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Date : 20150806

Dossier : IMM-5828-14

Référence : 2015 CF 948

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 6 août 2015

En présence de monsieur le juge Fothergill

ENTRE :

MURAT KUSMEZ, CANAN KUSMEZ,
IPEK NIL KUSMEZ ET
INCI DENIZ KUSMEZ

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               M. Murat Kusmez, son épouse Canan Kusmez, et leurs deux enfants Ipek Nil Kusmez et Inci Deniz Kusmez (collectivement, les demandeurs) ont présenté une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). Les demandeurs contestent une décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu qu’il n’avait ni la qualité de réfugiés au sens de la Convention au titre de l’article 96, ni celle de personnes à protéger au titre du paragraphe 97(1).

[2]               La Commission a principalement rejeté les demandes d’asile des demandeurs parce qu’elle a estimé que M. Kusmez n’était pas un témoin digne de foi. Cette conclusion défavorable quant à la crédibilité a influencé tous les aspects des demandes d’asile des demandeurs. Pour les motifs qui suivent, j’ai conclu que la décision de la Commission était raisonnable, et par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II.                Le contexte

[3]               Les demandeurs sont des citoyens de la Turquie, d’origine ethnique kurde et de religion alévie.

[4]               L’exposé circonstancié du formulaire Fondement de la demande d’asile (formulaire FDA) de M. Kusmez renfermait les affirmations suivantes :

         En 2008, M. Kusmez a été détenu pour avoir assisté à des célébrations culturelles kurdes en compagnie d’amis qui étaient membres du Parti pour la paix et la démocratie (le PPD). Pendant qu’il retournait chez lui, il a été détenu pendant 24 heures et interrogé au sujet de ses liens avec d’autres membres du PPD.

         En mai 2008, pendant qu’il protestait contre les violences policières avec des amis membres du Parti populaire républicain (le PPR), M. Kusmez a été détenu et blessé par la police.

         Le 2 juillet 2011, M. Kusmez a assisté à une cérémonie commémorative organisée par le PPR. En partant, il a été menacé par la police, puis détenu.

         En avril 2013, M. Kusmez a été détenu et torturé après avoir assisté à une célébration de la Newroz en compagnie d’amis membres du PPR. Il a été interrogé sur son lien avec le PPD et les policiers lui ont demandé de devenir informateur.

         Le 25 juin 2013, six policiers se sont rendus chez les parents de M. Kusmez. M. Kusmez ne s’y trouvait pas à ce moment-là, mais il a été détenu plus tard le même jour lorsqu’il a refusé de fournir des renseignements à la police au sujet du PPD. Pendant sa détention, M. Kusmez a été torturé et forcé d’aider la police.

         En juillet 2013, M. Kusmez a été agressé par trois individus alors qu’il quittait un lieu de culte alévi.

         En septembre 2013, M. Kusmez a trouvé une lettre dans la boîte aux lettres de ses parents, selon cette lettre, il devait abandonner ses activités politiques sinon il le regretterait à l’avenir.

[5]               M. Kusmez a décidé qu’il fallait qu’il parte de la Turquie, et il s’est enfui du pays en compagnie de sa famille en décembre 2013. Les demandeurs sont venus au Canada en transitant par les États-Unis, et ils ont présenté une demande d’asile à leur arrivée. La demande d’asile des demandeurs était fondée sur une crainte alléguée de persécution par la police, le gouvernement et les extrémistes nationalistes, en raison de leur origine ethnique, de leur religion et de leurs activités politiques.

[6]               La Commission a entendu les demandes d’asile des demandeurs les 21 février, 1er avril et 30 mai 2014. Elle a rejeté leurs demandes d’asile et les motifs de ce rejet sont datés du 11 juillet 2014.

III.             La décision de la Commission

[7]               La Commission a relevé plusieurs divergences et incohérences dans les déclarations et les observations présentées en appui aux demandes d’asile des demandeurs. Elle a finalement rejeté les demandes d’asile ayant conclu que M. Kusmez n’était « pas un témoin crédible ou digne de foi en ce qui concerne les principales allégations en l’espèce ».

