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Date : 20150522


Dossier : IMM‑2110‑14

Référence : 2015 CF 665

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 22 mai 2015

En présence de madame la juge Tremblay‑Lamer

ENTRE :

KARTHIK MARIO RAVICHANDRAN

VINODH MARINO RAVICHANDRAN

DIVIYA MARIZA RAVICHANDRAN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi], à l’égard d’une décision rendue par une agente des visas au Haut‑commissariat du Canada à New Delhi, en Inde, par laquelle ont été rejetées les demandes de résidence permanente au Canada déposées par les demandeurs au titre de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières et de la catégorie de personnes de pays d’accueil conformément aux articles 11 et 96 de la Loi et aux articles 139 et 145 à 147 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227.

I.                   Faits

[2]               Les demandeurs sont trois frères et sœurs. Ils sont des citoyens du Sri Lanka d’origine ethnique tamoule.

[3]               Ils soutiennent que leur famille est devenue la cible de persécution par les autorités sri lankaises en février 2007 après que leur père a refusé de délivrer un billet de voyage à un proche du dirigeant du groupe paramilitaire Karuna. Il a par la suite été enlevé par la police et torturé. Un ami de la famille a assuré sa libération en échange d’une somme considérable, et il a ensuite été averti par des amis de quitter son domicile. Il est parti en compagnie de son plus jeune fils.

[4]               Quelques jours plus tard, alors que les deux autres enfants et leur mère se trouvaient chez eux, la police et le groupe Karuna ont fait une descente à leur domicile, les ont menacés avec une arme et ont exigé de savoir où se trouvait le père. À un moment donné, ils ont commencé à traîner la demanderesse dans une chambre. C’est à ce moment que la mère est intervenue et a été poussée. Le grand frère de la demanderesse est alors intervenu. Il a été agressé puis amené à l’extérieur dans un camion de police où il a été battu. Il a été amené au poste de police où il a été battu de nouveau. Le lendemain, sa mère a assuré sa libération en échange d’une somme d’argent, mais a été informée qu’elle allait devoir verser une somme supplémentaire dans le mois suivant sa libération. Les deux demandeurs et leur mère se sont cachés puis se sont enfuis en Inde séparément au cours des trois mois qui ont suivi.

[5]               Le 12 mars 2014, l’agente a fait passer des entrevues individuelles à chacun des trois demandeurs. Elle a trouvé que leurs récits se ressemblaient beaucoup. Elle les a interrogés à ce sujet, et l’un d’eux a répondu que les similitudes s’expliquaient probablement par le fait qu’ils s’étaient fondés sur un récit pour se remettre les choses en mémoire avant l’entrevue.

II.                Décision contestée

[6]               L’agente a conclu que les demandeurs n’avaient pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour établir qu’ils craignaient avec raison d’être persécutés s’ils devaient retourner au Sri Lanka.

[7]               Cette conclusion repose principalement sur le fait qu’elle a jugé que les témoignages des demandeurs n’étaient pas crédibles. D’abord, leurs témoignages étaient extrêmement semblables, ce qui porte à croire qu’ils étaient préparés. Puis, ils ont fourni des renseignements contradictoires au sujet de l’historique de leurs voyages.

[8]               À titre subsidiaire, elle a conclu que, même si certains des renseignements fournis par les demandeurs étaient véridiques, elle n’acceptait pas l’idée selon laquelle le gouvernement était toujours à leur recherche parce que leur père, avec qui ils ne sont plus en contact, avait refusé de délivrer un billet de voyage sept ans auparavant.

III.             Questions à trancher

A.                 Les affidavits de l’agente sont‑ils admissibles?

B.                 L’agente a‑t‑elle commis une erreur en concluant que les demandeurs ne sont pas crédibles?

C.                 L’agente a‑t‑elle commis une erreur en concluant que les demandeurs n’ont pas établi une crainte fondée de persécution malgré le fait que certains éléments de preuve présentés par ces derniers s’avéraient crédibles?

IV.             Norme de contrôle

[9]               La question de savoir si un demandeur appartient ou non à la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières est une question mixte de fait et de droit qui est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Bakhtiari c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 1229, au paragraphe 22).

