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Date : 20150729


Dossiers : IMM-2545-14

IMM-2546-14

Référence : 2015 CF 929

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 29 juillet 2015

En présence de monsieur le juge Russell

Dossier : IMM-2545-14

ENTRE :

EMMANUEL ONESON ANIMODI

KEMMERY MARIA ANIMODI

LETICIA BAMISHE ANIMODI

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

Dossier : IMM-2546-14

ET ENTRE :

EMMANUEL ONESON ANIMODI

KEMMERY MARIA ANIMODI

LETICIA BAMISHE ANIMODI

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   INTRODUCTION

[1]               La Cour est saisie de deux demandes de contrôle judiciaire présentées en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi]. Les deux décisions sont datées du 17 février 2014 et ont été rendues par la même agente principale [l’agente]. Dans le dossier IMM-2545-14, l’agente a rejeté la demande d’examen des risques avant le renvoi [la décision d’ERAR] des demandeurs. Dans le dossier IMM‑2546‑14, elle a rejeté la demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire que les demandeurs avaient présentée alors qu’ils se trouvaient au Canada [la décision CH]. En raison des similitudes entre les dossiers IMM‑2545‑14 et IMM‑2546‑14 en ce qui concerne la trame factuelle, les décisions et les arguments juridiques, un même exposé des motifs sera produit et déposé dans chacun d’eux.

II.                LES FAITS À L’ORIGINE DES LITIGES

[2]               Citoyens de l’Angola, les demandeurs sont le mari [le demandeur principal] et la femme [la demanderesse adulte] ainsi que leur fille âgée de vingt-deux ans [la demanderesse mineure]. Les demandeurs ont également deux enfants mineurs qui sont citoyens canadiens.

[3]               Les demandeurs sont arrivés au Canada en 1997 afin de demander l’asile. Ils craignent d’être persécutés aux mains du gouvernement et de groupes de rebelles. Les demanderesses craignent également de subir des préjudices en raison de leur sexe.

[4]               Le demandeur principal soutient qu’il a été enlevé, détenu et condamné à mort parce que l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola [UNITA] le considérait comme un partisan du gouvernement. Pendant que l’UNITA le transportait à l’endroit où, selon le demandeur principal, elle devait le tuer, l’armée a forcé le véhicule à s’immobiliser et a arrêté les membres de l’UNITA. Le demandeur principal a été transporté par avion vers un hôpital afin de faire soigner les blessures qu’il avait subies pendant sa détention. Les demandeurs sont arrivés au Canada après que le demandeur principal eut quitté l’hôpital.

[5]               La demande d’asile des demandeurs a été rejetée en février 1998. Les demandeurs ont été jugés non crédibles. La Section du statut de réfugié [SSR] a souligné que, même si elle avait reconnu que le demandeur principal était exposé à un risque de préjudice aux mains de l’UNITA, il n’y avait aucune raison pour laquelle la famille ne pourrait vivre dans les régions de l’Angola contrôlées par le gouvernement, d’autant plus que l’armée était intervenue pour sauver la vie du demandeur principal et l’avait fait soigner. Les demandeurs se sont vus refuser l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision.

[6]               Au soutien de leur demande d’ERAR et de leur demande CH, les demandeurs font valoir qu’ils sont exposés à de nouveaux risques. Le demandeur principal affirme qu’il a été inscrit sur la [traduction] « liste des personnes recherchées » du Mouvement populaire de libération de l’Angola [MPLA]. À son avis, le MPLA croit qu’il a divulgué des renseignements secrets du gouvernement à ses ravisseurs de l’UNITA. Les demandeurs ajoutent que les demanderesses ont été torturées et agressées sexuellement par des membres de l’UNITA. Les demandeurs se sont fait dire de ne pas retourner en Angola.

