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Date : 20150706


Dossier : IMM-1371-14

Référence : 2015 CF 825

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 juillet 2015

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

ZSOLT FABIJAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Section de la protection des réfugiés [la SPR] a rejeté la demande d’asile de M. Fabijan parce qu’elle a conclu qu’il n’avait pas réfuté la présomption de la protection de l’État. La question de savoir si cette évaluation est raisonnable est la seule question en litige dans la présente demande.

[2]               Monsieur Fabijan est citoyen de la Serbie. Il a fondé sa demande d’asile sur des allégations de discrimination et de persécution dont il aurait été victime en Serbie en raison de ses origines hongroises.

[3]               Il a témoigné qu’il était constamment intimidé par un garçon de son voisinage et ses amis et qu’il craignait d’être toujours victime d’agressions s’il était renvoyé en Serbie. Il ne s’est jamais adressé à la police pour signaler ces agressions et a témoigné qu’il ne croyait pas que la police lui aurait porté assistance s’il lui avait signalé les incidents et demandé son aide.

[4]               Même si la SPR a relevé certaines incohérences dans la preuve de M. Fabijan, elle l’a jugé crédible dans son témoignage de vive voix et a conclu qu’il n’avait ni embelli ni exagéré les faits quand cela aurait pu renforcer sa demande.

[5]               La question déterminante est la conclusion selon laquelle M. Fabijan n’a pas réussi à réfuter la présomption de protection de l’État; cette conclusion a été tirée à la lumière des conclusions qui suivent. Premièrement, la Serbie est une démocratie pleinement fonctionnelle dont les institutions étatiques ne se sont pas effondrées; le fardeau qui incombait à M. Fabijan de réfuter la présomption de protection de l’État est donc lourd. Il a également été précisé qu’il y existe une magistrature indépendante, quoique vulnérable à la corruption et à l’ingérence politique. Deuxièmement, aucun des problèmes qui sont maintenant invoqués n’avait été signalé à la police. Troisièmement, la police fait activement enquête au sujet des tensions interethniques dans la région de Vojvodine. Enfin, la documentation sur la situation au pays indique que même si la protection des minorités n’y est pas parfaite, une certaine protection est offerte aux minorités depuis la création de conseils nationaux des minorités, la mise sur pied de services d’écoute téléphonique pour signaler les atteintes aux droits de la personne des groupes minoritaires, l’édiction de lois antidiscriminatoires et la nomination d’un ombudsman.

[6]               Le demandeur fait valoir que la SPR n’a pas tenu compte de la qualité des institutions démocratiques en Serbie ainsi que de la protection offerte au niveau opérationnel, contrairement à ce que la Cour a établi : voir les décisions Sow c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 646, Cekaj c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1531, et Navarrete Andrade c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 436. Toutefois, le seul aspect invoqué par le demandeur que la SPR n’a pas expressément mentionné est le fait que l’État existe dans sa forme actuelle seulement depuis février 2008, qu’il avait auparavant des antécédents de violence et qu’il était dirigé par [traduction] « l’ultra-nationaliste Slobodan Milosevic ». À mon avis, ces aspects de la situation au pays ne sont pas suffisants pour rendre déraisonnable la conclusion selon laquelle le demandeur devait s’acquitter d’un lourd fardeau.

[7]               Je suis d’accord avec le demandeur pour dire qu’une partie de la preuve citée par la SPR n’est pas pertinente pour établir si la protection de l’État est adéquate, plus particulièrement en ce qui concerne la nomination d’un ombudsman, l’établissement de services d’écoute téléphonique et l’adoption de lois antidiscriminatoires.

[8]               Malheureusement pour le demandeur, la preuve qu’il a présentée au sujet de la protection policière inadéquate pour les Hongrois en Serbie est insuffisante. Dans l’exposé des faits que contient son Formulaire de renseignements personnels modifié, le demandeur raconte qu’il a écouté un poste de radio hongrois le jour de la St. Istvan (la Saint-Étienne) lorsqu’il a entendu dire que pendant que des jeunes Hongrois distribuaient des affiches pour annoncer le programme des célébrations du jour, les policiers [traduction] « leur criaient des injures et disaient des choses comme “nous devrions vous emmener au poste” ou “nous devrions vous tirer” ». En revanche, il a également raconté ceci la dernière fois qu’il a été battu par la brute du quartier : [traduction] « La police est intervenue et j’ai réussi à me sauver de justesse. »

[9]               La SPR cite un incident, tiré du cartable national de documentation dont elle s’est servie, pour illustrer la protection de l’État; il s’agit d’un incident qui s’est produit en septembre 2012 au cours duquel huit enfants hongrois ont été attaqués :

[traduction] Les tensions ont monté dans la région de Vojvodine, au nord‑est de la Serbie, entre les membres de la majorité serbe et les membres de la minorité hongroise. En septembre, environ 20 Serbes armés de tiges de fer ont attaqué huit enfants et jeunes adultes hongrois dans la ville de Subotica, supposément parce que les victimes parlaient hongrois. La police a mené une enquête sur cette allégation. [Human Rights Watch, Serbie. Rapport mondial 2013 – Événements de 2012]

La SPR fait remarquer, au sujet de cette preuve, que « [l]e fonctionnement d’une démocratie continue de se caractériser par le fait que des enquêtes sont menées et que les poursuites aboutissent à des condamnations ». La Cour constate que ce rapport est daté de janvier 2013 et, apparemment, seule une enquête a été menée, mais il n’y est question d’aucune arrestation ni de poursuite au cours des trois mois qui ont suivi ces attaques vicieuses contre des enfants. Même si la preuve de la protection est mince, elle montre que la police est disposée à faire enquête sur les plaintes de violence à l’endroit des Hongrois et elle donne à penser dans une certaine mesure que c’est ce qu’elle aurait fait si le demandeur avait porté plainte à la police.

[10]           En revanche, le cartable de documents contient des affirmations très générales qui indiquent que cette protection est moindre qu’on pourrait le souhaiter, comme [traduction] « l’efficacité des forces policières varie », « de nombreux observateurs ont remarqué l’existence d’un climat hostile envers les minorités nationales et ethniques, lesquelles – selon les données les plus récentes tirées du recensement de 2011 – constituaient 16,7 pour cent de la population du pays et comprenaient notamment des Hongrois, des Bosniaques, des Roms, des Slovaques, des Romains, des Valaques, des Bulgares, des Croates, des Albanais, des Ashkalis et des Égyptiens », et « malgré qu’elle ait obtenu le statut de candidat pour faire partie de l’Union européenne en mars, la Serbie n’a guère contribué à améliorer son bilan en matière de droits de la personne en 2012 [et la] situation des minorités ethniques demeure précaire, surtout pour les Roms ».

[11]           Après avoir examiné l’intégralité du dossier dont disposait la SPR et même en tenant pour acquis que le fardeau d’établir une absence de protection adéquate de l’État se situait au milieu, plutôt qu’au sommet, de la fourchette, je ne serais convenir avec le demandeur que l’évaluation qu’a faite la SPR de la protection de l’État était déraisonnable.

[12]           Aucune des parties n’a proposé de question à certifier, et aucune ne se pose au vu des faits.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est rejetée et aucune question n’est certifiée.

« Russel W. Zinn »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, B.A. en trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1371-14

 

INTITULÉ :

ZSOLT FABIJAN c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 6 MAI 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 6 JUILLET 2015

 

COMPARUTIONS :

Dov Maierovitz

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Christopher Crighton

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dov Maierovitz

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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