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Date : 20150806


Dossier : IMM-1282-14

Référence : 2015 CF 950

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 août 2015

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

NADER AHMAD HERMAS

LAMA ALMAGHATHAH

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               M. Nader Ahmad Hermas est arrivé au Canada en provenance d’Israël en 2008. Il a demandé l’asile avec succès en invoquant sa crainte d’être persécuté pour des raisons politiques, parce qu’il est Palestinien. L’armée israélienne l’avait mis en état d’arrestation avec son frère en 2004. M. Hermas a été mis en liberté au bout de 18 jours, mais son frère a été maintenu en détention pendant 28 mois. M. Hermas allègue aussi être persécuté par le Hamas.

[2]               M. Hermas a demandé la résidence permanente, mais un agent d’immigration a conclu que M. Hermas était interdit de territoire au Canada, parce qu’il avait été membre d’un groupe qui se livrait au terrorisme (en vertu de l’alinéa 34(1)f) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR] – voir l’annexe). En particulier, l’agent a estimé qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que M. Hermas avait été membre du Front populaire pour la libération de la Palestine [FPLP].

[3]               M. Hermas allègue que la décision de l’agent est déraisonnable, parce qu’il n’existe aucune preuve démontrant qu’il était réellement membre du FPLP. Au moment de son arrestation chez lui, des membres allégués du FPLP étaient présents et ont également été arrêtés. Toutefois, M. Hermas a toujours prétendu qu’on lui avait alors bandé les yeux et qu’il ne savait pas qui d’autre avait été arrêté. De plus, étant donné qu’il a été remis en liberté par les autorités israéliennes et qu’il n’a jamais été accusé d’une infraction, il allègue qu’il n’existe de toute évidence aucune preuve qu’il était membre du FPLP. En dernier lieu, M. Hermas fait valoir qu’à la lumière de la même preuve, il a été estimé que son frère n’était pas membre du FPLP et celui-ci n’a pas été interdit de territoire au Canada.

[4]               M. Hermas me demande d’annuler la décision de l’agent et d’ordonner qu’un autre agent réexamine la question de son interdiction de territoire. Après avoir examiné la preuve dont disposait l’agent, je ne vois aucune raison d’annuler sa décision et je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

[5]               La seule question en litige en l’espèce consiste à savoir si la décision de l’agent était déraisonnable.

II.                La décision de l’agent

[6]               L’agent a examiné les événements qui ont donné lieu à la demande d’asile de M. Hermas. L’agent a pris acte du fait que M. Hermas et son frère avaient été arrêtés en compagnie de quatre autres personnes, dont un voisin et trois hommes qui séjournaient chez M. Hermas. À l’époque, les reportages dans les médias mentionnaient que des membres importants du FPLP avaient été arrêtés.

[7]               L’agent a tenu compte de la réponse de M. Hermas à cette preuve. M. Hermas a affirmé qu’il ne se souvenait pas des personnes présentes au moment de son arrestation. Il dormait, puis on l’a menotté et on lui a bandé les yeux. Il a allégué avoir été arrêté par erreur et avoir été remis en liberté rapidement. Pour ce qu’il en savait, seuls des membres de sa famille se trouvaient dans la maison et il n’était pas au courant que d’autres personnes avaient été arrêtées. Il ne savait pas si son frère connaissait les autres personnes arrêtées; ils n’ont jamais discuté de la situation. À un autre moment, il a affirmé que les personnes arrêtées étaient des amis de son frère qui étaient plus actifs sur le plan politique. Il était au courant des reportages dans les médias cités par l’agent, mais il ne les considérait comme pas fiables. En fait, il pensait que les personnes arrêtées avaient pu séjourner dans une maison voisine. Il a nié toute appartenance au FPLP.

[8]               L’agent a également pris acte du fait que le frère de M. Hermas avait admis que les personnes arrêtées à la maison étaient membres du FPLP.

