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Date : 20150616


Dossier : T-2567-14

Référence : 2015 CF 752

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 16 juin 2015

En présence de monsieur le juge Mosley

ENTRE :

L’UNION DES MUNICIPALITÉS DU NOUVEAU‑BRUNSWICK

demanderesse

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire fondée sur l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7. L’Union des municipalités du Nouveau‑Brunswick [UMNB] conteste la décision de Philippe Nault, directeur, Division des organismes de services publics et des gouvernements, Direction de l’accise et des décisions de la TPS/TVH, à l’Agence du revenu du Canada [ARC]. Dans sa décision, M. Nault a révoqué le statut de municipalité de la demanderesse au titre de l’article 123 de la Loi sur la taxe d’accise, LRC 1985, c E‑15 [la Loi].

I.                   Le contexte

[2]               Le Nouveau‑Brunswick compte 105 municipalités, dont 59 sont représentées par l’UMNB. Celle‑ci assure la défense et la promotion des intérêts des municipalités membres et favorise l’échange d’information entre elles.

[3]               En août 2000, l’UMNB a écrit une lettre à l’ARC pour demander le statut de municipalité aux fins du programme de remboursement de la TPS prévu dans la Loi. En juillet 2001, l’UMNB a reçu une réponse de la part d’un directeur de l’ARC nommé P. Bertrand. Dans sa lettre, ce dernier informait l’UMNB qu’il avait été décidé qu’elle avait le statut de municipalité aux termes de l’alinéa b) de la définition de « municipalité », au paragraphe 123(1) de la Loi. La décision s’appliquait avec un effet rétroactif de quatre ans, soit à compter du 1er juillet 1997.

[4]               Dans l’affidavit qu’elle a souscrit, Chantal Desrosiers, gestionnaire de l’Unité des secteurs de la santé à l’ARC, explique qu’à l’époque où il a été décidé que la demanderesse était une municipalité, il n’y avait pas, quant aux remboursements de TPS auxquels avaient droit les organismes de services publics, de différence de taille entre, d’une part, les organismes de bienfaisance et les organismes à but non lucratif admissibles (50 % de la TPS ou de la partie fédérale de la TVH; 50 % de la partie provinciale de la TVH) et d’autre part, les municipalités (57,14 % de la TPS ou de la partie fédérale de la TVH; 57,14 % de la partie provinciale de la TVH). En février 2004, le remboursement de la TPS ou de la partie fédérale de la TVH que pouvaient réclamer les municipalités est passé à 100 %. Cette hausse du remboursement de la taxe fédérale a donné lieu à une augmentation du nombre et de la complexité des demandes d’octroi du statut de municipalité. L’ARC s’est alors dotée d’un processus d’examen et de contrôle plus rigoureux.

[5]               Le 9 novembre 2006, Susan Eastman, agente principale des décisions, a remis à Mme Desrosiers une note de service dans laquelle elle recommandait la révocation du statut de municipalité conféré à l’UMNB. Mme Desrosiers a déclaré sous serment qu’elle ne s’était pas fiée aux renseignements figurant dans cette note de service pour prendre une décision.

[6]               En 2013, l’ARC a repris l’examen du statut de municipalité conféré à l’UMNB. Dans une lettre datée du 11 octobre 2013, M. Nault a informé l’UMNB que l’examen de son dossier semblait indiquer qu’elle n’était pas visée par la politique administrative et ne remplissait pas les critères d’admissibilité au statut de municipalité. Il invitait par ailleurs l’UMNB à lui faire part de ses observations sur la question.

[7]               Le président de l’UMNB, Arthur Slipp, a répondu à l’invitation de M. Nault dans une lettre datée du 14 novembre 2013, à laquelle des pièces étaient jointes.

[8]               Madame Eastman a alors procédé à un nouvel examen du dossier de la demanderesse. En janvier 2014, elle a rédigé une analyse. Mme Desrosiers a examiné l’analyse et le reste du dossier. Elle a conclu que la demanderesse n’était pas admissible au statut de municipalité. En septembre 2014, elle a recommandé à M. Nault de révoquer le statut.

[9]               M. Nault a passé le dossier en revue pour parvenir à la même conclusion. Dans une lettre portant la date du 19 novembre 2014, il a communiqué à la demanderesse la décision de l’ARC de révoquer son statut de municipalité. Il a aussi précisé que la révocation entrerait en vigueur le 1er janvier 2015. Après avoir reçu la décision, l’UMNB a présenté une demande de contrôle judiciaire.

II.                La décision faisant l’objet du contrôle

[10]           Pour situer le contexte, je me propose de faire le résumé de la correspondance préliminaire entre l’ARC et la demanderesse, puis de passer à l’examen de la décision visée par le présent contrôle.

A.                La lettre de M. Nault (11 octobre 2013)

[11]           M. Nault explique que l’examen du dossier de la demanderesse effectué par l’ARC révèle que l’UMNB n’est pas visée par la politique administrative et ne remplit pas les critères d’admissibilité au statut de « municipalité » aux termes du paragraphe 123(1) de la Loi. L’alinéa b) de cette définition prévoit que le ministre peut conférer à une administration locale le statut de municipalité pour l’application de la partie IX de la Loi. L’octroi du statut de municipalité relève d’un pouvoir discrétionnaire conféré par la loi et s’exerçant au cas par cas.

[12]           Pour bénéficier de ce statut, la demanderesse doit être un organisme, un conseil, une commission, une personne morale ou une autre organisation établie par une ou plusieurs municipalités, ou établie par une province à la demande d’une ou plusieurs municipalités. De plus, la demanderesse doit appartenir à la municipalité ou aux municipalités en question ou être contrôlée par elles.

