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Date : 20150505


Dossier : IMM‑3607‑14

Référence : 2015 CF 588

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 5 mai 2015

En présence de monsieur le juge Brown

ENTRE :

SANJIDA MORIOM

(ALIAS SONIA AKTER)

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Résumé

[1]               La présente est une demande de contrôle judiciaire déposée par Sanjida Moriom (la demanderesse), conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR), de la décision datée du 7 avril 2014 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SPR) a conclu que la demande de la demanderesse était manifestement infondée et que la demanderesse n’avait pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger. La demande est rejetée pour les motifs qui suivent.

II.                Les faits

[2]               La demanderesse est née le 29 avril 1992. Elle est citoyenne du Bangladesh. Elle a prétendu avoir été une militante politique de l’opposition au sein de l’aile féminine du Parti nationaliste du Bangladesh (PNB). Elle a prétendu qu’un homme de main du parti de la Ligue Awami, qui est au pouvoir, l’avait ciblée en raison de ses activités politiques et de son refus de l’épouser. Elle a également prétendu avoir été ciblée par la police du Bangladesh et d’autres autorités.

[3]               Au Canada, la demanderesse a soumis une demande d’asile sous un faux nom et a présenté de faux renseignements à l’appui de sa demande. Elle a prétendu être en danger au Bangladesh parce qu’elle est une femme et qu’elle a participé à des activités politiques de l’opposition au sein du PNB.

[4]               La SPR a rejeté la demande d’asile de la demanderesse le 7 avril 2014. Le 1er mai 2014, la demanderesse a déposé à la Cour une demande d’autorisation et une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision de la SPR. L’autorisation a été accordée le 28 janvier 2015.

III.             La décision faisant l’objet du présent contrôle

[5]               La question déterminante était la crédibilité de la demanderesse. La SPR a déterminé que les éléments de preuve qu’elle a présentés étaient frauduleux et qu’ils n’étaient pas dignes de foi.

[6]               La SPR a souligné que, bien que la demanderesse ait indiqué dans les documents remplis au point d’entrée (PDE) et dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) initial que son nom est « Sonia Akter » et qu’elle est née le 14 avril 1991, elle a admis à l’audience que son acte de naissance avait été obtenu de manière frauduleuse de l’un de ses amis au Bangladesh.

[7]               La SPR a souligné que ni les documents remplis au PDE ni son FRP ne renfermaient de renseignements sur ses séjours pour études au Royaume‑Uni (R.‑U.) et aux États‑Unis (É.‑U.). Elle a plutôt indiqué qu’elle était venue directement au Canada à partir du Bangladesh, qu’elle n’avait pas de pseudonymes et qu’elle détenait un passeport valide du Bangladesh. La SPR a souligné que, dans ces deux documents, la demanderesse a déclaré que les renseignements qu’elle fournissait étaient complets, vrais et exacts.

[8]               L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a fourni un rapport de la Conférence des cinq nations (CCN) datant du 12 décembre 2012 qui faisait état de comparaisons d’empreintes digitales entre le Canada et le R.‑U. et qui a révélé une correspondance biométrique exacte avec la demanderesse. Selon ce rapport, la demanderesse s’appelait « Sanjida Moriom », et sa date de naissance était le 29 avril 1992. L’ASFC a également fourni un rapport de la CCN datant du 27 décembre 2010 qui présentait des comparaisons d’empreintes digitales entre le Canada et les É.‑U. et qui a révélé une correspondance biométrique exacte avec la demanderesse. Ce rapport mentionnait également que la demanderesse s’appelait « Sanjida Moriom » et que sa date de naissance était le 29 avril 1992.

[9]               La SPR a souligné que la demanderesse a admis dans son FRP révisé, présenté après la communication des renseignements de la part du ministre, qu’elle avait inscrit un faux nom et une fausse date de naissance dans les documents qu’elle a remplis au PDE et dans son FRP initial. Elle a également admis qu’elle détenait un passeport du Bangladesh faisant état de sa vraie identité et des renseignements communiqués par le ministre. En outre, elle a admis qu’elle a obtenu un visa temporaire pour le Canada au moyen de ce passeport, qu’elle est entrée au Canada à partir des É.‑U. grâce à ce visa et qu’elle a résidé au R.‑U. pendant un an et aux É.‑U. pendant six mois avant de venir au Canada.

