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Date : 20150602


Dossier : IMM-7627-14

Référence : 2015 CF 700

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 2 juin 2015

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

HAIDAR EL BOUNI

demandeur

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, déposée sous le régime du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR ou la Loi], de la décision par laquelle un agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs [l’agent] a rejeté la demande d’évaluation des risques avant renvoi [ERAR] présentée par le demandeur.

[2]               Le demandeur demande une ordonnance ayant pour effet d’annuler la décision de l’agent et de renvoyer l’affaire pour réexamen. Le demandeur demande également à la Cour de rendre deux ordonnances déclaratoires : 1) que l’agent fasse une nouvelle évaluation du danger auquel est exposé le demandeur plutôt que de s’en remettre aux conclusions sur la crédibilité tirées par la Section de la protection des réfugiés, et 2) que la situation en Libye et l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 1465 RTNU 85 [la Convention contre la torture] soient pris en considération pour que ce genre de décision soit valide.

[3]               Pour les motifs exposés ci‑dessous, la demande est rejetée.

II.                Contexte

[4]               Le demandeur, un citoyen de la Libye, a présenté une demande d’asile fondée sur sa crainte alléguée des membres de sa belle‑famille en Libye. Il affirme que ces gens ont des liens étroits avec Mouammar Khadafi et le gouvernement libyen.

[5]               Le demandeur a épousé son ex‑femme, Mme Imam Ellafi, en décembre 2007 après avoir rencontré son ex‑femme et sa famille une seule fois. Il allègue avoir découvert par la suite que le grand‑père maternel et le frère de Mme Ellafi souffraient d’une maladie mentale. Craignant que leurs futurs enfants ne soient touchés, le demandeur et sa femme ont consulté un médecin en mai ou en juin 2008. Le médecin leur aurait dit que la maladie mentale dans la famille de Mme Ellafi était héréditaire, et qu’il y avait un [traduction] « grand risque » que leurs enfants en soient atteints.

[6]               Le demandeur allègue qu’il refusait d’avoir un enfant avec sa femme à cause de l’information donnée par le médecin et avait commencé à utiliser un moyen de contraception. Cette situation bouleversait sa femme, et la famille de sa femme s’était mise à le menacer indirectement en juillet 2008. Les choses ont empiré à l’occasion d’une réunion de famille tenue dans le village de la famille le 13 novembre 2008. À cette occasion, le beau‑père du demandeur aurait dirigé une arme de poing vers celui‑ci et menacé de le tuer s’il persistait à refuser d’avoir un enfant avant le 1er décembre 2009 ou s’il divorçait. Le demandeur est retourné à l’appartement que le couple occupait à Tripoli et aurait été menacé plusieurs autres fois en personne ou au téléphone par la famille de Mme Ellafi. Selon le demandeur, la famille de son ex‑femme a des liens étroits avec l’armée et les forces de sécurité libyennes. Il avait déposé une plainte auprès de la police et aurait trouvé un chien dépecé à l’extérieur de son appartement, devant la porte, le lendemain. Après cet incident, le demandeur a quitté l’appartement. Ses voisins lui auraient dit que l’oncle de Mme Ellafi et plusieurs hommes armés le cherchaient et que des gens à bord de véhicules surveillaient l’appartement pour le trouver. Il s’est réfugié chez un ami à l’extérieur de Tripoli.

[7]               Le demandeur a décidé de demander l’asile au Canada, car sa mère vit à Montréal. Il a obtenu un visa des États‑Unis et s’est enfui en Tunisie en janvier 2010. Il s’est ensuite rendu aux États‑Unis, puis a traversé la frontière pour entrer au Canada le 12 janvier 2010. Une mesure d’interdiction de séjour conditionnelle a été prise contre lui à ce moment‑là.

[8]               Le 5 mars 2012, la Section de la protection des réfugiés [SPR] a rejeté la demande d’asile du demandeur au motif que le récit de ce dernier manquait de crédibilité. La demande d’autorisation et de contrôle judiciaire déposée par le demandeur à l’encontre de la décision de la SPR a été rejetée le 10 août 2012.

