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Date : 20150817


Dossier : T-1722-14

Référence : 2015 CF 976

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 août 2015

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

GARY CURTIS

demandeur

et

BANQUE DE NOUVELLE-ÉCOSSE

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               Andrew Pinto, l’ancien avocat du demandeur, sollicite une ordonnance l’autorisant à intervenir dans la présente demande à titre de partie jointe, à contre-interroger le demandeur et à présenter des observations écrites et orales.

[2]               La nature de la demande en l’espèce a ainsi été décrite dans une ordonnance de la protonotaire Milczynski datée du 6 mars 2015, 2015 CF 283 :

[traduction
[2]        La présente demande de contrôle judiciaire a été intentée le 7 août 2014 et elle vise la décision du 11 juillet 2014 par laquelle l’arbitre a estimé que le demandeur avait démissionné, et non qu’il avait fait l’objet d’un congédiement déguisé ou autre; l’arbitre a donc conclu qu’il n’était pas compétent pour examiner l’affaire davantage au titre du Code canadien du travail. L’arbitre a également refusé de faire droit à la requête en reprise de l’audition du demandeur, et décidé que rien n’indiquait, contrairement à ce que ce dernier faisait valoir dans ses observations soumises après l’audience, que son avocat s’était montré incompétent ou qu’il avait agi d’une manière contraire à ses intérêts ou ses instructions.

[3]        Les motifs de la demande de contrôle judiciaire sont fondés sur différentes erreurs que le demandeur reproche à l’arbitre, notamment :

-           l’arbitre aurait mal énoncé des faits essentiels, comme ceux liés à la question de savoir s’il avait été suspendu avec rémunération;

-           la question de savoir si le demandeur avait été victime de discrimination et si, compte tenu des faits et des circonstances entourant l’affaire, sa démission pouvait être qualifiée de volontaire;

-           la question de savoir si la preuve concernant l’enquête effectuée par la défenderesse sur le demandeur était fiable.

[4]        Le demandeur soutient aussi que la conclusion de l’arbitre selon laquelle son avocat ne s’était montré ni inefficace ni incompétent était fondamentalement erronée et constituait une erreur de droit, et que dans les circonstances, le refus de reprendre l’audition constituait une erreur susceptible de contrôle.

[3]               Andrew Pinto est l’ancien avocat du demandeur dont il est allégué qu’il a été inefficace ou incompétent. Le demandeur s’oppose à ce que la qualité d’intervenant lui soit accordée.

[4]               Andrew Pinto fait valoir qu’il devrait être nommé partie jointe dans la demande en l’espèce, et ce, pour les raisons suivantes :

A.        il a un intérêt dans l’issue de la demande;

B.        son ancien client allègue qu’il a été inefficace ou incompétent et il devrait être autorisé à répondre à ces allégations;

C.        le protocole de la Cour fédérale relatif aux affaires d’immigration envisage le droit d’un ancien avocat prétendument incompétent d’intervenir;

D.        il pourra assister la Cour dans la détermination des questions de fait et de droit soulevées dans la demande.

[5]               Andrew Pinto fait valoir que le critère à adopter est énoncé par le juge Stratas dans l’arrêt Canada c Conseil de la Bande de Pictou Landing, 2014 CAF 21. Celui-ci reconnaissait : « [j]e tiens […] à préciser ma qualité de juge des requêtes et que mes motifs ne lient pas mes collègues de la Cour ».

[6]               En attendant qu’elle adopte en formation complète cette approche légèrement modifiée, je préfère m’appuyer sur le critère précédemment énoncé par la Cour d’appel fédérale en formation plénière dans l’arrêt Canadian Union of Public Employees c Canadian Airlines International Ltd, [2000] ACF no 220, au paragraphe 8 :

1)      La personne qui se propose d’intervenir est-elle directement touchée par l’issue du litige?

2)      Y a-t-il une question qui est de la compétence des tribunaux ainsi qu’un véritable intérêt public?

3)      S’agit-il d’un cas où il semble n’y avoir aucun autre moyen raisonnable ou efficace de soumettre la question à la Cour?