III.             DÉCISIONS FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

A.                Décision d’ERAR

[7]               Pour évaluer le risque des demandeurs, l’agente a d’abord examiné la preuve documentaire et a constaté que les demandeurs n’étaient nommés dans aucun des articles sur la situation générale en Angola et que les risques auxquels ils seraient exposés à leur retour là-bas n’y étaient pas mentionnés. Les articles portaient sur les risques auxquels sont exposées des personnes dont la situation est différente de la leur. L’agente a souligné qu’il n’était pas suffisant pour un demandeur d’invoquer des éléments de preuve généraux sur la situation dans le pays sans les lier à sa situation personnelle.

[8]               L’agente a examiné une note dans laquelle un médecin mentionnait que la demanderesse adulte avait des cicatrices au dos qui, selon celle-ci, découlaient d’une vieille blessure qu’elle avait subie en Angola. L’agente a souligné que le médecin n’avait pas mentionné dans la note en question depuis combien de temps il connaissait la demanderesse adulte, depuis combien de temps les cicatrices semblaient être là ou comment il croyait que les blessures avaient été infligées. De l’avis de l’agente, la note ne pouvait appuyer l’allégation selon laquelle les demanderesses avaient été torturées par l’UNITA.

[9]               L’agente a également examiné une photocopie traduite d’un document du ministère de la Justice qui indiquait que le gouvernement avait inscrit le nom du demandeur principal sur une « liste noire » parce qu’il avait divulgué des renseignements à l’UNITA pendant sa détention en 1996. Il était également mentionné dans ce document que le demandeur principal devait être arrêté dès son arrivée en Angola pour être interrogé. L’agente a souligné que les demandeurs n’avaient pas expliqué pourquoi le document original n’avait pas été présenté. Elle a ajouté que, même si le document était signé, le nom de l’auteur n’était pas indiqué. Le demandeur principal n’a pas précisé comment ou de qui il avait obtenu le document. Dans ses observations, l’avocat des demandeurs a qualifié ce document de mandat d’arrestation; cependant, il n’est pas mentionné dans ce même document que le demandeur principal devait être arrêté. L’agente a souligné que le document ne semblait pas être un document officiel, parce qu’il ne comportait aucun détail, par exemple, quant aux raisons pour lesquelles le gouvernement croyait que le demandeur principal avait divulgué des renseignements à l’UNITA; de plus, il comportait des déclarations qui ne pouvaient être vérifiées et des expressions comme « liste noire »; enfin, il est difficile de savoir qui était le destinataire du document.

[10]           Les demandeurs ont également présenté une photocopie d’une déclaration selon laquelle le demandeur principal avait été inscrit sur une liste noire par le gouvernement en 2004 relativement à la divulgation de renseignements en 1996. Le déposant ne précisait pas comment il avait été mis au courant de ce fait ni ne mentionnait les renseignements qui avaient été divulgués. De plus, il n’y a aucun renseignement concernant la façon dont le déposant a fait la connaissance du demandeur principal. L’agente a conclu que le « mandat » et la déclaration étaient imprécis et n’étaient pas appuyés par la preuve documentaire.

[11]           De plus, les demandeurs ont présenté une copie traduite d’un article nécrologique concernant le père du demandeur principal. Ce document n’appuie pas la moindre allégation de risque.

[12]           L’agente a également examiné une copie traduite d’un registre d’église qui remonte à mai 1988 et sur lequel le nom du demandeur principal figure à titre de pasteur principal. De l’avis de l’agente, ce document permettait de dire que le demandeur principal était un pasteur en Angola; cependant, il n’appuyait aucun des risques invoqués.

[13]           L’agente a conclu que la preuve documentaire n’établissait pas que les demandeurs seraient exposés à un risque en Angola. Les affirmations selon lesquelles les demandeurs subiront des préjudices à leur retour en Angola relèvent de la conjecture. De l’avis de l’agente, il n’était pas raisonnable de penser que les demandeurs intéresseraient encore le gouvernement de l’Angola ou les membres de l’UNITA dix-sept ans après avoir quitté ce pays. De plus, les demandeurs n’ont présenté aucun élément de preuve documentaire objectif permettant d’infirmer les conclusions de la SSR.

