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Date : 20150608


Dossiers : A-144-12

A-531-12

Référence : 2015 CF 722

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 juin 2015

En présence de monsieur le juge Harrington

ENTRE :

VLASTA STUBICAR

appelante (demanderesse)

et

SA MAJESTÉ LA REINE

DU CHEF DU CANADA

intimée (défenderesse)

JUGEMENTS ET MOTIFS

[1]               Mme Stubicar, une avocate, a agi pour son propre compte dans deux appels interjetés devant la Cour d’appel fédérale. Dans l’affaire portant le numéro de dossier A‑144‑12, la Cour d’appel a fait droit à l’appel de Mme Stubicar et lui a accordé « les dépens dans toutes les cours » (2012 CAF 288, au paragraphe 6). Dans l’affaire portant le numéro de dossier A‑531‑12, la Cour d’appel a rejeté son appel avec dépens (2013 CAF 239, au paragraphe 4). C’est à l’officier taxateur Bruce Preston qu’a incombé la tâche de taxer les dépens dans chaque affaire.

[2]               Dans l’affaire A‑144‑12, les dépens de Mme Stubicar ont été taxés à la somme de 372,78 $, qui correspondait au montant des débours réclamés. M. Preston a refusé d’accorder le montant de 2 100 $ réclamé en vertu du tarif B. Le tarif B s’applique aux honoraires des avocats et débours qui peuvent être acceptés aux fins de la taxation des frais. Mme Stubicar estime que M. Preston a eu tort de ne pas accepter les articles du tarif B relatifs aux services taxables. Dans l’affaire A‑531‑12, dans une décision motivée, M. Preston a refusé certains articles et taxé les dépens de Sa Majesté à la somme de 1 162,46 $. Je suis saisi des requêtes écrites que Mme Stubicar a présentées en vertu des articles 369 et 414 des Règles des Cours fédérales en vue de la révision de ces deux taxations.

[3]               Dans l’affaire A‑144‑12, où elle s’est vu accorder des dépens, Mme Stubicar sollicite une ordonnance annulant le certificat de taxation et renvoyant l’affaire pour qu’une nouvelle taxation des articles pertinents du tarif B soit effectuée conformément à toute directive que pourrait donner la Cour. Je dois dire, tout d’abord, que si Mme Stubicar a gain de cause, je délivrerai le certificat de taxation que l’officier taxateur aurait dû délivrer. Renvoyer l’affaire constituerait une perte intolérable du temps de la Cour.

[4]               Dans l’affaire A‑531‑12, où Sa Majesté s’est vu accorder des dépens, Mme Stubicar soutient que M. Preston a commis une erreur de principe et n’a pas examiné correctement la preuve au dossier et ses observations.

I.                   A‑144‑12

[5]               S’il n’y avait eu le texte des Règles, et diverses décisions de la Cour d’appel fédérale, Mme Stubicar aurait pu gagner sa cause. Elle fait valoir que cette affaire l’a empêchée de gagner un revenu dans d’autres affaires (ou l’a obligée à travailler de longues heures). On peut établir une analogie avec le cas de la société qui répare les dommages que le défendeur a causés à ses biens. Dans un tel cas, le demandeur peut réclamer les frais de main‑d’œuvre directs et indirects, mais n’a pas le droit de tirer un profit (Bell Telephone Co of Canada c Montreal Dual Mixed Concrete Ltd et Highway Paving Co Ltd (1959), 23 DLR (2d) 346 (Cour du Banc de la Reine du Québec, juridiction d’appel) et Air Canada c Canada (1989), 28 FTR 148, [1989] ACF no 234 (QL)). L’idée est que la main‑d’œuvre aurait autrement été utilisée à d’autres fins.

[6]               Selon les articles 400 et suivants des Règles, la Cour a un pouvoir discrétionnaire quant aux dépens. La Cour peut également donner des directives spéciales à l’officier taxateur, ce qu’elle n’a pas fait dans cette affaire. Mme Stubicar aurait pu demander que des directives soient données en vertu de l’article 403 des Règles, mais elle ne l’a pas fait.

[7]               Selon l’article 405 des Règles, l’officier taxateur taxe les dépens à la lumière du tarif, à moins que la Cour n’ait donné des directives spéciales.

