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Date : 20150610


Dossier : IMM‑5209‑14

Référence : 2015 CF 730

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 10 juin 2015

En présence de madame la juge Mactavish

ENTRE :

AMARAVATHY SRIRENGANATHAN

(alias AMARAVATHY SRIRANKANATHAN)

SRIRANKANANATHAN THARMALINGAM

(alias SRIRANGANATHAN THARMALINGAM) JEYASEELAN SRIRENGANATHAN

LATHUSAN SRIRENGANATHAN

VINUJAH SRIRENGANATHAN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La présente demande concerne une famille tamoule qui a voyagé au Canada à bord du MV Sun Sea. La mère et demanderesse principale, Amaravathy Srirenganathan, ainsi que son époux, Srirankanathan Tharmalingham, et leurs trois enfants sont arrivés au Canada le 13 août 2010 et ont présenté leurs demandes d’asile le jour même. Le 17 juin 2014, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté les demandes d’asile présentées par la famille.

[2]               Bien que les demandeurs aient soulevé plusieurs questions, je n’ai pas à examiner toutes ces questions étant donné que j’ai décidé d’accueillir la demande au motif que je ne peux être certaine que la Commission a appliqué le bon critère juridique en concluant que les demandes devaient être rejetées.

I.                   Contexte

[3]               Les demandeurs sont originaires du nord du Sri Lanka et sont d’origine ethnique tamoule. Ils soutiennent que le défunt frère de M. Tharmalingham était un membre des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (TLET). La décision n’indique pas du tout clairement si la Commission a accepté comme un fait l’appartenance du frère aux TLET. Or, la lecture de la transcription permet de constater que oui.

[4]               Les demandeurs soutiennent avoir été menacés par divers groupes paramilitaires et par des membres de l’armée sri lankaise et déplacés plusieurs fois après que le cessez‑le‑feu entre le gouvernement du Sri Lanka et les TLET a été rompu. Ils ajoutent que les TLET ont emmené M. Tharmalingham dans un camp de travail en mars 2009. M. Tharmalingham s’est évadé du camp, après quoi lui et sa famille se sont rendus dans un secteur contrôlé par le gouvernement où ils ont été interrogés par l’armée puis emmenés au camp d’aide sociale pour les réfugiés à Arunachalam. Ils ont été libérés de ce camp en octobre 2009 et sont alors retournés à leur domicile à Veerapuram.

[5]               En novembre 2009, des hommes armés non identifiés ont encerclé le domicile des demandeurs, ont interrogé Mme Srirenganathan et son fils au sujet des liens familiaux avec les TLET et ont menacé de tuer M. Tharmalingham, qui était absent à ce moment‑là. Craignant pour leur vie, les demandeurs se sont cachés. Ils se sont ensuite rendus à Colombo où ils ont embauché un agent pour qu’il les aide à obtenir des passeports, des billets d’avion et des visas pour la Thaïlande.

[6]               Les demandeurs ont quitté le Sri Lanka à destination de la Thaïlande le 13 janvier 2010. En Thaïlande, ils sont montés à bord du MV Sun Sea et sont arrivés au Canada le 13 août 2010. L’arrivée du MV Sun Sea a fait l’objet d’une importante couverture médiatique nationale et internationale. Il était surtout question du fait que le navire appartenait aux TLET et qu’il était exploité par ces derniers.

[7]               Bien que la Commission ait exprimé de sérieux doutes quant à la crédibilité des demandeurs, je n’ai pas à me pencher sur le caractère raisonnable de l’appréciation de la crédibilité faite par la Commission étant donné que j’ai conclu que cette dernière a commis une erreur de droit. Le fait que les demandeurs sont des Tamouls du nord du Sri Lanka dont un parent proche était membre des TLET n’est pas contesté. Nul ne conteste non plus que les demandeurs sont des demandeurs d’asile déboutés qui sont arrivés au Canada à bord du MV Sun Sea.