[14]           Par ailleurs, l’agente a examiné la question de la protection de l’État et n’a pu conclure à l’existence d’un risque que la SSR n’avait pas déjà examiné. L’Angola est une démocratie dotée d’un appareil judiciaire et d’un service de police opérationnels.

[15]           L’agente a conclu qu’il y avait moins qu’une simple possibilité que les demandeurs soient exposés à un risque à leur retour en Angola.

B.                 Décision CH

[16]           L’agente a souligné que l’examen de la demande CH des demandeurs couvrirait les facteurs suivants : la discrimination ou les conditions défavorables en Angola qui touchent directement les demandeurs; l’établissement des demandeurs au Canada, y compris la question de savoir si la rupture des liens personnels et familiaux constituerait un préjudice, et l’intérêt supérieur des enfants [ISE].

[17]           L’agente a souligné que les demandeurs n’avaient présenté aucune observation au sujet des difficultés auxquelles ils pourraient être confrontés en Angola en raison des conditions défavorables là-bas. En conséquence, elle a examiné leurs observations relatives à leur demande d’ERAR. Elle a conclu que la preuve documentaire était générale et ne comportait aucune description des expériences vécues par des personnes se trouvant dans une situation semblable à celle des demandeurs. L’agente est arrivée aux mêmes conclusions, à l’aide de la même analyse, au sujet du « mandat », de l’affidavit, de l’article nécrologique, de la note du médecin et du registre d’église. Elle a conclu que la preuve n’appuyait pas l’allégation selon laquelle les demandeurs seraient exposés à des difficultés en raison des conditions défavorables en Angola.

[18]           En ce qui concerne l’établissement au Canada, l’agente a souligné que tant le demandeur principal que la demanderesse adulte avaient fait leurs études en Angola et avaient tous les deux suivi des cours liés à leur emploi au Canada. L’agente a examiné les antécédents de travail des demandeurs, en plus de leurs activités liées à deux organismes de bienfaisance et à une entreprise qu’ils exploitent. Le demandeur principal a été accusé d’agression sexuelle en 2011, mais le résultat de l’accusation n’a pas été mentionné. La demanderesse adulte a été déclarée coupable de fraude de plus de 5 000 $ en 1997. L’agente a estimé que le rendement scolaire, la bonne moralité de la demanderesse mineure et son apport à la collectivité constituaient des facteurs favorables. La demanderesse mineure a présenté de nombreux certificats de reconnaissance attestant son rendement scolaire et sa participation à la collectivité. Elle a été acceptée au collège, mais la preuve ne permet pas de dire si elle a fréquenté ce collège ou non. Elle a étudié un an à l’université.

[19]           Les demandeurs n’ont aucune famille au Canada, mais nouent et entretiennent des relations amicales dans la collectivité. Ils ont présenté des lettres de soutien de membres de la collectivité, mais aucun renseignement n’a été fourni quant à la façon dont leur départ causerait des difficultés. Aucun élément de preuve n’a été présenté non plus au sujet de l’établissement des deux enfants canadiens. Étant donné que les enfants sont des citoyens canadiens, l’agente a souligné que la question de savoir s’ils quitteront le pays sera une décision familiale.

[20]           L’agente a fait remarquer que, de façon générale, les observations concernant les enfants mineurs étaient minimales. Elle a reconnu que les enfants avaient un bon rendement scolaire et elle a présumé qu’ils participaient à des activités parascolaires et avaient des amis parmi leurs camarades de classe. Cependant, les demandeurs ont simplement soutenu que les enfants seraient confrontés à des difficultés en raison des conditions défavorables en Angola. Selon l’agente, même s’il est possible que les enfants aient de meilleures perspectives au Canada, rien ne donnait à penser qu’il ne serait pas dans leur intérêt supérieur de retourner en Angola avec leurs parents. L’agente a précisé qu’il n’y avait aucun élément de preuve montrant que les enfants n’auraient pas la possibilité de poursuivre des études et qu’ils ne bénéficieraient pas de l’amour et du soutien de leurs parents en Angola.

