Dossier : IMM‑7649‑14
Référence : 2015 CF 915
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 27 juillet 2015
En présence de monsieur le juge Annis
ENTRE : |
DUWAYNE RENALDO WILLIAMS |
demandeur |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR ou la Loi], d’une décision rendue le 20 octobre 2014 par laquelle la Section d’appel des réfugiés [SAR] a rejeté l’appel interjeté par le demandeur à l’encontre d’une décision défavorable de la Section de la protection des réfugiés [SPR] datée du 16 juin 2014.
[2] Le demandeur soutient craindre d’être persécuté, voire de perdre la vie, s’il retourne en Jamaïque du fait de son orientation sexuelle parce qu’il se dit bisexuel. Il est arrivé au Canada en mai 2007 muni d’un permis de travail valide pour l’été, dont la période de validité a été prolongée jusqu’à l’automne. En octobre 2008, il est retourné en Jamaïque où il a demandé un nouveau de permis de travail. Il a obtenu son permis de travail, puis est revenu le 5 décembre 2008.
[3] Le demandeur soutient que, durant son bref retour en Jamaïque, sa bisexualité a été « exposée au grand jour » dans sa famille et sa communauté. Il affirme s’être fait battre et avoir été banni de la communauté, ce qui l’a forcé à se réfugier chez son père. Il est revenu au Canada le 5 décembre 2008 et n’a jamais quitté le pays depuis son retour, malgré l’expiration de son statut juridique au Canada en mai 2009.
[4] Ce n’est que le 20 janvier 2014 que le demandeur a présenté sa demande d’asile au Canada parce qu’il ne savait pas, selon ses allégations, qu’il pouvait demander l’asile dans de telles circonstances.
[5] La SPR a instruit la demande d’asile du demandeur le 27 mai 2014 et l’a rejetée dans sa décision datée du 12 juin 2014. La SPR a conclu que le demandeur n’avait pas présenté suffisamment d’éléments de preuve crédibles et dignes de foi pour établir le bien‑fondé de sa demande. La SPR avait des réserves quant à la crédibilité des éléments de preuve présentés par le demandeur, notamment en raison des éléments de preuve contradictoires concernant son orientation sexuelle.
[6] La SPR avait également des réserves quant au fait que le demandeur n’a pas été en mesure d’identifier correctement son conjoint de même sexe en Jamaïque, qu’il a omis de mentionner qu’il avait entretenu une relation de longue date avec une femme, qu’il a fourni des descriptions divergentes de la personne qui l’a « exposé au grand jour », qu’il a attendu avant de présenter sa demande d’asile (il est d’abord arrivé au Canada en 2007 puis y est revenu en 2008) et qu’il a commencé à participer aux activités des groupes LGBT au Canada uniquement après avoir déposé sa demande d’asile en 2014.
[7] Dans le cadre de l’appel, la SAR a adopté et suivi la décision Huruglica c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 799, [2014] 4 RCF 811, en ce qui concerne la norme de contrôle applicable.
[8] La SAR a examiné l’ensemble des réserves qu’avait la SPR quant à la crédibilité relativement à la preuve présentée par le demandeur et a conclu que « [c]ompte tenu de l’ensemble de la preuve en l’espèce », elle était d’accord avec la SPR et aurait tiré les mêmes conclusions. Ces motifs sont transparents, intelligibles et rationnels et trouvent leurs appuis dans la loi. En l’espèce, la conclusion selon laquelle le demandeur manquait de crédibilité en général est fondée sur la preuve au dossier. À la lumière de cette conclusion, je me pencherai uniquement sur les deux autres points soulevés par le demandeur à l’audience.
[9] Tout d’abord, le demandeur soutient ce qui suit : [traduction] « à la lumière du contexte des réponses données par le demandeur au tribunal au sujet de son identité sexuelle lors de l’audience, le demandeur n’a pas livré un témoignage contradictoire concernant son orientation sexuelle, à savoir s’il est bisexuel ou homosexuel ». Il affirme que [traduction] « le fait qu’il s’est lui‑même déclaré bisexuel et le contexte particulier dans lequel il a formulé une telle déclaration » ne sont pas déraisonnables. En présentant un tel argument, le demandeur cherche de toute évidence à ce que la preuve soit soupesée de nouveau, de même que les conclusions de la SPR et de la SAR. Or, il ne s’agit pas là du rôle de la Cour dans le cadre d’un contrôle judiciaire.
[10] Le deuxième point découle de la décision de la SPR d’accorder une faible valeur à une lettre provenant de la mère du demandeur parce que celle‑ci n’a pas été produite sous serment ni attestée. De surcroît, la mère ne mentionne aucunement dans cette lettre avoir reçu des menaces de mort, contrairement à ce que révèle le témoignage du demandeur. La SAR a refusé d’admettre cette même lettre à titre de nouvel élément de preuve, bien qu’elle ait été finalement produite sous serment et attestée. Elle a également convenu que la SPR avait commis une erreur en concluant que la lettre ne faisait aucunement état des menaces de mort proférées à l’endroit de la mère, lesquelles ont été mentionnées dans la lettre. La SAR a maintenu que la SPR n’avait pas commis d’erreur en estimant que la lettre de la mère n’était pas suffisamment convaincante pour établir la véracité des allégations du demandeur en raison de l’effet cumulatif des doutes quant à la crédibilité et du fait que la lettre n’avait pas été produite sous serment ni attestée.
[11] Pour les besoins de l’argumentation, je suis prêt à accepter l’argument du demandeur selon lequel la lettre aurait dû être admise comme nouvel élément de preuve après avoir été produite sous serment et attestée. Toutefois, j’estime que sa valeur corroborante, d’où sa pertinence, n’atténue pas les divers doutes quant à la crédibilité découlant des incohérences dans le comportement et le témoignage du demandeur, doutes qui sont étayés et raisonnables dans les circonstances.
[12] Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la décision de la SAR est raisonnable compte tenu des principes décrits dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190. Par conséquent, la demande doit être rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.
JUGEMENT
LA COUR rejette la demande. Il n’y a aucune question à certifier.
« Peter Annis »
Juge
Traduction certifiée conforme
Stéphanie Pagé, traductrice
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
IMM‑7649‑14
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INTITULÉ : |
DUWAYNE RENALDO WILLIAMS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
Toronto (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 15 JUILLET 2015
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JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE ANNIS
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DATE DES MOTIFS : |
LE 27 JUILLET 2015
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COMPARUTIONS :
Pablo Irribarra |
POUR LE DEMANDEUR
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Monmi Goswami |
POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Pablo Irribarra Avocat Jordan Battista s.r.l. Toronto (Ontario)
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POUR LE DEMANDEUR
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William F. Pentney Sous‑procureur général du Canada
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POUR LE DÉFENDEUR
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