4)      La position de la personne qui se propose d’intervenir est-elle défendue adéquatement par l’une des parties au litige?

5)      L’intérêt de la justice sera-t-il mieux servi si l’intervention demandée est autorisée?

6)      La Cour peut-elle entendre l’affaire et statuer sur le fond sans autoriser l’intervention?

[7]               À mon avis, même s’il satisfait aux trois premiers critères (ce sur quoi je n’ai pas à me prononcer), Andrew Pinto ne remplit pas les critères 4, 5 et 6.

[8]               La défenderesse, la Banque de Nouvelle-Écosse, fait valoir que la décision de l’arbitre était raisonnable, notamment en ce qui regarde le fait qu’Andrew Pinto n’a été ni inefficace ni incompétent lorsqu’il représentait le demandeur. Ce dernier a accepté que la Banque dépose un affidavit d’Andrew Pinto concernant les faits relatifs à sa représentation. À ce titre, la Cour disposera déjà de tous les renseignements que l’avocat se proposant d’intervenir pourrait lui fournir. En fait, la Cour note qu’il ne demande pas à produire des renseignements si l’autorisation d’intervenir lui était accordée.

[9]               Andrew Pinto soutient qu’il ne peut compter sur la Banque de Nouvelle-Écosse pour défendre ses intérêts et sa réputation comme il le ferait en tant que partie au litige. Je n’en suis pas convaincu. Si la partie défenderesse à la demande ne le fait pas, il est alors très probable que la demande soit accueillie. Par conséquent, il est dans le meilleur intérêt de la défenderesse de faire exactement ce qu’Andrew Pinto affirme qu’il ferait s’il était autorisé à intervenir.

[10]           De plus, je ne suis pas convaincu qu’Andrew Pinto ait la moindre observation à soumettre ou question à poser au demandeur durant le contre-interrogatoire qui ne puisse être soumise ou posée par la Banque de Nouvelle-Écosse. Il est manifeste que ces deux parties coopèrent, puisque la Banque de Nouvelle-Écosse déposera l’affidavit de Me Pinto pour étayer sa position dans le présent litige.

[11]           En dehors de ces observations, je ne suis pas convaincu que le juge qui instruira la présente demande ne pourra pas statuer sur le fond sans la participation directe d’Andrew Pinto. Il contribue volontairement en produisant un affidavit et en se déclarant disponible à subir un contre-interrogatoire à son sujet, si bien que la Cour dispose de tous les renseignements nécessaires. Je ne vois pas bien quelles observations il pourrait soumettre qui ne soient pas redondantes et répétitives par rapport à celles que la Banque de Nouvelle-Écosse est appelée à présenter.

[12]           Pour ces motifs, la requête est rejetée.

[13]           On a demandé aux parties à la requête le montant qu’elles réclamaient à titre de dépens : l’avocat d’Andrew Pinto a répondu qu’il demandait 7 000 $, et le demandeur 5 000 $. Ces deux sommes m’apparaissent excessives. Même s’il agit pour son propre compte, le demandeur a le droit de recouvrer un montant raisonnable à titre de dépens, montant que je fixe en vertu de mon pouvoir discrétionnaire à 750 $, ce qui inclut les débours et taxes, et qui devra être payé sur‑le‑champ par Andrew Pinto.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la requête soit rejetée et que le demandeur ait droit au montant de 750 $ à titre de dépens, qui devra être payé sur-le-champ par Andrew Pinto.

« Russel W. Zinn »

Juge

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1722-14

 

INTITULÉ :

GARY CURTIS c BANQUE DE NOUVELLE-ÉCOSSE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 août 2015

 

ordonnance ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 17 août 2015

 

COMPARUTIONS :

Gary Curtis

 

LE demandeur

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Tim Gleason

 

POUR L’intervenant PROPOSÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

- Aucun -

demandeur SE REPRÉSENTANT LUI-MÊME

 

Dewart Gleason LLP

Avocats

Toronto (Ontario).

POUR L’intervenant PROPOSÉ

 

Hicks Morley Hamilton Stewart Storie LLP
Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA défenderesse

 

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