[13]           On considère qu’une organisation appartient à une ou plusieurs municipalités si ces municipalités possèdent au moins 90 p. 100 des actions ou du capital de l’organisation, ou si elles détiennent le titre des éléments d’actif de l’organisation ou en surveillent l’aliénation, de sorte qu’en cas de liquidation de l’organisation, ces actifs leur seront dévolus.

[14]           On considère qu’une organisation est contrôlée par une ou plusieurs municipalités si ces municipalités nomment la majorité des membres du conseil d’administration de l’organisation et que celle‑ci est tenue de soumettre son budget de fonctionnement (et, s’il y a lieu, son budget d’immobilisations) à l’examen et à l’approbation de ces municipalités.

[15]           M. Nault note que, selon la politique administrative à l’origine du statut de municipalité, l’organisation qui en fait la demande doit fournir des services aux résidents ou aux propriétaires fonciers d’une collectivité, et ces services doivent être de la nature de ceux qu’une municipalité offrirait autrement. En d’autres termes, l’organisation doit exercer les pouvoirs d’une administration locale autonome, fournir des services municipaux ou remplir une fonction municipale dans une zone géographique locale.

[16]           M. Nault explique que d’après les dossiers de l’ARC, l’UMNB a été créée par deux associations : l’Association des villages du Nouveau-Brunswick [AVNB] et l’Association des villes du Nouveau-Brunswick [ATNB]. Ces associations ont été dissoutes et la surveillance de l’UMNB a été transférée aux municipalités qui ont adhéré à l’organisation par la suite. Les deux associations précédentes n’étaient pas des municipalités. Même si l’UMNB a pour membres des municipalités, elle n’a pas été établie par des municipalités. L’ARC n’a reçu aucun arrêté municipal ni aucune résolution prouvant qu’une municipalité a autorisé la constitution de l’UMNB.

[17]           En outre, l’UMNB n’appartient à aucune municipalité et n’est, de la même façon, sous la surveillance d’aucune municipalité. Celle‑ci n’a pas de capital‑actions et rien n’indique qu’une quelconque municipalité détient le titre de ses actifs ou en surveille l’aliénation. Aucune preuve ne démontre que le conseil d’une municipalité dispose d’un droit de regard sur le budget de fonctionnement ou d’immobilisations de l’UMNB ou qu’il nomme des membres de son conseil d’administration. Au contraire, ce sont les membres de l’UMNB qui approuvent son budget lors de son assemblée générale annuelle. Ces mêmes membres élisent également les administrateurs de l’UMNB lors de l’assemblée générale annuelle. Le fait que les membres soient des municipalités n’est d’aucune utilité pour l’analyse des questions de propriété et de surveillance.

[18]           Enfin, M. Nault ajoute qu’à son d’avis, l’UMNB n’est pas visée par la politique fiscale qui sous-tend le régime d’attribution du statut de municipalité. L’objet de l’organisation et son champ d’activités ne sont pas ceux d’une administration locale exerçant des fonctions municipales ou fournissant des services municipaux à des résidents dans son domaine de compétence. L’organisation tire plutôt ses pouvoirs de ses propres règlements administratifs et ses objectifs sont de défendre les intérêts de ses membres et de favoriser l’échange d’information entre eux. Les activités de défense des droits exercées pour le compte de municipalités ne sont ni des fonctions municipales, ni des services municipaux.

[19]           M. Nault conclut que l’UMNB n’est pas admissible au statut de municipalité pour l’application de la Loi. Il invite l’UMNB à lui faire part de ses arguments à l’effet contraire. À défaut, la révocation prendra effet le 1er janvier 2014.

B.                 Lettre de l’UMNB (14 novembre 2013)

[20]           M. Slipp rédige une longue réponse à l’intention de M. Nault. Il maintient que l’UMNB remplit les critères d’admissibilité au statut de municipalité.

[21]           L’UMNB a été créée par des municipalités, plus précisément par des administrateurs et des dirigeants élus ou nommés par les municipalités membres. Les municipalités qui sont membres de l’UMNB en ont le contrôle exclusif, étant donné que seuls les administrateurs et dirigeants élus ou nommés par les municipalités membres ont le droit de voter. Les municipalités membres surveillent l’aliénation des éléments d’actif de l’UMNB, puisque toute décision y relative doit être mise aux voix. Enfin, l’UMNB soumet chaque année son budget de fonctionnement à l’examen et à l’approbation des membres avant la tenue de l’assemblée générale annuelle. Son budget et ses états financiers font l’objet d’un débat et sont approuvés à l’occasion de cette assemblée.

[22]           Les activités de l’UMNB relèvent du champ d’application de la politique administrative. L’UMNB vise à regrouper les municipalités en un organisme dont le but commun est la réalisation d’activités pour le bien‑être de tous, un objet qui est consacré dans ses statuts. L’organisation sert les intérêts de tous les contribuables du Nouveau-Brunswick en créant un front uni en vue de la suppression des obstacles et de la réalisation des objectifs municipaux. L’organisation s’occupe de maintien de l’ordre, de gouvernance, de croissance démographique, de développement économique et d’autres sujets d’importance pour les municipalités membres. Sans l’UMNB, chaque municipalité devrait s’occuper seule de ces questions. L’UMNB leur offre une solution économique qui permet aux contribuables inscrits au rôle de l’impôt foncier de faire des économies.

[23]           L’UMNB a été créée par les municipalités du Nouveau-Brunswick, comme le rappelle la lettre d’origine provinciale. Cette lettre reconnaît que l’organisation est un [traduction« organisme financé par le gouvernement », parce que son financement est assuré par les cotisations versées par chaque municipalité membre. Le Nouveau-Brunswick invite l’UMNB à participer directement aux réunions qui touchent à la gouvernance municipale. L’UMNB aide les municipalités à obtenir des fonds pour leurs programmes en traitant avec les autres ordres de gouvernement.

