Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20150601


Dossier : T-2409-14

Référence : 2015 CF 699

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 1er juin 2015

En présence de monsieur le juge de Montigny

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

et

CHLOE DANIELLE PATMORE

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée en application du paragraphe 22(1) de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C‑29 à l’encontre d’une décision en date du 24 octobre 2014 par laquelle un juge de la citoyenneté a accueilli la demande de citoyenneté de la défenderesse. Le demandeur conteste la décision du juge de la citoyenneté essentiellement au motif qu’il a commis une erreur en concluant que la défenderesse avait établi sa résidence au Canada après un séjour initial de six jours.

[2]               Après avoir soigneusement examiné le dossier et les observations (écrites et orales) des parties, je conclus que la présente demande doit être rejetée.

Les faits

[3]               La défenderesse est une citoyenne du Royaume-Uni (R.‑U.). Le 2 janvier 2008, elle a obtenu le droit d’établissement en qualité de résidente permanente du Canada, en même temps que les membres de sa famille; elle avait alors 17 ans. Elle a quitté le Canada six jours plus tard pour terminer son dernier semestre d’études secondaires en France. Le reste de sa famille est demeuré au nouveau domicile familial à Victoria, en Colombie‑Britannique.

[4]               Une fois ses études secondaires terminées, la défenderesse a suivi un programme d’études menant à l’obtention d’un double diplôme en droit (droits anglais et français) à l’University College à Londres (Angleterre) et à l’Université Paris II à Paris (France), de septembre 2008 à juin 2012. Durant l’année scolaire 2012‑2013, elle a suivi le cours de pratique juridique à Londres.

[5]               Tout au long de ces années, la défenderesse est revenue au Canada le temps de courtes visites. Le nombre total de jours de présence effective au Canada durant la période pertinente (du 10 mars 2008 au 10 mars 2012) n’est pas établi avec exactitude, mais les divergences n’importent pas dans le cadre de la présente demande. Dans sa demande de citoyenneté canadienne, la défenderesse a fait état de 10 absences totalisant 1 178 jours d’absence, tandis que dans le Questionnaire sur la résidence, rempli en juillet 2012, elle a fait état de 11 absences totalisant 1 202 jours d’absence. Après avoir examiné sa demande, un agent de la citoyenneté a révisé le calcul à 1 183 jours d’absence et à 277 jours de présence effective, soit un déficit de 818 jours relativement à l’exigence législative de 1 195 jours.

[6]               Durant ses vacances d’été en 2008, la défenderesse est venue au Canada pendant un mois avant de commencer ses études universitaires à Londres. Elle a déclaré qu’elle travaillait dans un restaurant Tim Hortons durant cette période. Durant ses vacances d’été en 2009, la défenderesse est venue au Canada pendant 24 jours. Elle a de nouveau affirmé qu’elle travaillait dans un restaurant Tim Hortons durant cette période. À l’été 2010, la défenderesse est revenue au Canada le 30 mai et y est restée jusqu’en septembre 2010, et elle affirme avoir travaillé dans une boutique de vêtements. À l’été 2011, la défenderesse est venue au Canada pendant 17 jours, période durant laquelle elle affirme avoir travaillé pour Cascade Paintings (l’entreprise de son père).

[7]               Le 10 mars 2012, tandis qu’elle résidait au Royaume-Uni, la défenderesse a rempli une demande de citoyenneté canadienne.

[8]               Lors de ses vacances d’été en 2012, la défenderesse est revenue au Canada en mai 2012 et elle a fait du bénévolat dans un cabinet d’avocats à Victoria, en Colombie‑Britannique, pendant quatre semaines en juin et en juillet 2012.

[9]               L’information au dossier ne permet pas de savoir avec exactitude quand la défenderesse est revenue au Canada ou combien de temps elle est demeurée au Canada après qu’elle a eu terminé son cours de pratique juridique en 2013, même si elle s’est présentée à une entrevue avec un juge de la citoyenneté en juillet 2013. Elle s’est par la suite présentée à une autre entrevue avec le juge de la citoyenneté qui a rédigé la décision contestée le 24 octobre 2014.

