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Date : 20150817

Dossier : IMM-4834-14

Référence : 2015 CF 973

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 août 2015

En présence de monsieur le juge Fothergill

ENTRE :

VINH QUOC TANG

 

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Vinh Quoc Tang a présenté une demande de contrôle judiciaire au titre de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). Il conteste la décision par laquelle la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SAI) a rejeté son appel interjeté contre le refus d’un agent des visas d’accorder un visa de résident permanent à son épouse, Thi Thu Ba Cao.

[2]               La SAI a jugé que le mariage de M. Tang et de Mme Cao n’avait jamais été enregistré auprès des autorités civiles du Vietnam, et qu’ils n’étaient donc pas mariés suivant le droit vietnamien. Par conséquent, il a été établi que Mme Cao n’appartenait pas à la catégorie du regroupement familial au titre de l’alinéa 117(1)a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement) aux fins de l’immigration au Canada. La SAI a également estimé que le couple n’était pas lié par une relation conjugale et a rejeté l’appel pour défaut de compétence.

[3]               Pour les motifs qui suivent, j’ai conclu que la SAI a respecté le droit de M. Tang à l’équité procédurale et qu’elle a raisonnablement conclu que son mariage avec Mme Cao était invalide suivant le droit vietnamien. Elle a aussi raisonnablement conclu qu’il ne vivait pas une relation conjugale avec Mme Cao. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II.                Contexte

[4]               Monsieur Tang a 57 ans, il est né au Vietnam et a la citoyenneté canadienne. Il réside au Canada. Madame Cao est âgée de 41 ans. Elle est citoyenne du Vietnam et réside dans ce pays. Le 21 novembre 2000, tous deux ont pris part à une cérémonie de mariage bouddhiste traditionnelle au Vietnam.

[5]               Après la cérémonie, M. Tang et Mme Cao ont tenté d’enregistrer leur mariage dans un bureau du gouvernement local, appelé le comité populaire, au Vietnam. Ils ont été informés qu’ils devaient revenir dans dix jours pour recevoir leur certificat de mariage. Cependant, M. Tang a regagné le Canada dans l’intervalle. Mme Cao s’est présentée toute seule au bureau du comité populaire, mais a appris que le certificat de mariage ne pouvait être délivré qu’en présence des deux parties.

[6]               M. Tang n’est retourné au Vietnam qu’en 2005. Mme Cao a alors contacté le bureau du comité populaire et s’est renseignée sur les mesures à prendre pour obtenir le certificat de mariage du couple. Elle a été informée que le document était introuvable.

[7]               En 2008, le beau-père de M. Tang a soumis au bureau du comité populaire une [traduction« demande de confirmation » pour établir que le couple avait effectivement été marié. Le bureau a apposé un sceau sur le document confirmant qu’une cérémonie de mariage avait eu lieu le 21 novembre 2000.

[8]               En 2010, M. Tang a présenté une demande au Haut-Commissariat du Canada à Singapour pour parrainer Mme Cao en vue de l’obtention d’un visa de résident permanent canadien. L’agent des visas a déterminé que le couple n’avait pas contracté un mariage authentique et a refusé la demande aux termes du paragraphe 4(1) du Règlement. Le 20 mai 2011, M. Tang a déposé un avis d’appel auprès de la SAI.

[9]               Avant que l’appel ne soit instruit, la SAI a déterminé que la validité du mariage était une question préliminaire touchant sa compétence. Dans une lettre datée du 22 août 2013, la SAI a demandé à M. Tang de soumettre des observations écrites concernant la validité du mariage aux termes du droit vietnamien, et de démontrer que la [traduction« demande de confirmation » de 2008 suffisait pour prouver l’existence d’un mariage civil légal au Vietnam.

[10]           Le 19 novembre 2013, M. Tang a présenté des observations écrites à la SAI concernant la [traduction« demande de confirmation » validée par le comité populaire. Ces observations incluaient un affidavit de M. Tang ainsi qu’une déclaration de Mme Cao expliquant les circonstances entourant leur mariage et leur incapacité à obtenir un certificat de mariage.

