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Date : 20150721


Dossier : IMM-7224-14

Référence : 2015 CF 889

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 21 juillet 2015

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

EDDY WAMAHORO

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   APERÇU

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision par laquelle la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission, le commissaire) a refusé au demandeur le statut de réfugié (la décision) en raison du manque de crédibilité et d’absence de crainte subjective chez ce dernier. Le demandeur soutient qu’en plus d’être déraisonnable, la décision était entachée d’iniquité procédurale. Je suis d’accord avec lui et j’accueillerai à la présente demande de contrôle judiciaire, pour les motifs énoncés ci-après.

II.                LE CONTEXTE

[2]               Je commencerai par noter que les faits de l’espèce sont inhabituels et que la présente décision est à l’image des circonstances uniques auxquelles elle se rapporte.

[3]               Le demandeur, M. Eddy Wamahoro, est un citoyen burundais d’origine ethnique tutsie. Il fait partie de l’orchestre de tambours Urucaca depuis 1998, et en a notamment été le président de 2005 à 2008, puis de nouveau de 2010 jusqu’au moment où il a présenté sa demande d’asile. Il prétend que les événements suivants se sont produits et l’ont amené à soumettre sa demande.

[4]               Le 15 janvier 2014, M. B [la confidentialité du nom de famille des tiers a été préservée], secrétaire de la milice Imbonerakure, a rendu visite au demandeur. Ce groupe constitue l’aile jeunesse du parti burundais au pouvoir, le Conseil national pour la défense de la démocratie – Forces de défense et de la démocratie (le CNDD-FDD). M. B a suggéré que les membres d’Urucaca rejoignent les rangs des Imbonerakure, et que le demandeur contribue au recrutement. Ce dernier a refusé, affirmant que la politique ne l’intéressait pas et qu’il préférait se concentrer sur ses études et sa musique. Une semaine plus tard, il a reçu des menaces par téléphone.

[5]               Le 5 février 2014, M. B est retourné chez le demandeur pour lui demander s’il avait changé d’avis et s’il acceptait d’adhérer aux Imbonerakure. Ce n’était pas le cas, de sorte que M. B a commencé à recruter lui-même les membres de l’orchestre Urucaca. Le demandeur, de son côté, a dissuadé les membres de l’orchestre de s’affilier.

[6]               Le 11 mars 2014, le demandeur a été agressé par M. N., un chef régional des Imbonerakure, et par des hommes armés de la milice. Ils l’ont accusé de faire partie de l’opposition, puisqu’il refusait de coopérer. Puis, le 24 mars 2014, le demandeur a reçu une lettre le convoquant au bureau du Service national de renseignement (le Service) le 2 avril 2014. Comme l’avis ne donnait pas de motifs pour cette convocation imminente, le demandeur a eu peur de ce qui lui arriverait et il a donc cherché refuge chez un ami.

[7]               La nuit du 2 avril 2014, le domicile familial du demandeur a été attaqué par quatre hommes armés qui étaient à sa recherche. Il est resté caché chez son ami jusqu’au 8 mai 2014, date à laquelle il s’est rendu aux États-Unis avec l’orchestre Urucaca pour participer au festival international de Dayton, en vue duquel il avait déjà obtenu un visa américain. À son arrivée aux États-Unis le 9 mai 2014, le demandeur a communiqué avec son oncle canadien, qui lui a suggéré de venir au Canada.

[8]               Lorsque le festival de musique a pris fin, le demandeur s’est rendu de Dayton (Ohio) à Buffalo (New York), où il a demandé l’aide de Vive La Casa (Vive), une organisation non gouvernementale qui assiste les personnes au cours du processus de demande d’asile. À son arrivée chez Vive le 22 mai 2014, le demandeur a reçu le conseil d’obtenir des documents du Burundi pour prouver sa relation avec son oncle avant de soumettre sa demande d’asile. Suivant ce conseil, le demandeur a retardé son entrée au Canada.