[8]               La Commission a souligné que M. Kusmez avait, lors de son témoignage, qu’il était membre du PPR, mais qu’il n’en avait pas fait mention dans l’exposé circonstancié de son formulaire FDA. Elle a rejeté l’explication donnée par M. Kusmez selon laquelle l’information contenue dans ses formulaires remplis au point d’entrée (PDE) n’avait pas été confirmée et n’avait pas non plus été traduite à nouveau dans sa langue, que son oncle s’était dépêché de remplir les formulaires et que M. Kusmez était fatigué et souffrait de stress psychologique quand les formulaires ont été remplis. La Commission a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que M. Kusmez n’était pas membre du PPR, et que sa participation aux activités du PPR n’avait pas eu lieu comme il l’a prétendu. Elle a donc tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité de M. Kusmez.

[9]               La Commission a estimé que le témoignage de M. Kusmez et celui de son épouse n’étaient pas crédibles en raison d’incohérences relevées dans leurs versions respectives concernant un incident qui est survenu le 25 juin 2013, alors que la police se serait soi-disant rendue chez ses parents. Il semble qu’une mauvaise communication entre M. Kusmez et son épouse aurait entraîné ces incohérences, explication que la Commission a estimée « hautement improbable ».

[10]           La Commission a tiré une autre conclusion défavorable du fait que M. Kusmez avait déclaré dans ses formulaires remplis au PDE qu’il n’avait pas été détenu en Turquie, mais qu’il a ensuite dit lors d’une entrevue qu’il a eue avec les autorités canadiennes de l’immigration qu’il avait été détenu deux fois. Ce chiffre a de nouveau changé dans l’exposé circonstancié du formulaire FDA de M. Kusmez et dans son témoignage à la Commission, alors qu’il a affirmé qu’il avait été détenu cinq fois. La Commission a jugé que l’explication fournie par M. Kusmez pour justifier ces divergences n’était pas raisonnable.

[11]           La Commission a aussi rejeté l’allégation de M. Kusmez selon laquelle la police lui a demandé d’être un informateur au sein du parti PPD. Elle a estimé que cette allégation était invraisemblable puisqu’il ne parlait pas la langue kurde et qu’il n’était ni partisan ni membre du parti PPD.

[12]           La Commission a conclu que les demandeurs n’avaient pas présenté assez d’éléments de preuve crédibles et dignes de foi afin qu’elle rende une décision favorable au titre des articles 96 ou 97 de la LIPR. La Commission a conclu que les demandeurs ne s’étaient pas acquittés du fardeau d’établir l’existence d’une possibilité sérieuse de persécution pour l’un des motifs prévus à la Convention, ou qu’ils seraient personnellement exposés à un risque de torture ou à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités s’ils retournaient en Turquie.

IV.             Les questions en litige

[13]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

A.    La Commission a-t-elle omis de tenir compte du risque de persécution fondé sur l’origine ethnique ou la religion des demandeurs?

B.     La Commission s’est-elle indûment fondée sur les déclarations de M. Kusmez au PDE?

C.     La Commission a-t-elle omis de tenir compte d’éléments de preuve corroborants au moment d’évaluer la crédibilité des demandeurs?

D.    Les conclusions d’invraisemblance tirées par la Commission étaient-elles déraisonnables?

V.                Analyse

[14]           La question de savoir si la Commission a omis de tenir compte de tous les motifs sur lesquels un demandeur d’asile a fondé sa demande est une question d’équité procédurale que la Cour doit contrôler selon la norme de la décision correcte (Varga c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 494, au paragraphe 6).

[15]           Les conclusions de la Commission relatives à la crédibilité sont soumises au contrôle de la Cour selon la norme de la décision raisonnable (Rahal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 319, au paragraphe 22).

