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Date : 20150717


Dossier : IMM-3022-15

Référence : 2015 CF 876

[TRADUCTION FRANÇAISE RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 juillet 2015

En présence de monsieur le juge Fothergill

ENTRE :

AHMED ALI AHMED

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               M. Ahmed Ali Ahmed a présenté une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. M. Ahmed conteste la décision de la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la Commission] de le maintenir en détention jusqu’au prochain contrôle des motifs de sa détention prévue pour le au 24 juillet 2015.

[2]               C’est la deuxième fois en autant de mois que M. Ali sollicite le contrôle judiciaire d’une décision de la Commission de le maintenir en détention. La fois précédente (Ahmed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 792 [Ahmed]), la Cour a accueilli la demande de contrôle judiciaire de M. Ahmed. Le juge LeBlanc a annulé la décision de la Commission et a ordonné que le contrôle subséquent des motifs de la détention soit effectué en conformité avec son ordonnance et ses motifs.

[3]               Lorsque le contrôle subséquent des motifs de la détention a eu lieu le 26 juin 2015, la Commission a statué que la décision du juge LeBlanc n’équivalait pas à un verdict imposé exigeant la mise en liberté de M. Ahmed. La Commission a ensuite conclu que le maintien en détention de M. Ahmed continuait d’être justifié, compte tenu de la probabilité qu’il se soustraie à son renvoi et du danger qu’il présentait pour la sécurité publique au Canada.

[4]               M. Ahmed affirme que la Commission ne s’est pas conformée à l’ordonnance et aux motifs du juge LeBlanc et que son maintien en détention est inconstitutionnel. Pour les motifs énoncés ci-dessous, j’ai conclu que la Commission s’est conformée à l’ordonnance et aux motifs du juge LeBlanc, qui exigeaient seulement que soient contrôlés à nouveau les motifs de la détention de M. Ahmed et que soient réévalués les facteurs favorables ou atténuants dans l’optique de sa mise en liberté. J’ai également conclu que la décision de la Commission de maintenir la détention de M. Ahmed était raisonnable. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

II.                Le contexte

[5]               M. Ahmed est un citoyen du Yémen. Il a quitté le Yémen avec sa famille en 1994, en raison du déclenchement de la guerre. Ils se sont établis en Éthiopie et y ont vécu pendant dix ans en tant que réfugiés, sous les auspices du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés [le HCR]. Le HCR a déménagé la famille au Canada et M. Ahmed a obtenu la résidence permanente le 22 juin 2004.

[6]               Entre 2009 et 2012, M. Ahmed a été déclaré coupable de plusieurs infractions à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, LC 2002, c 1, et au Code criminel, LRC 1985, c C-46. Ces infractions comprenaient des voies de fait causant des lésions corporelles, une agression sexuelle, une introduction par effraction, un vol de moins de 5 000 $, un faux, deux chefs de vol qualifié, un chef de vol qualifié et de menaces proférées de violence, un manquement aux conditions d’une ordonnance de probation et une entrave à un agent de la paix. Pendant son incarcération, M. Ahmed a également été déclaré coupable de plusieurs infractions à la discipline de l’établissement carcéral.

[7]               Un constat d’interdiction de territoire pour grande criminalité a été établi contre M. Ahmed en janvier 2013. Une mesure d’expulsion a été prise en mai 2013. En septembre 2014, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a donné un avis en vertu de l’alinéa 115(2)b) de la LIPR, selon lequel M. Ahmed représentait un danger pour la sécurité publique [l’avis de danger]. M. Ahmed est demeuré détenu par les autorités en immigration en attendant son expulsion depuis l’expiration de sa peine criminelle, en octobre 2013.

[8]               L’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] a tenté, deux fois, de renvoyer M. Ahmed au Yémen, la première fois en décembre 2014 et la seconde, en avril 2015. Ces efforts n’ont pas été fructueux, parce que la protection de M. Ahmed ne pouvait pas être assurée en raison du conflit qui persiste dans la région.

[9]               M. Ahmed a comparu tous les 30 jours à la Commission pour des audiences relatives au contrôle des motifs de sa détention, comme le prévoit le paragraphe 57(2) de la LIPR. Le 3 juin 2015, il a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de la Commission datée du 28 mai 2015. L’autorisation a été accordée par voie accélérée et la demande de contrôle judiciaire a été entendue le 23 juin 2015.