V.                Régime législatif

[10]           La catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières est régie par les articles 144 et 145 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le Règlement]. Un étranger appartient à cette catégorie lorsqu’un agent lui a reconnu la qualité de réfugié au sens de la Convention aux termes de l’article 96 de la Loi alors qu’il se trouvait hors du Canada.

[11]           Les dispositions législatives pertinentes de la Loi et du Règlement sont reproduites en annexe au présent jugement et à ses motifs.

VI.             Analyse

A.                Les affidavits de l’agente sont‑ils admissibles?

[12]           Les demandeurs soutiennent que la Cour ne devrait pas tenir compte des affidavits de l’agente, datés du 24 juin 2014 et du 27 mars 2015, au motif qu’ils visent à compléter les motifs de l’agente (Barboza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1420, au paragraphe 26).

[13]           Bien que les affidavits de l’agente témoignent de façon légitime de ses pratiques en ce qui a trait à la prise de notes durant les entrevues et répondent aux allégations formulées par les demandeurs selon lesquelles certaines des déclarations faites en entrevues n’ont pas été consignées dans les notes de l’agente, j’ai conclu, après avoir comparé les affidavits de cette dernière aux motifs fournis dans la lettre de décision et aux notes du Système mondial de gestion des cas (SMGC), que les affidavits en question fournissent des motifs supplémentaires à l’appui de la décision.

[14]           Comme le défendeur ne peut soumettre une preuve par affidavit dans le cadre d’un contrôle judiciaire pour compléter les motifs de la décision contestée, je ne tiens pas compte des motifs supplémentaires présentés dans les affidavits de l’agente.  

B.                 L’agente a‑t‑elle commis une erreur en concluant que les demandeurs ne sont pas crédibles?

[15]           Selon les demandeurs, l’agente a commis une erreur en fondant sa conclusion défavorable quant à la crédibilité sur les similitudes dans leurs témoignages et les incohérences dans leurs témoignages respectifs en ce qui concerne les endroits où ils ont voyagé il y a 17 ans durant leur tendre enfance. J’examine successivement chacun de ces arguments ci‑après.

(1)               Conclusion quant à la crédibilité fondée sur la similitude des témoignages

[16]           Les demandeurs soutiennent que l’agente a commis une erreur en concluant que leurs témoignages à l’entrevue se ressemblaient trop et n’étaient donc pas crédibles, étant donné que l’harmonie est le signe distinctif de la crédibilité, en particulier dans le contexte du droit des réfugiés. Selon eux, l’agente a agi de façon déraisonnable en n’acceptant pas leur explication selon laquelle ils avaient relu leurs exposés circonstanciés avant l’entrevue afin de se remettre les choses en mémoire. Elle a également omis de tenir compte du fait que plusieurs des incidents décrits concernaient en fait leur père et leur avaient été racontés par leurs parents, ce qui explique les similitudes dans la formulation.

[17]           En revanche, le défendeur soutient que des similitudes injustifiées dans les témoignages peuvent miner la crédibilité et que l’agente a raisonnablement conclu que les témoignages des demandeurs n’étaient pas crédibles puisqu’ils semblaient dans l’ensemble avoir été préparés et répétés.

[18]           Je suis d’accord avec le défendeur que des similitudes injustifiées dans les témoignages peuvent miner la crédibilité d’un demandeur. Par exemple, des tribunaux ont conclu qu’il n’est pas déraisonnable de tirer une conclusion défavorable quant à la crédibilité en présence de similitudes injustifiées entre l’exposé circonstancié d’un demandeur d’asile et celui d’autres demandeurs d’asile n’ayant aucun lien avec le premier (Liu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 695, au paragraphe 39; Shi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1088, aux paragraphes 1 et 19). Dans un contexte autre que celui de l’immigration, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a tiré une conclusion défavorable du fait que les affidavits de deux témoins de la défense avaient le même libellé (Simpson v Global Warranty Management Corp, 2014 ONSC 724, au paragraphe 52). Dans une autre affaire non liée au domaine de l’immigration, R c BL, [1998] OJ No 2522, le juge Hill de la Cour de justice de l’Ontario a déclaré ce qui suit, au paragraphe 107 :

[traduction] Il est généralement reconnu que certaines différences ou divergences dans le témoignage d’un témoin, en particulier par comparaison avec les déclarations extrajudiciaires de ce témoin, peuvent tout aussi bien indiquer que le témoin est digne de foi – c’est‑à‑dire qu’il n’a pas livré un récit préparé et répété, mais qu’il est plutôt tout simplement aux prises avec certaines faiblesses humaines, comme une mémoire estompée, une confusion causée par le stress de témoigner ou une autre cause, qui ne sont pas suffisantes pour miner considérablement la crédibilité et la fiabilité d’un témoin.