[16]           Le caractère raisonnable tient principalement à la justification, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

A.                La Commission a-t-elle omis de tenir compte du risque de persécution fondé sur l’origine ethnique ou la religion des demandeurs?

[17]           La Commission commet une erreur susceptible de contrôle si elle omet de tenir compte de tous les motifs sur lesquels se fonde une demande d’asile, mais cela ne veut pas dire qu’il convient d’examiner chacun des motifs isolément. Au contraire, la Cour est plus susceptible d’intervenir si la Commission ne tient pas compte de l’interaction entre plusieurs motifs de persécution invoqués par un demandeur (Mabuya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 372, au paragraphe 10).

[18]           En l’espèce, compte tenu de la nature des demandes d’asile des demandeurs, la Commission devait considérer ensemble leurs antécédents sur le plan religieux, politique et ethnique. Les propres déclarations de M. Kusmez démontrent l’interdépendance de sa religion, de ses opinions politiques et de son origine ethnique dans la formulation de sa demande d’asile. Par exemple, voici ce que M. Kusmez a déclaré dans l’exposé circonstancié de son formulaire FDA :

[Traduction]

[34]      Un soir, au milieu du mois de juillet 2013, après avoir terminé le nettoyage et quitté le Cemevi, j’ai été attaqué par trois personnes religieuses et d’allure fasciste. Ces personnes m’ont dit « des séparatistes comme vous ne peuvent pas vivre dans ce quartier ». Ils m’ont battu et demandé « où trouvez-vous l’audace de vous joindre à des manifestations contre le gouvernement? » […]

[35]      Craignant pour ma vie et ma sécurité ainsi que celles des membres de ma famille, ayant reconnu que je n’avais aucun recours juridique, ayant déménagé sans succès, n’étant pas disposé ni capable de me cacher et de dissimuler mon identité à tout jamais, et ayant peur que ma famille et moi nous serions encore plus en danger une fois que les autorités réaliseraient que j’ai menti en affirmant que j’étais disposé à les aider; j’ai compris que je devais quitter le pays avec ma famille, pour demeurer en sécurité. Le fait que des alévis gauchistes soient tués régulièrement a renforcé ma peur [...]

[Non souligné dans l’original.]

[19]           Il ressort clairement des éléments de preuve présentés par les demandeurs que leur crainte de persécution alléguée et leur besoin de protection correspondant étaient fondés sur la combinaison de leurs croyances religieuses, de leurs activités politiques et de leur origine ethnique. Il ne s’agissait pas de facteurs distincts que la Commission devait examiner isolément (Djubok c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 497, au paragraphe 18). Je suis persuadé que la Commission était sensible à tous les trois motifs invoqués par les demandeurs en appui à leurs demandes d’asile :

[46] […] Le tribunal a demandé au demandeur d’asile d’expliquer pourquoi les policiers auraient continué de lui poser des questions au sujet des membres du BDP lors de ses détentions s’il n’était pas un partisan ni un membre de ce parti. Le demandeur d’asile principal a répondu que c’était une façon d’intimider les alévis et les Kurdes et que, de surcroît, certains de ses amis étaient des partisans du BDP. Le tribunal juge que cet aspect du témoignage du demandeur d’asile principal n’est pas crédible.

[Non souligné dans l’original.]

[20]           De plus, la question de savoir si la Commission a bien tenu compte de tous les trois motifs invoqués par les demandeurs à l’appui de leur demande d’asile est en grande partie théorique. Leurs demandes d’asile ont été rejetées principalement parce que la Commission a conclu que M. Kusmez n’était pas un témoin digne de foi. Cette conclusion défavorable quant à la crédibilité a influencé tous les aspects des demandes d’asiles des demandeurs, comme cela ressort de la décision de la Commission :

[49]      Après examen de l’ensemble de la preuve, le tribunal conclut que le demandeur d’asile principal n’est pas un témoin crédible ou digne de foi en ce qui concerne les principales allégations en l’espèce. Le tribunal estime que le récit du demandeur d’asile principal au sujet des problèmes auxquels il a été confronté en Turquie manque de crédibilité. Par conséquent, le tribunal ne croit pas l’histoire qu’il a racontée à l’appui de sa demande d’asile. En conséquence, j’estime que je ne dispose pas d’un nombre suffisant d’éléments de preuve crédibles et dignes de foi qui me permettraient de rendre une décision favorable aux termes de l’article 96 ou du paragraphe 97(1) de la LIPR.