[24]           M. Slipp conclut sa lettre en déclarant que, si son organisation devait absorber davantage de frais au titre de la TPS/TVH, cela aurait des conséquences financières désastreuses pour les municipalités et les contribuables du Nouveau-Brunswick.

[25]           La lettre de M. Slipp comporte cinq pièces jointes en annexe. Les statuts de l’UMNB forment l’annexe A. À l’annexe B figure la liste des administrateurs pour l’exercice 2012‑2013; à l’annexe C, le procès‑verbal de l’assemblée générale annuelle qui a eu lieu le 29 septembre 2012. On trouve à l’annexe D une lettre de la Province du Nouveau-Brunswick portant la date du 18 janvier 2001; son auteur y exprime son point de vue, à savoir que l’UMNB est un [traduction« organisme financé par le gouvernement ». L’annexe E est formée des lettres des maires de Nackawic et St Stephen, qui déclarent que leur municipalité reçoit et étudie chaque année le budget de fonctionnement de l’UMNB avant la tenue du vote à l’assemblée générale annuelle.

C.                 La décision de M. Nault (19 novembre 2014)

[26]           M. Nault explique les critères d’admissibilité et la politique administrative en employant essentiellement les mêmes termes que dans sa précédente lettre.

[27]           Sur la question de la constitution de l’organisation, M. Nault note que les statuts de l’UMNB ne traitent pas de la façon dont l’organisation a été créée. Ils n’attribuent à aucune municipalité particulière la création de l’UMNB. La lettre de la Province du Nouveau-Brunswick reconnaît à l’UMNB la qualité d’[traduction« organisme financé par le gouvernement » à des fins particulières, mais elle n’est pas la preuve que l’UMNB a effectivement été créée par une municipalité.

[28]           Les dossiers de l’ARC indiquent que l’UMNB a été créée par l’AVNB et l’ATNB à la fin de 1994. Ces organisations étaient des entités juridiques distinctes de leurs membres, des municipalités. Ce n’est pas parce que les membres des organisations que l’UMNB a remplacées étaient des municipalités que l’on peut affirmer que l’UMNB a été créée par une municipalité.

[29]           Les actes et les décisions des municipalités doivent être autorisés par voie d’arrêtés municipaux ou de résolutions adoptées lors des réunions du conseil. Ainsi, le conseil d’une municipalité devrait normalement approuver le budget d’une organisation paramunicipale et élire les membres de son conseil d’administration au moyen d’arrêtés municipaux ou de résolutions. Les états financiers des organisations paramunicipales sont couramment inclus dans les états financiers consolidés des municipalités.

[30]           De l’avis de l’ARC, le droit de vote des membres n’est pas un indice fiable de surveillance ou de propriété. Par exemple, le droit de voter aux assemblées de l’UMNB est subordonné au paiement des cotisations. Les statuts de l’UMNB prévoient que le membre qui ne paie pas sa cotisation est privé de son droit de vote. Une municipalité peut perdre sa qualité de membre, auquel cas elle peut en demander le rétablissement au conseil d’administration, à condition qu’elle verse la cotisation prescrite pour l’année courante.

[31]           L’ARC serait portée à croire que, si une municipalité a la propriété d’actions ou d’éléments d’actif ou exerce une surveillance relativement à la nomination des membres d’un bureau de direction et à l’approbation des budgets, cet état de choses devrait être constaté dans ses arrêtés ou dans les résolutions adoptées lors des réunions de son conseil.

[32]           Cela étant, M. Nault précise que l’ARC n’applique pas les critères d’admissibilité en faisant abstraction de toutes les autres considérations pertinentes. Ainsi, le statut de municipalité peut être accordé à une organisation dont on peut considérer qu’elle fonctionne comme un service exerçant des fonctions municipales ou offrant des services municipaux.

[33]           M. Nault conclut que la nature et la portée des activités de l’UMNB ne cadrent pas avec la raison d’être de la politique fiscale relative à l’octroi du statut de municipalité. Les objets et les activités de l’UMNB ne sont pas ceux d’une administration locale exerçant des fonctions municipales ou fournissant des services municipaux aux résidents et aux propriétaires fonciers d’une zone géographique locale. L’UMNB est plutôt une association mutuelle qui a été mise sur pied dans le but d’offrir des services administratifs et consultatifs aux municipalités.

[34]           M. Nault confirme que le statut de municipalité de l’UMNB sera révoqué. Du fait du retard mis à transmettre la réponse, la révocation prendra désormais effet le 1er janvier 2015.

III.             Les questions en litige

[35]           La présente demande soulève deux questions :

1.                  Le ministre a-t-il respecté l’obligation d’équité procédurale?

2.                  Le ministre a-t-il commis une erreur en déterminant que la demanderesse n’était pas une municipalité pour l’application de la partie IX de la Loi?

IV.             La norme de contrôle

[36]           L’allégation d’entorse à l’équité procédurale appelle un contrôle en fonction de la norme de la décision correcte : Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 129; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43; Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, au paragraphe 79.

[37]           Lorsqu’il s’agit de contrôler l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire ministériel, la Cour applique la norme de la décision raisonnable : Wellesley Central Residences Inc c Canada (Revenu national), 2011 CF 760, au paragraphe 14. Les dispositions de la Loi que le ministre est appelé à interpréter relèvent de son expertise en matière fiscale. Il doit appliquer le droit aux faits d’une affaire donnée. Ces facteurs incitent à la retenue.