[8]               La plupart du temps, la Cour ne donne pas de directives spéciales visant à accorder des dépens pour les services taxables selon le tarif B aux parties agissant pour leur propre compte, qu’il s’agisse ou non d’avocats. Comme il est indiqué dans l’arrêt Lavigne c Canada (ministère du Développement des Ressources humaines), 229 NR 205, [1998] ACF no 855 (QL) (CA), aux paragraphes 1 et 2, le tarif B ne permet pas d’accorder des honoraires d’avocats aux plaideurs qui ne sont pas avocats. Un plaideur ne peut pas assurer le service à lui‑même.

[9]               Il est arrivé que la Cour procède à une adjudication spéciale. Dans l’arrêt Sherman c Canada (Ministre du Revenu national), 2003 CAF 202, la Cour d’appel a accordé des dépens selon le tarif B à un avocat agissant pour son propre compte. L’ordonnance disait toutefois ceci :

[...] un montant raisonnable pour le temps et les efforts que l’appelant a consacrés à la préparation et à la présentation de la cause en première instance et en appel sur preuve que, ce faisant, l’appelant a engagé un coût d’opportunité en renonçant à une activité rémunératrice.

[10]           Mme Stubicar aurait pu solliciter des directives, mais elle ne l’a pas fait. Comme l’a affirmé lord Atkins dans la décision Evans c Bartlam, [1937] AC 473, à la page 479 :

[traduction] Le fait est qu’il n’y a pas, et qu’il n’y a jamais eu, de présomption selon laquelle tout le monde connaît la loi. Il existe une règle selon laquelle l’ignorance de la loi n’est pas une excuse, une maxime ayant une portée et une application fort différentes.

II.                A‑531‑12

[11]           Mme Stubicar a regardé la décision à la loupe et soutient que M. Preston a mal compris ou ignoré la preuve et plusieurs observations. Je ne puis être d’accord. Il existe une présomption voulant qu’il ait examiné entièrement le dossier. Cette présomption n’a pas été réfutée. Quoi qu’il en soit, la décision est raisonnable au vu du dossier (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708).

[12]           Il n’y a lieu de modifier la décision d’un officier taxateur que dans les cas où une erreur de principe a été commise ou lorsque le montant taxé est si déraisonnable qu’une erreur de principe doit en être la cause (Apotex Inc c Merck & Co Inc, 2008 CAF 371, au paragraphe 10 et Bellemare c Canada (Procureur général), 2004 CAF 231, au paragraphe 3). Aucune erreur de ce genre n’a été commise dans cette affaire et le montant taxé était raisonnable.

III.             Dépens

[13]           L’avocat de Sa Majesté soutient que les deux requêtes en révision de la taxation devraient être rejetées, avec des dépens établis à 400 $ dans chaque affaire. Dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire, j’établirai les dépens à 400 $, soit 200 $ dans chaque affaire.


JUGEMENTS

POUR LES MOTIFS EXPOSÉS CI-DESSUS;

LA COUR ORDONNE :

1.                  Après examen de la taxation des dépens, la requête déposée dans le dossier no A‑144‑12 est rejetée avec dépens en faveur de la défenderesse, lesquels sont fixés au montant global de 200 $.

2.                  Après examen de la taxation des dépens, la requête déposée dans le dossier no A‑531‑12 est rejetée avec dépens en faveur de la défenderesse, lesquels sont fixés au montant global de 200 $.

3.                  Une copie des présents jugements et motifs devra être versée dans chaque dossier.

« Sean Harrington »

Juge

Traduction certifiée conforme

Diane Provencher, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

A-144-12

A-531-12

INTITULÉ :

VLASTA STUBICAR c SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

REQUÊTES ÉCRITES EXAMINÉES À OTTAWA (ONTARIO), CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

jugEments ET MOTIFS :

LE JUGE harrington

DATE DES MOTIFS :

LE 8 JUIN 2015

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Vlasta Stubicar

POUR L’APPELANTE (DEMANDERESSE)

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Max Binnie

POUR L’INTIMÉE (DÉFENDERESSE)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉE (DÉFENDERESSE)

 

 

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