[10]           La SPR a conclu que les éléments de preuve présentés par la demanderesse différaient considérablement des résultats biométriques en ce qui a trait à son nom, à sa date de naissance, à son passeport, à ses séjours au R.‑U. et aux É.‑U. ainsi qu’à l’itinéraire de son voyage jusqu’au Canada. De plus, la SPR a conclu que le FRP révisé de la demanderesse confirmait le fait qu’elle avait également inscrit de faux renseignements sur son FRP initial au chapitre des antécédents de voyage, des antécédents de résidence, des demandes de visa antérieures et de l’itinéraire du voyage jusqu’au Canada. La SPR a aussi signalé que la demanderesse, dans ses documents remplis au PDE et son FRP initial, a toujours affirmé aux autorités canadiennes de l’immigration qu’elle n’avait aucun pseudonyme. En outre, la SPR a précisé que, à l’audience, la demanderesse a admis qu’elle avait menti sur son identité parce que sa communauté à Toronto lui avait dit que cela l’aiderait à obtenir le statut de réfugié au Canada. 

[11]           La SPR a conclu que la demanderesse a délibérément présenté une fausse identité et d’autres renseignements importants en vue de tromper la SPR et les autorités de l’immigration au PDE et qu’elle a agi ainsi pour faire avancer une demande frauduleuse d’asile au Canada. Qui plus est, la SPR a conclu que la demanderesse a délibérément fait une fausse déclaration à propos de son nom, de sa date de naissance et de son passeport et qu’elle a omis de fournir des renseignements sur ses séjours au R.‑U. et aux É.‑U. dans son FRP initial et dans les documents qu’elle a remplis au PDE en vue de demander l’asile au Canada et que, ce faisant, elle a fortement miné sa crédibilité et la légitimité de sa demande.

[12]           La SPR a fait remarquer que la demanderesse a reconnu qu’elle avait fait de fausses déclarations sur sa situation dès le début du processus de demande d’asile. La SPR a réitéré que ces fausses déclarations ont été faites dans le but délibéré d’induire en erreur la Commission de l’immigration et du statut de réfugié afin que celle‑ci accueille sa demande d’asile.

[13]           La SPR a conclu que la demande de la demanderesse était clairement frauduleuse, qu’elle n’était pas digne de foi et qu’elle était « manifestement infondée » aux termes de l’article 107.1 de la LIPR. Par conséquent, la SPR a rejeté la demande d’asile de la demanderesse. En l’espèce, il importe de présenter les conclusions de la SPR dans leur intégralité :

[15]      À la lumière de la preuve présentée, le tribunal juge que les éléments de preuve fournis par la demandeure d’asile dans ses documents au PDE et son formulaire FDA [Fondement de la demande d’asile] original diffèrent considérablement des résultats biométriques transmis par la CCN en ce qui concerne son nom, sa date de naissance, son passeport, son séjour au R.-U. et aux É.-U. et le parcours qu’elle a emprunté pour se rendre au Canada. Son formulaire FDA modifié et son témoignage confirment qu’elle a également donné de faux renseignements dans son formulaire FDA original quant à ses antécédents de voyage, à ses antécédents de résidence, à ses demandes de visa antérieures et à son itinéraire vers le Canada.

[16]      En outre, la demandeure d’asile a toujours affirmé aux autorités canadiennes de l’immigration, dans ses documents au PDE et son formulaire FDA original, qu’elle n’avait aucun pseudonyme. Bien qu’elle ait sollicité les services d’un conseil juridique pour préparer son formulaire FDA original, elle a tout de même fourni de faux renseignements à la SPR et au tribunal. À l’audience, elle a reconnu avoir menti au sujet de son identité, parce que sa communauté à Toronto lui avait conseillé de le faire pour obtenir l’asile au Canada.

[17]      Puisque la demandeure d’asile demandait l’asile au Canada, il est raisonnable de s’attendre à ce qu’une personne raisonnablement scolarisée et représentée par un conseil fournisse des éléments de preuve digne de foi dans son formulaire FDA original, où elle déclarait que les renseignements présentés étaient complets, vrais et exacts. D’après la preuve présentée, le tribunal juge que la demandeure d’asile a délibérément fourni une identité frauduleuse ainsi que des renseignements importants qui se sont révélés faux dans le but de tromper la SPR et les services d’immigration au PDE. Le tribunal conclut qu’elle a agi ainsi dans le but de donner du poids à une demande d’asile frauduleuse au Canada.