[11]           Dans une lettre datée du 29 janvier 2014, la SAI déclarait qu’une recherche sur Internet avait permis de trouver le décret no 184-CP (le décret), document statutaire régissant les mariages entre citoyens vietnamiens et étrangers. Selon l’article 1 du  décret, le document statutaire [traduction« définit les procédures d’enregistrement et de reconnaissance des mariages ». L’article 10 du décret prévoit cinq étapes procédurales à compléter pour que le mariage soit dûment enregistré, dont la dernière est l’obligation pour les deux parties de se présenter et de récupérer le certificat de mariage au bureau du comité populaire. La SAI a invité M. Tang et le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre) à présenter des observations concernant la teneur du décret et son application à l’appel.

[12]           M. Tang a admis que le décret s’appliquait et reconnu que l’incapacité du couple à se procurer le certificat de mariage au bureau du comité populaire constituait un vice procédural. Il maintenait néanmoins que cela n’affectait pas la validité du mariage et soumettait pour étayer sa position un avis juridique de Yehuda Levinson, avocat canadien expert en validité des mariages étrangers.

[13]           Si la SAI n’était pas disposée à reconnaître la validité du mariage, M. Tang lui demandait d’exercer son pouvoir discrétionnaire et de conclure que le couple vivait une relation conjugale, et de se déclarer compétente pour instruire l’appel sur cette base.

[14]           Le ministre a convenu que le décret s’appliquait et fait valoir que le défaut de M. Tang et de Mme Cao de se procurer le certificat de mariage signifiait que les exigences procédurales liées à l’enregistrement du mariage n’avaient pas été remplies. Le ministre soutenait également que les documents additionnels fournis par M. Tang, y compris l’avis juridique de Me Levinson, n’avaient aucune valeur probante.

[15]           Le 14 mai 2014, la SAI a rejeté l’appel pour défaut de compétence. M. Tang a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire le 16 juin 2014, puis une demande modifiée d’autorisation et de contrôle judiciaire le 16 juillet suivant. L’autorisation a été accordée par la Cour le 27 février 2015.

III.             La décision de la SAI

[16]           La question préliminaire dont la SAI était saisie était celle de savoir si le mariage entre M. Tang et Mme Cao était valide aux fins de l’immigration au Canada. S’il ne l’était pas, alors la SAI n’était pas compétente pour instruire l’appel.

[17]           La SAI a examiné le droit vietnamien régissant l’enregistrement des mariages et s’est référée aux étapes procédurales prescrites par le décret, et notamment l’obligation pour les deux parties d’être présentes pour recevoir le certificat avant que le mariage puisse être enregistré. La SAI a conclu que le défaut de M. Tang et Mme Cao d’obtenir le certificat de mariage signifiait que leur union n’avait jamais été enregistrée et qu’elle n’avait pas pris effet.

[18]           La SAI a rejeté l’argument de M. Tang voulant que le défaut d’obtenir le certificat de mariage n’ait pas eu de répercussions importantes sur la validité du mariage. La SAI a noté que le bureau du comité populaire n’avait pas été en mesure de produire un certificat de mariage en 2005. Pour citer la SAI, « malgré le fait qu’un mariage traditionnel valide a eu lieu, il n’a pas été enregistré en conformité avec les lois du Vietnam […] ».

[19]           La SAI s’est néanmoins demandé si le dossier était à même de confirmer que M. Tang et Mme Cao vivaient une relation conjugale. Pour en juger, elle s’est reportée aux « caractéristiques généralement acceptées de l’union conjugale » décrites dans Molodowich c Penttimen, [1980] OJ no 1904 (C. dist. Ont.) [Molodovich], et approuvées par la Cour suprême dans l’arrêt M c H, [1999] 2 RCS 3. La liste non exhaustive de ces caractéristiques inclut : le partage d’un toit, les rapports personnels et sexuels, les services domestiques, les activités sociales, le soutien financier, les enfants ainsi que l’image sociétale du couple.