II.                Analyse

[8]               Les demandeurs soutiennent que la Commission a mal énoncé et mal appliqué le critère de l’article 96 régissant la protection des réfugiés. Le défendeur convient que la Commission a mal énoncé le critère à divers endroits dans ses motifs, mais affirme qu’à la lecture des motifs dans leur ensemble, il est clair que le bon critère juridique a été appliqué.

[9]               La question de savoir si la Commission a choisi et appliqué le bon critère au moment de déterminer si un demandeur correspond à la définition de réfugié constitue une pure question de droit susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte : Mohammed c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 768, au paragraphe 36, 348 F.T.R. 69.

[10]           Les parties conviennent que, pour établir l’existence d’une crainte fondée de persécution aux fins de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, les demandeurs d’asile doivent prouver qu’ils ont une crainte subjective d’être persécutés et que cette crainte a un fondement objectif : Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, au paragraphe 47, [1993] ACS no 74. Les demandeurs d’asile doivent établir leur cause selon la prépondérance des probabilités. Or, ils ne sont pas tenus de prouver qu’il serait plus probable qu’improbable qu’ils soient persécutés. Autrement dit, « il n’y a pas à y avoir une chance supérieure à 50 % (c’est‑à‑dire une probabilité) » : Adjei c Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 2 CF 680, au paragraphe 8, 57 D.L.R. (4th) 153. Ils n’ont qu’à montrer qu’il existe plus qu’une simple possibilité qu’ils soient persécutés dans leur pays d’origine.

[11]           La Cour n’interviendra pas si la Commission a articulé « l’essentiel de la norme de preuve applicable ». Toutefois, elle renverra l’affaire dans les cas où le mauvais critère a été appliqué ou dans lesquels il est difficile de déterminer clairement quel critère a été appliqué : Alam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 4, au paragraphe 9, 41 Imm. L.R. (3d) 263; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Neubauer, 2015 CF 260, au paragraphe 24; Arrinaj c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 773, au paragraphe 44, [2005] ACF no 971.

[12]           Au début de son analyse, la Commission a décrit la question dont elle était saisie comme étant celle de déterminer si le « profil [de M. Tharmalingham] à titre de Tamoul l’expose à un risque accru au Sri Lanka aujourd’hui » (italiques ajoutés). Plus loin dans ses motifs, la Commission s’est penchée sur la question de savoir si « [les demandeurs d’asile] étai[en]t exposé[s] à un plus grand risque de persécution parce qu’il[s] [ont] voyagé à bord du Sun Sea » (italiques ajoutés). Je comprends que les parties conviennent que l’analyse relative à la qualité de réfugié n’est pas un exercice de relativité et qu’un demandeur n’est pas tenu de démontrer qu’il est exposé à un risque personnel accru dans son pays d’origine.

[13]           Après avoir examiné attentivement les motifs de la Commission dans leur ensemble, je ne peux déterminer avec certitude quel critère la Commission a effectivement appliqué pour tirer sa conclusion. Il est vrai que la Commission a énoncé la bonne norme de preuve applicable à certains endroits dans ses motifs, y compris dans le résumé de ses conclusions. Or, parallèlement, il ressort du paragraphe 13(2) de ses motifs que son analyse a été entièrement établie sur une formulation inexacte du droit. Par conséquent, la décision doit être annulée.

III.             Conclusion

[14]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. Je conviens avec les parties que la présente affaire ne soulève aucune question à certifier.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué en vue d’un nouvel examen.

« Anne L. Mactavish »

Juge

Traduction certifiée conforme

Stéphanie Pagé, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑5209‑14

 

INTITULÉ :

AMARAVATHY SRIRENGANATHAN

(alias AMARAVATHY SRIRANKANATHAN), SRIRANKANANATHAN THARMALINGAM

(alias SRIRANGANATHAN THARMALINGAM)

JEYASEELAN SRIRENGANATHAN

LATHUSAN SRIRENGANATHAN

VINUJAH SRIRENGANATHAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 3 JUIN 2015

 

jugEment ET MOTIFS :

LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :

Le 10 JUIN 2015

 

COMPARUTIONS :

Jack Davis

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Meva Motwani

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Davis & Grice

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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