[9]               La Commission a rejeté la demande d’asile, concluant que le demandeur n’était pas une personne à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi], parce qu’il manquait de crédibilité et qu’il n’avait pas établi de crainte subjective. La Commission a également jugé peu plausible qu’Imbonerakure jette son dévolu sur un groupe de musiciens : d’après la preuve documentaire et la connaissance spécialisée de la Commission, Imbonerakure est un groupe de délinquants qui se livrent à des vols et à des agressions au Burundi et qui intimident les opposants politiques. La Commission a conclu que les Imbonerakure auraient pu, s’ils l’avaient voulu, recruter directement les membres de l’Urucaca sans passer par le demandeur.

[10]           Le demandeur a répondu, lorsque la Commission lui a posé la question de savoir s’il pouvait avoir d’autres raisons de le prendre pour cible, qu’il s’agissait peut-être de recruter davantage de Tutsis, puisqu’il appartient à ce groupe ethnique. Pour la Commission, cette explication fondée sur l’origine ethnique était hypothétique.

[11]           Enfin, la Commission a estimé que le comportement du demandeur était incompatible avec une crainte subjective de persécution, et elle a souligné que : (i) il n’a pas quitté sa maison pendant trois semaines (du 11 mars au 1er avril 2014), (ii) il a été convoqué pour une entrevue par le Service le 24 mars, (iii) il a attendu mai 2014 pour quitter le Burundi alors que son visa américain était valide depuis le 5 mars, et (iv) il a passé deux mois aux États-Unis avant d’entrer au Canada.

III.             LES QUESTIONS EN LITIGE

A.                La Commission a-t-elle enfreint le droit du demandeur à l’équité procédurale en s’appuyant sur sa prétendue connaissance spécialisée?

[12]           Le demandeur soutient que la Commission s’est appuyée sur sa connaissance spécialisée concernant le recrutement par les Imbonerakure, sans lui permettre d’y opposer des observations en réponse, en contravention de l’article 22 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012-256 [les Règles]. C’était là un manquement à l’équité procédurale qui a eu une incidence sur la décision, puisque le demandeur aurait pu, s’il en avait eu la possibilité, présenter des éléments de preuve pour dissiper les préoccupations (Bitala c Canada (MCI), 2005 CF 470, au paragraphe 19).

[13]           Le défendeur réplique que la connaissance spécialisée dont s’est servie la Commission était conforme à la description que le demandeur a donnée relativement au groupe Imbonerakure. Contrairement à lui, la Commission ne pensait tout simplement pas que cette milice les poursuivrait, son groupe et lui. Par ailleurs, elle lui a notifié cette connaissance spécialisée à l’audience et lui a ainsi offert la possibilité de produire des observations en réponse (Munir c Canada (MCI), 2012 CF 645, au paragraphe 17 [Munir]). Quoi qu’il en soit, ce n’est pas un motif suffisant pour infirmer la décision, car il ne s’agit pas d’un élément déterminant (Toma c Canada (MCI), 2014 CF 121, aux paragraphes 29 à 31 [Toma]). En outre, comme la Commission n’a pas conclu que les allégations du demandeur concernant le recrutement par les Imbonerakure étaient crédibles, il lui était loisible de leur accorder peu de poids.

B.                 La Commission a-t-elle négligé ou omis de tenir compte d’éléments de preuve et, de ce fait, tiré des conclusions déraisonnables quant à la vraisemblance et la crédibilité?

[14]           Le demandeur fait valoir que les conclusions de la Commission, selon lesquelles il était peu plausible que les Imbonerakure aient besoin de son aide et qu’ils recrutent des musiciens, ont été tirées sans tenir compte de la preuve documentaire. La preuve atteste que le demandeur avait de l’influence sur les membres de son groupe et que rien ne s’opposait à ce que les Imbonerakure enrôlent des musiciens.

[15]           Le défendeur soutient que la Commission est la mieux placée pour tirer des conclusions quant à la vraisemblance et la crédibilité (Aguebor c Canada (MEI) (1993), 160 NR 315, au paragraphe 4 (CAF)). La Commission a raisonnablement conclu qu’il était peu plausible que les Imbonerakure recrutent des musiciens et qu’ils le fassent en se servant du demandeur.

