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Date : 20150605

Dossier : IMM‑5207‑14

Référence : 2015 CF 692

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 5 juin 2015

En présence de monsieur le juge Brown

ENTRE :

MUHAMMAD USMAN TARIQ

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS MODIFIÉS

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée par Muhammad Usman Tariq [le demandeur], conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], à l’égard de la décision rendue le 13 juin 2014 par la Section de la protection des réfugiés [SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada par laquelle cette dernière a conclu que la demande déposée par le demandeur est dépourvue d’un minimum de fondement et que le demandeur n’est pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

[2]               J’ai lu les observations écrites et entendu les observations orales des avocats des parties.

[3]               La demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée pour les motifs qui suivent.

[4]               Le demandeur est né le 18 septembre 1988. Il est un citoyen du Pakistan et soutient être de confession ahmadie lahorie. Il a quitté le Pakistan en décembre 2010 et est arrivé au Canada le 6 décembre 2013 après avoir passé trois ans en Équateur. Il a demandé l’asile au Canada au motif qu’il est persécuté par des groupes extrémistes comme le Jummiat Tulbah Islam (JTI) et le Lashkar e Jhangvi (LeJ) à cause de son profil de leader étudiant de confession ahmadie lahorie. Le 13 juin 2014, la SPR a rejeté la demande d’asile déposée par le demandeur. Ce dernier a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. L’autorisation lui a été accordée le 25 février 2015.

[5]               La SPR n’a eu aucun doute quant à l’identité du demandeur, à savoir qu’il est un ressortissant du Pakistan. La question déterminante était celle de la crédibilité.

[6]               Au moment d’évaluer la crédibilité du demandeur, la SPR a tenu compte de l’âge, de l’éducation et des antécédents de ce dernier. Plus précisément, la SPR a souligné que le demandeur avait terminé ses études universitaires et obtenu un diplôme en journalisme de l’université du Pendjab et qu’il possède une certaine connaissance de l’anglais et de l’espagnol. Après avoir eu l’occasion d’observer le demandeur pendant plus de trois heures durant l’audience, la SPR a conclu qu’il est instruit et compétent. Toutefois, elle a décidé que la preuve du demandeur ne devait pas être acceptée. Divers documents présentés à l’appui n’ont pas été acceptés pour écarter les conclusions quant à la crédibilité. Les conclusions en question sont décrites plus loin. Compte tenu de ces conclusions, la SPR a jugé que le demandeur n’est pas crédible en ce qui a trait à son identité religieuse en tant qu’ahmadi lahori et qu’il n’est donc pas crédible en ce qui concerne les préjudices qu’il aurait subis en raison de sa pratique de la religion ahmadie lahorie. La SPR a également conclu que le demandeur manquait de crédibilité en général et qu’aucun des événements importants que le demandeur prétend avoir vécus ne s’est véritablement produit. De plus, selon la SPR, le témoignage de vive voix du demandeur n’était, dans l’ensemble, ni digne de foi ni crédible. La SPR estime que le manque de crédibilité du demandeur en tant que témoin ainsi que l’absence de documents convaincants à l’appui de sa demande ont porté le coup fatal à sa demande.

[7]               À la lumière de ses conclusions cumulatives, la SPR a conclu que le demandeur ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’il existe une possibilité raisonnable qu’il soit persécuté pour l’un des motifs prévus dans la Convention ou qu’il soit personnellement exposé à une menace à sa vie, au risque de traitements ou peines cruels et inusités ou au risque d’être soumis à la torture au Pakistan. Par conséquent, la SPR a conclu que le demandeur n’est pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger. Elle a donc rejeté la demande déposée par le demandeur. La SPR a également conclu à l’absence de « minimum de fondement » de la demande, conformément au paragraphe 107(2) de la LIPR.

[8]               La présente affaire soulève la question de savoir si la SPR a tiré des conclusions sans tenir compte comme il se doit de la preuve dont elle disposait.