[18]      En se fondant sur l’ensemble de la preuve fournie, le tribunal estime que la demandeure d’asile, alias Sanjida Moriom, a consciemment fait de fausses déclarations concernant son nom, sa date de naissance et son passeport, en omettant de donner des renseignements sur ses séjours au R.‑U. et aux É.‑U. dans son formulaire FDA original et ses documents au PDE dans le but de renforcer sa demande d’asile au Canada. Par conséquent, le tribunal conclut que la demandeure d’asile a considérablement miné sa crédibilité ainsi que le bien-fondé de sa demande d’asile.

[19]      En l’espèce, la demandeure d’asile a reconnu avoir fait de fausses déclarations sur son identité, et ce, dès le début de son processus de demande d’asile. Les rapports de la CCN ont démontré que la demande d’asile repose sur des déclarations fausses de nature importante. De surcroît, les fausses déclarations ont été faites dans le but délibéré de tromper la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada et d’obtenir une décision favorable à l’égard de la demande d’asile. La demandeure d’asile a consciemment choisi de cacher son nom et sa date de naissance véritables, ainsi que le fait qu’elle possédait un passeport du Bangladesh valide, dans son formulaire FDA original et ses documents au PDE.

[20]      Par conséquent, à la lumière de la preuve présentée, le tribunal conclut que la demande d’asile de la demandeure d’asile est clairement frauduleuse et manifestement infondée et qu’elle n’est pas digne de foi. Le tribunal rejette donc la demande d’asile de la demandeure d’asile. [Renvois omis.]

IV.             Questions en litige

[14]           La question en litige consiste à savoir si la SPR a commis une erreur en ne tenant pas dûment compte de la preuve de corroboration.

V.                Norme de contrôle

[15]           Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 57 et 62 (Dunsmuir), la Cour suprême du Canada a conclu qu’il n’est pas nécessaire de se livrer à une analyse relative à la norme de contrôle si « la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier ». Il est bien établi que la raisonnabilité constitue la norme de contrôle applicable quant aux conclusions de la SPR en matière de crédibilité : Sun c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 387 au paragraphe 17. Dans l’arrêt Dunsmuir, au paragraphe 47, la Cour suprême du Canada a expliqué ce qui était attendu d’une cour appliquant la norme de contrôle de la décision raisonnable :

La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[16]           La Cour d’appel fédérale a jugé que les conclusions relatives à la crédibilité constituent « l’essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits » (Giron c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) [1992], 143 NR 238, à la page 239 (CAF)) (Giron). Le tribunal est le mieux placé pour apprécier la crédibilité d’un demandeur d’asile, et sa décision à cet égard commande une grande déférence dans le contexte d’un contrôle judiciaire.

VI.             Observations des parties et analyse

[17]           La demanderesse soutient que la SPR a eu tort de rejeter sa demande sur la seule base de ses nombreuses fausses déclarations. Ce faisant, affirme la demanderesse, la SPR n’a pas tenu compte de tous les éléments de preuve se rapportant à sa situation. La demanderesse se fonde sur la jurisprudence, y compris la décision Tahmoursati c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1278, aux paragraphes 40 et 41 (Tahmoursati), selon laquelle la SPR est tenue de dire clairement qu’elle reconnaît l’existence de la preuve contradictoire qui semblait corroborer les mensonges de la demanderesse ainsi que le fait que la demanderesse disait, enfin, la vérité :

[40]      Lorsqu’elle a évalué la crédibilité, la Commission aurait dû examiner la preuve du demandeur selon laquelle il allait maintenant dire la vérité. Dans son témoignage, il mentionne bel et bien les agressions perpétrées par son père. La Commission dit tout simplement que parce que le demandeur a menti par le passé, il continue de mentir et qu’on ne saurait le croire.

[41]      Cela est peut‑être vrai et il n’est pas peut‑être pas manifestement déraisonnable de tirer cette conclusion, compte tenu de la preuve. Cependant, la Commission doit dire clairement qu’elle reconnaît l’existence de la preuve contradictoire, qu’elle a examiné cette preuve qui semble corroborer l’explication donnée au sujet des mensonges et qu’elle a tenu compte du fait que le demandeur disait, enfin, la vérité. Cette preuve était trop importante pour que la Commission affirme d’une manière générale et routinière qu’elle a examiné toute la preuve. Il faut conclure que cette preuve a été mise de côté puisque la Commission a décidé que les mensonges du demandeur étaient à ce point répugnants (et ils l’étaient) qu’elle n’était pas disposée à le croire ni à examiner toute la preuve qu’il avait produite et qui était susceptible d’étayer qu’il disait, enfin, la vérité.