[16]           Le demandeur avance en outre que la Commission a ignoré des éléments de preuve corroborant sa crainte de persécution en cas de retour au Burundi. La preuve documentaire établit qu’il existe un lien entre les Imbonerakure et le Service national de renseignement. Lorsque la preuve produite par le demandeur contredit la conclusion arrêtée, le décideur se doit de la mentionner dans la décision (Mahanandan c Canada (MEI), [1994] ACF no 497 (Mahanandan); Cepeda-Gutierrez c Canada (MEI), [1998] ACF no 1425, paragraphe 17 (Cepeda-Gutierrez)).

[17]           Le défendeur soutient que la Commission a examiné la preuve et qu’elle n’est pas tenue de mentionner chaque élément dans ses motifs.

C.                 Les conclusions concernant la crainte subjective étaient-elles raisonnables?

[18]           Le demandeur affirme qu’il est resté aux États-Unis pendant une courte période avant de présenter sa demande d’asile au Canada, et qu’il n’en a pas présenté une aux États-Unis, pour deux raisons. Il avait de la famille (son oncle) au Canada et il s’était fait conseiller d’obtenir des documents pour prouver cette relation. Hormis la raison familiale, il estimait que le Canada était une meilleure destination pour les réfugiés.

[19]           Le demandeur soutient que le seul fait d’avoir de la famille au Canada est une raison valide de ne pas présenter de demande d’asile aux États-Unis et d’attendre pour en présenter une dûment documentée au Canada (Rajadurai c Canada (MCI), [2013] ACF no 566, au paragraphe 65 (Rajadurai)).

[20]           Le défendeur affirme que la Commission a raisonnablement conclu que le demandeur aurait pu quitter le Burundi plus tôt. De même, il aurait pu quitter les États-Unis antérieurement s’il n’avait pas l’intention d’y présenter de demande d’asile. La Commission a correctement examiné la preuve dont elle disposait, et elle est parvenue à une conclusion raisonnable concernant la crainte subjective.

IV.             ANALYSE

[21]           À titre préliminaire, les parties conviennent que la norme de contrôle liée aux questions d’équité procédurale est celle de la décision correcte; je suis du même avis. Pour ce qui est des autres questions évoquées plus haut, c’est la norme de la raisonnabilité qui s’applique (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 47 à 51; Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, au paragraphe 79).

[22]           Les trois questions soulevées par le demandeur me paraissent préoccupantes, chacune étant assez importante pour exiger le réexamen de la demande d’aile, attendu que chacune aurait pu en modifier l’issue.

A.                La Commission a enfreint le droit du demandeur à l’équité procédurale en s’appuyant sur sa « connaissance spécialisée ».

[23]           La Commission a qualifié les Imbonerakure de groupe de délinquants s’adonnant au vol et au harcèlement d’individus. Le commissaire a tenu compte de sa « connaissance spécialisée » pour parvenir à cette conclusion. Je ne vois pas bien comment il est parvenu à sa conclusion selon laquelle le groupe ne s’attaquerait pas à des musiciens. Comme ses préoccupations liées à la crédibilité et à l’invraisemblance découlaient directement de cette conclusion fondée sur sa connaissance spécialisée, le demandeur d’asile aurait dû avoir la possibilité de la réfuter (Isakova c Canada (MCI), [2008] ACF no 188, paragraphe 16). La Commission n’a pas informé le demandeur de la connaissance spécialisée sur laquelle elle s’appuyait; elle lui a simplement demandé pourquoi les Imbonerakure auraient tenté de recruter des musiciens. Se fonder ensuite sur cette connaissance pour attaquer la crédibilité était injuste à l’égard du demandeur et contrevenait à l’article 22 des Règles.