[10]           Le juge LeBlanc a accueilli la demande le lendemain, après avoir déterminé que la Commission avait omis de prendre adéquatement en considération la durée de la détention de M. Ahmed (plus de 20 mois à l’époque). Cet élément, combiné au défaut de prendre en compte la durée de sa détention possible avant son renvoi au Yémen, avait mimé l’analyse de la Commission des facteurs énumérés à l’article 248 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le Règlement] (Ahmed, au paragraphe 33). Les alinéas 248b) et 248c) exigent expressément que la Commission tienne compte de la durée de la détention, tant passée que future.

[11]           Pour arriver à cette conclusion, le juge LeBlanc a invoqué la décision du juge Rennie dans l’affaire Canada (Citoyenneté et Immigration) c B147, 2012 CF 655 [B147]. Dans cette décision, le juge Rennie a conclu que l’omission de la part du Ministre de fixer un échéancier pour l’évaluation des risques avant le renvoi et son silence concernant le retard étaient suffisants pour justifier que la Commission arrive à la conclusion qu’elle était en présence d’une « détention de durée indéterminée », en dépit du contrôle de la détention tous les 30 jours que prescrit la loi. Le juge LeBlanc a annulé la décision de la Commission et a ordonné que le contrôle suivant des motifs de la détention « se fa[sse] en conformité avec la présente ordonnance et les présents motifs » (Ahmed, paragraphe 34).

III.             La décision de la Commission

[12]           Lors du contrôle des motifs de la détention qui a eu lieu le 26 juin 2015, la Commission a pris acte de l’ordonnance et des motifs du juge LeBlanc et a conclu que la durée de la détention de M. Ahmed était en fait devenue indéterminée. La Commission a néanmoins statué que M. Ahmed continuait de présenter un danger pour la sécurité publique au Canada et qu’il se soustraira vraisemblablement à son renvoi. La Commission n’était pas convaincue que le plan de mise en liberté proposé par M. Ahmed atténuerait ces risques.

[13]           La Commission s’est penchée sur les facteurs énumérés à l’article 248 du Règlement et elle a relevé que le fait que la durée de la détention de M. Ahmed avait été qualifiée d’indéterminée était un facteur qui [traduction« milite fortement en faveur de la mise en liberté ». Toutefois, le danger qu’il présente pour la sécurité publique et le risque qu’il se soustraie à son renvoi l’emportent sur ce facteur. La Commission a fait observer que les droits garantis par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.‑U.), 1982, c 11 [Charte], ne sont pas souverains et qu’une privation de liberté peut être justifiée [traduction« si elle est conforme aux principes de justice fondamentale ». Même si la Commission a conclu qu’il y a eu atteinte aux droits de M. Ahmed qui sont garantis par la Charte, elle n’était pas convaincue que le plan de mise en liberté proposé par M. Ahmed l’empêcherait de récidiver et elle a conclu qu’il serait donc injuste de le remettre en liberté, compte tenu du danger qu’il présentait pour la sécurité publique au Canada.

[14]           La Commission a également remarqué que M. Ahmed paraissait souffrir d’un trouble mental non diagnostiqué, et elle a ajouté qu’une évaluation psychologique complète serait nécessaire avant qu’il ne puisse être remis en liberté. La Commission a tenu compte de la proposition qu’une évaluation psychologique de M. Ahmed soit faite après sa mise en liberté, mais elle l’a considérée comme déraisonnable.

IV.             Les questions en litige

[15]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

A.    Quelle est la norme de contrôle applicable?

B.     La Commission s’est-elle conformée à l’ordonnance et aux motifs du juge LeBlanc?

C.     La décision de la Commission de maintenir la détention de M. Ahmed était-elle raisonnable?

V.                Analyse

A.                Quelle est la norme de contrôle applicable?

[16]           Comme le juge LeBlanc l’a conclu au paragraphe 18 de la décision Ahmed, les décisions de la Commission en matière de contrôle des motifs de la détention sont soumises au contrôle de la Cour selon la norme de la décision raisonnable. M. Ahmed fait valoir que la norme de contrôle applicable dans les circonstances particulières de l’espèce devrait être celle de la décision correcte, parce que la Commission était tenue de se conformer à l’ordonnance et aux motifs du juge LeBlanc et aussi parce que la Commission traitait de questions constitutionnelles qui ne relevaient pas de ses connaissances spécialisées.