[21]           L’agente a affirmé qu’il n’y avait aucun obstacle au retour de la famille en Angola. Les demandeurs ont des membres de leur famille qui résident toujours en Angola et qui peuvent les aider à se réinstaller. L’agente a conclu que les demandeurs n’avaient pas démontré que leur renvoi en Angola donnerait lieu à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives.

IV.             QUESTIONS EN LITIGE

[22]           Les demandeurs soulèvent une multitude de questions à trancher dans leurs observations. À mon avis, les questions en litige peuvent être résumées de la façon suivante :

A.                Décision d’ERAR

1.      Les conclusions tirées par l’agente au sujet de la crédibilité sont-elles raisonnables?

2.      Le traitement de la preuve effectué par l’agente était-il raisonnable?

3.      La décision est-elle raisonnable?

    1. L’analyse menée par l’agente au sujet de la protection de l’État est-elle raisonnable?
    2. L’agente a-t-elle commis une erreur en ne se demandant pas si les demandeurs avaient établi qu’ils étaient exposés à un risque, malgré les conclusions qu’elle avait tirées au sujet de la crédibilité?

4.      L’agente a-t-elle manqué à l’équité procédurale en ne divulguant pas le fruit de ses recherches extrinsèques?

B.                 Décision CH  

  1. Le traitement de la preuve effectué par l’agente était-il raisonnable?

2.      La décision était-elle suffisamment motivée?

  1. La décision était-elle raisonnable?
    1. L’évaluation de l’ISE effectuée par l’agente était-elle adéquate?

4.      L’agente a-t-elle manqué à l’équité procédurale en ne divulguant pas le fruit de ses recherches extrinsèques?

V.                NORME DE CONTRÔLE

[23]           Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], la Cour suprême du Canada a indiqué qu’il n’était pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse relative à la norme de contrôle. Ainsi, lorsque la norme de contrôle qui s’applique à la question particulière dont la cour est saisie a été établie de façon satisfaisante par la jurisprudence, il est loisible à la cour chargée du contrôle de l’adopter. Ce n’est que lorsque cette démarche se révèle infructueuse ou que la jurisprudence semble devenue incompatible avec l’évolution récente du droit en matière de contrôle judiciaire que la cour chargée du contrôle doit entreprendre l’examen des quatre facteurs constituant l’analyse relative à la norme de contrôle (Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 48).

[24]           Aucune des parties n’a formulé d’observations au sujet de la norme de contrôle. Les questions d’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, au paragraphe 79; Exeter c Canada (Procureur général), 2014 CAF 251, au paragraphe 31). Les conclusions de l’agente au sujet de la crédibilité et la façon dont elle a traité la preuve sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Aguebor c Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1993), 160 NR 315 (CAF); Singh c Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1994), 169 NR 107 (CAF); Malveda c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 447, au paragraphe 19). L’application de la loi par l’agente à la situation particulière du demandeur est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable tant dans le cas d’une demande d’ERAR (Jainul Shaikh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1318, au paragraphe 16; Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 11, au paragraphe 20) que dans le cas d’une demande CH (Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 113, au paragraphe 37). La question de savoir si la décision est suffisamment motivée est évaluée dans le cadre de l’examen de la raisonnabilité (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, aux paragraphes 14 à 16).