V.                Les dispositions législatives pertinentes

A.                Loi sur la taxe d’accise, LRC 1985, c E‑15

[38]           La partie IX de la Loi concerne la taxe sur les produits et services. Le paragraphe 123(1) renferme des définitions, dont une définition du terme « municipalité ». Selon l’alinéa b) de cette définition, le ministre peut conférer le statut de municipalité à toute « autorité locale » pour l’application de la partie IX.

123(1)

« municipalité »

“municipality”

123(1)

“municipality”

« municipalité »

« municipalité »

“municipality” means

a) Administration métropolitaine, ville, village, canton, district, comté ou municipalité rurale constitués en personne morale ou autre organisme municipal ainsi constitué quelle qu’en soit la désignation;

(a) an incorporated city, town, village, metropolitan authority, township, district, county or rural municipality or other incorporated municipal body however designated, and

b) telle autre administration locale à laquelle le ministre confère le statut de municipalité pour l’application de la présente partie…

(b) such other local authority as the Minister may determine to be a municipality for the purposes of this Part…

[39]           L’annexe V porte sur les fournitures exonérées dont il est question au paragraphe 123(1). La partie VI de cette annexe s’applique aux organismes du secteur public. À l’article 1, certains termes sont définis, dont les suivants :

1. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

1. In this Part,

« organisme municipal » Municipalité ou organisme municipal de régime provincial.

“municipal body” means a municipality or a provincially established designated body;

« organisation paramunicipale » Organisation, sauf un gouvernement, qui appartient à un organisme municipal, ou qui est sous sa surveillance, et qui :

“para-municipal organization” of a municipal body means an organization (other than a government) that is owned or controlled by the municipal body and that

a) dans le cas où l’organisme municipal est une municipalité :

(a) where the municipal body is a municipality,

(i) soit est désignée comme municipalité, en vertu de l’article 259 de la loi ou des articles 22 ou 23, pour l’application de ces articles,

(i) is designated under section 259 of the Act, or under section 22 or 23, to be a municipality for the purposes of that section, or

(ii) soit est établie par l’organisme municipal et possède, en conformité avec l’alinéa b) de la définition de «municipalité» au paragraphe 123(1) de la loi, le statut de municipalité pour l’application de la partie IX de la loi;

(ii) is established by the municipal body and determined, under paragraph (b) of the definition “municipality” in subsection 123(1) of the Act, to be a municipality for the purposes of Part IX of the Act, or

b) dans le cas où l’organisme municipal est un organisme désigné de régime provincial, possède, en conformité avec l’alinéa b) de la définition de « municipalité » au paragraphe 123(1) de la loi, le statut de municipalité pour l’application de la partie IX de la loi.

(b) where the municipal body is a provincially established designated body, is determined under that paragraph to be a municipality for the purposes of that Part,

Pour l’application de la présente définition, une organisation appartient à un organisme municipal ou est sous sa surveillance si, selon le cas :

and for the purposes of this definition, an organization is owned or controlled by a municipal body if

c) la totalité, ou presque, de ses actions sont la propriété de l’organisme municipal ou la totalité, ou presque, des éléments d’actif qu’elle détient sont la propriété de l’organisme municipal ou sont des éléments dont l’aliénation est surveillée par ce dernier de sorte que, dans l’éventualité d’une liquidation de l’organisation, les éléments soient dévolus à l’organisme municipal;

(c) all or substantially all of the shares of the organization are owned by the municipal body or all or substantially all of the assets held by the organization are owned by the municipal body or are assets the disposition of which is controlled by the municipal body so that, in the event of a winding-up or liquidation of the organization, those assets are vested in the municipal body, or

d) elle est tenue de présenter périodiquement à l’organisme municipal, pour approbation, son budget d’exploitation et, le cas échéant, son budget des immobilisations, et la majorité des membres de son conseil d’administration sont nommés par l’organisme municipal.

(d) the organization is required to submit to the municipal body the periodic operating and, where applicable, capital budget of the organization for approval and a majority of the members of the governing body of the organization are appointed by the municipal body;

« organisme désigné de régime provincial » Organisme établi par Sa Majesté du chef d’une province et désigné comme municipalité, en vertu de l’article 259 de la loi, pour l’application de cet article…

“provincially established designated body” means a body that is established by Her Majesty in right of a province and designated, under section 259 of the Act, to be a municipality for the purposes of that section…

B.                 Loi sur les municipalités, LRNB 1973, c M‑22

[40]           Dans leur plaidoirie, les parties ont cité plusieurs dispositions de la Loi sur les municipalités :

3(3) Les habitants d’une municipalité créée en application de la présente loi deviennent une corporation sous le nom qui lui est attribué en application de la présente loi.

3(3) The inhabitants of a municipality created under this Act are a body corporate under the name prescribed for it under this Act.

4(2) Une municipalité peut, sous sa désignation sociale,

4(2) A municipality may, in its corporate name,

a) ester en justice,

(a) sue and be sued,

b) être partie à un contrat ou à un accord dans les limites de ses attributions,

(b) become a party to any contract or agreement within its powers,

b.1) sous réserve des règlements, faire payer des intérêts au taux fixé par résolution du conseil sur toute somme qui lui est due,

(b.1) subject to the regulations, charge interest, at the rate determined by resolution of the council, on any debt owing to it,

c) recevoir par donation et, de toute autre manière, acquérir, posséder, aliéner et transférer tout bien, réel ou personnel pour quelque objet que ce soit dans les limites de ses attributions, et

(c) receive by donation and otherwise acquire, hold, dispose of and convey any property, real or personal, for any purpose within its powers, and

d) prendre tout genre de sûreté en garantie d’une créance.

(d) take security in any form for a debt owing to it.

