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Date : 20150619


Dossier : IMM‑7812‑14

Référence : 2015 CF 769

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Edmonton (Alberta), le 19 juin 2015

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

RYAN CUETO DUQUITAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

I.                   Aperçu

[1]               «   La Cour estime que la découverte de l’infidélité conjugale est pertinente pour ce qui est d’établir l’authenticité du mariage entre le demandeur et la répondante… Les facteurs qui permettent d’en décider incluent la monogamie et un engagement à l’exclusivité. »

[2]               La question au cœur de l’affaire est celle du parrainage d’un époux, tel qu’il est énoncé dans la décision rendue par le juge Michael Kelen citée précédemment (Quezeda Bustamente c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1198, au paragraphe 29).

[3]               Par ailleurs, « [l]e terme " conjugal " n’a pas seulement trait aux " relations sexuelles ". Il suppose un degré d’attachement important entre deux partenaires. Le mot " conjugal " vient de deux mots latins dont l’un signifie " joindre " et l’autre signifie " attelage ", donc le terme signifie littéralement " joints ensemble " ou " attelés ensemble " » (citation du guide opérationnel de CIC, OP2 – Traitement des demandes présentées par des membres de la catégorie du regroupement familial (le guide)). Il convient de rappeler que, dans le cadre d’une telle décision, la monogamie et l’engagement à l’exclusivité sont primordiaux.

II.                Contexte

[4]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], d’une décision par laquelle la Section d’appel de l’immigration [SAI] a maintenu la prise d’une mesure d’exclusion par la Section de l’immigration à l’endroit du demandeur du fait que ce dernier a fait une réticence sur un fait important quant à un objet pertinent, ce qui a entraîné ou a risqué d’entraîner une erreur dans l’application de la LIPR, aux termes du paragraphe 40(1) de la LIPR.

[5]               Le demandeur est un citoyen des Philippines âgé de 30 ans. Il était parrainé par son ex‑épouse [M.F.D] et a obtenu le statut de résident permanent du Canada le 16 septembre 2010. Peu de temps après, M.F.D. a appris que le demandeur entretenait une relation continue avec une autre femme [A.G.]. M.F.D. a quitté le demandeur et a déclaré ce qu’il avait fait à l’Agence des services frontaliers du Canada [ASFC]. Comme le demandeur n’avait pas déclaré sa relation extraconjugale, il a été interdit de territoire aux termes de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR. Par conséquent, une mesure d’exclusion a été prise contre le demandeur aux termes de l’alinéa 45d) de la LIPR. Dans le cadre de l’appel devant la SAI, le demandeur a contesté la validité juridique de la mesure d’exclusion en se fondant sur le pouvoir discrétionnaire de la SAI d’accorder des mesures spéciales pour des motifs d’ordre humanitaire.

[6]               Dans sa décision datée du 22 septembre 2014, la SAI a évalué l’importance de la non‑divulgation par le demandeur de la relation intime qu’il entretenait avec A.G., avec qui il a entretenu une relation intime et publique qu’il a tenté de cacher à M.D.F. La SAI a conclu que la relation qu’entretenait le demandeur avec A.G. constituait un fait important quant à un objet pertinent au sens où elle concerne l’essence même de l’authenticité du mariage du demandeur avec sa répondante, M.D.F. La SAI soutient qu’en ne divulguant pas les faits liés à sa relation avec A.G., le demandeur a écarté d’autres enquêtes par l’agent des visas et ainsi, a entraîné une erreur dans l’application de la LIPR. Comme l’a affirmé le juge Michael A. Kelen de la Cour fédérale dans la décision Bustamente, « la découverte de l’infidélité conjugale est pertinente pour ce qui est d’établir l’authenticité du mariage entre le demandeur et la répondante » (Bustamente c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1198, au paragraphe 29).

[7]               Se fondant sur la décision Cao du juge Robert Mainville, la SAI a également conclu que le demandeur avait l’obligation générale de divulguer tous les faits qui peuvent être importants pour sa demande de résidence permanente (Cao c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 450, au paragraphe 28). La SAI a jugé que le demandeur savait ou aurait dû savoir que l’acceptation de sa demande reposait sur la décision de l’agent des visas selon laquelle il appartenait à la catégorie du regroupement familial du fait de son mariage à M.F.D.