[25]           Dans le cadre du contrôle d’une décision selon la norme de la raisonnabilité, l’analyse s’intéresse « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (voir l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et la décision Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59 [Khosa]). Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que si la décision est déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

VI.             DISPOSITIONS LÉGALES

[26]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent en l’espèce :

Séjour pour motif d’ordre humanitaire à la demande de l’étranger

Humanitarian and compassionate considerations — request of foreign national

25. (1) Sous réserve du paragraphe (1.2), le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui demande le statut de résident permanent et qui soit est interdit de territoire — sauf si c’est en raison d’un cas visé aux articles 34, 35 ou 37 —, soit ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada — sauf s’il est interdit de territoire au titre des articles 34, 35 ou 37 — qui demande un visa de résident permanent, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

25. (1) Subject to subsection (1.2), the Minister must, on request of a foreign national in Canada who applies for permanent resident status and who is inadmissible — other than under section 34, 35 or 37 — or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada — other than a foreign national who is inadmissible under section 34, 35 or 37 — who applies for a permanent resident visa, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

[...]

[...]

Non-application de certains facteurs

Non-application of certain factors

(1.3) Le ministre, dans l’étude de la demande faite au titre du paragraphe (1) d’un étranger se trouvant au Canada, ne tient compte d’aucun des facteurs servant à établir la qualité de réfugié — au sens de la Convention — aux termes de l’article 96 ou de personne à protéger au titre du paragraphe 97(1); il tient compte, toutefois, des difficultés auxquelles l’étranger fait face.

(1.3) In examining the request of a foreign national in Canada, the Minister may not consider the factors that are taken into account in the determination of whether a person is a Convention refugee under section 96 or a person in need of protection under subsection 97(1) but must consider elements related to the hardships that affect the foreign national.

[...]

[...]

Séjour dans l’intérêt public

Public policy considerations

25.2 (1) Le ministre peut étudier le cas de l’étranger qui est interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi et lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, si l’étranger remplit toute condition fixée par le ministre et que celui-ci estime que l’intérêt public le justifie.

25.2 (1) The Minister may, in examining the circumstances concerning a foreign national who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, grant that person permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the foreign national complies with any conditions imposed by the Minister and the Minister is of the opinion that it is justified by public policy considerations.

[...]

[...]

Définition de « réfugié »

Convention refugee

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

Personne à protéger

Person in need of protection

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

Personne à protéger

Person in need of protection

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

[...]

[...]

Demande de protection

Application for protection

112. (1) La personne se trouvant au Canada et qui n’est pas visée au paragraphe 115(1) peut, conformément aux règlements, demander la protection au ministre si elle est visée par une mesure de renvoi ayant pris effet ou nommée au certificat visé au paragraphe 77(1).

112. (1) A person in Canada, other than a person referred to in subsection 115(1), may, in accordance with the regulations, apply to the Minister for protection if they are subject to a removal order that is in force or are named in a certificate described in subsection 77(1).

[...]

[...]

Examen de la demande

Consideration of application

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

[...]

[...]

c) s’agissant du demandeur non visé au paragraphe 112(3), sur la base des articles 96 à 98;

(c) in the case of an applicant not described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of sections 96 to 98;

VII.          ARGUMENTATION

A.                Décision d’ERAR

(1)               Les demandeurs

[27]           Les demandeurs soutiennent que l’agente a commis une erreur dans sa manière de traiter la preuve. Ainsi, elle a commis une erreur en mettant l’accent sur les renseignements qui ne figuraient pas dans la note du médecin plutôt que sur le contenu de celle-ci (Mahmud c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 167 FTR 309; Bagri c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (1999), 168 FTR 283). Elle a également commis une erreur en conjecturant sur ce qu’auraient dû contenir les documents (Kaur c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 873; Ukleina c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1292 [Ukleina]). Une preuve ne peut être rejetée simplement parce qu’elle est intéressée (B.C. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 826).

[28]           L’agente a également commis une erreur en rejetant le mandat. Les agents ne possèdent pas d’expertise en matière de documents étrangers (Ramalingam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF n° 10 (QL) (1re inst.)). Le fait de rejeter des documents étrangers sans que leur invalidité ait été établie constitue une erreur (Halili c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 999; Rasheed c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 587; Rojas c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 849). Avant de rejeter le document, l’agente aurait dû demander à la Gendarmerie royale du Canada [GRC] d’en vérifier l’authenticité.