La décision du juge de la citoyenneté

[10]           Dans une décision en date du 24 octobre 2014, le juge de la citoyenneté a accueilli la demande de citoyenneté canadienne de la défenderesse. Il a appliqué le critère de résidence exposé dans la décision Papadogiorgakis, [1978] ACF no 31, [1978] 2 CF 208 [Papadogiorgakis], et tiré les conclusions suivantes :

         pendant la période pertinente, la défenderesse a centralisé son mode de vie en tant qu’enfant mineure vivant avec sa famille au domicile familial à Victoria, en Colombie‑Britannique. Même si elle a passé moins d’une semaine au Canada à son arrivée initiale au pays, avant de retourner en France pour terminer ses études secondaires, [traduction« sa période initiale passée au Canada ou les périodes subséquentes ne pouvaient en aucune façon être considérées comme des “séjours” ou des “visites” »;

         elle avait été absente du Canada à des fins temporaires dans le but de poursuivre ses études, et ses absences ne rompaient pas la continuité ou le maintien de son intention de centraliser son mode de vie habituel au sein de sa famille au Canada;

         elle retournait fréquemment au domicile familial à Noël et aux vacances d’été;

         elle était engagée dans la société canadienne durant ces brèves périodes du fait de ses emplois (son travail à temps partiel au restaurant Tim Hortons et dans une boutique de vêtements et son travail de peintre au sein de l’entreprise de son père) ou d’autres activités sociales ou de bienfaisance;

         elle avait laissé l’essentiel de ses effets personnels au domicile de ses parents à Victoria et elle dépendait entièrement du soutien de ses parents pendant toute cette période;

         la défenderesse a terminé ses études en juin 2013 et obtenu ses diplômes en droit du Royaume-Uni et de la France;

         en juillet 2013, la défenderesse a informé un juge de la citoyenneté de son intention de demeurer au Canada et d’y obtenir le droit d’exercer la profession d’avocate;

         la défenderesse doit être une citoyenne canadienne pour pouvoir pratiquer le droit au Canada.

Question en litige

[11]           La seule question fondamentale à trancher dans le cadre de la présente demande est celle de savoir si le juge de la citoyenneté a commis une erreur dans son interprétation de l’obligation de résidence prévue dans la Loi sur la citoyenneté, et plus particulièrement en concluant que la défenderesse avait d’abord établi sa résidence au Canada avant de retourner en France poursuivre ses études seulement six jours après avoir obtenu le droit d’établissement au Canada.

Analyse

[12]           Les trois critères qu’un demandeur doit satisfaire pour se voir attribuer la citoyenneté sont exposés à l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté :

a)      avoir été légalement admis au Canada à titre de résident permanent;

b)      ne pas avoir perdu le statut de résident permanent;

c)      avoir résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, suivant la formule prescrite à l’alinéa.

[13]           La question à trancher dans le cadre de la présente demande concerne le troisième critère, soit celui de la « résidence ». La « résidence » n’est pas définie de façon précise au paragraphe 2(1) de la Loi sur la citoyenneté. Par conséquent, trois critères ont été établis dans la jurisprudence de la Cour pour permettre de déterminer si un demandeur a satisfait à l’obligation de résidence. J’ai récemment résumé ces critères dans Boland c Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2015 CF 376 :

[14] Dans l’affaire Papadogiorgakis, [1978] 2 CF 208, la Cour a élaboré un critère qui oblige le juge de la citoyenneté à apprécier la qualité de l’attachement du demandeur au Canada (ce qu’on est convenu d’appeler « le critère du mode de vie centralisé »). Les absences du demandeur du Canada pendant la période en cause peuvent être comptées comme des périodes de résidence au Canada si le demandeur démontre que ces absences étaient temporaires et qu’il avait l’intention de faire du Canada le lieu de son domicile permanent.

[15] La Cour a articulé dans l’affaire Pourghasemi un deuxième critère qui oblige le juge de la citoyenneté à déterminer si le demandeur a été physiquement présent au Canada pendant au moins 1 095 jours pendant la période en cause. Suivant ce critère, la présence physique au Canada est essentielle pour pouvoir satisfaire à la condition de résidence.