[9]               En ce qui concerne la norme de contrôle, la Cour suprême du Canada a déclaré, dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 57 et 62 [Dunsmuir], qu’il n’est pas nécessaire de procéder à une analyse pour arrêter la bonne norme de contrôle lorsque « la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier ». Il est bien établi que la norme de la décision raisonnable s’applique aux conclusions de fait et aux conclusions mixtes de fait et de droit tirées par la SPR, par exemple en ce qui concerne l’appréciation par la SPR de la crédibilité ainsi que son examen et son traitement de la preuve : Ye c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 647, aux paragraphes 17 et 18. Dans l’arrêt Dunsmuir, au paragraphe 47, la Cour suprême du Canada explique ce que l’on attend de la cour de révision qui applique la norme de contrôle de la décision raisonnable :

La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[10]           Comme la présente affaire repose presque uniquement sur la crédibilité, il convient de renvoyer à d’autres décisions à ce sujet. Il est bien établi que la SPR a un vaste pouvoir discrétionnaire pour ce qui est de préférer certains éléments de preuve à d’autres et de déterminer le poids à accorder aux éléments de preuve qu’elle accepte : Medarovik c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 61, au paragraphe 16; Pushpanathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 867, au paragraphe 67. L’analyse des conclusions de fait et des conclusions quant à la crédibilité est au cœur de son expertise : Giron c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 143 NR 238, à la page 239 (CAF). En fait, il est reconnu que la SPR possède une expertise en matière d’évaluation des demandes d’asile, et elle est autorisée par la loi à appliquer ses connaissances spécialisées : Chen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 805, au paragraphe 10. Par conséquent, la Cour ne doit pas substituer ses propres conclusions à celles de la SPR lorsqu’il était raisonnablement loisible à la SPR d’arriver à ses conclusions : Giron c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1377, au paragraphe 9 [Giron].

[11]           Dans l’arrêt Siad c Canada (Secrétaire d’État), [1997] 1 CF 608, au paragraphe 24 (CAF), la Cour d’appel fédérale a déclaré que la SPR :

se trouve dans une situation unique pour apprécier la crédibilité d’un demandeur du statut de réfugié. Les décisions quant à la crédibilité, qui constituent "l’essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits" doivent recevoir une déférence considérable à l’occasion d’un contrôle judiciaire, et elles ne sauraient être infirmées à moins qu’elles ne soient abusives, arbitraires ou rendues sans tenir compte des éléments de preuve.

[12]           Le demandeur soutient que la SPR a commis plusieurs erreurs au regard de la preuve qui justifient une intervention par voie de contrôle judiciaire. En toute déférence, je ne suis pas d’accord. À mon avis, le demandeur ne soulève aucune question susceptible de contrôle relativement à la preuve. Il demande plutôt à la Cour de soupeser de nouveau la preuve dont était saisie la SPR, ce qui n’est pas le rôle de la cour de révision qui examine une demande de contrôle judiciaire : Giannaros c Canada (Ministre du Développement social), 2005 CAF 187, au paragraphe 12.

[13]           Plus particulièrement, je vais présenter certaines des conclusions contestées par le demandeur et les commenter.

                    i.                        Le demandeur a omis de préciser dans son formulaire Fondement de la demande d’asile [FDA] que son père lui avait dit que des membres du JTI et du LeJ étaient encore « régulièrement » à sa recherche. Le demandeur affirme avoir oublié de mentionner cette information. La SPR a souligné que cette omission était importante du fait qu’elle concerne l’intérêt soutenu des agents de persécution. La SPR a précisé que le demandeur était représenté par un avocat compétent et qu’il avait affirmé au début de l’audience que le contenu de son FDA était complet, véridique et exact. La SPR a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur et a conclu que les membres du JTI et du LeJ ne sont plus à sa recherche. Commentaire de la Cour : Cette conclusion est raisonnable compte tenu de la retenue dont il faut faire preuve à l’égard des conclusions quant à la crédibilité tirées par la SPR. Je souligne également qu’il semble que ces groupes n’aient pas été à la recherche du demandeur durant les trois années qu’il a passées en Équateur, bien qu’il ait affirmé avoir entretenu des communications limitées avec les membres de sa famille au cours de cette période.