III.             Analyse

[8]               L’analyse et les motifs de la SAI concernant la validité de la mesure d’exclusion prise contre le demandeur et la reconnaissance de l’obligation de franchise du demandeur à l’égard des agents d’immigration canadiens sont exhaustifs et fondés sur le dossier de preuve et la loi. La Cour estime que la conclusion de la SAI selon laquelle la fausse déclaration du demandeur est au cœur de la décision relative au parrainage par son épouse aux termes du paragraphe 40(1) de la LIPR est raisonnable; si le demandeur n’avait pas caché sa relation avec A.G., il n’aurait vraisemblablement pas obtenu son visa de résident permanent en qualité d’époux de M.F.D.

[9]               La SAI s’est ensuite penchée sur l’appréciation des motifs d’ordre humanitaire en se fondant sur les facteurs énoncés dans l’affaire Ribic c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] DSAI no 4. La SAI a, entre autres, tiré les conclusions suivantes relativement aux facteurs pertinents énoncés dans Ribic :

        gravité de la fausse déclaration : La SAI a jugé que la fausse déclaration du demandeur était au cœur de la décision concernant sa résidence permanente (voir : notes d’entrevue de l’ASFC et transcription de l’audience devant la SAI, dossier certifié du tribunal, aux pages 81, 183 et 184);

        remords : Le demandeur n’a manifesté aucun remords quant à sa non‑divulgation et n’a pas démontré qu’il en avait compris la gravité. Le demandeur a plutôt minimisé ses gestes et fourni des réponses trompeuses au cours de son entrevue avec l’ASFC;

        degré d’établissement au Canada : La SAI a conclu que le demandeur s’était établi en tant que travailleur vaillant au sein de la collectivité, ce qui constitue un facteur favorable; or, n’eût été sa fausse déclaration, le demandeur n’aurait pas atteint ce degré d’établissement;

        préjudice indu advenant un retour aux Philippines : Selon la SAI, l’allégation du demandeur selon laquelle la perte de son statut au Canada lui causerait un préjudice indu ou causerait un tel préjudice à des membres de sa famille, hormis la perte de revenus et un retour à son ancien mode de vie, n’est pas étayée par la preuve. La SAI a également souligné l’absence d’éléments de preuve quant au soutien de la famille ou de la collectivité;

        conditions dans le pays de renvoi : La SAI a conclu que le demandeur avait quitté les Philippines en 2010 où il occupait avant un emploi et où ses parents, ses frères et sœurs et leurs enfants habitent à l’heure actuelle. La SAI a tenu compte des arguments du demandeur selon lesquels il soutient financièrement sa famille en leur envoyant de l’argent tous les mois, mais a constaté qu’aucun élément de preuve n’appuie cette allégation;

        intérêt supérieur des enfants touchés : La SAI a également souligné que, même si les neveux et nièces du demandeur qui se trouvent aux Philippines et qui, selon l’allégation de ce dernier, reçoivent un soutien financier de sa part, pourraient être touchés par la perte de revenus du demandeur à son retour, cette allégation n’est pas étayée par la preuve;

[10]           La Cour a statué que l’objectif de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR est de veiller à ce que les demandeurs fournissent « des renseignements honnêtes, complets et véridiques, et à dissuader les fausses déclarations » et que la « divulgation complète est fondamentale à l’application juste et équitable du régime d’immigration ». Il a également été statué que le paragraphe 40(1) de la LIPR englobe les omissions innocentes de divulguer des renseignements importants. De plus, « une présentation erronée n’a pas besoin d’être décisive ou déterminante. Elle est importante si elle est suffisamment grave pour nuire au bon déroulement du processus » (Paashazadeh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 327, aux paragraphes 18, 25 et 26).

IV.             Conclusion

[11]           La Cour estime que la conclusion de la SAI selon laquelle il n’existe pas de motifs d’ordre humanitaire suffisants pour justifier la prise d’une mesure spéciale dans les circonstances est raisonnable. Les conclusions de la SAI relatives aux motifs d’ordre humanitaire sont ancrées dans les dossiers de preuve et fondées sur un examen consciencieux des facteurs établis dans l’affaire Ribic, tel qu’il a été mentionné précédemment.

[12]           Par conséquent, la Cour conclut que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.             La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.             Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

« Michel M.J. Shore »

Juge

Traduction certifiée conforme

Stéphanie Pagé, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

IMM‑7812‑14

 

INITULÉ :

RYAN CUETO DUQUITAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Edmonton (Alberta)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 JUIN 2015

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE SHORE

DATE DES MOTIFS :

Le 19 JUIN 2015

COMPARUTIONS :

Nduka Ahanonu

POUR LE DEMANDEUR

RYAN CUETO DUQUITAN

Brad Hardstaff

POUR LE DÉFENDEUR

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Duke Law Office

Edmonton (Alberta)

POUR LE DEMANDEUR

RYAN CUETO DUQUITAN

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

POUR LE DÉFENDEUR

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

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