[29]           De plus, l’agente a omis d’examiner les éléments de preuve qui allaient à l’encontre de ses conclusions concernant la protection de l’État (Simpson c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 970). L’agente a le droit de préférer certains éléments de preuve, mais elle doit expliquer sa préférence par des motifs clairs et explicites (Karayel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1305; Castro c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1165, au paragraphe 34; Okyere-Akosah c Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1992), 157 NR 387 (CA)). L’agente n’a mentionné qu’une seule source, qui non seulement n’a jamais été divulguée aux demandeurs, mais également dont la date de publication est postérieure à celle de la décision qu’elle a rendue (Ali c Ministre de l’Emploi et de la Citoyenneté (1994), 80 FTR 115).

[30]           Les demandeurs font également valoir que l’analyse de la protection de l’État était erronée. L’agente a commis une erreur en se fondant sur la conclusion générale que l’Angola est une démocratie (Kadenko c Canada (Solliciteur général) (1996), 143 DLR (4th) 532 (CAF); Katwaru c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 612 [Katwaru]; Diaz De Leon c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1307). Les demandeurs affirment que l’Angola n’est pas vraiment une démocratie ou un État fonctionnel. L’agente devait également analyser l’efficacité de la protection de l’État offerte en Angola (Elcock c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 175 FTR 116, au paragraphe 15; Vigueras Avila c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 359). L’agente n’a pas non plus tenu compte de la situation personnelle des demandeurs (Cejudo Lopez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1341; Tufino c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1690). Elle a également ignoré le fait que l’une des sources de persécution est le gouvernement angolais (Chaves c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 193, au paragraphe 15; Gallo Farias c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1035).

[31]           Qui plus est, l’agente a commis une erreur en concluant à l’existence de failles microscopiques touchant la crédibilité des demandeurs. Elle a commis une erreur en mettant l’accent sur la conclusion défavorable au sujet de la crédibilité et ne s’est pas demandé si les demandeurs étaient exposés à un risque malgré sa conclusion concernant la crédibilité (Attakora c Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1989), 99 NR 168 (CAF); Alexandre‑Dubois c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 189).

(2)               Le défendeur

[32]           Le défendeur soutient que les arguments des demandeurs constituent, dans l’ensemble, de vagues mentions d’erreurs sans que les éléments des décisions qui sont touchés par les erreurs en question soient précisés. Ainsi, les demandeurs n’ont pas précisé la partie dans laquelle l’agente a conjecturé sur ce qu’aurait dû contenir la note du médecin, dans laquelle la bonne foi de la note en question a été mise en doute ou encore dans laquelle l’agente a rejeté ce document au motif qu’il était intéressé. L’agente a raisonnablement conclu que la note du médecin ne corroborait pas l’allégation de torture de la demanderesse adulte. L’affirmation d’un médecin quant à l’existence d’une cicatrice ne constitue pas une preuve de l’origine de celle-ci ou des circonstances s’y rapportant (Sanaj c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 744, au paragraphe 17).

[33]           De plus, il n’est pas nécessaire que l’agente possède une expertise pour relever les limitations et irrégularités du mandat. Selon la jurisprudence, il suffit qu’un agent ait des motifs valables de mettre en doute des documents officiels. L’agente a donné un certain nombre d’explications raisonnables au soutien de son refus de considérer la lettre comme un document faisant foi de son contenu. Les agents ne sont nullement tenus de faire parvenir des lettres du gouvernement à la GRC pour que celle-ci en évalue l’authenticité (Culinescu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1997), 136 FTR 241; Mohanarajan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF n° 1846 (QL), au paragraphe 32 (1re inst.)).