[9]               L’agent a tenu compte de la définition large du terme « membre » et a conclu que M. Hermas y correspondait. M. Hermas était au courant que les personnes arrêtées étaient recherchées par les autorités israéliennes et il leur a donné refuge dans sa maison. Selon l’agent, en agissant de la sorte, M. Hermas faisait sciemment la promotion de la cause du FPLP. L’agent a également relevé que M. Hermas n’avait pas été sincère avec les autorités canadiennes, il leur fournissant parfois des éléments de preuve contradictoires, quand ce n’était pas des réponses invraisemblables.

[10]           Enfin, l’agent a conclu que le FPLP était une organisation terroriste et que M. Hermas était donc interdit de territoire au Canada, parce qu’il en était membre.

III.             La décision de l’agent est-elle déraisonnable?

[11]           M. Hermas prétend que la décision de l’agent était déraisonnable, parce qu’il y avait peu de preuve qu’il était membre du FPLP. D’après lui, la preuve à l’égard de son frère était plus solide, et pourtant celui-ci n’a pas été déclaré interdit de territoire.

[12]           Je ne suis pas de cet avis. La conclusion de l’agent représentait une issue pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[13]           Comme je l’ai mentionné ci-dessus, l’agent a constaté de nombreuses incohérences et invraisemblances dans la preuve de M. Hermas. Cela lui a donné des motifs de douter de l’allégation de M. Hermas selon laquelle il n’appartenait pas au FPLP.

[14]           De plus, la preuve de M. Hermas était distincte de celle qui sous-tendait la demande de son frère. Son frère a admis ses contacts avec des membres du FPLP, mais il a allégué qu’il n’était pas au courant de leur statut et il a démontré qu’il n’avait pas subi la pré-sélection que les futurs membres doivent normalement réussir.

[15]           Autrement dit, dans le cas du frère de M. Hermas, la crédibilité n’a pas paru être remise en question.

[16]           Par conséquent, je ne puis conclure à la lumière de la preuve que l’agent a formulé une conclusion déraisonnable en décidant qu’il existait des motifs raisonnables de croire que M. Hermas avait des liens suffisants avec le FPLP pour en être considéré membre.

IV.             Dispositif

[17]           La conclusion de l’agent selon laquelle il existait des motifs raisonnables de croire que M. Hermas était interdit de territoire au Canada, parce qu’il avait été membre du FPLP, une organisation terroriste, représentait une issue pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Les parties n’ont proposé aucune question de portée générale pour que je puisse la certifier et aucune n’est donc énoncée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question de portée générale n’est énoncée.

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

L. Endale


Annexe

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

Sécurité

Security

34. (1) Emportent interdiction de territoire pour raison de sécurité les faits suivants :

34. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on security grounds for

a) être l’auteur de tout acte d’espionnage dirigé contre le Canada ou contraire aux intérêts du Canada;

(a) engaging in an act of espionage that is against Canada or that is contrary to Canada’s interests;

b) être l’instigateur ou l’auteur d’actes visant au renversement d’un gouvernement par la force;

(b) engaging in or instigating the subversion by force of any government;

b.1) se livrer à la subversion contre toute institution démocratique, au sens où cette expression s’entend au Canada;

(b.1) engaging in an act of subversion against a democratic government, institution or process as they are understood in Canada;

c) se livrer au terrorisme;

(c) engaging in terrorism;

[…]

f) être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’un acte visé aux alinéas a), b), b.1) ou c).

(f) being a member of an organization that there are reasonable grounds to believe engages, has engaged or will engage in acts referred to in paragraph (a), (b), (b.1) or (c).

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1282-14

 

INTITULÉ :

NADER AHMAD HERMAS, LAMA ALMAGHATHAH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 4 MAI 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 6 AOÛT 2015

 

COMPARUTIONS :

Rezaur Rahman

pour le demandeur

 

Korinda McLaine

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Rezaur Rahman

Avocat

Ottawa (Ontario)

 

pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

pour le défendeur

 

 

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