[19]           Il est vrai que les décideurs peuvent s’en remettre au bon sens pour tirer des conclusions défavorables quant à la crédibilité en présence de similitudes injustifiées et frappantes entre les témoignages des demandeurs. Or, il est tout aussi vrai qu’ils doivent faire preuve de bon sens pour déterminer si, dans les circonstances de l’affaire, les similitudes s’expliquent par une raison valable. Dans l’affirmative, il ne conviendrait pas de conclure que les similitudes sèment un doute quant à la crédibilité du demandeur (Zhang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 550, aux paragraphes 25 à 28, [Zhang]).

[20]           Comme l’a conclu le juge Russell dans les circonstances de l’affaire Zhang, je ne crois pas que, dans les circonstances en l’espèce, il est conforme au bon sens de dire qu’il est plus probable qu’improbable que les témoignages des demandeurs ne soient pas véridiques, tout simplement parce que les trois demandeurs ont livré des témoignages remarquablement similaires. L’agente disposait d’éléments de preuve selon lesquels les demandeurs s’étaient remis les choses en mémoire avant l’entrevue au sujet des incidents survenus sept ans auparavant à l’aide d’un exposé circonstancié. Fait important, dans bon nombre des cas, les demandeurs n’ont pas tous vécu personnellement les incidents qu’ils ont relatés. Le jeune frère n’a été témoin d’aucun des incidents de l’histoire, sauf le traumatisme dont a souffert son père après sa détention. De surcroît, la sœur n’a assisté qu’à la descente qui a eu lieu à leur domicile. Qui plus est, le frère aîné n’a été témoin d’aucun des incidents, hormis sa propre détention. Tout le reste du contexte et tous les autres incidents leur ont été rapportés par leurs parents. Il n’y a donc qu’une toute petite partie de leurs témoignages qui constitue de l’information de première main. Ces circonstances expliquent très bien pourquoi les demandeurs ont raconté leur histoire en recourant vraisemblablement à une formulation semblable.

[21]           Il était loisible à l’agente de ne pas ajouter foi aux explications des demandeurs. Or, les explications fournies semblaient raisonnables à première vue, et l’agente était tenue d’en faire état dans ses motifs et d’expliquer pourquoi elle ne les a pas jugées convaincantes. Elle en a plutôt fait abstraction.

[22]           Par conséquent, j’estime qu’il était déraisonnable que l’agente conclue que les demandeurs ne sont pas crédibles en raison des similitudes dans leurs récits.

(2)               Conclusion quant à la crédibilité fondée sur les incohérences relatives aux voyages durant l’enfance

[23]           La seule incohérence soulevée par l’agente a trait aux voyages effectués par les demandeurs pendant leur enfance. Bien que les deux frères n’aient pas mentionné avoir visité la Chine, le Japon et la Thaïlande durant leur enfance lorsqu’on leur a demandé de faire part de leurs voyages antérieurs, la demanderesse a indiqué avoir visité les pays en question avec ses frères :

[traduction] Êtes‑vous déjà allée dans un autre pays? Depuis votre naissance jusqu’à aujourd’hui? Oui. Où? Hong Kong, Japon, Thaïlande. Quand êtes‑vous allée à Hong Kong? Quand j’étais enfant; je ne me souviens plus. Pendant combien de temps? J’étais un bébé. Japon? À 2 ou 3 ans. Thaïlande? Même chose. Jeune enfant. Qui est allé à Hong Kong, au Japon et en Thaïlande? Ma mère, mes deux frères et moi.