[16] Le troisième critère a été élaboré dans l’affaire Koo, [1993] 1 CF 286 [Koo], en s’inspirant des deux premiers critères. Le critère de l’arrêt Koo exige du juge de la citoyenneté qu’il détermine si le Canada est le lieu où le demandeur « vit régulièrement, normalement ou habituellement » ou s’il est l’endroit où il a « centralisé son mode d’existence » en tenant compte de six facteurs censés guider son appréciation.

[14]           L’avocate du demandeur n’a pas nié que le juge de la citoyenneté pouvait appliquer l’un ou l’autre de ces critères, et n’a pas soutenu que son choix du critère du « mode de vie centralisé » constituait une erreur. Elle a plutôt fait valoir que le juge de la citoyenneté a mal appliqué le critère choisi et n’a pas évalué adéquatement les éléments de preuve dont il disposait. Malgré les observations contraires présentées par l’avocate, il s’agit clairement d’une question mixte de fait et de droit, pour laquelle les décisions des juges de la citoyenneté commandent une certaine déférence en raison des connaissances et compétences spéciales de ces derniers dans ce domaine. En fait, je parviendrais à la même conclusion même si une question de droit distincte relative à l’interprétation de l’un de ces critères, ou encore, au choix du critère approprié, était en litige, pour les motifs exposés par le Juge en chef dans Huang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 576 (au paragraphe 13). Il s’agit de questions qui touchent à l’interprétation de la « propre loi constitutive » des juges de la citoyenneté, et la Cour suprême du Canada a clairement établi dans un certain nombre d’arrêts récents que la norme de contrôle applicable à de telles questions est celle de la décision raisonnable : voir par exemple Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61; Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36; Smith c Alliance Pipeline Ltd., 2011 CSC 7; McLean c Colombie‑Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, [2013] 3 RCS 895; Front des artistes canadiens c Musée des beaux‑arts du Canada, 2014 CSC 42, [2014] 2 RCS 197; Ontario (Sécurité communautaire et Services correctionnels) c Ontario (Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée), 2014 CSC 31, [2014] 1 RCS 674.

[15]           Le demandeur soutient que le juge de la citoyenneté a commis une erreur en concluant que la défenderesse avait initialement établi sa résidence au Canada après y avoir passé seulement six jours et avant de retourner en France, et qu’il n’a fourni aucun motif ni aucune analyse quant à la façon dont la défenderesse avait établi sa résidence en moins d’une semaine. Le demandeur affirme en outre que le juge de la citoyenneté a mal appliqué le critère exposé dans la décision Papadogiorgakis et qu’il a commis une erreur en concluant que la défenderesse avait satisfait à l’obligation de résidence parce qu’elle s’était engagée à revenir au Canada dès qu’elle en avait l’occasion, qu’elle était à la charge de ses parents et qu’elle avait l’intention de résider au Canada.

[16]           Je reconnais avec le demandeur que, pour satisfaire à l’obligation de résidence énoncée à l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, un demandeur doit d’abord démontrer au moyen de faits objectifs qu’il a établi initialement la résidence au Canada. Comme la juge Layden le fait remarquer dans Ahmed c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] ACF no 1415 (aux paragraphes 14 et 15), la question relative à la divergence d’opinions dans la jurisprudence de la Cour fédérale n’est pas pertinente pour déterminer si un demandeur a établi sa résidence au Canada, mais plutôt pour déterminer s’il l’a maintenue ou non (voir aussi : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Takla, 2009 CF 1120, au paragraphe 50; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Camorlinga‑Posch, 2009 CF 613, au paragraphe 18; Jreige c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF no 1469 (QL)(TD), aux paragraphes 23 à 25; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Naveen, 2013 CF 972, au paragraphe 15 [Naveen]).