[9]               Le demandeur a présenté une demande de résidence permanente au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait le 22 mai 2013. Cette demande a été rejetée, et la Cour a rejeté la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire déposée par le demandeur à l’encontre de cette décision parce qu’il avait omis de mettre sa demande en état.

[10]           Dans l’intervalle, le demandeur a demandé et obtenu le divorce d’avec Mme Ellafi au Canada.

[11]           Le demandeur s’est vu offrir un ERAR le 29 juillet 2013 et a déposé sa demande le 28 août 2013. Il a présenté les documents suivants pour appuyer l’allégation selon laquelle il serait exposé à un risque élevé de menaces, de mort et de torture s’il retournait en Libye :

  • affidavit de M. Tarek Taggazi (ami du demandeur), daté du 23 août 2013;
  • rapport médical détaillant le risque de maladie mentale dans la famille de Mme Ellafi, daté du 16 juillet 2008;
  • certificat de divorce d’avec Mme Ellafi, daté du 14 août 2013;
  • affidavit de Mme Gertila Zehra Mohamed (mère du demandeur), daté du 15 août 2013;
  • lettre de M. Haidar Abderaheem Ali El Bouni (père du demandeur), datée du 14 août 2013;
  • lettre du conseil régional attestant les incidents de novembre 2009, datée du 21 août 2013;
  • lettre du bureau du maire attestant que le demandeur avait reçu des menaces en juillet 2010;
  • lettre de M. Jamal El Haraty (voisin du demandeur), datée du 21 juillet 2013;
  • lettre de M. Farag Mohamed Frag et de M. Husni Abdulla Mohamed Ben Aun (voisins du demandeur), datée du 18 août 2013.

III.             Décision contestée

[12]           L’agent a rejeté la demande d’ERAR le 8 mai 2014, ayant conclu que les éléments de preuve présentés ne respectaient pas les critères applicables aux nouveaux éléments de preuve. L’agent a estimé que les affidavits et les lettres venant des amis, des parents et des voisins du demandeur concernaient tous des faits passés qui s’étaient produits avant que la SPR ne rejette la demande, bien que ces documents aient été rédigés après le rejet. Comme le rapport médical et la lettre du maire étaient antérieurs à la décision de la SPR, l’agent a conclu qu’il était raisonnable de supposer que ces documents auraient pu être présentés au moment de l’audience devant la SPR, et que le demandeur n’avait pas expliqué pourquoi il n’avait pas pu les présenter.

[13]           Selon l’agent, le divorce du demandeur d’avec Mme Ellafi constituait le seul fait nouveau soulevé dans la demande d’ERAR, et ce fait n’était pas pertinent parce que le demandeur n’affirmait pas être exposé à un risque en raison de son divorce.

[14]           L’agent a reconnu les problèmes qui persistaient en Libye, y compris les violents affrontements armés, le système judiciaire déficient et la [traduction] « grave précarité des droits des femmes et de la liberté d’expression ». L’agent a toutefois conclu que les problèmes soulevés dans la documentation sur la situation en Libye étaient généralisés et que le demandeur n’avait produit aucun élément de preuve lui permettant de contredire l’évaluation des risques faite par la SPR.

[15]           Globalement, l’agent a conclu que le demandeur n’avait pas établi qu’il serait exposé à plus qu’une simple possibilité de persécution ou qu’il y avait de sérieuses raisons de croire qu’il serait exposé au risque d’être soumis à la torture, à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités s’il était renvoyé en Libye.

IV.             Dispositions législatives

[16]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent en l’espèce :

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

 

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

112. (1) La personne se trouvant au Canada et qui n’est pas visée au paragraphe 115(1) peut, conformément aux règlements, demander la protection au ministre si elle est visée par une mesure de renvoi ayant pris effet ou nommée au certificat visé au paragraphe 77(1).

[…]

112. (1) A person in Canada, other than a person referred to in subsection 115(1), may, in accordance with the regulations, apply to the Minister for protection if they are subject to a removal order that is in force or are named in a certificate described in subsection 77(1).