[24]           Le défendeur a invoqué deux décisions intéressant la connaissance spécialisée, mais les faits étaient différents dans les deux cas. Dans Munir, le tribunal avait fourni à l’avocate de la demanderesse une copie de la preuve qu’elle invoquait à titre de connaissance spécialisée le matin de l’audience, et lui a accordé quinze minutes pour consulter sa cliente. En l’espèce, la Commission n’a pas notifié à M. Wamahoro la question sur laquelle elle s’appuierait et elle ne lui a pas fourni la preuve documentaire sur laquelle sa connaissance spécialisée était fondée.

[25]           De même, dans Toma, le tribunal a énuméré les éléments de preuve documentaire qu’il avait l’intention d’invoquer, si bien que le demandeur en a été averti. En l’espèce, la Commission n’a nullement signalé au demandeur sa connaissance des méthodes de recrutement des Imbonerakure. S’il est important de donner avis de la connaissance spécialisée, c’est justement pour se montrer équitable envers les demandeurs d’asile, de manière à ce qu’ils connaissent les arguments présentés contre eux. Un avocat aurait su ce qu’était la connaissance spécialisée si la Commission l’avait mentionné durant l’audience, et comme elle ne l’a pas fait, l’avocat n’a pas eu la possibilité de répondre.

[26]           En fait, la preuve au dossier n’étaye pas les conclusions de la Commission, dans la mesure où elle a utilisé sa connaissance spécialisée pour y parvenir. La preuve atteste que les Imbonerakure sont une aile jeunesse, qui compte environ 20 000 membres au total et qui recrute de jeunes hommes dans tout le pays, principalement dans la tranche d’âge 18-35 ans (DD, aux pages 61 et 151). La preuve ne précise pas exactement quel type de personne les Imbonerakure recrutent, en dehors des anciens militaires. Ces derniers ne forment certainement pas la totalité de ses membres. Rien n’indique qu’au-delà des anciens militaires, les Imbonerakure se montrent sélectifs. Cette milice a besoin de membres.

[27]           La preuve montre également que les membres des Imbonerakure scandent et chantent des chansons (DD, page 152). Les musiciens de l’Urucaca correspondent à ce profil, à la fois sur le plan de l’âge et du sexe, puisqu’il s’agit de jeunes hommes ayant la fibre musicale.

[28]           En bref, le commissaire s’est appuyé sur des hypothèses liées à sa connaissance spécialisée pour déterminer le profil des individus susceptibles d’être recrutés par les Imbonerakure, présomptions qui ne reposaient sur aucune preuve et dont ni le demandeur ni son conseil n’ont été avisés. Des conclusions cruciales liées à la vraisemblance en ont directement découlé. S’appuyer indûment sur une connaissance spécialisée sans permettre au demandeur d’y répondre contrevient à l’équité procédurale. Je noterais que même sans le problème du recours à la connaissance spécialisée, les conclusions intéressant la vraisemblance doivent être étayées par la preuve, et ne doivent être tirées que dans les cas les plus clairs (Yu c Canada, 2015 CF 167, au paragraphe 10; Ansar c Canada (MCI), 2011 CF 1152, au paragraphe 17; Rahal c Canada (MCI), 2012 CF 319, au paragraphe 44).

B.                 La Commission a négligé des éléments de preuve cruciaux, ce qui l’a amenée à tirer des conclusions déraisonnables en matière de vraisemblance et de crédibilité.

[29]           La Commission a négligé des éléments de preuve en estimant peu crédible que le demandeur ait fui le Burundi à cause du Service national de renseignement (DD, à la page 43). La Commission n’a jamais mis en doute l’authenticité de la convocation : celle-ci occupait une place centrale dans la demande d’asile et ne pouvait pas être ignorée. En outre, d’après la preuve documentaire, le Service est lié aux Imbonerakure et peut se montrer très violent (voir le dossier certifié du tribunal, à la page 143). La Commission aurait dû à tout le moins mentionner cet élément de preuve concernant les rapports entre ces organisations, et expliquer pourquoi elle n’avait accordé aucun poids au témoignage du demandeur ou ne l’avait pas jugé pertinent, alors qu’il concordait avec la preuve documentaire : Cepeda-Gutierrez, au paragraphe 17; Mahanandan, au paragraphe 8.