[17]           Cela dit, malgré tout le respect que je dois à l’avocate du demandeur, je ne souscris pas à son opinion selon laquelle le juge de la citoyenneté n’a fourni aucun motif quant à la manière dont la défenderesse avait initialement établi sa résidence pour justifier sa conclusion. Bien que ses motifs auraient pu être plus explicites, le juge de la citoyenneté a conclu que la défenderesse avait centralisé son mode de vie au Canada, même si elle avait quitté le Canada seulement six jours après y avoir initialement établi sa résidence, pour plusieurs raisons :

[traduction]

Elle était mineure lorsqu’elle est arrivée au Canada et lorsqu’elle a quitté le Canada dans le but de continuer ses études. Elle avait toujours vécu avec ses parents et elle est retournée en France uniquement pour y poursuivre ses études;

Ses absences étaient temporaires;

Elle avait laissé tous ses effets personnels au domicile familial où elle avait déménagé lorsqu’elle était mineure et, en quittant le Canada, elle n’avait emporté avec elle que les effets personnels qui lui étaient absolument nécessaires;

Elle est revenue au Canada à chacune de ses périodes de vacances, même si elle n’y passait pas toute la période. Lorsqu’elle était au Canada, elle continuait de vivre avec sa famille au domicile familial, elle décrochait des emplois à temps partiel au sein de l’entreprise familiale et auprès d’autres employeurs, elle faisait du bénévolat pour une œuvre de bienfaisance, elle faisait des voyages de loisirs au Canada, elle prenait part à des activités familiales, et elle a également obtenu un permis de conduire de la Colombie‑Britannique et demandé des renseignements auprès de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada pour que sa formation lui soit créditée. Sur ce dernier point, il est convenu entre les parties que le juge de la citoyenneté a commis une erreur en soutenant que la défenderesse devait obtenir la citoyenneté canadienne pour pouvoir pratiquer le droit au Canada : voir Andrews c Law Society of British Columbia, [1989] 1 RCS 143.

[18]           Une longue série de décisions rendues par la Cour permettent de penser que la période durant laquelle un demandeur se trouve dans un pays étranger pour faire ses études devrait être comptée comme une période de résidence au Canada, même si le demandeur a quitté le pays peu de temps après avoir établi sa résidence : voir par exemple Ng c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] ACF no 55; Re Chan, [1997] ACF no 1457; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Luk, [1998] ACF no 1661; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Yeung, [1999] ACF no 615; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Wong, [1999] ACF no 620; Re Chung, [1997] ACF no 732; Re Hsu, [1998] ACF no 1660; Re Wong, [1998] ACF no 1; Re Cheung, [1990] ACF no 11; Re Khoury, [1995] ACF no 1518.

[19]           Dans ses observations orales et écrites, l’avocate du demandeur s’est fortement appuyée sur la décision rendue par mon collègue dans l’affaire Naveen, précitée. Comme en l’espèce, Mme Naveen avait passé seulement quelques jours (quatre) au Canada avant de quitter le pays pour poursuivre ses études à l’étranger, et elle avait passé au total soit 143 soit 159 jours au Canada durant la période pertinente. Comme dans l’affaire en l’espèce, le juge de la citoyenneté avait appliqué le critère exposé dans la décision Papadogiorgakis pour conclure que Mme Naveen avait centralisé son mode de vie au Canada.

[20]           Dans cette affaire, le juge Annis a reconnu que les tribunaux ont minimisé l’importance de la présence physique au Canada dans les affaires mettant en cause des étudiants et qu’ils ont plutôt traité une intention inférée de revenir au Canada comme le facteur fondamental. Autrement dit, la dépendance de l’étudiant à l’égard de sa famille constitue un facteur clé pour déterminer s’il existe une intention implicite de revenir au Canada. Comme il l’a déclaré :

En effet, ces décisions englobent la résidence des étudiants dans celle de leur famille. Dans la mesure où il y a un lien familial solide et un état de dépendance de la part de l’étudiant, les exigences de l’alinéa 5(1)c) sont considérées comme ayant été satisfaites.

Naveen, au paragraphe 17.