[17]           La décision d’un tribunal administratif est soumise au contrôle selon la norme de la décision raisonnable ou selon la norme de la décision correcte suivant que la décision concerne une question de droit, une question de fait ou une question mixte de droit et de fait. Voici comment la Cour suprême du Canada a expliqué la différence : « [...], les questions de droit concernent la détermination du critère juridique applicable; les questions de fait portent sur ce qui s’est réellement passé entre les parties; et, enfin, les questions de droit et de fait consistent à déterminer si les faits satisfont au critère juridique » (Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c Southam Inc., [1997] 1 RCS 748, au paragraphe 35).

[18]           Normalement, seules les questions de droit qui revêtent une importance capitale pour le système judiciaire et qui sont étrangères au domaine d’expertise du décideur administratif commandent la norme de la décision correcte (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], aux paragraphes 55 et 60; voir aussi Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers' Association, 2011 CSC 61, au paragraphe 30). Les questions de fait et les questions mixtes de droit et de fait sont habituellement assujetties à la norme de contrôle de la décision raisonnable (Dunsmuir, au paragraphe 53).

[19]           La question de savoir si la Commission a bien réexaminé la nature de la détention de M. Ahmed et celle de savoir si elle a bien tenu compte du droit à la liberté de M. Ahmed, comme l’avait exigé le juge LeBlanc, sont des questions mixtes de droit et de fait (Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) c Berisha, 2013 CF 1100, aux paragraphes 57 et 58; Muhammad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 448, aux paragraphes 52 et 162; Wang c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2015 CF 720). On peut en dire autant de la question de savoir si la décision de la Commission de maintenir la détention de M. Ahmed était raisonnable. Le fait que des droits garantis par la Charte sont en cause ne produit pas une norme différente. Le décideur administratif exerçant un pouvoir discrétionnaire en vertu de sa loi constitutive est, en raison de son expertise et sa compétence spécialisée, particulièrement au fait des considérations opposées en jeu dans la mise en balance des valeurs consacrées par la Charte (Doré c Québec (Tribunal des professions), 2012 CSC 12, aux paragraphes 45 et 47; École secondaire Loyola c Québec (Procureur général), 2015 CSC 12, au paragraphe 4).

[20]           Il n’appartient pas à la Cour de substituer la solution qu’elle juge préférable ni de soupeser à nouveau la preuve (Khosa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CSC 12 [Khosa], aux paragraphes 59 et 61). La Cour doit intervenir seulement quand la Commission a formulé une conclusion qui n’est pas transparente, justifiable et intelligible et qui ne fait pas partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, au paragraphe 47; Khosa, au paragraphe 59).

B.                 La Commission s’est-elle conformée à l’ordonnance et aux motifs du juge LeBlanc?

[21]           La décision du 24 juin 2015 du juge LeBlanc n’était pas un verdict imposé qui exigeait un résultat précis lors de l’audience sur le contrôle des motifs de la détention tenue le 26 juin 2015 (Rafuse c Canada (Commission d’appel des pensions), 2002 CAF 31, paragraphe 14). Sa décision avait une portée relativement modeste. Le juge a conclu que la Commission a commis une erreur lorsqu’elle n’a pas tenu compte tant de la durée de la détention passée de M. Ahmed que de la durée prévue de sa détention à l’avenir. Le juge LeBlanc a conclu que le défaut de la Commission de prendre adéquatement en considération le droit à la liberté de M. Ahmed signifiait que sa décision ne fait pas partie des issues possibles pouvant se justifier au regard des faits et du droit. La décision de la Commission a été annulée et la Commission a reçu l’ordre de tenir la prochaine audience sur le contrôle des motifs de la détention en conformité avec l’ordonnance et les motifs du juge LeBlanc (Ahmed, aux paragraphes 33, 34).