C.                 Les conclusions concernant la crainte subjective étaient déraisonnables

[30]           Le demandeur a livré des explications détaillées et un témoignage de vive voix concernant sa crainte subjective et ce qui s’était produit chez Vive, à Buffalo. Plus précisément, il a déclaré être arrivé à Buffalo peu après le festival de musique de Dayton, ce qui paraît témoigner de son désir de présenter une demande d’asile au Canada. Comme il l’a expliqué, il n’avait aucune autre raison d’aller de Dayton à Buffalo, où il était hébergé chez Vive.

[31]           En plus de n’avoir pas abordé l’explication ci-dessus concernant le séjour du demandeur aux États-Unis, la Commission n’a pas mentionné le fait qu’il s’était immédiatement renseigné auprès du personnel de Vive pour savoir de quels documents et éléments de preuve il aurait besoin pour présenter une demande d’asile au Canada, ni que les gens de Vive lui ont conseillé d’obtenir une preuve de sa relation avec son oncle. Le demandeur s’y est tout de suite attelé, et il a décrit durant son témoignage les efforts qu’il avait déployés en ce sens, étant donné qu’il ne possédait aucun document pour corroborer la relation. Le demandeur a expliqué qu’il avait dû se procurer la preuve par sa mère au Burundi et que même si elle a pu lui faire parvenir les actes de naissance requis, les démarches ont pris presque trois semaines. Après avoir reçu ses papiers d’identité, il a fallu deux autres semaines au demandeur pour obtenir un rendez-vous avec les autorités canadiennes.

[32]           La Cour a déjà accepté des retards imputables à des efforts légitimes en vue d’obtenir un statut. La Commission était obligée d’examiner au moins l’explication liée au retard, même si elle finissait par la rejeter : Kannuthura c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1288, aux paragraphes 5 et 6; Gopalarasa c Canada (MCI), 2014 CF 1138, aux paragraphes 34 et 35. Les propos du juge Rennie dans la décision Valencia Pena c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 326, sont particulièrement pertinents :

[4]        Le défaut de demander l’asile dans un autre pays n’est pas déterminant en soi. Toutefois, la Commission doit examiner attentivement toute explication fournie par la demanderesse et motiver son rejet. [...] En l’espèce, l’explication fournie à la Commission était compatible avec l’existence d’une crainte subjective, et son rejet unilatéral constituait, sans plus, une erreur. Le refus de la Commission d’accepter cette explication éclairait sa démarche relativement à l’examen du témoignage de la demanderesse et ne pouvait pas être considéré sans importance quant à l’issue de la présente instance.
[Non souligné dans l’original.]

[33]           De plus, la Commission n’a pas reconnu que l’on peut légitimement revendiquer un statut là où vit un parent. Cette exception à la règle habituelle – selon laquelle le retard ou le défaut de présenter une demande d’asile peut entraîner une conclusion défavorable quant à la crédibilité – est également conforme à l’Entente sur les tiers pays sûrs conclue entre le Canada et les États‑Unis : voir Rajadurai, au paragraphe 65; et Ay c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 671, aux paragraphes 39 et 40).

V.                CONCLUSION

[34]           Étant donné que les conclusions de la Commission se rapportant à la crédibilité et à la crainte subjective étaient déraisonnables, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire sera renvoyée à un tribunal de la SPR différemment constitué pour réexamen.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.      L’affaire doit être renvoyée à un tribunal de la SPR différemment constitué pour qu’il la réexamine.

3.      Aucune question n’a été soulevée aux fins de certification.

4.      Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Alan S. Diner »

Juge

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-7224-14

 

INTITULÉ :

EDDY WAMAHORO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 5 mai 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 21 JUILLET 2015

 

COMPARUTIONS :

Laïla Demirdache

 

POUR LE demandeur

 

Andrea Shahin

 

POUR LE défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Laïla Demirdache

Avocate

Services juridiques communautaires

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE défendeur

 

 

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