[18]           À mon avis, l’argument de la demanderesse doit être rejeté pour plusieurs raisons.

[19]           Tout d’abord, la SPR est présumée prendre en compte l’ensemble du dossier : Herrera Andrade c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1490, au paragraphe 11. La demanderesse est tenue de réfuter cette présomption et, à mon avis, elle n’a pas réussi. Je ne suis pas convaincu que la SPR a rejeté sa demande sans avoir examiné l’ensemble du dossier. En affirmant que la demanderesse avait, en raison de ses nombreuses fausses déclarations, « considérablement miné sa crédibilité ainsi que le bien-fondé de sa demande d’asile » [non souligné dans l’original], la SPR voulait dire que le reste des éléments de preuve présentés par la demanderesse avait effectivement été pris en compte et jugé non crédible à la lumière des faux éléments de preuve qu’elle avait produits. Cette conclusion justifie à elle seule le rejet de la demande.

[20]           En outre, la SPR a mentionné expressément et à répétition qu’elle avait examiné « l’ensemble de la preuve » et a souligné que sa décision avait été rendue « à la lumière de la preuve présentée ». Je ne vois aucune raison de croire que le tribunal n’a pas agi ainsi.

[21]           La Cour doit également appliquer la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 aux paragraphes 14 et 22 (Newfoundland Nurses). Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada a conclu que l’insuffisance des motifs ne justifie pas à elle seule d’annuler une décision et que toute attaque du raisonnement ou de la solution d’une décision doit donc être fondée sur la norme du caractère raisonnable. La Cour suprême a expliqué les conditions auxquelles doivent satisfaire les motifs d’un tribunal pour répondre aux critères établis dans l’arrêt Dunsmuir :

Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision. Le décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit‑il, qui a mené à sa conclusion finale (Union internationale des employés des services, local no 333 c. Nipawin District Staff Nurses Assn., [1975] 1 R.C.S. 382, p. 391). En d’autres termes, les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables. [Arrêt Newfoundland Nurses, au paragraphe 16. Voir également l’arrêt Construction Labour Relations c Driver Iron Inc, 2012 CSC 65, au paragraphe 3.]

[22]           À mon avis, la SPR n’était nullement tenue de faire renvoi à d’autres éléments de preuve dans ses motifs parce que les motifs qu’elle a présentés étaient très clairs. Ils permettent à la Cour de comprendre le fondement de la décision de la SPR. Ils me permettent de déterminer si les conclusions de la SPR font partie des issues possibles acceptables et, à mon avis, elles en font partie. Cette conclusion suffit également pour rejeter la présente demande.

[23]           Pour ces motifs, j’en conclus que l’allégation de la demanderesse voulant que la SPR n’ait pas dûment examiné des éléments de preuve potentiellement corroborants est sans fondement. Cette conclusion est d’autant plus étayée par le fait que la Cour d’appel fédérale a déjà traité de cette question, nonobstant le fait que cette dernière continuera peut‑être d’être soulevée devant la Cour fédérale.

[24]           Il semble y avoir deux courants jurisprudentiels. D’une part, selon la décision Lawal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 558 et d’autres décisions, le manque de crédibilité d’un demandeur peut être généralisé à « l’ensemble de la preuve documentaire qu’il a présentée pour corroborer sa version des faits »; ainsi, la SPR n’a pas à prendre en considération tous les documents présentés par un demandeur à l’appui de son récit :

[22]      Compte tenu des incohérences et des invraisemblances susmentionnées, il était raisonnable que la Commission tire une conclusion générale d’absence de crédibilité en l’espèce. Cette conclusion s’étend à tous les éléments de preuve pertinents découlant de la version du demandeur : Sheikh c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 3 C.F. 238 (C.A.), paragraphe 8. Le manque de crédibilité du demandeur peut aussi être généralisé à l’ensemble de la preuve documentaire qu’il a présentée pour corroborer sa version des faits. Ainsi, la Commission n’avait pas à prendre en considération tous les documents présentés par le demandeur à l’appui de son récit : Nijjer c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1259, [2009] A.C.F. no 1696, paragraphe 26. [Non souligné dans l’original.]