[20]           La SAI a estimé que les éléments indiquant que M. Tang et Mme Cao vivaient une relation conjugale étaient négligeables. Elle a noté qu’au moment de la demande de parrainage, le couple avait passé moins de deux mois ensemble depuis la cérémonie de mariage en 2000, et que M. Tang n’avait pas vu Mme Cao depuis 2005. La SAI a également signalé l’absence de preuve confirmant un soutien financier entre les époux, tout en reconnaissant que le couple passait pour être marié dans leurs communautés respectives; cependant, l’absence de preuve étayant les six autres facteurs attestait qu’il n’y avait pas de relation conjugale.

[21]           Comme le mariage n’a jamais été enregistré et que le couple ne vivait pas de relation conjugale au moment de la demande de parrainage, la SAI a conclu que Mme Cao n’appartenait pas à la catégorie du regroupement familial aux fins de l’immigration au Canada. Elle a donc rejeté l’appel pour défaut de compétence.

IV.             Questions en litige

[22]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

A.                 La SAI a-t-elle enfreint le droit de M. Tang à l’équité procédurale?

B.                 La conclusion de la SAI selon laquelle le mariage de M. Tang et de Mme Cao n’était pas valide suivant le droit vietnamien était-elle raisonnable?

C.                 La conclusion de la SAI selon laquelle M. Tang et Mme Cao ne vivaient pas de relation conjugale était-elle raisonnable?

V.                Analyse

[23]           Les questions d’équité procédurale sont susceptibles de contrôle par la Cour selon la norme de la décision correcte (Khosa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CSC 12 [Khosa], au paragraphe 43; Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, au paragraphe 79). La Cour doit néanmoins se montrer déférente à l’égard des choix procéduraux de la SAI (Forest Ethics Advocacy Association c Office national de l’énergie, 2014 CAF 245, aux paragraphes 70 à 72), ce qui ne change rien à la norme de contrôle applicable, mais peut influencer son évaluation concernant la portée de l’obligation de la SAI et la question de savoir si elle y a manqué (Aguirre c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 281, au paragraphe 31; Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, aux paragraphes 21 et 27).

[24]           L’appréciation par la SAI du droit vietnamien est une question de fait qui est susceptible de contrôle par la Cour selon la norme de la décision raisonnable (Kenne c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1079, au paragraphe 11).

[25]           L’appréciation de la SAI quant à la question de savoir si M. Tang et Mme Cao vivaient une relation conjugale est soumise à la même norme de la décision raisonnable (Traverse c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 551 [Traverse], au paragraphe 11).

[26]           Une décision est raisonnable si elle est justifiée, transparente et intelligible, et qu’elle appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47; Khosa, au paragraphe 59).

A.                 La SAI a-t-elle enfreint le droit de M. Tang à l’équité procédurale?

[27]           M. Tang affirme que la SAI a enfreint son droit à l’équité procédurale : a) en ne lui offrant pas la possibilité de dissiper ses préoccupations concernant la validité du mariage; b) en ne lui offrant pas la possibilité de fournir des éléments de preuve attestant que le couple vivait une relation conjugale; et c) en ne tenant pas d’audience de vive voix avant de rendre sa décision.

[28]           La question préliminaire que devait trancher la SAI concernait la validité du mariage du couple suivant le droit vietnamien, comme l’a expliqué la SAI à M. Tang dans une lettre datée du 22 août 2013 :

[traduction
Avant que la question du refus au titre du paragraphe 4(1) du Règlement puisse être tranchée, il faut régler celle de savoir si l’appelant [M. Tang] et la demandeure [Mme Cao] sont légalement mariés. Le seul document qui fasse foi d’un mariage figure à la page 35 du dossier : il s’agit de la traduction d’un document rédigé par le père de la demandeure et daté du 28 juin 2008; ce document atteste que le 21 novembre 2000, un banquet de mariage a eu lieu, ce que « confirme » le comité populaire du village. Le fondement sur lequel repose cette affirmation est inconnu.

