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Date : 20150617


Dossier : IMM‑6212‑14

Référence : 2015 CF 759

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 juin 2015

En présence de monsieur le juge Barnes

ENTRE :

ELSA HAGOS AWET

THOMAS ANTONIOS ENDRIAS

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par Elsa Hagos Awet et Thomas Antonios Endrias à l’encontre d’une décision par laquelle la Section d’appel des réfugiés (la SAR) a rejeté l’appel interjeté contre une décision de ne pas leur reconnaître le statut de réfugiés, rendue antérieurement par la Section de la protection des réfugiés (la SPR).

[2]               Les demandeurs affirment être des citoyens érythréens. La SPR a rejeté leur demande d’asile au motif qu’ils n’avaient pas réussi à prouver leurs identités au moyen d’une preuve crédible et digne de foi. Cette décision a été confirmée par la SAR.

[3]               À l’audience devant la SPR, les demandeurs ont produit des documents d’identité, à savoir des certificats de naissance et des permis de conduire. Leurs certificats de naissance ont été rejetés en raison de l’absence de caractéristiques de sécurité et de leur mauvaise qualité. Les permis de conduire ont été rejetés principalement parce qu’ils contenaient des fautes d’orthographe en anglais et avaient subi des modifications. Se fondant sur les connaissances de l’Érythrée des demandeurs, la SPR a conclu que ceux‑ci avaient probablement vécu dans ce pays mais elle n’était pas convaincue qu’ils détenaient la citoyenneté érythréenne comme ils affirmaient.

[4]               Devant la SAR, les demandeurs ont tenté de compléter leurs documents d’identités en produisant les originaux de leurs certificats de naissance éthiopiens et, concernant Mme Awet, un certificat original de baptême. Ces documents étaient joints à un court affidavit indiquant qu’ils avaient été obtenus après la décision de la SPR. L’affidavit indiquait que les documents avaient été rapportés de l’Érythrée par une personne à la demande des parents de M. Endrias.

[5]               Le motif principal d’appel devant la Cour porte sur la norme de contrôle appliquée par la SAR à la décision de la SPR. Il ressort clairement de la décision de la SAR que celle‑ci a adopté la norme déférente de la raisonnabilité, comme en témoignent les passages suivants :

[40]      La norme de contrôle qu’il convient d’appliquer en l’espèce est celle de la décision raisonnable. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel de la SPR, mais aussi à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[41]      Compte tenu de l’analyse qui précède, la SAR a donc fait preuve d’une déférence considérable à l’égard des conclusions tirées par la SPR quant aux questions de fait dans le cadre de cette demande d’asile et elle s’est efforcée de déterminer si ces conclusions respectent la norme de la décision raisonnable.

[42]      Pour ces motifs, la SAR conclut que dans son examen du présent appel, elle doit faire preuve de déférence à l’égard des conclusions de fait et des conclusions relatives à la crédibilité de la SPR. La notion de déférence à l’égard du processus décisionnel d’un tribunal administratif exige que soit portée une attention respectueuse aux motifs donnés ou qui pourraient être donnés à l’appui de la décision rendue. Même si les motifs qui ont été donnés ne semblent pas tout à fait convenables pour étayer la décision, la SAR doit d’abord chercher à les compléter avant de substituer sa propre décision à celle qui a été rendue.

La conclusion de la SPR selon laquelle les appelants n’ont pas établi leur identité appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Par conséquent, le présent appel ne peut être accueilli.

[6]               L’avocat du ministre souligne que la SAR a fait sa propre analyse de certains éléments de preuve et semble avoir tiré ses propres conclusions quant à la fiabilité de ceux‑ci. En particulier, la SAR, à l’instar de la SPR, a exprimé des doutes quant à la probabilité que les organismes gouvernementaux délivrent des documents comportant des fautes d’orthographe fondamentales en anglais. La SAR a également jugé que les explications des demandeurs concernant l’omission d’avoir produit leurs cartes d’identité nationale n’étaient pas « logiques ». Dans les deux cas, la SAR a conclu que les conclusions correspondantes de la SPR étaient raisonnables.