[21]           C’est au demandeur d’asile qu’incombe le fardeau de présenter tous les éléments de preuve et tous les renseignements qui peuvent être nécessaires pour établir le fondement de la demande d’asile (Ward c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] 2 RCS 689). En l’espèce, la conclusion défavorable de la Commission relative à la crédibilité a miné la capacité de M. Kusmez à établir le bien-fondé de sa demande d’asile et de celles des membres de sa famille. Au paragraphe 3 de l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Sellan, 2008 CAF 381, la Cour d’appel fédérale a déclaré que lorsque la Commission tire une conclusion générale selon laquelle le demandeur manque de crédibilité, cette conclusion suffit pour justifier le rejet de la demande, à moins que le dossier ne comporte une preuve documentaire indépendante et crédible permettant d’étayer une décision favorable au demandeur. Ce n’est pas le cas en l’espèce.

B.                 La Commission s’est-elle indûment fondée sur les déclarations du demandeur au PDE?

[22]           La Commission doit considérer avec prudence les déclarations faites au PDE (Cetinkaya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 8, aux paragraphes 50 et 51). Cependant, des incohérences observées entre les déclarations d’un demandeur faites au PDE et celles faites à la Commission peuvent appuyer une conclusion défavorable relative à la crédibilité (Arokkiyanathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 289, au paragraphe 35). Bien que des divergences mineures entre des déclarations faites au PDE et des déclarations lors du témoignage de vive voix ne soient pas suffisantes, la Commission peut conclure qu’un demandeur manque de crédibilité si une omission concerne un aspect clé de la demande d’asile (Jamil c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 792, au paragraphe 25). En l’espèce, les allégations de M. Kusmez concernant ses détentions et son engagement politique constituaient des éléments clés pour les demandes d’asile, et il était loisible à la Commission de tirer une conclusion défavorable relative à la crédibilité en raison des incohérences relevées dans la preuve au sujet de ces aspects.

[23]           Les demandeurs affirment que la Commission aurait dû consentir, suivant leur demande, à convoquer l’agent d’immigration qui se trouvait au PDE, afin que celui-ci puisse être interrogé au sujet des circonstances dans lesquelles les déclarations de M. Kusmez ont été faites au PDE. Comme le souligne le défendeur, conformément à la Règle 44 des Règles de la section de la protection des réfugiés, DORS/2012-256, une partie est tenue de fournir les renseignements concernant un témoin qu’elle souhaite faire comparaître avant la tenue de l’audience. Les demandeurs n’ont pas respecté cette exigence. Le refus par la Commission d’acquiescer à une demande tardive de convoquer un témoin dans les présentes circonstances ne constitue pas un manquement à la justice naturelle ou à l’équité procédurale (Rrukaj c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 605, au paragraphe 10; voir également Igbinosa c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 1372, au paragraphe 36).

C.                 La Commission a-t-elle omis de tenir compte d’éléments de preuve corroborants au moment d’évaluer la crédibilité des demandeurs?

[24]           La Commission est présumée avoir considéré l’ensemble de la preuve dont elle disposait et il n’est pas nécessaire qu’elle mentionne dans sa décision tous les éléments de preuve documentaire dont elle disposait (Florea c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 598 (CAF), au paragraphe 1). Lorsqu’un élément de preuve particulier est important et qu’il contredit carrément un aspect clé d’une décision, l’omission de la Commission de traiter de la preuve ou d’expliquer la raison pour laquelle la preuve n’a pas été prise en compte peut amener à inférer que la Commission a rendu la décision sans tenir compte des éléments de preuve dont elle disposait (Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 FTR 35 (CF 1re inst.), au paragraphe 17).