                  ii.                        La SPR a fait état de plusieurs doutes quant à l’identité religieuse du demandeur. Elle a souligné que, bien que le demandeur ait été en mesure de parler de façon générale de certains événements historiques, de la situation des ahmadis au Pakistan et des restrictions qui leur sont imposées, il n’a pas été en mesure de parler d’autres aspects fondamentaux de la religion ahmadie lahorie ni de certains événements historiques ou actuels dont il aurait dû, de l’avis de la SPR, se rappeler spontanément. Par exemple, le demandeur ne savait pas que le nom officiel de la secte ahmadie lahorie est Ahmadiyya Anjuman Isha’at‑i‑Islam. Le demandeur a plutôt répondu que son père l’avait informé qu’ils étaient connus sous le nom des ahmadis lahoris. La SPR a souligné que, selon la preuve objective, le mouvement islamique Ahmadiyya s’est divisé en deux groupes en 1914, soit les ahmadis et les lahoris, le dernier étant connu sous le nom d’Ahmadiyya Anjuman Isha’at‑i‑Islam. La SPR a conclu que le demandeur qui, selon ses allégations, est un ahmadi lahori pratiquant, aurait raisonnablement dû connaître le nom complet des lahoris. La SPR a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur à cet égard. Commentaire de la Cour : Le nom officiel de religions particulières, y compris celle du demandeur, n’est peut‑être pas connu de tous leurs adeptes. Or, tout compte fait, ces conclusions sont raisonnables compte tenu de la retenue dont il faut faire preuve à l’égard de la SPR relativement aux questions de crédibilité ainsi que de son expertise et de son expérience.

                iii.                        Le demandeur a affirmé qu’il n’y avait pas deux sectes différentes au sein de la communauté ahmadie. Or, lorsque la SPR lui a demandé s’il y avait la secte des lahoris et celle des qadianis, le demandeur a répondu par l’affirmative et a expliqué qu’il n’avait pas pu donner cette réponse spontanément parce qu’il avait la tête ailleurs. Bien que le demandeur ait été en mesure de décrire la différence principale entre les ahmadis lahoris et les ahmadis qadianis, la SPR a conclu que le demandeur aurait normalement dû savoir spontanément que la communauté ahmadie est divisée en deux groupes distincts. La SPR a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur à cet égard. Commentaire de la Cour : Encore une fois, le demandeur a répondu correctement uniquement quand la SPR le lui a rappelé. Tout compte fait, cette conclusion est raisonnable.

                iv.                        Lorsqu’on lui a demandé si l’année 1984 avait une importance particulière en ce qui concerne la persécution religieuse des ahmadis, le demandeur a répondu qu’il ne se souvenait pas d’un incident en particulier, mais qu’il savait que l’année 1977 était importante. Lorsque la SPR a demandé au demandeur s’il avait déjà entendu parler de l’ordonnance XX (communément appelée la loi « anti‑Ahmadi ») et lui a lu certains passages de la preuve objective se rapportant à l’ordonnance XX, il a affirmé qu’il « n’en avait pas entendu parler, mais qu’elle devait exister sans aucun doute ». Compte tenu de l’importance historique de l’ordonnance XX dans l’histoire de la persécution des ahmadis, la SPR a estimé qu’il était raisonnable que le demandeur, s’il est véritablement un ahmadi lahori pratiquant, ait une certaine connaissance de l’ordonnance XX sans que le tribunal ne le lui rappelle. La SPR a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur à cet égard. Commentaire de la Cour : Cette conclusion est raisonnable compte tenu de la retenue dont il faut faire preuve à l’égard des conclusions quant à la crédibilité tirées par la SPR et de l’expertise de cette dernière.

 