[34]           Il était raisonnable de la part de l’agente de ne pas mentionner tous les articles qu’elle avait examinés, parce qu’ils ne sont pas liés à l’allégation des demandeurs selon laquelle le demandeur principal sera ciblé parce que le gouvernement le soupçonne d’avoir révélé des secrets. Le fait qu’un article soit postérieur à la décision d’ERAR n’est pas pertinent, eu égard à la faible importance de cet article.

[35]           Enfin, l’agente n’a pas rejeté la demande des demandeurs en raison d’une évaluation de la crédibilité, mais plutôt parce que les demandeurs n’avaient présenté aucun élément de preuve pour étayer leur allégation de risque. Il était raisonnable de la part de l’agente de se fonder sur la décision de la SSR. L’agente n’a pas fait abstraction du profil spécial ou de la preuve personnalisée des demandeurs. L’agente n’a pas tenu compte de l’allégation des demandeurs selon laquelle le gouvernement angolais persécuterait le demandeur principal, parce qu’elle a rejeté cette allégation. De plus, les demandeurs n’ont présenté aucun élément de preuve établissant que l’agente avait commis une erreur en concluant que l’Angola était un pays démocratique.

(3)               Réponse des demandeurs

[36]           En réponse, les demandeurs réitèrent leurs observations précédentes. Ils font valoir que leur demande a été rejetée sur la foi d’une décision relative à leur crédibilité, parce que l’agente n’a pas reconnu l’authenticité du mandat d’arrestation ou le bien‑fondé de la note du médecin.

(4)               Observations complémentaires du défendeur

[37]           Le défendeur affirme que la décision d’ERAR ne comporte aucune conclusion manifeste ou voilée au sujet de la crédibilité (voir Liban c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1252, au paragraphe 13; Haji c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 889, au paragraphe 14). L’agente a exposé clairement les raisons pour lesquelles elle a rejeté la preuve documentaire; elle n’a pas rejeté cette preuve en raison des problèmes de crédibilité du demandeur principal devant la SSR. Il n’appartient pas à la Cour de réévaluer la preuve (Saadatkhani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 614, au paragraphe 5).

B.                 Décision CH

(1)               Les demandeurs

[38]           Les demandeurs reprochent à l’agente de s’être montrée excessivement sévère et très critique en concluant que leur demande comportait des failles (décision Katwaru, précitée; Southam Inc c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1987] 3 CF 329 (1re inst.)). Elle s’est livrée à des conjectures inappropriées qui n’étaient pas fondées sur la preuve (décision Ukleina, précitée; Alvarado De Alvarez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1287, au paragraphe 53).

[39]           L’agente a manqué à l’équité procédurale en omettant de divulguer le fruit de ses recherches extrinsèques et de donner aux demandeurs l’occasion d’y répondre (Kahin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1064; Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817; Yassine c Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1994), 172 NR 308 (CAF)).

[40]           La décision CH n’était pas adéquatement motivée (Javed c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1458; Adu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 565, aux paragraphes 13 et 14; Joseph c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 993, au paragraphe 29). Bien qu’elle ait énoncé en détail les éléments de preuve favorables au sujet de l’établissement des demandeurs sur une période de dix-sept ans au Canada, l’agente n’explique pas pourquoi elle n’est pas convaincue que le renvoi donnerait lieu à des difficultés. L’agente n’a pas tenu compte de la situation personnelle des demandeurs (Mohacsi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 429). Elle n’a pas évalué les difficultés auxquelles les demandeurs se heurteront en tentant de se réinstaller en Angola après une absence de plus de dix-sept ans.

[41]           Qui plus est, l’agente a mené une analyse inadéquate de l’ISE (Arulraj c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 529, au paragraphe 16; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Hawthorne, 2002 CAF 475). Elle a intégré erronément dans son analyse une condition d’effet préjudiciable. De plus, elle n’a pas examiné l’ISE du point de vue des enfants (Alie c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 925; Sylvester c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 17).

