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Date : 20150428


Dossier : IMM-1034-14

Référence : 2015 CF 551

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 28 avril 2015                                                                       

En présence de madame la juge Simpson

ENTRE :

YANG, JIANZHU

JIANG, WEIBIN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Rendus oralement à l’audience à Toronto (Ontario), le 16 avril 2015)

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision datée du 22 janvier 2014 par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la décision de la SAR] a rejeté l’appel interjeté à l’encontre de la décision rendue oralement par la Section de la protection des réfugiés [la SPR] le 30 septembre 2013 [la décision de la SPR]. La SPR avait rejeté la demande d’asile des demandeurs, et la SAR a confirmé que les demandeurs n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger.

I.                   Contexte

[2]               La demanderesse principale et son fils mineur sont des citoyens de la Chine vivant dans la province de Guangdong. En août 2012, la demanderesse principale s’est jointe à une maison‑église chrétienne [l’église] et a commencé à s’y rendre chaque semaine. Toutefois, de décembre 2012 à février 2013, l’église est restée fermée parce que les maisons‑églises éprouvaient des problèmes avec les autorités chinoises.

[3]               Au début de février 2013, l’église a rouvert. La demanderesse principale assistait alors aux offices aux deux semaines. Cependant, le 23 mars 2013, le Bureau de la sécurité publique [BSP] a effectué une descente à l’église. La demanderesse principale a fui et s’est cachée. Elle a appris par la suite que deux membres de l’église avaient été arrêtés, et que le BSP s’était rendu chez elle. Elle a également appris qu’elle avait été congédiée et que son fils avait été renvoyé de l’école en raison de sa participation à l’église.

[4]               En juin 2013, avec l’aide d’un passeur, les demandeurs ont quitté la Chine en utilisant leurs propres passeports.

II.                La décision de la SPR

[5]               La SPR a jugé que la demanderesse principale n’était pas crédible pour les raisons suivantes :

1.                  La demanderesse a omis de mentionner les trois noms de sa religion dans l’exposé rédigé sur le formulaire Fondement de la demande d’asile;

2.                  Elle a décrit les principes de sa religion de manière hésitante et incomplète [la conclusion sur la religion]. Elle a notamment omis de parler du fait que son groupe croyait à l’apocalypse;

3.                  Elle est sortie de Beijing en utilisant son propre passeport [la conclusion sur la sortie];

4.                  Ses réponses aux questions étaient généralement vagues;

5.                  Elle ne pouvait pas donner de description complète des mesures de sécurité prises à son église;

6.                  Elle est allée travailler alors qu’elle était censée se cacher;

7.                  Elle a dit ignorer le nom de la compagnie aérienne qu’elle avait prise pour s’enfuir de Beijing, mais a affirmé par la suite qu’il s’agissait de Cathay Pacific.

III.             La décision de la SAR

[6]               Seuls les points 1 à 3 susmentionnés ont été portés en appel devant la SAR. La SAR a déterminé que la décision de la SPR à propos des noms de la religion était microscopique et déraisonnable. La SAR a ensuite examiné la conclusion sur la religion de la SPR et l’a jugée raisonnable. La SAR a également examiné la conclusion sur la sortie de la SPR et l’a aussi jugée raisonnable.

[7]               Il convient de souligner que la SPR n’a formulé aucune conclusion sur le risque auquel la demanderesse pouvait être exposée en raison de ses pratiques religieuses au Canada [la demande d’asile sur place]. Néanmoins, bien que la demanderesse principale n’ait pas soulevé la question lors de l’appel, la SAR a fait une évaluation indépendante de la demande d’asile sur place. La SAR a examiné le dossier et s’est fondée sur les conclusions tirées par la SPR quant à la crédibilité de la demanderesse pour conclure qu’il ne s’agissait pas d’une demande d’asile sur place.

IV.             Questions en litige

[8]               Dans ce contexte, quatre questions sont soulevées :

1.                  Quelles sont les normes de contrôle qui doivent être appliquées par la Cour et par la SAR?

2.                  La SAR a‑t‑elle commis une erreur en appliquant la norme de contrôle de la décision raisonnable à la conclusion sur la religion de la SPR?

3.                  La SAR a‑t‑elle commis une erreur en appliquant la norme de contrôle de la décision raisonnable à la conclusion sur la sortie de la SPR?

4.                  La SAR a‑t‑elle commis une erreur en tranchant la question de la demande d’asile sur place?

V.                Question 1 – Les normes de contrôle

[9]               Je me fonde sur les décisions Bahta c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 1245, et Hossain c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 312, que j’ai rendues auparavant. Dans ces décisions, j’ai conclu ce qui suit :

     La Cour doit appliquer la norme de la décision correcte lorsqu’elle examine le choix de la norme de contrôle fait par la SAR;

     La SAR doit contrôler les décisions de la SPR en procédant à une analyse indépendante fondée sur les faits.

VI.             Question 2 – La conclusion sur la religion de la SPR

[10]           À mon avis, la SAR a appliqué la mauvaise norme de contrôle dans son examen de la conclusion sur la religion. Elle a appliqué la norme du caractère raisonnable et, pour ce motif, cette partie de la décision de la SAR doit être réexaminée.

VII.          Question 3 – La conclusion sur la sortie de la SPR

[11]           À mon avis, malgré le langage utilisé, la SAR a effectué une analyse indépendante de la conclusion sur la sortie. De plus, j’estime que sa conclusion est raisonnable en l’absence de preuve documentaire contraire portant directement sur ce point. Pour ces motifs, la conclusion sur la sortie ne doit pas être réexaminée par la SAR.

VIII.       Question 4 – La demande d’asile sur place

[12]           Selon moi, la SAR n’avait pas compétence pour trancher en toute indépendance la question de la demande d’asile sur place. La SAR n’invoque aucun fondement l’autorisant à le faire, et l’alinéa 111(1)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] ne s’applique pas, parce qu’il n’y avait pas de décision de la SPR à casser. Dans ces circonstances, puisqu’elle estimait que la question aurait dû être tranchée, la SAR devait renvoyer la demande d’asile sur place à la SPR pour que celle‑ci rende une décision. Étant donné que la SAR n’a pas adopté cette approche, sa décision était déraisonnable.

IX.             CONCLUSION

[13]           Pour ces motifs, la demande sera accueillie, et la décision de la SAR sera renvoyée pour réexamen de la conclusion sur la religion. Le réexamen devra être effectué conformément aux présents motifs.

[14]           Il sera enjoint à la SAR de renvoyer la demande d’asile sur place à la SPR pour que celle‑ci rende une décision.

[15]           Aucune question à certifier n’a été proposée aux fins d’un appel sous le régime de l’alinéa 74d) de la LIPR.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.      la demande est accueillie en partie;

2.      la décision de la SAR est renvoyée pour réexamen en ce qui concerne la conclusion sur la religion;

3.      il est enjoint à la RAD de renvoyer la demande d’asile sur place à la SPR pour que celle‑ci rende une décision.

« Sandra J. Simpson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

IMM-1034-14

 

INTITULÉ :

YANG, JIANZHU, JIANG, WEIBIN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 16 AVRIL 2015

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE SIMPSON

DATE DES MOTIFS :

LE 28 AVRIL 2015

COMPARUTIONS :

Matthew Oh

POUR LES DEMANDEURS

Margherita Braccio

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis & Associates

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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