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Date : 20150330


Dossier : IMM-5747-14

Référence : 2015 CF 400

Ottawa (Ontario), le 30 mars 2015

En présence de monsieur le juge Martineau

ENTRE :

LEDJEBGUE SAAR DONO

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le demandeur conteste la légalité d’une décision datée du 23 mai 2014 par laquelle un agent d’immigration [Agent] de l’Ambassade du Canada à Dakar refuse sa demande de résidence permanente. Le demandeur est un citoyen tchadien qui est né le 5 février 1986. En 2009, le frère du demandeur, un résident permanent, a déposé une demande de parrainage visant le demandeur et leur mère. L’Agent a conclu que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour être considéré comme un enfant à charge, d’où la présente demande de contrôle judiciaire qui doit être décidée selon la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9).

[2]               L’article 2 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [Règlement], en vigueur au moment où la demande a été reçue, prescrit :

« enfant à charge » L’enfant qui :

 

“dependent child”, in respect of a parent, means a child who

 

a) d’une part, par rapport à l’un ou l’autre de ses parents :

 

(a) has one of the following relationships with the parent, namely,

 

(i) soit en est l’enfant biologique et n’a pas été adopté par une personne autre que son époux ou conjoint de fait,

 

(i) is the biological child of the parent, if the child has not been adopted by a person other than the spouse or common-law partner of the parent, or

 

(ii) soit en est l’enfant adoptif;

 

(ii) is the adopted child of the parent; and

 

b) d’autre part, remplit l’une des conditions suivantes :

 

(b) is in one of the following situations of dependency, namely,

 

(i) il est âgé de moins de vingt-deux ans et n’est pas un époux ou conjoint de fait,

 

(i) is less than 22 years of age and not a spouse or common-law partner,

 

(ii) il est un étudiant âgé qui n’a pas cessé de dépendre, pour l’essentiel, du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l’âge de vingt-deux ans ou est devenu, avant cet âge, un époux ou conjoint de fait et qui, à la fois

(ii) has depended substantially on the financial support of the parent since before the age of 22 — or if the child became a spouse or common-law partner before the age of 22, since becoming a spouse or common-law partner — and, since before the age of 22 or since becoming a spouse or common-law partner, as the case may be, has been a student

 

(A) n’a pas cessé d’être inscrit à un établissement d’enseignement postsecondaire accrédité par les autorités gouvernementales compétentes et de fréquenter celui-ci,

 

(A) continuously enrolled in and attending a post-secondary institution that is accredited by the relevant government authority, and

 

(B) y suit activement à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle,

 

(B) actively pursuing a course of academic, professional or vocational training on a full-time basis, or

 

(iii) il est âgé de vingt-deux ans ou plus, n’a pas cessé de dépendre, pour l’essentiel, du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l’âge de vingt-deux ans et ne peut subvenir à ses besoins du fait de son état physique ou mental.

 

(iii) is 22 years of age or older and has depended substantially on the financial support of the parent since before the age of 22 and is unable to be financially self-supporting due to a physical or mental condition.

 

[soulignements ajoutés]

 

 

[3]               Il faut lire cette disposition en conjonction avec l’article 121 du Règlement qui stipule :

Sous réserve du paragraphe 25.1(1), la personne appartenant à la catégorie du regroupement familial ou les membres de sa famille qui présentent une demande au titre de la section 6 de la partie 5 doivent être des membres de la famille du demandeur ou du répondant au moment où est faite la demande et au moment où il est statué sur celle-ci.

 

Subject to subsection 25.1(1), a person who is a member of the family class or a family member of a member of the family class who makes an application under Division 6 of Part 5 must be a family member of the applicant or of the sponsor both at the time the application is made and at the time of the determination of the application.

[soulignements ajoutés]

 

[4]               Dans sa lettre de refus, l’Agent fournit les quatre motifs suivants pour ne pas reconnaître au demandeur le statut de personne à charge :

         Il a obtenu son baccalauréat (diplôme d'études secondaires) en 2006. Il était donc toujours aux études secondaires de 2004 à 2006 après l'âge de 22 ans (et non post-secondaires, comme l'exige R2).

         Il a fait des études dans un centre de langues en 2006-2007 mais n'a pas soumis de relevés de notes/diplômes pour cela. En outre, je ne suis pas satisfaite que des cours de langues offerts dans un établissement de formation qui offre des cours spécialisés font partie d’un programme pédagogique consistant en plusieurs cours et visant un objectif pédagogique. Un programme spécialisé est habituellement constitué d’un programme d’études cohérent pour lequel il peut y avoir des préalables et qui mène à l’obtention d’un certain nombre de crédits obligatoires qui conduisent à l’obtention d’un diplôme ou d’un certificat.

         Malgré que nous ayons demandé spécifiquement des relevés de notes pour tous les semestres depuis l’âge de 22 ans dans notre correspondance du 21 mai 2013, plusieurs relevés de notes manquent.

         Vous indiquez que Ledjebgue Saar Dono n’était pas aux études en 2011-2012.

