’il craignait le personnel de sécurité et les groupes paramilitaires, le Parti démocratique populaire de l’Eelam [PDPE] et le groupe Karuna.

[3]               En 2007, pendant qu’il se trouvait dans un camp pour personnes déplacées, le demandeur a été interrogé occasionnellement par les forces de sécurité. Après avoir déménagé à Colombo pour y travailler comme orfèvre, il affirme avoir dû soudoyer la police; par la suite, dans sa ville natale, il a été harcelé par un groupe paramilitaire, et enfin, en 2010, il est revenu à Colombo pour éviter d’être harcelé par le groupe Karuna, lequel serait encore à sa recherche.

[4]               Au début de 2010, il s’est enfui en Thaïlande et est monté à bord du MV Sun Sea.

[5]               La SPR n’a pas retenu la thèse selon laquelle les autorités du Sri Lanka soupçonnaient le demandeur d’être membre des Tigres de libération de l’Eelam tamoul [TLET] ou un partisan des TLET. S’il était vraiment recherché, il aurait pu être appréhendé maintes fois. La SPR a relevé des problèmes concernant le récit du demandeur et l’absence d’éléments de preuve corroborant le fait qu’il était recherché par les autorités du Sri Lanka.

[6]               En définitive, la SPR n’a pas cru que le demandeur était recherché par les forces de sécurité du gouvernement ni n’a prêté foi aux éléments de preuve relatifs à la crainte subjective ou objective du demandeur.

[7]               La SPR n’a pas conclu que le demandeur serait exposé à un risque à son retour. Le demandeur ne correspondait pas à la description de ceux qui avaient éprouvé des problèmes à leur retour au pays. Dans le cas des Tamouls questionnés à leur retour, les seules mises en détention à l’arrivée s’étaient produites lorsqu’il y avait des accusations au criminel en instance, et non lorsque les demandes d’asile avaient été rejetées ou en raison de l’origine ethnique.

[8]               Au final, la SPR a conclu que les éléments de preuve étaient insuffisants pour établir que les autorités canadiennes avaient communiqué aux autorités sri‑lankaises les noms de ceux qui avaient voyagé à bord du MV Sun Sea ou pour démontrer que le seul fait d’avoir été passager du MV Sun Sea constituait un risque de persécution.

III.             Analyse

[9]               Les normes de contrôle applicables sont celles du caractère raisonnable en ce qui concerne la décision dans son ensemble (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190) et celle de la décision correcte en ce qui concerne la question d’équité procédurale.

[10]           Pour ce qui est de la décision de la SPR, et plus particulièrement l’élément « sur place » de la demande d’asile, dans des décisions comme Canada (Citoyenneté et Immigration) c B380, 2012 CF 1334, 421 FTR 138, la Cour a statué que la seule présence à bord du MV Sun Sea était insuffisante pour établir le bien‑fondé d’une demande d’asile sur place.

[11]           Le demandeur soutient que la SPR a fait une analyse erronée de la crédibilité, omis de donner un fondement objectif à cette analyse et omis de procéder à une analyse adéquate de la demande d’asile sur place.

[12]           La SPR a procédé à un examen complet et équitable de l’allégation selon laquelle le demandeur était soupçonné d’être membre ou à tout le moins partisan des TLET. La SPR avait compétence pour accorder un poids variable à l’élément de preuve pertinent de manière objective et raisonnable – ce qu’elle a fait.

[13]           Sur la question de la crédibilité, la SPR a procédé à une analyse indépendante, et elle a apprécié les éléments objectifs et subjectifs de la demande d’asile. Il s’agit de la première étape de l’analyse des « motifs mixtes » mentionnée par le juge Zinn dans la décision Pillay c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 160, 237 ACWS (3d) 1003 [Pillay].

[14]           Comme le juge l’a précisé dans la décision Pillay, au paragraphe 7 :

La Cour a reconnu que, en dépit des conclusions défavorables quant à la crédibilité et de l’absence d’association passée avec les TLET, le fait d’être un Tamoul et d’avoir voyagé à bord du MS Sun Sea pouvait suffire à démontrer l’existence d’une possibilité sérieuse de persécution pour l’un des motifs prévus dans la Convention. Il s’agit de la théorie des « motifs mixtes ».

[15]           Pour ce qui est de l’analyse de la demande d’asile sur place, la SPR a tenu compte des profils personnels de ceux qui éprouvaient des difficultés, et de ceux qui n’en éprouvaient pas, à leur retour au Sri Lanka.

[16]           Je ne puis retenir que la SPR a indûment confondu les problèmes de crédibilité relatifs aux incidents antérieurs de persécution alléguée avec la crédibilité du fondement « sur place » de la demande d’asile et qu’elle a fait abstraction de faits essentiels, à savoir que le profil du demandeur avait [traduction] « changé » après qu’il eut monté à bord du MV Sun Sea.

[17]           La SPR a examiné des éléments de preuve contraires et a consulté le rapport du Royaume‑Uni sur la situation au Sri Lanka pour tirer ses conclusions. Elle n’a pas commis d’erreur à cet égard.

[18]           La SPR a d’abord conclu que le demandeur n’était pas, avant de quitter le Sri Lanka, recherché par les autorités. Il s’agit d’un pas important, tant pour examiner l’allégation du demandeur selon laquelle il serait persécuté à son retour en raison de son expérience passée (l’aspect de sa demande d’asile qui touche à la crédibilité) que pour déterminer s’il y avait [traduction] « quelque chose de plus » dans sa demande d’asile sur place que sa simple présence sur le MV Sun Sea.

[19]           L’adoption de cette approche par la SPR n’avait rien de fautif, étant donné que chacun des cas des passagers du MV Sun Sea repose sur des faits qui lui sont propres. En l’espèce, les circonstances du demandeur se distinguaient facilement de celles dont il était question dans l’affaire Canada (Citoyenneté et Immigration) c B272, 2013 CF 870, 438 FTR 104, où le demandeur avait déjà des liens perçus avec les TLET avant de monter à bord du MV Sun Sea, ce qui avait influé sur l’analyse de la demande d’asile sur place.

[20]           Aux paragraphes 14 et 31 de sa décision, la SPR analyse le risque auquel est exposé le demandeur selon la « prépondérance des probabilités », mais ces observations ont été faites dans le contexte de l’article 97. La SPR aurait dû de préférence tirer une conclusion particulière aux termes de l’article 96 (plus qu’une simple possibilité), étant donné que le demandeur fondait sa demande d’asile sur place sur l’origine ethnique; cependant, compte tenu de l’ensemble de l’affaire, je conclus que la SPR n’a pas commis d’erreur en ne procédant pas ainsi.

[21]           Dans son mémoire, le demandeur soulève un manquement à l’équité procédurale en raison de l’insuffisance des motifs. Cette question n’a pas été débattue verbalement à l’audience.

[22]           Je ne puis conclure que les motifs sont insuffisants. La décision satisfait au critère énoncé dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708, au paragraphe 16 :

[...] En d’autres termes, les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables.

[23]           Les motifs ont permis à la Cour de déterminer si la décision était raisonnable.

IV.             Conclusion

[24]           Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n’y a pas de question à certifier.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6847-13

 

INTITULÉ :

JEGATHEESWARAN KULASEKARAM c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 3 FÉVRIER 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 26 MARS 2015

 

COMPARUTIONS :

Robert Israel Blanshay

 

POUR Le demandeur

 

Leanne Briscoe

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Blanshay & Lewis

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR Le demandeur

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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