L’appelant doit démontrer que ce document est acceptable en droit comme preuve d’un mariage civil légal au Vietnam reconnaissable en droit canadien comme un mariage aux fins d’immigration.

Comme la validité juridique du mariage est une question préliminaire, l’audience relative au refus ne peut avoir lieu tant que le tribunal n’est pas convaincu qu’il y a bien eu mariage légal.

[29]           M. Tang a soumis des observations écrites en réponse à cette lettre et d’autres concernant l’application du décret. Après avoir examiné ses observations et celles du ministre, la SAI a conclu que le mariage de M. Tang et de Mme Cao n’a jamais été enregistré suivant le droit vietnamien.

[30]           Il n’y a pas d’atteinte à l’équité procédurale si les demandeurs connaissent les questions en litige que la SAI doit trancher et qu’ils ont la possibilité de soumettre des éléments de preuve et des arguments, et que la SAI fonde sa décision sur les documents dont elle dispose (Williams c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 655). Je suis convaincu que M. Tang, qui était représenté par un avocat, a amplement eu la possibilité d’aborder les questions clairement définies par la SAI, et que cette dernière a fondé sa décision sur les documents soumis à son examen par les parties.

[31]           M. Tang affirme qu’il aurait dû se voir offrir une nouvelle possibilité de fournir des éléments de preuve attestant que Mme Cao et lui vivaient une relation conjugale étant donné qu’il avait présenté une demande de « conversion au sens de l’affaire Tabesh » (Tabesh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] CA CISR no 2 [Tabesh]). Dans cette affaire, la SAI a conclu que lorsqu’une demande de parrainage au titre de la catégorie du regroupement familial est refusée en fonction d’un motif lié à la validité formelle du mariage, il faut se demander si la personne visée peut être un partenaire ou un conjoint de fait.

[32]           La « conversion au sens de l’affaire Tabesh » est une création de la SAI. Elle semble tirer son origine du paragraphe 67(2) de la LIPR, aux termes duquel la SAI peut infirmer la décision initiale et y substituer la décision « qui aurait dû être rendue » lorsqu’elle fait droit à un appel. Toutefois, les commissaires ne s’entendent pas sur la question du pouvoir de la SAI d’effectuer une telle conversion (Rahimi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CarswellNat 6113 (CISR (Section d’appel))). Quand bien même ce pouvoir est réputé exister, la décision d’autoriser une telle conversion est tout à fait discrétionnaire (Shahabi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CarswellNat 6397 (CISR (Section d’appel))).

[33]           En supposant, sans trancher la question, que la SAI était tenue d’envisager une autre catégorie de relations aux termes de l’alinéa 117(1)a) du Règlement, il incombait à M. Tang de fournir suffisamment d’éléments de preuve crédibles à l’appui de sa demande (Oladipo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 366, au paragraphe 24). La SAI n’était pas obligée d’inviter les parties à soumettre des observations additionnelles quant à l’éventuelle existence d’une relation conjugale après avoir conclu que les exigences formelles du mariage prévues par le droit vietnamien n’avaient pas été remplies.

[34]           Le pouvoir discrétionnaire d’un décideur l’autorise à déterminer si une audience se déroulera de vive voix ou par écrit (Ré:Sonne c Conseil du secteur du conditionnement physique du Canada, 2014 CAF 48 [Ré:Sonne], au paragraphe 37). Les décisions procédurales prises par un tribunal ayant le pouvoir de contrôler ses propres procédures méritent une déférence considérable (VIA Rail Canada Inc. c Office des transports du Canada, 2007 CSC 15, au paragraphe 231).

[35]           Les Règles de la Section d’appel de l’immigration, DORS/2002-230, régissent les questions procédurales dont la SAI est saisie. Aux termes du paragraphe 25(1) des Règles, la SAI peut exiger que les parties procèdent par écrit, à condition que cette façon de faire ne cause pas d’injustice et qu’il ne soit pas nécessaire d’entendre des témoins. Cette règle est conforme à l’exigence énoncée dans la LIPR selon laquelle la SAI doit fonctionner, dans la mesure où les circonstances et les considérations d’équité et de justice naturelle le permettent, sans formalisme et avec célérité (paragraphe 162(2) de la LIPR).