[25]           La Cour doit faire preuve d’une grande retenue à l’endroit des conclusions concernant la crédibilité tirées par la Commission, étant donné le rôle de juge des faits de cette dernière, son expertise et la possibilité qu’elle a d’observer directement le comportement des témoins (Aguilar Zacarias c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1155 (Zacarias), au paragraphe 9). Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables, ses conclusions sont à l’abri du contrôle judiciaire (Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 732 (CAF), au paragraphe 4).

[26]           En l’espèce, la preuve corroborante mentionnée par M. Kusmez ne contredit pas les conclusions principales de la Commission. Un message texte d’un ami, une lettre d’un avocat que M. Kusmez a consulté, et une photographie censée montrer une visite effectuée par la police dans une résidence, étaient tous non concluants et n’allaient pas à l’encontre des conclusions défavorables de la Commission relatives à la crédibilité, qui étaient de toute manière fondées sur l’ensemble de la preuve (Owusu-Ansah c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] ACF no 442 (CAF)).

D.                Les conclusions d’invraisemblance tirées par la Commission étaient-elles déraisonnables?

[27]           Lorsqu’elle évalue une demande d’asile, la Commission est en droit d’en apprécier la vraisemblance et de faire preuve de bon sens et de rationalité (Ye c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 1221, au paragraphe 29). Comme l’a souligné la juge Gleason au paragraphe 10 de la décision Zacarias, « la Cour a souvent fait la mise en garde de ne tirer de telles conclusions que dans les situations où il est clairement invraisemblable que les faits se soient produits comme le témoin le prétend, à la lumière du bon sens ou du dossier de preuve ». Lorsque la Commission cherche à remettre en question la crédibilité d’un demandeur d’asile en raison d’invraisemblances contenues dans son récit, ses conclusions doivent être raisonnables et formulées « en termes clairs et explicites » (Lubana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 166 (CF 1re inst.), au paragraphe 9).

[28]           Les demandeurs contestent deux conclusions d’invraisemblance tirées par la Commission. La première a trait à une visite prétendue de la police chez les parents de M. Kusmez alors qu’il était absent. La Commission a conclu qu’il était invraisemblable que son épouse se souvienne du nombre précis de policiers qui étaient présents, et du nombre de policiers qui étaient restés à l’extérieur de la maison. De manière plus générale, la Commission a affirmé estimer « que cet aspect des témoignages du demandeur d’asile principal et de la demandeure d’asile n’est pas crédible ».

[29]           La Commission a conclu, en outre, que l’affirmation de M. Kusmez selon laquelle la police lui avait demandé de devenir un informateur et de donner les noms des membres du Parti des travailleurs du Kurdistan (le PKK) qui faisait partie de la direction du PPD était peu probable. La conclusion de la Commission était fondée sur le témoignage du demandeur selon lequel il n’était ni un membre ni un partisan du PPD et qu’il ne parle pas le kurde.

[30]           Je suis convaincue que ces conclusions d’invraisemblance étaient fondées sur le bon sens et que les conclusions tirées par la Commission étaient raisonnables et formulées en termes clairs et explicites (Lubana). Par conséquent, elles ne révèlent aucune erreur susceptible de contrôle.

VI.             Dispositif

[31]           Pour les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée aux fins d’un appel.

« Simon Fothergill »

Juge

Traduction certifiée conforme

L. Endale


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

IMM-5828-14

 

INTITULÉ :

MURAT KUSMEZ, CANAN KUSMEZ, IPEK NIL KUSMEZ, INCI DENIZ KUSMEZ c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 juin 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

le juge FOTHERGILL

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

Le 6 août 2015

COMPARUTIONS :

Joshua Blum

POUR LES DEMANDEURS

 

Nicole Rahaman

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Joshua Blum

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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