[25]           D’autre part, selon l’arrêt Karayel c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1305, aux paragraphes 15 à 17, la décision Tahmoursati et d’autres décisions, même dans les cas où la SPR conclut que le demandeur manque de crédibilité, elle doit démontrer qu’elle a examiné la preuve corroborante, ne serait‑ce que brièvement : 

[17]      La Commission a le droit d’apprécier la preuve comme elle l’entend. Toutefois, le demandeur doit être assuré, à la lecture de la décision, que la preuve a été examinée. Rien dans la présente décision ne démontre que le commissaire a apprécié la preuve – il aurait pu simplement expliquer en une seule phrase qu’il n’y accorde aucun poids (Mladenov c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 74 FTR 161, 46 ACWS (3d) 302, par. 10). Cela est regrettable.

[26]           À mon avis, la question relative à ces raisonnements a été résolue par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Sellan, 2008 CAF 381 (Sellan), où une question a été certifiée aux fins de décision par la Cour d’appel et où cette dernière a conclu ce qui suit :

[2]               Le juge a aussi certifié une question, en l’occurrence : Lorsqu’il existe une preuve objective pertinente susceptible d’étayer une demande de protection et que la Section de la protection des réfugiés estime que la preuve subjective présentée par le demandeur n’est pas crédible, sauf en ce qui concerne l’identité, la Section de la protection des réfugiés doit‑elle apprécier cette preuve objective au regard de l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés?

[3]        À notre avis, il faut répondre à cette question de la façon suivante : Lorsque la Commission tire une conclusion générale selon laquelle le demandeur manque de crédibilité, cette conclusion suffit pour rejeter la demande, à moins que le dossier ne comporte une preuve documentaire indépendante et crédible permettant d’étayer une décision favorable au demandeur. C’est au demandeur qu’il incombe de démontrer que cette preuve existe.

[4]        Ce qui nous amène à la question de savoir s’il y avait au dossier présenté à la Commission une preuve permettant d’étayer une décision favorable à l’intimée. À notre avis, il est clair que cette preuve n’était pas au dossier. Nous sommes convaincus que si le juge avait examiné le dossier, comme il était tenu de le faire, il en serait sans aucun doute arrivé à la même conclusion. Dans ces circonstances, il serait inutile de renvoyer l’affaire à la Commission.

[Non souligné dans l’original.]

[27]           Par conséquent, et compte tenu de la conclusion rendue dans l’arrêt Sellan, la question consiste maintenant à savoir si le dossier comporte une preuve documentaire indépendante et crédible permettant d’étayer une décision favorable à la demanderesse. Dans l’arrêt Sellan, la Cour d’appel fédérale a examiné la preuve, a conclu que le dossier ne comportait pas la preuve décrite ci‑dessus, a annulé la décision du juge et a rejeté la demande de contrôle judiciaire. Je conclus également en ce sens en l’espèce. Bien que figurent au dossier des lettres du père, du frère et de l’ancien voisin de la demanderesse de même que des lettres provenant de membres éminents du parti politique de la demanderesse au Bangladesh et certaines photographies de la demanderesse accompagnée d’autres membres de son parti politique, je ne peux conclure que ces éléments de preuve sont indépendants comme l’exige l’arrêt Sellan.

[28]           Par conséquent, je conclus que la conclusion de la SPR relative à la crédibilité est raisonnable et que sa conclusion selon laquelle la demande de la demanderesse est « manifestement infondée » fait partie des issues possibles raisonnables permises dans l’arrêt Dunsmuir. Ainsi, la SPR n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a traité la preuve.

[29]           Aucune des parties n’a proposé de question à certifier, et l’affaire n’en soulève aucune.

VII.          Conclusions

[30]           La demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée, et aucune question ne devrait être certifiée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée, qu’aucune question n’est certifiée et qu’aucuns dépens ne sont adjugés.

« Henry S. Brown »

Juge

Traduction certifiée conforme

S. Tasset


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

IMM‑3607‑14

 

INTITULÉ :

SANJIDA MORIOM (ALIAS SONIA AKTER) c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 28 AVRIL 2015

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BROWN

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 5 MAI 2015

COMPARUTIONS :

Douglas Lehrer

POUR LA DEMANDERESSE

Christopher Crighton

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Douglas Lehrer

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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