[24]           Lorsque les frères ont été interrogés au sujet de cette incohérence, le frère aîné a répondu qu’il était jeune à l’époque et qu’il n’avait pas compris que l’agente lui posait des questions au sujet des voyages qu’il avait faits dans son enfance. Le jeune frère a répondu qu’il ne savait pas où il avait voyagé et qu’ils ne voyageaient pas toujours ensemble, ce que son frère aîné a confirmé. L’agente a répondu qu’ils ne disaient pas la vérité parce que leur sœur cadette avait déclaré avoir voyagé avec ses deux frères dans les pays en question.

[25]           Malgré les explications des demandeurs, l’agente a conclu, vu les incohérences en question, que les demandeurs n’avaient pas tous été entièrement honnêtes lors des entrevues. Ce faisant, elle n’a pas tenu compte du fait que la demanderesse témoignait au sujet d’événements survenus alors qu’elle n’était qu’un bébé ou un bambin et du fait que ses frères étaient encore plutôt jeunes à l’époque aussi. Elle a également omis de reconnaître que ces incohérences concernaient une question secondaire sans importance.

[26]           Par conséquent, je conclus que l’agente s’est déraisonnablement fondée sur les incohérences touchant cette question secondaire pour étayer sa conclusion selon laquelle les témoignages des demandeurs ne sont pas crédibles.

C.                 L’agente a‑t‑elle commis une erreur en concluant que les demandeurs n’ont pas établi une crainte fondée de persécution malgré le fait que certains éléments de preuve présentés par ces derniers s’avéraient crédibles?

[27]           L’agente a conclu subsidiairement que les demandes déposées par les demandeurs seraient rejetées même si certains éléments d’information qu’ils ont présentés étaient acceptés comme étant véridiques :

[traduction] Toutefois, même si certains éléments d’information sont véridiques, j’ai de la difficulté à croire que, sept ans plus tard, le gouvernement est toujours à votre recherche et à la recherche de votre mère parce que votre père a refusé de délivrer un billet à un proche d’un membre du groupe Karuna. Comme je l’ai dit, l’incident a eu lieu il y a sept ans. Un incident de cette nature ne porte pas à croire que le gouvernement conserverait un dossier contenant vos renseignements. La guerre au Sri Lanka a pris fin. Vous ne m’avez fourni aucun élément d’information qui tend à indiquer que vous seriez soupçonnés d’avoir des liens avec les TLET, et c’est ce qui susciterait l’intérêt du gouvernement sri lankais. À moins qu’il y ait autre chose que vous ne m’ayez pas dit, je ne suis pas convaincue que vous avez fourni une preuve suffisante pour démontrer une crainte fondée de persécution advenant votre retour au Sri Lanka ni pour expliquer pourquoi vous êtes encore grandement et personnellement touchés par le conflit ou la violation des droits de la personne. […] De nombreux Tamouls du Sri Lanka sont retournés au Sri Lanka depuis la fin de la guerre.

[28]           Les demandeurs font valoir que l’agente n’a présenté aucun motif pour justifier sa conclusion selon laquelle les incidents qu’ils ont décrits ne portent pas à croire que le gouvernement sri lankais est à leur recherche. Ils ajoutent que l’agente n’a fourni aucun motif quant à savoir s’ils ont rempli les critères d’admissibilité. Selon eux, l’agente n’a pas évalué si les incidents qu’ils ont décrits correspondent à de la persécution en raison de leur lien avec leur père et s’est plutôt contentée de déterminer s’ils avaient démontré qu’ils seraient soupçonnés d’avoir des liens avec les TLET.

[29]           En revanche, le défendeur soutient que l’agente a clairement évalué et exposé les raisons pour lesquelles les demandeurs ne remplissent pas les critères d’admissibilité et que le critère de la suffisance des motifs est relativement faible en ce qui concerne les décisions rendues par des agents administratifs, par comparaison aux décisions rendues par un tribunal administratif à la suite d’audiences en règle (Ozdemir c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 331, aux paragraphes 9 à 11; Shali c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1108, au paragraphe 31).

[30]           Je conviens avec le défendeur que la question fondamentale au moment de déterminer si une décision est suffisamment motivée est celle de savoir s’il ressort des motifs que le tribunal s’est attaqué au fond de la question (Ghirmatsion c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 519, au paragraphe 88, [Ghirmatsion]) et si les motifs sont assez clairs, précis et intelligibles pour permettre au demandeur de savoir pourquoi sa demande a été rejetée et de décider s’il doit solliciter le contrôle judiciaire (Ogunfowora c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 471, au paragraphe 58, [Ogunfowora]). Toutefois, je ne suis pas d’accord avec le défendeur que les motifs en l’espèce satisfont à cette norme.