[21]           Contrairement à la situation dans l’affaire Naveen, on peut raisonnablement conclure que les éléments de preuve en l’espèce sont suffisants pour conclure à l’existence d’un lien familial solide et d’un état de dépendance. Mme Naveen avait 23 ans lorsqu’elle est devenue résidente permanente du Canada, elle avait quitté le domicile familial à 19 ans pour étudier en Californie jusqu’à l’obtention de son diplôme en 2005, puis était allée étudier à l’école de médecine de Harvard. Elle n’avait jamais travaillé au Canada, mais avait travaillé aux États‑Unis comme conseillère des résidences du collège, assistante à l’enseignement et mentor de recherche. De plus, rien dans la preuve ne permettait de penser que la défenderesse était dépendante à l’égard de ses parents pour payer ses études.

[22]           De toute évidence, la situation est assez différente en l’espèce. La défenderesse était mineure lorsqu’elle est arrivée au Canada avec ses parents, et elle était probablement plus dépendante à l’égard de ses parents qu’une jeune adulte qui a quitté le domicile familial trois ans avant l’arrivée de ses parents au Canada. Quant à la dépendance financière de la défenderesse à l’égard de ses parents, le demandeur fait valoir que le juge de la citoyenneté ne disposait d’aucun élément de preuve documentaire montrant que la défenderesse dépendait financièrement de ses parents. Toutefois, une lettre des parents de la défenderesse en date du 22 mars 2012 et la demande de citoyenneté de la défenderesse confirment que ses parents ont subvenu à ses besoins tout au long de ses études. Il ne m’apparaît pas déraisonnable que le juge de la citoyenneté ait admis, sans demander d’autres éléments de preuve corroborants, que la défenderesse était dépendante de ses parents, vu sa situation de jeune étudiante universitaire vivant à Londres. Il est à noter que, dans leur lettre, ses parents ont offert de fournir d’autres relevés bancaires au besoin pour prouver que la défenderesse était à leur charge.

[23]           En ce qui concerne l’omission de la défenderesse de revenir chez elle chaque fois qu’elle en avait l’occasion, les éléments de preuve présentés au juge de la citoyenneté montrent qu’elle le faisait assez régulièrement, au moins deux fois par année. Encore une fois, la situation est assez différente de celle exposée dans l’affaire Naveen, où la défenderesse avait apparemment omis à plusieurs reprises de revenir au Canada lorsque les occasions s’étaient présentées.

[24]           En somme, le juge de la citoyenneté a eu l’occasion de rencontrer la défenderesse en entrevue et d’évaluer son degré d’engagement à l’égard du Canada. Il a conclu qu’elle avait centralisé son mode de vie au Canada, que son établissement initial et ses visites subséquentes ne pouvaient pas être considérés comme des « visites ou des séjours », et qu’elle avait pris une part active au sein de la société canadienne lorsqu’elle était au Canada, dans la mesure où ses études le lui permettaient. La question que la Cour est appelée à trancher n’est pas celle de savoir si elle serait parvenue à la même conclusion, mais si le juge de la citoyenneté pouvait raisonnablement tirer cette conclusion compte tenu du dossier dont il disposait. J’estime qu’il le pouvait. Bien que ses motifs auraient pu être mieux formulés, il ne peut être affirmé qu’ils ne sont pas intelligibles ou qu’ils ne sont pas étayés par la preuve. Ils peuvent se justifier et ils respectent la norme de la décision raisonnable.

Conclusion

[25]           Pour l’ensemble des motifs susmentionnés, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée, sans dépens.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée, sans dépens.

« Yves de Montigny »

Juge

Traduction certifiée conforme

Myra-Belle Béala De Guise


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2409-14

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION c CHLOE DANIELLE PATMORE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE‑BritANNIQUE)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 MaI 2015

JUGEMENT ET MOTIFs :

LE JUGE DE MONTIGNY

DATE DES MOTIFS :

LE 1ER JUIN 2015

COMPARUTIONS :

Hilla Aharon

POUR LE DEMANDEUR

James E. Turner

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LE DEMANDEUR

Turner Immigration Law

Victoria (Colombie‑Britannique)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.