[22]           Dans ses observations orales, l’avocate de M. Ahmed a admis que la décision du juge LeBlanc n’équivalait pas à un verdict imposé. Elle a reconnu que la décision du juge Leblanc n’avait pas traité du critère de justice fondamentale au sens de l’article 7 de la Charte. Elle n’a pas soutenu que la décision du juge LeBlanc s’écartait du droit ou de la jurisprudence existante, mais elle a seulement remis en question son application aux faits de la cause de M. Ahmed.

[23]           La seule exigence que l’ordonnance et les motifs du juge LeBlanc imposait à la Commission était l’obligation de réexaminer la nature de la détention de M. Ahmed et de soupeser à nouveau les facteurs de l’article 248 du Règlement conformément au droit en vigueur. Lors de l’audience subséquente du contrôle des motifs de la détention, la Commission a reconnu que M. Ahmed était détenu depuis le 17 octobre 2013 et qu’il s’agissait d’une [traduction« longue période ». La Commission a également conclu que rien n’indiquait que la situation au Yémen s’améliorerait dans un avenir rapproché de sorte à permettre son renvoi dans ce pays. Il est donc évident que la Commission a tenu compte de la durée de la détention de M. Ahmed, tant passée que future, et qu’elle a conclu qu’elle était devenue indéterminée, ce qui était implicite dans la décision du juge LeBlanc, même si celui‑ci ne s’était pas prononcé expressément à ce sujet.

[24]           Je suis convaincu que le contrôle des motifs de la détention de la Commission du 26 juin 2015 a été mené en conformité avec l’ordonnance et les motifs du juge LeBlanc. Une fois que la Commission a réexaminé la nature de la détention de M. Ahmed et a jugé qu’elle était de durée indéterminée, le reste de son analyse était régi par le droit et la jurisprudence en vigueur.

C.                 La décision de la Commission de maintenir la détention de M. Ahmed était-elle raisonnable?

[25]           M. Ahmed fait valoir que son maintien en détention est inconstitutionnel, en particulier parce qu’il déroge aux principes de justice fondamentale, parce qu’il est arbitraire et parce qu’il équivaut à une peine cruelle et inusitée. Toutefois, il n’a rien produit qui permettrait de distinguer sa situation de celle des personnes dans d’autres affaires de détention à durée indéterminée (par exemple : Sahin c Canada (Ministre de la Citoyenneté de l’Immigration), [1995] 1 RCF 214 (1re inst.); Re Charkaoui c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9 [Charkaoui]; B147; Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) c Okwerom, 2015 CF 433 [Okwerom]). Une conclusion de détention à durée indéterminée est une question grave, mais non sans précédents.

[26]           La nature indéterminée de la détention d’une personne est seulement l’un des facteurs à prendre en considération dans un contrôle des motifs de la détention. En fait, c’est commettre une erreur de droit que de considérer la nature indéterminée d’une détention comme un facteur déterminant (B147, aux paragraphes 53 à 56; Okwerom, au paragraphe 8). Il était donc raisonnablement loisible à la Commission d’arriver à la conclusion qu’elle a formulée (Charkaoui, aux paragraphes 107 à 110).

[27]           La Commission a reconnu que la détention de durée indéterminée portait atteinte aux droits de M. Ahmed garantis par l’article 7 de la Charte, mais elle a conclu que son maintien en détention était justifié. La Commission a soupesé la détention de durée indéterminée de M. Ahmed par rapport au risque qu’il se soustraie à son renvoi et au danger qu’il présentait pour la sécurité publique.

[28]           À l’appui de sa conclusion selon laquelle M. Ahmed se soustrairait vraisemblablement à son renvoi, la Commission a fait remarquer que cette conclusion avait été tirée dans tous les précédents contrôles des motifs de la détention. La Commission a pris note du lourd casier judiciaire de M. Ahmed et a conclu que son manque manifeste de respect pour la loi signifiait qu’on ne pouvait pas être certain qu’il se présenterait pour son renvoi. La Commission a également fait observer que M. Ahmed avait dit craindre de rentrer au Yémen et qu’il était très motivé à se soustraire à son renvoi.