4(3) Une municipalité peut prévoir, créer, modifier ou supprimer des comités, services, bureaux, subdivisions, fonctionnaires et organismes municipaux et leur déléguer des pouvoirs et fonctions d’ordre administratif.

4(3) A municipality may provide for, create, alter and abolish committees, departments, bureaus, divisions, boards, commissions, officials and agencies of the municipality and delegate administrative powers and duties to them.

7(1) Une municipalité peut fournir tout service figurant à l’Annexe I.

7(1) A municipality may provide any of the services contained in the First Schedule.

7(3) Lorsqu’elle assume l’un des pouvoirs que lui confère la présente loi ou fournit l’un des services prévus par la présente loi, une municipalité

7(3) Where a municipality carries out any of the powers or provides any of the services under this Act it

a) doit veiller à l’application de ces pouvoirs et services,

(a) shall administer,

b) doit en acquitter le coût, et

(b) shall pay the costs of and

c) peut, sous réserve des dispositions de la Loi sur les véhicules à moteur, prendre des arrêtés y relatifs.

(c) subject to the Motor Vehicle Act may make by-laws with respect to, such powers and services.

7(4) Sans restreindre la portée générale des pouvoirs conférés par la présente loi, une municipalité peut, pour fournir un service,[…]

7(4) Without restricting the generality of any powers given under this Act, a municipality in providing any service may[…]

b) conclure avec une ou plusieurs municipalités ou communautés rurales ou avec toute personne, y compris la Couronne, une convention de répartition des frais et de l’utilisation du service entre les parties à la convention;

(b) enter into an agreement with one or more municipalities or rural communities or with any person, including the Crown, whereby the cost and use of the service may be shared by the parties to the agreement;

c) conclure avec une ou plusieurs municipalités ou communautés rurales ou avec toute personne, y compris la Couronne, une convention mettant en commun l’acquisition, la propriété, l’aménagement, l’extension, la gestion et l’exploitation des services que peuvent fournir les municipalités en application de la présente loi; …

(c) enter into an agreement with one or more municipalities or rural communities or with any person, including the Crown, to provide for the joint acquisition, ownership, development, extension, management or operation of services that may be provided by municipalities under this Act; …

10.2(2) Toutes les décisions d’un conseil doivent être

10.2(2) All decisions of a council shall be

a) prises au cours de ses réunions ordinaires ou extraordinaires, et

(a) made in a regular or special meeting of the council, and

b) adoptées par un arrêté ou une résolution du conseil

(b) adopted by a by-law or resolution of the council.

10.2(2.1) Aucune action ou décision d’un conseil n’est valide à moins d’être autorisée ou adoptée par un arrêté ou une résolution à une réunion du conseil

10.2(2.1) No act or decision of a council is valid unless it is authorized or adopted by a by-law or resolution at a council meeting.

VI.             Analyse

A.                Le ministre a‑t‑il respecté l’obligation d’équité procédurale?

[41]           La demanderesse soutient que le défendeur aurait dû lui communiquer les deux documents rédigés par Mme Eastman et lui donner la possibilité de parler directement au directeur. Elle met également en doute la déclaration de Mme Desrosiers selon laquelle elle ne se serait pas fiée à l’analyse effectuée par Mme Eastman en 2006. Cela donne à penser que Mme Eastman fait preuve d’étroitesse d’esprit et qu’il n’était donc pas équitable de lui confier la préparation de l’analyse de 2014. La demanderesse avance que Mme Desrosiers a pris la décision à la place de M. Nault, ce qui est inadmissible. Elle prétend aussi que le décideur a entravé son pouvoir discrétionnaire en appliquant des politiques administratives au lieu des textes de loi. À l’audience, la demanderesse a aussi soutenu que le défendeur aurait dû lui faire part des changements apportés en 2004 aux politiques internes applicables. Selon elle, révoquer sans autre avis un statut qui a été conféré aux termes des politiques précédentes relève de l’iniquité.

[42]           À mon avis, les diverses allégations formulées par la demanderesse sont dénuées de tout fondement.

[43]           L’obligation d’équité exigeait de donner à la demanderesse la possibilité de participer utilement au processus décisionnel. Il fallait donc que la demanderesse soit clairement informée de la situation et qu’elle ait l’occasion de présenter des observations se rapportant à la décision à prendre : Hersi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 2136 (1re inst.), au paragraphe 20.

[44]           Le défendeur s’est acquitté de ces obligations de nature procédurale. Dans sa lettre du 11 octobre 2013, M. Nault livrait un exposé complet du dossier. La demanderesse s’est saisie de l’occasion pour présenter des observations. Dans la décision visée par le présent contrôle, M. Nault explique les raisons pour lesquelles il n’a pas retenu les arguments de la demanderesse. Ses motifs portent à croire qu’il a soigneusement examiné les observations qu’il a reçues.

[45]           Le défendeur n’était nullement tenu de divulguer à la demanderesse les documents établis par Mme Eastman. Le décideur doit informer l’intéressé de la situation le concernant, et non de chaque note de service échangée à l’interne. Dans sa première lettre, M. Nault a fait état des réserves formulées par Mme Eastman dans les deux documents qu’elle a produits. C’était suffisant. De plus, le défendeur n’était nullement tenu de convier les représentants de la demanderesse à une rencontre en personne avec le directeur. Le fait de donner la possibilité de présenter des observations écrites répondait aux exigences de l’obligation d’agir équitablement dans les circonstances.

[46]           Il aurait sans doute été conseillé, pour se montrer tout à fait exemplaire, de communiquer les changements apportés à la politique après la hausse du taux de remboursement des taxes en 2004, mais je ne suis pas convaincu que le défendeur était légalement tenu de la faire. Le ministre est autorisé à adapter ses politiques et procédures pour donner suite aux modifications législatives touchant au régime de remboursement. Dans les circonstances, il n’était pas plus injuste de revenir sur une décision en vigueur que de rejeter la demande initiale de statut – a fortiori lorsque l’annulation n’est pas appliquée rétroactivement.