[7]               Il est aussi quelque peu préoccupant que la SAR ait conclu que les documents d’identité nouvellement présentés n’étaient pas crédibles sur le fondement « des conclusions tirées par la SPR au sujet de la crédibilité des documents antérieurs déposés à l’audience ». Cela laisse entendre que la SAR n’a pas examiné de façon indépendante la fiabilité de ces documents et qu’elle a simplement appliqué la norme de la déférence.

[8]               Cependant, il ne ressort pas tout à fait clairement de la décision de la SAR comment celle‑ci a traité les conclusions de la SPR. Compte tenu des affirmations sans équivoque de déférence de la SAR, il serait imprudent de présumer qu’elle a procédé, dans son intégralité, au type d’examen indépendant nécessaire des éléments de preuve : voir Huruglica c Canada, 2014 CF 799, [2014] ACF No 845, le juge Phelan; Spasoja c Canada, 2014 CF 913, 249 ACWS (3d) 829, le juge Roy; Alyafi c Canada, 2014 CF 952, [2014] ACF No 989, le juge Martineau; Njeukam c Canada, 2014 CF 859, 247 ACWS (3d) 429, le juge Locke; Bahta c Canada, 2014 CF 1245, 248 ACWS (3d) 419, la juge Simpson; Pemaj c Canada, IMM‑1988‑14, la juge Kane et ma propre décision dans l’affaire Sow c Canada, 2015 CF 295, 252 ACWS (3d) 316. Pour ce motif, l’affaire doit être réexaminée sur le fond conformément à la norme de contrôle énoncée dans les décisions susmentionnées.

[9]               J’ajouterais qu’au moins une des conclusions de la SPR concernant les documents nouvellement présentés est difficile à saisir. Au paragraphe 31 de la décision de la SAR, ces documents ont été écartés pour les motifs suivants :

En ce qui concerne les nouveaux éléments de preuve déposés par les appelants devant la SAR – soit, aux dires des appelants, les originaux de certificats de naissance et d’un certificat de baptême – la SAR ne dispose d’aucune preuve lui permettant d’établir un lien entre les appelants et les documents qu’ils ont soumis comme étant les leurs. Par conséquent, la SAR estime que ces documents sont convaincants et ne les admet pas comme preuve de l’identité des appelants.

Cet énoncé est inexact. Les nouveaux documents étaient annexés à un affidavit établissant un lien avec les demandeurs, et ils contenaient également des éléments permettant d’identifier les demandeurs, lesquels concordaient avec leurs documents d’identité originaux.

[10]           Je fais mien le point soulevé par l’avocat du ministre selon lequel les nouveaux documents ont été rejetés de façon indépendante parce qu’ils auraient dû être soumis à la SPR. Pour arriver à cette conclusion, la SAR a appliqué les principes de recevabilité établis dans Raza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 385, 289 D.L.R. (4th) 675. Je conviens qu’appliquer les facteurs de base énoncés dans Raza peut aider, mais la Cour a depuis fait remarquer qu’une approche plus généreuse relativement à l’acceptation de nouveaux éléments de preuve peut être appropriée dans le contexte d’un appel plutôt que d’un ERAR : voir Singh c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 2014 CF 1022, aux paragraphes 3‑42, 246 ACWS (3d) 433.

[11]           Pour les motifs qui précèdent, la présente demande est accueillie. L’affaire sera renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SAR en vue d’un nouvel examen sur le fond.

[12]           Les parties nont proposé aucune question aux fins de certification et aucune question de portée générale nest soulevée en lespèce


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est accueillie et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment de la SAR en vue d’un nouvel examen sur le fond.

 « R.L. Barnes »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑6212‑14

 

INTITULÉ :

ELSA HAGOS AWET, THOMAS ANTONIOS ENDRIAS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 JUIN 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BARNES

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 17 JUIN 2015

COMPARUTIONS :

M. Michael Crane

 

POUR LES DEMANDEURs

 

Mme Laura Christodoulides

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Michael Crane

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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