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Date : 20150515


Dossier : IMM‑6808‑13

Référence : 2015 CF 640

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 15 mai 2015

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

PACKIYAKUMAR PATHMANATHAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               Monsieur Packiyakumar Pathmanathan est arrivé au Canada en 2010 à bord du MS Sun Sea. Il a demandé l’asile parce qu’il craignait d’être persécuté du fait de ses opinions politiques et de subir des traitements ou peines cruels et inusités au Sri Lanka, en raison de la perception selon laquelle il entretenait des liens avec les Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (TLET).

[2]               Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté la demande d’asile de M. Pathmanathan au motif que son compte rendu des faits n’était pas crédible. Selon la Commission, le témoignage de M. Pathmanathan comportait plusieurs éléments invraisemblables et des incohérences. La Commission a ainsi conclu que les autorités sri‑lankaises ne s’intéresseraient pas à M. Pathmanathan à son retour au pays.

[3]               En ce qui concerne le voyage de M. Pathmanathan à bord du MS Sun Sea, la Commission a conclu qu’il était peu probable que les autorités en soient au courant et que celui‑ci ne serait donc pas exposé à une menace à sa vie à son retour au Sri Lanka.

[4]               Monsieur Pathmanathan affirme que la décision de la Commission était déraisonnable du fait que celle‑ci n’a pas examiné adéquatement le risque auquel il était exposé en tant que passager du MS Sun Sea (demande d’asile dite sur place), puisque le risque allégué est survenu après son arrivée au Canada. Il me demande d’annuler la décision de la Commission et d’ordonner qu’un tribunal différemment constitué réexamine sa demande.

[5]               Je conviens que l’analyse de la Commission était insuffisante du fait que celle‑ci n’avait accordé aucune importance à la demande d’asile sur place présentée par M. Pathmanathan. Je dois donc accueillir la présente demande de contrôle judiciaire.

[6]               La seule question en litige est de savoir si la décision de la Commission était déraisonnable.

II.                La décision de la Commission était‑elle déraisonnable?

[7]               La Commission a reconnu qu’en tant que jeune Tamoul, M. Pathmanathan pourrait faire l’objet d’interrogations à son retour au Sri Lanka au sujet des liens qu’il entretiendrait avec les TLET. Toutefois, puisque M. Pathmanathan n’avait pas établi l’existence de liens avec les TLET, la Commission a conclu qu’il ne courrait aucun risque.

[8]               À mon avis, la décision de la Commission est déraisonnable parce que celle‑ci a ignoré des éléments de preuve importants sur cette question.

[9]               La Commission n’a cité aucun élément de preuve documentaire portant sur le traitement réservé aux passagers du MS Sun Sea ou du MS Ocean Lady, un autre navire qui a amené au Canada des demandeurs d’asile du Sri Lanka. Ces éléments de preuve montraient que les autorités sri‑lankaises et canadiennes avaient accusé les passagers de ces navires d’entretenir des liens avec les TLET. Il est clair, même en se rapportant à la preuve documentaire citée par la Commission, que les personnes soupçonnées d’avoir des liens avec les TLET, dont les demandeurs d’asile déboutés, risquent d’être torturées ou maltraitées à leur retour.

[10]           Ces éléments de preuve indiquent, contrairement à la conclusion de la Commission, que M. Pathmanathan serait probablement interrogé à son retour sur les liens possibles avec les TLET. Si la Commission avait examiné les éléments de preuve pertinents et avait toujours décidé de rejeter la demande d’asile de M. Pathmanathan, sa conclusion aurait appelé une grande retenue. Or, en l’absence d’une telle analyse, je conclus que la décision de la Commission n’appartient pas aux issues possibles acceptables, au regard des faits et du droit (comme dans YS c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 324, aux par. 69 et 70).

[11]           Étant donné que la question distincte de la crédibilité de M. Pathmanathan quant à son passé au Sri Lanka devra faire l’objet d’un nouvel examen lors d’une nouvelle audience, je n’ai pas à me prononcer en l’espèce sur les conclusions de la Commission.

III.             Conclusion et décision

[12]           La Commission a omis d’examiner des éléments de preuve importants se rapportant à la demande d’asile de M. Pathmanathan fondée sur le risque auquel il serait exposé en tant que demandeur d’asile débouté et de passager du MS Sun Sea. Par conséquent, le rejet de cette demande était déraisonnable. Je dois donc accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner qu’un tribunal différemment constitué de la Commission procède à un nouvel examen de la demande. Aucune des parties n’a proposé une question de portée générale à certifier et aucune n’est énoncée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE :

1.      La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.      L’affaire est renvoyée à un autre tribunal de la Commission pour nouvel examen.

3.      Aucune question de portée générale ne sera énoncée.

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑6808‑13

 

INTITULÉ :

PACKIYAKUMAR PATHMANATHAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 28 JANVIER 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 15 MAI 2015

COMPARUTIONS :

Robert Israel Blanshay

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Asha Gafar

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Blanshay & Lewis

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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