[47]           Dans ses observations écrites, l’avocat de la demanderesse soutient que Mme Eastman et Mme Desrosiers se sont montrées partiales et que Mme Desrosiers a usurpé le rôle de décideur de M. Nault. Ces allégations ne sont pas étayées par le dossier. Elles s’appuient sur une interprétation forcée du contenu de l’affidavit souscrit par Mme Desrosiers dans le cadre de l’instance. L’avocat de la demanderesse a eu la possibilité de contre‑interroger Mme Desrosiers pour en savoir davantage. Il a refusé de le faire. Rien ne justifiait de mettre en doute l’intégrité du processus décisionnel, vu l’absence de toute preuve convaincante. Les allégations de partialité ne doivent pas être faites à la légère. Comme l’a souligné le juge de Grandpré dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty et autres c L’Office national de l’énergie et autres, [1978] 1 RCS 369, à la page 394, « la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet ». De simples allégations ne sauraient suffire.

[48]           On ne trouve au dossier aucun indice permettant de penser que la décision définitive aurait été prise par quelqu’un d’autre que M. Nault. Le décideur est autorisé à consulter les documents qu’ont préparés d’autres fonctionnaires; il peut même recevoir leurs recommandations, pourvu qu’il rende la décision lui‑même : Yang c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2008 CF 158, aux paragraphes 32 à 34. Il est évident que M. Nault a exercé personnellement le pouvoir discrétionnaire d’origine législative que le ministre lui a délégué lorsqu’il a examiné la preuve qui lui a été présentée.

[49]           Le ministre n’a pas non plus entravé son pouvoir discrétionnaire en appliquant les critères énoncés dans les politiques et lignes directrices pertinentes de l’ARC. Ainsi que l’a expliqué mon collègue, le juge de Montigny, dans la décision Première nation Waycobah c Canada (Procureur général), 2010 CF 1188, au paragraphe 43, conf. par 2011 CAF 191, « le pouvoir discrétionnaire du décideur est limité lorsqu’un facteur qui peut à juste titre entrer en ligne de compte dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire est érigé en règle générale qui aboutit à la recherche de l’uniformité quel que soit le mérite des cas particuliers ». En revanche, cela ne veut pas dire qu’il ne faut jamais tenir compte des considérations de politique générale. Il est de jurisprudence constante que les politiques et les lignes directrices ont leur utilité en ce qu’elles favorisent la cohérence du processus décisionnel. Ce n’est que lorsque le décideur croit qu’une politique donnée l’oblige à exercer son pouvoir discrétionnaire d’une certaine manière, indépendamment des faits de l’espèce, que surviennent des erreurs susceptibles de contrôle.

[50]           Sur ce point, j’ai à l’esprit l’analyse exhaustive à laquelle le juge Evans s’est livré dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Thamotharem, 2007 CAF 198, et en particulier, aux paragraphes 55, 56 et 59 à 62. Je n’oublie pas non plus les commentaires formulés plus récemment par le juge Stratas aux paragraphes 59 et 60 de l’arrêt Stemijon Investments Ltd c Canada (Procureur général), 2011 CAF 299 :

Les énoncés de politique jouent un rôle utile et important dans l’administration (Thamotharem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 198, [2008] 1 R.C.F. 385). À titre d’exemple, en encourageant l’application de principes uniformes dans les décisions, les énoncés de politique permettent aux personnes susceptibles de faire l’objet de décisions administratives de comprendre la façon dont les pouvoirs discrétionnaires peuvent être exercés. Ainsi, ils peuvent mieux planifier leurs affaires.

Cependant, comme cela a été expliqué aux paragraphes 20 à 25 ci‑dessus, les décideurs auxquels une loi confère un vaste pouvoir discrétionnaire ne peuvent en entraver l’exercice en s’appuyant exclusivement sur une politique administrative (Thamotharem, précité, au paragraphe 59; Maple Lodge Farms, précité, à la page 6; Dunsmuir, précité (tel qu’expliqué au paragraphe 24)). Une politique administrative n’est pas une loi. Elle ne peut restreindre le pouvoir discrétionnaire que la loi confère à un décideur. Elle ne peut pas modifier la loi du législateur. Une politique peut aider ou guider l’exercice du pouvoir discrétionnaire en vertu d’une loi, mais elle ne peut dicter de façon obligatoire comment ce pouvoir discrétionnaire s’exerce.

[51]           Compte tenu de ces précédents, il est impossible d’affirmer que le décideur a commis une erreur susceptible de contrôle. Celui‑ci s’est appuyé sur les politiques administratives et les critères d’admissibilité pour exercer son pouvoir discrétionnaire, mais rien n’indique qu’il se soit montré insensible aux faits particuliers de l’espèce. Au contraire, ses motifs comportent une analyse minutieuse de la situation de la demanderesse en fonction de chacun des critères pertinents. Il s’est abstenu de favoriser arbitrairement un critère au détriment d’un autre. À la fin de ses motifs, il arrive à la conclusion que le fait de conférer le statut de municipalité à la demanderesse n’irait pas dans le sens des objectifs de la politique fiscale du ministre au vu des activités particulières de l’intéressée. À l’évidence, le décideur a fait le nécessaire pour qu’aucun facteur ne détermine à l’avance la teneur de sa décision.

B.                 Le ministre a-t-il commis une erreur en déterminant que la demanderesse n’était pas une municipalité pour l’application de la partie IX de la Loi?