                  v.                        Lorsqu’on lui a demandé si la communauté ahmadie avait été frappée par des attaques importantes au cours des dernières années, le demandeur a répondu qu’il l’ignorait. Lorsque la SPR lui a demandé si des mosquées ahmadies avaient été la cible d’attentats à la bombe en mai 2010, le demandeur a répondu « je n’en sais rien ». La SPR souligne que le demandeur a affirmé qu’il habitait à Peshawar à cette époque et qu’il était retourné vivre à Lahore en juin 2010. Lorsque la SPR a lu un extrait de la preuve documentaire selon lequel « le 28 mai 2010, des attaques coordonnées sur deux mosquées ahmadies distinctes à Lahore [avaient] causé la mort de près de 100 personnes » et a posé la question de nouveau au demandeur à savoir s’il se souvenait de ces attaques, le demandeur a répondu que « oui, elles avaient eu lieu ». La SPR a rejeté l’explication du demandeur selon laquelle il oublie des choses, devient nerveux et a la tête ailleurs. Lorsque son avocat lui a demandé pourquoi il n’arrivait pas à se souvenir des attaques malgré le fait qu’il vivait au Pakistan à l’époque et qu’il était retourné vivre à Lahore dans le mois suivant l’attaque, le demandeur a expliqué qu’il était préoccupé par ses propres problèmes à l’époque. La SPR a rejeté l’explication du demandeur en précisant que ce dernier a affirmé oublier des choses ou avoir la tête ailleurs uniquement lorsqu’une question de crédibilité a été portée à son attention. La SPR a jugé qu’il n’était pas raisonnable que le demandeur ne sache rien de cette attaque compte tenu de sa gravité et du fait qu’elle visait des membres de sa propre communauté religieuse. La SPR a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur à cet égard. Commentaire de la Cour : Cette conclusion est raisonnable, en particulier étant donné que le demandeur est titulaire d’un diplôme en journalisme, comme l’a souligné la SPR.

                vi.                        La SPR a accordé peu de valeur probante à une lettre d’adhésion à l’Ahmadiyya Lahore compte tenu des préoccupations précédentes quant à la crédibilité et des autres conclusions défavorables qu’elle a tirées et compte tenu du nombre élevé de documents frauduleux au Pakistan et de leur accessibilité. Commentaire de la Cour : Cette conclusion est raisonnable, d’autant plus que le demandeur a affirmé qu’il ne connaissait pas l’auteur de la lettre et que c’est son père qui lui a fourni le document.

                          vii.            Lorsqu’on lui a demandé s’il fréquentait une mosquée au Canada ou s’il prenait part aux activités de la communauté ahmadie lahorie au Canada, le demandeur a répondu qu’« il n’y a pas de mosquées pour les ahmadis lahoris au Canada ». Lorsqu’on lui a demandé s’il connaissait la section de l’Ontario de l’Ahmadiyya Anjuman Isha’at Islam (OAAIL), le demandeur a expliqué que c’est son ami qui lui avait dit qu’il n’y avait aucune mosquée pour ahmadis lahoris au Canada et qu’il n’avait pas fait ses propres recherches parce qu’il était préoccupé et stressé. La SPR a reconnu le fait que le demandeur était peut‑être stressé et préoccupé, mais qu’il a néanmoins été en mesure de communiquer avec sa famille au Pakistan pour qu’elle lui envoie des documents dans le cadre de son audience concernant le statut de réfugié, notamment des affidavits des membres de sa famille et de ses amis ainsi que des reçus officiels de dons; il aurait été raisonnable qu’il fasse des recherches pour savoir s’il existait une communauté ahmadie lahorie au Canada. La SPR a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur à cet égard. Commentaire de la Cour : Là encore, cette conclusion est raisonnable et fondée sur la preuve. Elle est également exposée clairement, comme il se doit.

            viii.                        Les trois reçus officiels de dons d’Ahmadiyya Anjuman Lahore déposés en preuve par le demandeur sont tous datés après son départ du Pakistan et peu avant son arrivée au Canada trois ans plus tard. Le demandeur a expliqué que son père avait fait les dons en son nom. La SPR a conclu que les reçus ne corroborent pas en soi l’identité religieuse du demandeur en tant qu’ahmadi lahori. La SPR a accordé une faible valeur probante aux reçus compte tenu des préoccupations précédentes quant à la crédibilité ainsi que des conclusions défavorables qu’elle a tirées et compte tenu du nombre élevé de documents frauduleux au Pakistan et de leur accessibilité. Commentaire de la Cour : À mon avis, il est raisonnable que la SPR ait accordé une valeur probante faible, voire nulle, à une petite poignée de contributions qui ont été versées, à vrai dire, non pas par le demandeur lui‑même, mais par une tierce partie (son père).   

                ix.                        Les affidavits présentés par le demandeur n’étaient pas datés. La SPR a jugé qu’il était difficile d’en assurer la véracité. La SPR a également souligné avoir eu l’occasion d’évaluer la crédibilité du demandeur et avoir conclu qu’il n’était pas crédible. Par conséquent, elle a accordé peu de valeur probante aux affidavits non attestés des amis et des membres de sa famille. Commentaire de la Cour : Cette conclusion est également raisonnable et conforme au droit établi, à savoir qu’il est loisible à la SPR d’accorder une faible valeur probante aux autres documents même s’ils ne reflètent pas les déclarations du demandeur d’asile lorsqu’elle tire une conclusion générale défavorable quant à la crédibilité. C’est exactement ce qui s’est produit en l’espèce. C’est permis, et j’estime que c’est raisonnable. Comme il a été déclaré dans la décision Giron, au paragraphe 11 :

