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Date : 20150417


Dossier : IMM-6345-14

Référence : 2015 CF 485

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Montréal (Québec), le 17 avril 2015

En présence de monsieur le juge Locke

ENTRE :

SURESHKUMAR THAVAPALAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Contexte

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle l’agent d’examen des risques avant renvoi (ERAR) a rejeté la demande d’ERAR du demandeur, Sureshkumar Thavapalan, un citoyen tamoul du Sri Lanka.

[2]               L’agent d’ERAR a conclu que les Tamouls au Sri Lanka ne sont pas systématiquement ciblés à moins qu’ils soient visés par certains facteurs de risque. Ces risques sont notamment les suivants : avoir des liens réels ou présumés avec les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (les TLET) (au‑delà du fait d’avoir auparavant résidé dans une région contrôlée par les TLET), militer en faveur du séparatisme tamoul et déstabiliser l’État unitaire sri lankais, avoir des liens avec des groupes de la diaspora qui appuient les TLET, avoir des membres de sa famille qui ont des liens avec les TLET ou œuvrer dans le domaine du journalisme. L’agent a également indiqué que les Tamouls sont victimes de discrimination systématique dans des secteurs comme la fonction publique, les études universitaires et l’accès à la justice. L’agent a conclu que le demandeur n’est visé par aucun de ces facteurs de risque.

[3]               Le demandeur fait principalement valoir que la décision contestée devrait être annulée parce que l’agent d’ERAR (i) a appliqué le mauvais critère dans son évaluation des risques dans le cadre de la demande d’ERAR et (ii) n’a pas tenu compte d’éléments de preuve importants dans son évaluation des risques.

[4]               Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision contestée devrait être maintenue et que la présente demande devrait être rejetée.

II.                Analyse

A.                Critère d’évaluation des risques

[5]               S’agissant de son affirmation selon laquelle l’agent d’ERAR a appliqué le mauvais critère pour évaluer les risques, le demandeur renvoie à une observation de l’agent indiquant que rien ne démontre que les jeunes hommes tamouls provenant du nord du Sri Lanka sont systématiquement appréhendés par les autorités. Le demandeur fait valoir, à bon droit, que l’appréhension systématique n’est pas le bon critère à appliquer pour évaluer les risques. Toutefois, à mon sens, l’agent n’a pas appliqué ce critère pour évaluer les risques. Le renvoi à l’appréhension systématique était simplement un exemple de risques. L’agent a indiqué assez clairement que le risque pouvait être établi d’autres façons, dont celles énumérées au paragraphe 2 ci‑haut.

[6]               Je ne suis pas convaincu que l’agent d’ERAR a appliqué le mauvais critère pour évaluer les risques.

B.                 Examen de la preuve

[7]               S’agissant de son affirmation selon laquelle l’agent d’ERAR n’a pas examiné des éléments de preuve importants dans son évaluation des risques, le demandeur renvoie à bon nombre de sources documentaires qui dressent un portrait beaucoup plus sombre des risques auxquels sont confrontés les jeunes hommes tamouls du nord du Sri Lanka. Le demandeur affirme que l’agent a commis une erreur susceptible de contrôle en n’examinant pas les nombreuses sources de renseignements qui diffèrent grandement des quelques-unes sur lesquelles l’agent a choisi de se fonder. Le demandeur affirme qu’il ne suffit pas que l’agent déclare simplement qu’il a examiné tous les documents de référence.

[8]               À mon sens, l’agent d’ERAR a examiné la preuve de manière raisonnable. Bien que le demandeur affirme que l’agent s’est fondé principalement sur un document du ministère de l’Intérieur du R.‑U. intitulé Operational Guidance Note on Sri Lanka, l’agent a en fait cité plusieurs autres sources pour évaluer les risques :

  1. Département d’État des É.‑U., Country Reports on Human Rights Practices for 2013 : Sri Lanka, 27 février 2014
  2. Human Rights Watch, World Report 2014 : Sri Lanka, 31 janvier 2014
  3. Freedom House, Freedom in the World 2013 : Sri Lanka, 10 juin 2013
  4. Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), UNHCR Eligibility Guidelines for Assessing the International Protection Needs of Asylum-Seekers from Sri Lanka, 21 décembre 2012
  5. Département d’État des É.‑U., 2012 Report on International Religious Freedom - Sri Lanka, 20 mai 2013

[9]               Il semble reconnu que la documentation disponible comporte des renseignements contradictoires concernant les risques pour les Tamouls au Sri Lanka. L’agent d’ERAR l’a reconnu. Il a explicitement indiqué qu’il a examiné toutes les sources et qu’il était en droit de préférer certaines sources de renseignements plutôt que d’autres, particulièrement compte tenu des renseignements contradictoires. L’obligation habituelle de renvoyer à des éléments de preuve qui contredisent une décision d’un tribunal est moins stricte lorsque la preuve en cause constitue une preuve documentaire de nature générale sur la situation d’un pays : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Kornienko, 2015 CF 85, aux par. 17-18.

[10]           Le demandeur allègue que le rapport de la Suisse intitulé Sri Lanka : Current Situation – Update, daté du 15 novembre 2012, aurait dû être examiné par l’agent d’ERAR. Bien qu’il soit loisible à l’agent de le faire, je ne suis pas disposé à conclure qu’il s’agissait d’une erreur de ne pas le faire. L’agent n’a pas parlé du rapport de la Suisse, mais je ne suis pas convaincu qu’il l’a ignoré.

[11]           Le demandeur fait valoir que le document du ministère de l’Intérieur du R.‑U. cité par l’agent d’ERAR était une aberration et que ce dernier n’aurait pas dû s’y fonder puisqu’il ne reconnaît pas que les Tamouls au Sri Lanka peuvent être exposés à des risques pour une simple présomption de liens avec les TLET. Je ne souscris pas à cette description du document du ministère de l’Intérieur du R.‑U. Il indique clairement que la présomption de liens avec les TLET est un facteur de risque : au paragraphe 3.9.7.

C.                 Autres questions en litige

[12]           Le demandeur affirme qu’il a effectivement des liens présumés avec les TLET. Toutefois, je ne suis pas convaincu que cette affirmation est étayée par la preuve.

[13]           Le demandeur affirme également qu’il est exposé à des risques à son retour au Sri Lanka à titre de demandeur d’asile débouté. L’agent d’ERAR a conclu que les autorités sri lankaises ciblent les rapatriés qui sont visés par un facteur de risque existant, p. ex. des liens présumés avec les TLET. L’agent n’était pas convaincu que les rapatriés qui ne sont pas visés par des facteurs de risque de cette nature sont exposés à des risques à titre de demandeurs d’asile déboutés. À mon avis, il s’agit d’une conclusion raisonnable.

[14]           Enfin, je ne suis pas convaincu que l’agent d’ERAR a commis une erreur en concluant (i) que le demandeur ne court aucun risque attribuable à son origine ethnique ou à sa religion et (ii) qu’il n’y a pas suffisamment de renseignements et d’éléments de preuve à l’appui de l’allégation selon laquelle les membres de sa famille ont fait l’objet d’une tentative d’extorsion au Sri Lanka en raison de liens présumés avec les TLET.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
  2. Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

« George R. Locke »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, B.A. en trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6345-14

 

INTITULÉ :

SURESHKUMAR THAVAPALAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (QuÉbec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 MARS 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LOCKE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 17 AVRIL 2015

 

COMPARUTIONS :

Rachel Benaroch

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Margarita Tzavelakos

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Rachel Benaroch

Avocate

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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