[52]           La demanderesse conteste chacune des conclusions tirées par M. Nault. Elle prétend avoir été créée par un organisme municipal en vertu des paragraphes 4(3) et 7(4) de la Loi sur les municipalités, qui autorise un conseil municipal à créer un organisme et à lui déléguer des pouvoirs de nature municipale sans avoir à procéder par arrêté ou résolution. Elle soutient qu’elle satisfait au critère de la propriété du fait qu’en cas de liquidation, le titre de ses actifs serait dévolu aux municipalités membres, par application des principes de la fiducie par interprétation, sinon de la doctrine de la restitution. Elle soutient également qu’elle satisfait au critère de la surveillance, étant donné que les municipalités membres nomment des mandataires pour qu’ils votent au sujet de la composition de son conseil d’administration et de ses budgets annuels de fonctionnement. Enfin, la demanderesse prétend qu’elle fournit des services municipaux et exerce des fonctions municipales en tous points analogues à ceux figurant à l’Annexe I de la Loi sur les municipalités.

[53]           D’abord, je conviens avec le défendeur que les critères servant à définir l’« organisation paramunicipale », au sens de la partie VI de l’annexe V de la Loi, ne sont pas repris dans la définition de la municipalité figurant au paragraphe 123(1). La demanderesse s’est largement appuyée sur ces critères, mais à proprement parler, ceux‑ci ne servent pas à encadrer le pouvoir discrétionnaire pouvant être exercé par le ministre en vertu du paragraphe 123(1). Cela dit, il est évident qu’en pratique, le ministre tient compte de ces critères. Ils sont d’ailleurs mentionnés dans les lignes directrices pertinentes et dans la décision faisant l’objet du présent contrôle. Par contre, ces critères ne sont pas déterminants. Le ministre peut conférer le statut de municipalité même lorsque les critères ne sont pas entièrement remplis, s’il estime que cela va dans le sens des objectifs de sa politique fiscale.

[54]           En l’espèce, le décideur est arrivé à une conclusion raisonnable, à savoir que le statut de municipalité ne devrait pas être conféré à l’UMNB au vu de l’ensemble des critères d’admissibilité prévus et des objectifs de la politique fiscale du ministre.

[55]           Le décideur pouvait légitimement conclure que l’UMNB n’a pas été créée ni établie par une municipalité. La demanderesse insiste sur le fait que les municipalités du Nouveau-Brunswick peuvent convenir de manière informelle de créer des organisations et de leur déléguer leurs pouvoirs sans passer par l’adoption d’un arrêté municipal ou d’une résolution à cet effet, en vertu des paragraphes 4(3) et 7(4) de la Loi sur les municipalités. Toutefois, il ressort d’une simple lecture de cette loi que toutes les décisions des municipalités sont soumises à certaines restrictions. Les paragraphes 10.2(2) et 10.2(2.1) prévoient en effet ce qui suit :

10.2(2) Toutes les décisions d’un conseil doivent être

10.2(2) All decisions of a council shall be

a) prises au cours de ses réunions ordinaires ou extraordinaires, et

(a) made in a regular or special meeting of the council, and

b) adoptées par un arrêté ou une résolution du conseil.

(b) adopted by a by-law or resolution of the council.

10.2(2.1) Aucune action ou décision d’un conseil n’est valide à moins d’être autorisée ou adoptée par un arrêté ou une résolution à une réunion du conseil.

10.2(2.1) No act or decision of a council is valid unless it is authorized or adopted by a by-law or resolution at a council meeting.

[56]           Ces dispositions sont libellées en termes très généraux. Elles visent « toutes les décisions » et n’excluent « aucune action ou décision ». Il n’y a rien dans les paragraphes 4(3) et 7(4) qui permettent de penser que certaines décisions ne sont pas assujetties aux exigences générales énoncées dans les dispositions qui précèdent. L’avocat de la demanderesse n’a pu citer une seule décision étayant l’interprétation de la Loi sur les municipalités qu’il privilégiait. Par conséquent, je donnerai à cette loi son sens ordinaire en supposant que le décideur a fait de même.

[57]           Rien dans le dossier ne laisse croire qu’un conseil municipal aurait un jour pris un arrêté ou adopté une résolution aux fins de l’établissement de l’UMNB ou de l’une des organisations qu’elle a remplacées (l’ATNB et l’AVNB). Si une telle preuve existe, il incombait à la demanderesse de la présenter au décideur. Compte tenu de l’état du dossier dont il disposait, le décideur est arrivé à une conclusion raisonnable.

[58]           Par ailleurs, il était tout aussi raisonnable que le décideur arrive à la conclusion qu’aucune municipalité n’exerce de surveillance sur la demanderesse. Il n’y a rien d’illogique dans le fait de conclure que le droit de vote ne constitue pas un indice de surveillance, étant donné que l’UMNB peut suspendre le droit de vote des municipalités qui n’ont pas payé leur cotisation. En outre, il n’y a rien dans le dossier qui prouve que les municipalités approuvent le budget annuel de fonctionnement de l’UMNB par voie d’arrêté municipal ou de résolution, comme l’exigent les paragraphes 10.2(2) et (2.1) de la Loi sur les municipalités. Les lettres des deux maires que la demanderesse a transmises au défendeur n’en donnent pas la preuve. Ces lettres se limitent à préciser que les conseils municipaux prennent connaissance du projet de budget de l’UMNB avant chaque assemblée générale annuelle, lors de laquelle leurs représentants sont invités à voter. Une fois de plus, il était raisonnable que M. Nault en conclue que le droit de voter lors des assemblées générales annuelles de l’UMNB n’était pas un indicateur fiable de surveillance.