[5]               Le demandeur convient qu’il ne s’agit pas d’un cas où l’alinéa 2b)(i) (enfant de moins de vingt-deux ans) et l’alinéa 2b)(iii) (enfant de plus de vingt-deux ans qui ne peut subvenir à ses besoins du fait de son état physique ou mental) s’appliquent. Cela dit, le demandeur prétend que l’Agent a commis plusieurs erreurs révisables en écartant l’application de l’alinéa 2b)(ii) du Règlement. Tout d’abord, l’Agent a erré en constatant que le demandeur avait eu 22 ans le 5 février 2004, alors qu’il a plutôt eu 22 ans le 5 février 2008. Conséquemment, la mention que le demandeur était aux études secondaires après avoir eu 22 ans plutôt – que postsecondaires – est erronée en fait. Selon le demandeur, il s’agit d’une erreur importante qui a vicié totalement la décision de l’Agent dans sa détermination finale, et qui en soi, suffit pour casser la décision. Subsidiairement, les autres conclusions de l’Agent sont également déraisonnables. Le caractère linguistique ou non des études en 2006-2007 n’est pas pertinent. Au moment où la demande a été déposée en 2009, il étudiait à temps plein et avait plus de 22 ans. De fait, il a étudié à temps plein jusqu’en septembre 2011 et a ensuite repris ses études en septembre 2012, toujours à temps plein. Même s’il y a eu une interruption d’un an, le demandeur était à la charge de sa famille puisqu’il était sans travail (chômage). Dans l’exercice de sa discrétion, l’Agent aurait dû tenir compte du fait qu’au Tchad, il y a un taux d’alphabétisation très bas, qu’il s’était écoulé un long délai dans le traitement de la demande (dont le demandeur n’était pas responsable), et enfin, que le demandeur était aux études à temps plein le 23 mai 2014 lorsque la décision contestée a été rendue.

[6]               Le défendeur réplique que l’erreur de calcul ou de date commise par l’Agent quant à l’âge du demandeur en 2006 n’est pas déterminante. En effet, le demandeur admet qu’il a cessé d’être inscrit et de fréquenter un établissement d’enseignement durant l’année 2011-2012. Cela suffit en soi pour rejeter la demande de parrainage car le demandeur ne rencontre pas l’une des conditions de la définition d’« enfant à charge ». L’agent n’a ici aucune discrétion. L’article 121 du Règlement est clair : le demandeur doit remplir les conditions de l’alinéa 2b)(ii), tant au moment où la demande est faite et qu’au moment où il statué sur celle-ci. Ni le taux d’alphabétisation ni les délais écoulés dans le traitement d’une demande ne sont des facteurs pertinents.

[7]               Il n’y a pas lieu d’intervenir en l’espèce. L’Agent a effectivement commis une erreur de calcul au sujet de l’âge qu’avait le demandeur en 2006, mais celle-ci n’est pas déterminante. Le 21 mai 2013, l’agent avait demandé que des preuves documentaires d’études à temps plein pour le demandeur pour les années scolaires 2011-2012 et 2012-2013 lui soient fournies. En l’espèce, l’Agent a noté que des relevés de notes pour plusieurs semestres étaient manquants et que le demandeur n’avait pas été aux études pour l’année 2011-2012. À cause de cette interruption des études, le demandeur ne rencontre plus la définition d’ « enfant à charge » puisqu’il avait cessé d’être inscrit de façon continue à un établissement d’enseignement postsecondaire entre le moment du dépôt de la demande et le moment où celle-ci a été décidée. L’interprétation retenue par l’Agent est compatible avec un certain nombre de jugements de cette Cour : Hamid c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2006 CAF 217 aux paras 29 et 60; Mustafa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1092 au para 7; Ayertey c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 599 aux paras 11 et 14. Enfin, être à la charge de sa famille dans le sens d’être dépendant financièrement ou avoir repris les études n’est pas suffisant pour rencontrer la définition d’ « enfant à charge ». L’Agent n’avait aucune discrétion à exercer. Les délais écoulés n’empêchent pas l’application de l’article 121 du Règlement. Le rejet de la demande se fonde sur la preuve au dossier et est donc raisonnable.

[8]               Une dernière observation. Depuis le 1er août 2014, l’âge réglementaire auquel un enfant sera considéré comme personne à charge a été ramené de moins de 22 ans à moins de 19 ans. L’exception visant les étudiants à temps plein a également été supprimée. Au passage, le demandeur n’a pas démontré que le délai dans le traitement de la demande était déraisonnable et qu’il a subi un préjudice. C’est le demandeur qui a volontairement choisi d’arrêter ses études pendant un an. Si la demande de parrainage avait été décidée l’année où le demandeur n’était pas aux études à temps plein (2011-2012), elle aurait été rejetée de toute façon vu l’article 121 du Règlement.

[9]               La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée. Les procureurs n’ont aucune question de portée générale à proposer pour certification.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

« Luc Martineau »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5747-14

 

INTITULÉ :

LEDJEBGUE SAAR DONO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 mars 2015

 

JUGEMENT ET MOTIS :

LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :

LE 30 mars 2015

 

COMPARUTIONS :

Me Stéphanie Valois

 

Pour le demandeur

 

Me Jocelyne Murphy

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Stéphanie Valois

Avocate

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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