[31]           À mon avis, les motifs de l’agente portent à croire qu’en tirant sa conclusion subsidiaire, l’agente ne s’est pas penchée sur le fond des demandes déposées par les demandeurs.

[32]           D’abord, elle a déclaré qu’elle évaluait si, en acceptant le fait que [traduction] « certains éléments d’information sont véridiques », les demandeurs répondraient à la définition de réfugié au sens de la Convention. Or, elle n’a pas précisé quels éléments de preuve elle acceptait comme étant véridiques aux fins de cette analyse hypothétique.

[33]           Puis, elle s’est appuyée sur le fait que les demandeurs n’entretenaient plus de liens avec leur père pour étayer sa conclusion selon laquelle les autorités sri lankaises ne seraient plus à leur recherche, sans toutefois tenir compte de la question pratique de savoir si les autorités sri lankaises considéreraient ou croiraient toujours qu’ils sont encore associés à leur père. Ces représentants gouvernementaux mêmes qui exposeraient la famille à un risque sont encore au pouvoir.

[34]           En conclusion, les motifs subsidiaires de l’agente, même s’ils sont lus dans le contexte du dossier, ne sont pas suffisamment clairs, précis et intelligibles pour permettre aux demandeurs de savoir pourquoi leurs demandes auraient été rejetées même si leurs témoignages avaient été acceptés, ni pour montrer que l’agente a pris en compte la preuve pour déterminer si les demandeurs satisfont à la définition de réfugiés au sens de la Convention (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, aux paragraphes 14 à 18; D’Errico c Canada (Ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2014 CAF 95, aux paragraphes 12 à 14.

[35]           Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, et l’affaire est renvoyée à un autre agent en vue d’un nouvel examen. Il n’y a pas de question à certifier.


JUGEMENT

LA COUR STATUE ce qui suit :

1.      La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, et l’affaire est renvoyée à un autre agent en vue d’un nouvel examen.

2.      Il n’y a aucune question à certifier.

« Danièle Tremblay‑Lamer »

Juge

Traduction certifiée conforme

Stéphanie Pagé, traductrice


ANNEXE

Dispositions législatives pertinentes

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS 2002‑227

139. (1) Un visa de résident permanent est délivré à l’étranger qui a besoin de protection et aux membres de sa famille qui l’accompagnent si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

[…]

e) il fait partie d’une catégorie établie dans la présente section;

144. La catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières est une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent obtenir un visa de résident permanent sur le fondement des exigences prévues à la présente section.

145. Est un réfugié au sens de la Convention outre‑frontières et appartient à la catégorie des réfugiés au sens de cette convention l’étranger à qui un agent a reconnu la qualité de réfugié alors qu’il se trouvait hors du Canada.

145. Est un réfugié au sens de la Convention outre‑frontières et appartient à la catégorie des réfugiés au sens de cette convention l’étranger à qui un agent a reconnu la qualité de réfugié alors qu’il se trouvait hors du Canada.

 

139. (1) A permanent resident visa shall be issued to a foreign national in need of refugee protection, and their accompanying family members, if following an examination it is established that

[…]

(e) the foreign national is a member of one of the classes prescribed by this Division;

144. The Convention refugees abroad class is prescribed as a class of persons who may be issued a permanent resident visa on the basis of the requirements of this Division.

145. A foreign national is a Convention refugee abroad and a member of the Convention refugees abroad class if the foreign national has been determined, outside Canada, by an officer to be a Convention refugee.

145. A foreign national is a Convention refugee abroad and a member of the Convention refugees abroad class if the foreign national has been determined, outside Canada, by an officer to be a Convention refugee.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑2110‑14

 

INTITULÉ :

KARTHIK MARIO RAVICHANDRAN, VINODH MARINO RAVICHANDRAN, DIVIYA MARIZA RAVICHANDRAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 13 MAI 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE TREMBLAY‑LAMER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 22 MaI 2015

 

COMPARUTIONS :

Adrienne Smith

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Nicole Rahaman

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Adrienne Smith

Jordan Battista s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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