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that le demandeur could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

[Soulignement ajouté.]

[Emphasis added.]

V.                Questions en litige

[17]           Dans sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, le demandeur avait soulevé les questions suivantes, mais a indiqué à l’audience qu’il se fondait seulement sur les deux premières :

1.      L’agent a‑t‑il commis une erreur en concluant que les documents produits par le demandeur ne constituaient pas de nouveaux éléments de preuve au sens de l’alinéa 113a) de la Loi?

2.      L’agent a‑t‑il commis une erreur en concluant que le demandeur n’avait pas établi qu’il serait personnellement exposé à un risque s’il était renvoyé en Libye?

3.      Le processus d’ERAR soulève‑t‑il des problèmes de partialité institutionnelle ou de manque d’indépendance?

4.      L’alinéa 113a) de la LIPR est‑il conforme à la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R‑U), 1982, c 11 [la Charte]?

VI.             Norme de contrôle

[18]           Compte tenu des questions retirées par le demandeur, les deux questions qui restent concernent l’évaluation des éléments de preuve faite par l’agent dans le cadre de l’ERAR. Il s’agit fondamentalement d’un exercice d’établissement des faits. La détermination par l’agent de ce qui constitue de nouveaux éléments de preuve est une question mixte de fait et de droit susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Wang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 799, au paragraphe 11, 191 ACWS (3d) 574, Negm c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 272, 250 ACWS (3d) 317).

VII.          Analyse

A.                L’agent a‑t‑il commis une erreur en concluant que les documents produits par le demandeur ne constituaient pas de nouveaux éléments de preuve au sens de l’alinéa 113a) de la Loi?

[19]           Dans l’arrêt Raza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 385, 289 DLR (4th) 675, la Cour d’appel fédérale a statué que l’agent d’ERAR doit prendre acte de la décision de la SPR de rejeter la demande d’asile, « à moins que des preuves nouvelles soient survenues depuis le rejet, qui auraient pu conduire la SPR à statuer autrement si elle en avait eu connaissance ». Dans l’arrêt Raza, la Cour d’appel a résumé les questions qu’il fallait se poser à propos des éléments de preuve présentés dans une demande d’ERAR :

1.         Crédibilité : Les preuves nouvelles sontelles crédibles, compte tenu de leur source et des circonstances dans lesquelles elles sont apparues? Dans la négative, il n’est pas nécessaire de les considérer.

2.         Pertinence : Les preuves nouvelles intéressent‑elles la demande d’ERAR, c’est‑à‑dire sontelles aptes à prouver ou à réfuter un fait qui intéresse la demande d’asile? Dans la négative, il n’est pas nécessaire de les considérer.

3.         Nouveauté : Les preuves sont‑elles nouvelles, c’est‑à‑dire sontelles aptes :

a)         à prouver la situation ayant cours dans le pays de renvoi, ou un événement ou fait postérieur à l’audition de la demande d’asile?

b)         à établir un fait qui n’était pas connu du demandeur d’asile au moment de l’audition de sa demande d’asile?

c)         à réfuter une conclusion de fait tirée par la SPR (y compris une conclusion touchant la crédibilité)?

Dans la négative, il n’est pas nécessaire de les considérer.

4.         Caractère substantiel : Les preuves nouvelles sontelles substantielles, c’est‑à‑dire la demande d’asile auraitelle probablement été accordée si elles avaient été portées à la connaissance de la SPR? Dans la négative, il n’est pas nécessaire de les considérer.

5.         Conditions légales explicites :

a)         Si les preuves nouvelles sont aptes à établir uniquement un fait qui s’est produit ou des circonstances qui ont existé avant l’audition de la demande d’asile, alors le demandeur a‑t‑il établi que les preuves nouvelles ne lui étaient pas normalement accessibles lors de l’audition de la demande d’asile, ou qu’il ne serait pas raisonnable de s’attendre à ce qu’il les ait présentées lors de l’audition de la demande d’asile? Dans la négative, il n’est pas nécessaire de les considérer.

b)         Si les preuves nouvelles sont aptes à établir un fait qui s’est produit ou les circonstances qui ont existé après l’audition de la demande d’asile, alors elles doivent être considérées (sauf si elles sont rejetées parce qu’elles ne sont pas crédibles, pas pertinentes, pas nouvelles ou pas substantielles).