[36]           Je suis convaincu que le choix procédural de la SAI était conforme à la LIPR et qu’il convient en l’espèce de lui accorder de la déférence (Ré:Sonne). Il n’était pas nécessaire d’entendre des témoignages pour trancher les questions à l’examen. M. Tang, représenté par un avocat, s’est vu offrir une opportunité suffisante de les aborder dans ses observations écrites.

B.                 La conclusion de la SAI selon laquelle le mariage de M. Tang et de Mme Cao n’était pas valide suivant le droit vietnamien était-elle raisonnable?

[37]           M. Tang se plaint que la SAI a ignoré l’avis juridique de Me Levinson et qu’elle n’a pas motivé sa conclusion d’après laquelle l’enregistrement était une exigence formelle liée à la validité d’un mariage suivant le droit vietnamien.

[38]           La SAI s’est surtout préoccupée des exigences procédurales prévues par le décret, que Me Levinson n’a pas évoquées dans son avis. Ce dernier s’est attardé sur la nature de la cérémonie de mariage bouddhiste traditionnelle qui avait eu lieu et sur les [traduction« événements normaux de mariage » ultérieurs, comme [traduction« les prières, l’échange de cadeaux et un repas de fête ». Me Levinson s’est référé à la [traduction« demande de confirmation » rédigée par le père de Mme Cao et fait valoir qu’elle remplaçait le certificat de mariage, mais sans appuyer sa conclusion sur des sources autorisées. Le sceau apposé par le bureau du comité populaire sur le document indiquait seulement que le père de Mme Cao [traduction« a réellement organisé une fête de mariage pour sa fille ». Cela n’a pas aidé la SAI à résoudre la question de savoir si le mariage avait été enregistré auprès des autorités civiles conformément aux lois du Vietnam.

[39]           La SAI a pris acte de l’avis de Me Levinson, mais l’a jugé peu concluant. Elle n’a pas négligé cet élément de preuve (Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 1425 (CF 1re inst.), au paragraphe 17).

[40]           L’argument de M. Tang voulant que la décision de la SAI soit injustifiée ou inintelligible, parce qu’elle n’a pas expliqué pourquoi elle avait accordé autant d’importance à l’exigence d’enregistrement du mariage, est tout aussi infondé. Les préoccupations de la SAI étaient justifiées et la raison pour laquelle elle exigeait une preuve de l’enregistrement du mariage était claire :

L’absence d’un certificat de mariage n’est pas en soi la question. La non-existence d’un certificat de mariage n’est qu’une manifestation de la question qui, comme il a été mentionné, consiste à déterminer si, selon les éléments de preuve, l’appelant et la demandeure sont légalement mariés aux fins de l’immigration et, secondairement, qui a compétence pour trancher cette question. Il s’agit de déterminer non pas si le certificat de mariage existe ou non, mais s’il y a ou non des éléments de preuve selon lesquels les conjoints se sont mariés conformément aux lois du Vietnam. En s’attachant uniquement à la question du certificat de mariage, le tribunal s’éloignerait de la question de l’enregistrement, que l’intimé relie avec raison au registre des mariages.

[41]           La preuve documentaire examinée par la SAI incluait une publication de la Direction des recherches de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié intitulée « Vietnam: Information on what constitutes a valid marriage, particularly on whether it is necessary to have a ceremony » (Vietnam : Information sur ce qui constitue un mariage valide, en particulier information indiquant si une cérémonie est nécessaire). D’après ce document, [traduction] « [p]our être valide, un mariage au Vietnam doit être approuvé par le Uy Ban Nhan Dan (bureau du comité populaire) de la commune, du village ou du quartier où l’une des parties au mariage réside, et enregistré dans le registre de mariages (article 8). Tous les autres actes célébrant le mariage ne seraient pas légaux (ibid) ». Les références renvoient à la Loi vietnamienne sur le mariage et la famille, 29 décembre 1986, également déposée en preuve devant la SAI. Comme l’a conclu cette dernière, le fait que le couple n’ait pas rempli les exigences procédurales d’enregistrement du mariage prescrites par l’article 10 du décret frappe le mariage d’invalidité.