[29]           À l’appui de sa conclusion voulant que M. Ahmed continuait de présenter un risque pour le public, la Commission a fait référence à ses longs antécédents de comportement antisocial et violent. La Commission n’était pas convaincue que M. Ahmed avait été réadapté pendant son incarcération et sa détention, et elle a conclu qu’il était susceptible de récidiver. La Commission a pris acte du fait que M. Ahmed avait été déclaré coupable de crimes graves, y compris d’agression sexuelle et de vol qualifié. M. Ahmed a également proféré des obscénités aux commissaires de la Commission à des occasions antérieures et il a menacé un agent de l’ASFC pendant qu’il était en détention.

[30]           La Commission a bien examiné ses conclusions factuelles à la lumière des cinq facteurs qui sont énumérés à l’article 248 du Règlement : le motif de la détention, la durée de la détention, les motifs du retard dans le renvoi, la durée future prévue de la détention et les solutions de rechange à la détention.

[31]           Dans son examen des solutions de rechange à la détention, la Commission a conclu que le plan de mise en liberté proposé pour le compte de M. Ahmed était insuffisant. La Commission n’était pas convaincue que les deux cautions proposées seraient en mesure de gérer le cas de M. Ahmed s’il était remis en liberté. Ces deux personnes connaissaient M. Ahmed depuis son arrivée au Canada et les infractions criminelles commises par celui‑ci ont augmenté, malgré leur présence dans sa vie. La Commission a également fait mention d’une évaluation d’un établissement contenue dans le dossier de la preuve; celle-ci recommandait que M. Ahmed fasse l’objet d’une évaluation psychologique complète et il en ressortait qu’il [traduction« serait déraisonnable » de remettre M. Ahmed en liberté au sein de la collectivité avant que l’évaluation n’ait été réalisée, ce que son avocate avait plutôt proposé de faire après sa mise en liberté.

[32]           L’examen de la transcription permet d’apprendre que M. Ahmed, par l’entremise de son avocate, a exprimé sa volonté de se soumettre à toute autre condition de mise en liberté que la Commission pourrait juger appropriée, et il a suggéré que les conditions de mise en liberté que lui avait précédemment imposées la Commission des libérations conditionnelles du Canada puissent servir d’exemples. Il appert que la Commission est demeurée impassible à cette proposition et elle a limité son examen au plan de mise en liberté présenté pour le compte de M. Ahmed.

[33]           Comme je l’ai mentionné précédemment, il n’appartient pas à la Cour de substituer sa propre conception d’une issue préférable ni d’apprécier à nouveau la preuve. La décision de savoir si une personne présente un danger pour la sécurité publique ou se soustraira vraisemblablement à son renvoi relève des connaissances spécialisées de la Commission. Il en va de même de l’imposition des conditions de mise en liberté.

[34]           Quoi qu’il en soit, étant donné la conclusion que la détention de M. Ahmed était indéterminée, la Commission et le ministre ont tous les deux une obligation élevée de se pencher sur les solutions de rechange à la détention, en particulier sur la mise en liberté sous conditions. La Commission des libérations conditionnelles a déjà jugé que M. Ahmed pouvait être libéré s’il était assujetti à des conditions rigoureuses. La Commission a la possibilité de demander une évaluation psychologique comme condition de la mise en liberté : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Romans, 2005 CF 435, au paragraphe 74. L’avocate de M. Ahmed a informé la Cour qu’elle avait entrepris les démarches pour mettre à jour l’avis de danger du Ministre. Tous ces facteurs devraient être au premier plan lorsque les motifs de la détention de M. Ahmed seront contrôlés le 24 juillet 2015.

[35]           Malgré mes réserves en ce qui concerne le traitement superficiel que la Commission a réservé aux solutions de rechange à la détention, je suis convaincu que sa décision de maintenir M. Ahmed en détention était justifiée, transparente et intelligible et qu’elle faisait partie des issues possibles pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, au paragraphe 47). La décision de la Commission était donc raisonnable.

VI.             Dispositif

[36]           Pour les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune des parties n’a proposé de question à certifier en vue d’un appel et l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée en vue d’un appel.

« Simon Fothergill »

Juge

Traduction non-certifiée


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3022-15

 

INTITULÉ :

AHMED ALI AHMED c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 juillet 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE fothergill

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 17 JUILLET 2015

COMPARUTIONS :

Arghavan Gerami

POUR le demandeur

 

Jyll Hansen

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Arghavan Gerami

Avocat

Gerami Law PC

Ottawa (Ontario)

 

POUR le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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