[20]           La Cour d’appel a ajouté que l’agent d’ERAR peut validement rejeter des preuves si elles n’établissent pas que les faits pertinents tels qu’ils se présentent à la date de la demande d’ERAR sont sensiblement différents des faits constatés par la SPR (Raza, au paragraphe 17). Si une demande d’ERAR peut nécessiter l’examen des mêmes points de fait ou de droit qu’une demande d’asile, le processus d’ERAR ne constitue pas un appel ni n’a pour objet un nouvel examen des mêmes allégations et des mêmes faits (Raza, au paragraphe 12, Figurado c Canada (Solliciteur général), 2005 CF 347, au paragraphe 52). Il est bien établi que le demandeur doit présenter ses meilleurs arguments à la SPR.

[21]           La conclusion de la SPR selon laquelle le demandeur n’est pas crédible empêcherait de tirer une conclusion favorable dans le cadre d’un ERAR, sauf si le demandeur montre, au moyen d’éléments de preuve nouveaux, qu’il est survenu « un changement de situation important depuis qu’a été rendue la décision antérieure de la SPR » (Barrios Silva c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1294, au paragraphe 20).

[22]           Le demandeur conteste la conclusion de l’agent selon laquelle les éléments de preuve qu’il avait produits n’étaient pas nouveaux au sens de l’article 113 de la Loi. Le demandeur soutient que l’agent a commis une erreur en faisant abstraction des documents indiquant qu’il était encore recherché et qu’il avait reçu des menaces depuis que la SPR avait rendu sa décision. Je ne suis pas d’accord. La plupart des éléments de preuve produits devant l’agent d’ERAR ne sont pas conformes aux restrictions prévues expressément par la loi puisqu’ils étaient normalement accessibles et pouvaient raisonnablement être présentés à la SPR par le demandeur.

[23]           Le défendeur affirme également que l’agent d’ERAR ne pouvait ignorer le fait que la SPR avait déjà conclu que les allégations de risque soulevées par le demandeur n’étaient pas crédibles et que la Cour avait rejeté la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire déposée à l’encontre de la décision de la SPR. Je conclus en outre que la qualité de la plupart des éléments de preuve présentés laisse à désirer. La lettre du père, l’affidavit de la mère et la lettre de M. El Haraty contiennent des allégations vagues et trop générales sur les recherches continues et les menaces dont le demandeur a fait l’objet après son départ, sans donner de détails sur le moment où ces événements sont survenus. Ces documents réitèrent aussi les allégations qui avaient été soulevées devant la SPR et ne réfutent pas les conclusions sur la crédibilité tirées par la SPR, c’est‑à‑dire qu’ils n’établissent pas que les faits pertinents au moment de la demande d’ERAR sont sensiblement différents des faits constatés par la SPR.

[24]           Le demandeur soutient aussi que l’agent a rejeté ses éléments de preuve au motif qu’ils venaient de membres de sa famille et d’autres parties intéressées, ce qui constitue selon lui une erreur de droit (Gonzalez Perea c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 432). Je ne suis pas d’accord pour dire que l’agent a fondé sa décision sur ce raisonnement, mais il aurait été en droit de le faire, le cas échéant. Le demandeur renvoie à l’affaire Elezi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 240, [2008] 1 RCF 365 [Elezi]. Au paragraphe 45 de la décision Elezi, le juge de Montigny cite un passage, auquel il souscrit, de la section 9.499 de l’ouvrage Immigration Law and Practice (2e édition, feuilles mobiles), rédigé par Lorne Waldman :

[traduction] Finalement, j’affirmerais que la nature de la preuve ellemême devrait elle aussi être prise en compte. Si la preuve produite est une pièce très probante et qu’elle est crédible, alors l’agent devrait en général exercer son pouvoir discrétionnaire en déclarant cette preuve recevable, et cela à cause de l’importance des questions en jeu […]

[25]           Toutefois, j’estime que les éléments de preuve corroborants produits par des membres de la famille ou des amis, qui ne sont pas soumis à un contre‑interrogatoire, ne sont pas des éléments de preuve très probants ni crédibles. Les éléments de preuve très probants sont intrinsèquement des éléments de preuve bien présentés qui viennent de sources indépendantes et qui confirment un fait important de l’affaire.