11. …. Les documents ne reflétant que des déclarations faites par le demandeur ne peuvent pas se voir accorder une grande valeur probante une fois qu’une conclusion défavorable quant à la crédibilité a été tirée. Au paragraphe 21 de Hamid c. Canada (MEI) (1995), 58 A.C.W.S. (3d) 469, le juge Nadon (maintenant juge à la Cour d’appel fédérale) a écrit :

21        Par conséquent, à mon avis, la prétention du requérant voulant que la Commission soit tenue d’analyser la preuve documentaire « indépendamment du témoignage du requérant » doit être examinée dans le contexte des procédures informelles qui s’appliquent devant la Commission. Lorsqu’une commission, comme vient de le faire la présente, conclut que le requérant n’est pas crédible, dans la plupart des cas, il s’ensuit nécessairement que la Commission ne donnera pas plus de valeur probante aux documents du requérant, à moins que le requérant ne puisse prouver de façon satisfaisante qu’ils sont véritablement authentiques. En l’espèce, la preuve du requérant n’a pas convaincu la Commission qui a refusé de donner aux documents en cause une valeur probante. Autrement dit, lorsque la Commission estime, comme ici, que le requérant n’est pas crédible, il ne suffit pas au requérant de déposer un document et d’affirmer qu’il est authentique et que son contenu est vrai. Une certaine forme de preuve corroborante et indépendante est nécessaire pour compenser les conclusions négatives de la Commission sur la crédibilité.

                  x.                        Bien que la SPR n’ait pas remis en question l’opinion formulée dans le rapport psychologique, elle a souligné que le rapport n’indique pas que le demandeur souffre de troubles cognitifs ou de problèmes de mémoire. La SPR a ajouté que le rapport psychologique semblait reposer sur des incidents et des événements inventés qui ont été racontés par le demandeur au psychologue et que la preuve relative à son état psychologique au regard de ces expériences n’est donc pas fiable. Commentaire de la Cour : Il était raisonnable que la SPR tire ces conclusions compte tenu des faits en l’espèce. L’avocat du demandeur a insisté sur le fait que le demandeur était nerveux et qu’il avait des problèmes de mémoire à court terme. Or, le rapport du psychologue ne comporte aucune mention de ces problèmes de mémoire à court terme (rapportés par le demandeur lui‑même). Quoi qu’il en soit, les questions auxquelles le demandeur n’a pu répondre raisonnablement, comme il a été décrit précédemment, ne font pas appel à la mémoire à court terme.

[14]           Il importe de souligner que la lettre de l’organisation ahmadie confirmant son adhésion, les reçus officiels de dons, le rapport psychologique et les affidavits de son père et d’amis de la famille ont tous été mentionnés de façon explicite par la SPR dans ses motifs. La SPR a également fait part de ses préoccupations ainsi que des raisons pour lesquelles elle avait accordé une faible valeur probante à ces documents.

[15]           À mon avis, tant en ce qui concerne la preuve que les documents, la SPR a évalué la crédibilité exactement comme il se doit. Sa décision est justifiée, et ses motifs sont transparents et intelligibles. Sa décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. La demande de contrôle judiciaire doit donc être rejetée.

[16]           Les parties n’ont proposé aucune question à certifier, et la présente affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT

LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire. Aucune question n’est certifiée, et aucuns dépens ne sont adjugés.

« Henry S. Brown »

Juge

Traduction certifiée conforme

Stéphanie Pagé, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

IMM‑5207‑14

 

INTITULÉ :

MUHAMMAD USMAN TARIQ c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 25 MAI 2015

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BROWN

DATE DES MOTIFS :

LE 29 MAI 2015

Modifiés le 5 juin 2015

COMPARUTIONS :

Lani Gozlan

POUR LE DEMANDEUR

Alexsandra Lipska

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lani Gozlan

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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