[42]           La SAI a donc raisonnablement conclu que la preuve produite par M. Tang n’établissait pas que le mariage était valide en vertu des lois du Vietnam.

C.                 La conclusion de la SAI selon laquelle M. Tang et Mme Cao ne vivaient pas de relation conjugale était-elle raisonnable?

[43]           Les « partenaires conjugaux » sont définis en ces termes à l’article 2 du Règlement :

À l’égard du répondant, l’étranger résidant à l’extérieur du Canada qui entretient une relation conjugale avec lui depuis au moins un an.

[Non souligné dans l’original.]

[44]           M. Tang affirme que la SAI a limité à tort son analyse à l’année ayant précédé le dépôt de la demande de parrainage et il cite l’extrait suivant du paragraphe 72 de la décision de la SAI :

[72] […] Le tribunal aurait pu envisager que le couple entretenait une relation conjugale s’il avait reçu des éléments de preuve en ce sens touchant l’année précédant la présentation de la DRP, qui a été faite en janvier 2010.

[Non souligné dans l’original.]

[45]           Cependant, la SAI a correctement décrit le critère juridique servant à établir l’existence d’une relation conjugale au paragraphe 68 de sa décision :

[68] […] [P]our considérer que la relation entre les conjoints est une relation de conjoints de fait, le tribunal devrait avoir en main des éléments de preuve selon lesquels ils ont cohabité, dans le cadre d’une relation conjugale, pendant une période d’au moins un an avant la présentation de la DRP. De la même façon, pour établir qu’ils ont vécu en tant que partenaires conjugaux, ils doivent à tout le moins respecter la définition des partenaires conjugaux énoncée dans le Règlement : un partenaire conjugal est « à l’égard du répondant, l’étranger résidant à l’extérieur du Canada qui entretient une relation conjugale avec lui depuis au moins un an ».

[46]           La SAI a également noté que la « relation conjugale » n’est pas définie dans le Règlement et a correctement décrit les critères y afférents énoncés dans Molodowich. La SAI a examiné la relation de M. Tang avec Mme Cao au regard de ces facteurs non exhaustifs, notant que le premier n’avait pas vu la seconde depuis 2005 et que le couple avait passé moins de deux mois ensemble depuis leur cérémonie de mariage en 2000. Le tribunal a également relevé l’absence de preuve démontrant le moindre soutien financier entre M. Tang et Mme Cao.

[47]           La Cour suprême a mis en garde contre l’approche consistant à « faire une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur » (Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c Pâtes & Papier Irving Ltée, 2013 CSC 34, au paragraphe 54). Même si l’extrait invoqué par M. Tang semble contenir une erreur, il ressort clairement d’une lecture de l’ensemble de la décision que la SAI a correctement décrit le droit et les caractéristiques d’une relation conjugale et qu’elle les a appliqués aux faits en l’espèce en tenant bien compte du fait que M. Tang et Mme Cao vivaient dans des pays différents (Traverse, au paragraphe 15). Je suis convaincu que la décision de la SAI est étayée par le dossier et que l’erreur mineure relevée par M. Tang n’entache pas les motifs fournis (N.L.N.U. c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, aux paragraphes 14 et 15).

VI.             Conclusion

[48]           Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée aux fins de l’appel.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée aux fins de l’appel.

« Simon Fothergill »

Juge

Traduction certifiée conforme

Line Niquet, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

IMM-4834-14

 

INTITULÉ :

VINH QUOC TANG c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 28 mai 2015

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FOTHERGILL

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 17 août 2015

COMPARUTIONS :

Winxie Natasha Tso

POUR LE demandeur

 

Hilary Adams

POUR LE défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Metro Toronto Chinese & Southeast Asian Legal Clinic

 

pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE défendeur

 

 

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