[26]           Quoi qu’il en soit, le défendeur souligne qu’aucun élément de preuve n’indique que l’agent a fondé sa décision sur la provenance des lettres et des affidavits – l’agent a examiné chacun des éléments de preuve et conclu qu’ils concernaient tous des incidents survenus avant l’audience devant la SPR. Le défendeur renvoie la Cour à la décision Kaybaki c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2004 CF 32, 128 ACWS (3d) 784, où le juge Kelen a conclu que l’agent n’avait pas commis d’erreur en rejetant des éléments de preuve semblables, décision qui, j’en conviens, appuie la thèse du défendeur.

[27]           Il est reconnu que le poids à accorder aux éléments de preuve dans le cadre d’un examen des risques est une question qui relève de la compétence de l’agent. L’agent est chargé de déterminer si le demandeur est exposé à des risques qui sont survenus depuis la décision de la SPR, et en l’espèce, l’agent a correctement conclu que le seul élément de preuve nouveau concernant les risques avait trait au divorce (Doumbouya c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1187, aux paragraphes 36 à 38, 325 FTR 14).

[28]           Dans la présente demande, le demandeur affirme n’avoir pas obtenu ces documents au moment de l’audience devant la SPR parce qu’il avait été mal conseillé par son ancien avocat. Le défendeur fait observer, et je suis d’accord avec lui, que la Cour ne doit pas tenir compte de cette explication parce que le demandeur n’a pas suivi les étapes requises avant d’invoquer l’incompétence de son ancien avocat. Il incombait au demandeur de produire les documents acceptables pertinents pour établir le bien‑fondé de sa demande.

B.                 L’agent a‑t‑il commis une erreur en concluant que le demandeur n’avait pas établi qu’il serait personnellement exposé à un risque s’il était renvoyé en Libye?

[29]           Le demandeur soutient que l’agent a commis une erreur en appréciant la preuve documentaire sur la situation actuelle en Libye et le risque auquel il serait exposé à son retour. Le demandeur affirme que tous les documents mentionnés par l’agent montrent la situation épouvantable des droits de la personne en Libye et l’effondrement total de l’appareil étatique.

[30]           Je conclus que les documents sur la situation au pays ne soulèvent aucun nouveau risque ni nouveau renseignement postérieur à la décision de la SPR (Selliah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2004 CF 872, au paragraphe 38, 256 FTR 53). Le défaut du demandeur d’établir un lien entre la situation générale en Libye et sa situation personnelle pose également problème, de sorte qu’il était raisonnable pour l’agent de rejeter la demande (Jarada c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2005 CF 409, au paragraphe 28, [2005] ACF no 506 (QL)). Par conséquent, je conclus que l’agent n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle dans le traitement qu’il a accordé aux questions portant sur la protection de l’État.

VIII.       Conclusion

[31]           La demande est rejetée. Aucune question n’a été proposée aux fins de certification et aucune n’est certifiée.


JUGEMENT

[32]           LA COUR STATUE que la demande est rejetée et qu’aucune question n’est certifiée aux fins d’un appel.

« Peter Annis »

Juge

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7627-14

 

INTITULÉ :

HAIDAR EL BOUNI c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (QuÉbec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 20 MaI 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE ANNIS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 2 JuIN 2015

 

COMPARUTIONS :

Stewart Istvanffy

 

POUR LE DEMANDEUR

HAIDAR EL BOUNI

 

Suzanne Trudel

 

POUR LE DÉFENDEUR

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stewart Istvanffy

Avocat

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

HAIDAR EL BOUNI

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

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