[59]           En ce qui concerne le critère de la propriété, la demanderesse concède que ses membres, les municipalités, ne sont pas propriétaires de ses actifs. En revanche, elle prétend qu’à sa liquidation, le titre de propriété serait dévolu aux municipalités par l’effet des règles de la fiducie par interprétation ou de la doctrine de la restitution. La Cour ne peut accorder aucun poids à ces arguments parce qu’ils n’ont jamais été invoqués devant le décideur. Lors d’un contrôle judiciaire, le rôle de la Cour consiste à déterminer si le décideur a rendu une décision raisonnable au vu des faits et des arguments juridiques qui lui ont été présentés. Il n’appartient pas à la Cour de recevoir de nouveaux éléments de preuve et de nouveaux arguments en vue de rendre une décision indépendante quant au fond de l’affaire : Gitxsan Treaty Society c Hospital Employees’ Union, [1999] ACF no 1192 (CAF), aux paragraphes 13 à 15; Zolotareva c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1274, au paragraphe 36.

[60]           En fait, les arguments formulés par demanderesse sur ce point sont passablement complexes. On ne peut reprocher au décideur de n’en avoir pas traité de son propre chef, par anticipation. Si l’UMNB souhaite que le décideur examine ces arguments, elle est libre de présenter une nouvelle demande de statut dans laquelle elle exposera ces arguments de manière explicite.

[61]           Au final, il était permis au décideur de conclure que l’UMNB n’exerce pas des activités justifiant l’octroi du statut de municipalité. D’après les lignes directrices, il semblerait que le ministre ait voulu élargir la portée de la définition afin de réduire au minimum l’incidence fiscale résultant de la décision d’une municipalité de déléguer la responsabilité de services municipaux ou certaines fonctions municipales à une autre entité. Par exemple, la municipalité « X » pourrait ordonner à ses employés de nettoyer les égouts, alors que la municipalité « Y » choisirait de confier cette tâche à une agence indépendante. Ce qui importe ici, c’est que ni l’une ni l’autre ne devrait être pénalisée sur le plan fiscal du seul fait du choix qu’elle effectue à cet égard, étant donné que l’une et l’autre fournissent des services municipaux aux résidents et aux propriétaires fonciers relevant de leur compétence.

[62]           C’est à juste titre que le décideur a considéré que les principales fonctions de l’UMNB consistaient à défendre les intérêts de ses municipalités membres et à promouvoir et favoriser l’échange d’information entre elles. Il lui était permis de conclure que ces fonctions ne justifiaient pas l’octroi du statut de municipalité. Il est vrai que l’Annexe I de la Loi sur les municipalités ne prétend pas dresser une liste exhaustive des services municipaux – mais il est intéressant de noter qu’on ne trouve dans cette liste aucun service correspondant à peu près à ceux qu’offre l’UMNB. S’il est vrai que l’UMNB offre aux municipalités un espace pour discuter de la prestation de ces services et formuler des demandes à ce sujet au gouvernement fédéral et à celui de la province, elle ne s’occupe pas de fournir ces services pour le compte des municipalités. Il ne ressort pas du dossier que l’UMNB se charge de l’administration de services d’incendie, de postes de police ou d’offices du tourisme. Vu le cadre factuel, le décideur pouvait très bien arriver à la conclusion que le fait d’accorder à l’UMNB le statut de municipalité ne contribuerait en rien à la réalisation des objectifs de la politique fiscale du ministre.

[63]           Je ne veux pas donner l’impression de minimiser l’importance et l’utilité des services que fournit l’UMNB. À n’en pas douter, ces services profitent grandement aux résidents du Nouveau-Brunswick. Par ailleurs, le ministre aurait très bien pu décider de rendre une décision favorable à partir des faits dont il disposait. Cependant, « [l]e pouvoir discrétionnaire réside essentiellement dans le fait que son exercice varie selon le cas » : Première nation Waycobah, précitée, au paragraphe 43. Il n’appartient pas à la Cour de forcer le ministre à exercer ce pouvoir discrétionnaire d’une certaine manière. En fait, dans le cadre d’un contrôle effectué selon la norme de la raisonnabilité, la Cour s’abstiendra d’« élaborer, affirmer et imposer son propre point de vue sur la question » : Delios c Canada (Procureur général), 2015 CAF 117, au paragraphe 28.

[64]           En somme, la décision visée par le contrôle est transparente, justifiée et intelligible, ce qui est suffisant pour résister à un contrôle judiciaire : Dunsmuir, précité, au paragraphe 47. Encore une fois, la Cour n’a pas pour rôle d’établir des politiques fiscales ou de porter un jugement sur l’intelligence de la politique du ministre. Sa tâche se limite à veiller à ce que le ministre donne effet à la politique de son choix d’une manière qui puisse se justifier au regard des faits et du droit. En l’espèce, ces exigences minimales ont été respectées. La Cour ne voit pas de raison d’intervenir.

[65]           La demande est rejetée. Le ministre a sollicité les dépens et ceux-ci lui sont adjugés selon le tarif ordinaire.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande est rejetée et que le défendeur a droit aux dépens.

« Richard G. Mosley »

Juge

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

t-2567-14

INTITULÉ :

L’UNION DES MUNICIPALITÉS DU NOUVEAU‑BRUNSWICK c LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

LIEU DE L’AUDIENCE :

FREDERICTON (NOUVEAU‑BRUNSWICK)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 JUIN 2015

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MOSLEY

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 16 JUIN 2015

COMPARUTIONS :

Jack M. Blackier

POUR LA DEMANDERESSE

Cecil S. Woon

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jack M. Blackier

Avocat

Cox and Palmer

Saint John (Nouveau‑Brunswick)

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Halifax (Nouvelle‑Écosse)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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