(2)               Le défendeur

[42]           Le défendeur soutient que les demandeurs n’ont pas réussi à démontrer en quoi la décision CH est déraisonnable. La possibilité pour les demandeurs de présenter une liste de facteurs qui auraient pu mener à une décision favorable n’est pas pertinente; la question est de savoir si la décision est raisonnable (arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

[43]           L’agente n’a pas commis d’erreur en ne divulguant pas les preuves indépendantes concernant la situation du pays, parce que ces éléments de preuve n’avaient pas eu d’incidence sur l’issue de l’affaire (Mancia c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 3 CF 461 (CA) [Mancia]). La demande CH a été refusée parce que les demandeurs n’avaient pas présenté suffisamment d’éléments de preuve au sujet des difficultés auxquelles ils seraient confrontés, et non en raison des renseignements sur lesquels l’agente s’est fondée dans le cadre de sa propre recherche sur la situation du pays.

[44]           Les demandeurs n’ont pas réussi à démontrer en quoi les motifs de la décision sont inadéquats (arrêt Dunsmuir, précité). De plus, ils n’ont pas relevé les éléments de preuve personnalisés que l’agente avait omis de prendre en compte.

[45]           Dans le même ordre d’idées, les demandeurs n’ont mentionné aucune décision susceptible d’appuyer leur argument selon lequel l’agente a appliqué le mauvais critère lors de l’évaluation de l’ISE.

(3)               Réponse des demandeurs

[46]           En réponse, les demandeurs soutiennent qu’il est évident que l’agente a tenu compte de preuves extrinsèques, parce qu’elle les a mentionnées dans sa liste des sources citées.

(4)               Observations complémentaires du défendeur

[47]           Dans des observations complémentaires, le défendeur fait valoir qu’il appert de l’affidavit de l’agente que la recherche indépendante qu’elle a menée n’a pas eu d’incidence sur l’issue de la présente affaire et qu’il n’était pas nécessaire qu’elle en divulgue les résultats.

VIII.       ANALYSE

A.                Décision d’ERAR – IMM-2545-14

[48]           Les demandeurs ont contesté vigoureusement la décision d’ERAR et soulevé de nombreux motifs de contrôle. Cependant, une bonne partie des arguments des demandeurs n’atteignent pas la cible, parce qu’ils ne portent pas sur le véritable fondement de la décision. De plus, ils constituent dans bien des cas de simples assertions non étayées qui décrivent la décision de manière inexacte. Les demandeurs soulèvent également des principes et citent une jurisprudence abondante qui n’est tout simplement pas pertinente quant à la présente affaire. Les demandes ont été rejetées pour la simple raison que les demandeurs n’ont pas présenté suffisamment d’éléments de preuve au soutien des risques prospectifs qu’ils affirmaient craindre.

[49]           L’agente a conclu que les demandeurs n’avaient pas présenté suffisamment d’éléments de preuve au soutien des risques auxquels ils seraient exposés s’ils retournaient en Angola, de sorte qu’ils n’ont pas prouvé qu’ils avaient la qualité de réfugiés au sens de la Convention ou celle de personnes à protéger.

[50]           Les demandeurs ont allégué qu’ils étaient exposés au risque d’être persécutés ou de subir des préjudices en Angola en raison de leurs opinions politiques et de leur appartenance à un groupe social. Plus précisément, ils ont affirmé que les membres de l’UNITA considéraient le demandeur principal comme un partisan du gouvernement de l’Angola, mais qu’il avait également été inscrit sur une liste des personnes recherchées par le gouvernement de ce même pays, lequel croit que, pendant la période au cours de laquelle le demandeur principal a été enlevé et emprisonné illégalement par l’UNITA, il avait divulgué à celle-ci des renseignements gouvernementaux secrets. Les demandeurs ont donc soutenu qu’ils risquaient d’être persécutés et de subir des préjudices tant aux mains des forces du gouvernement que des forces des rebelles s’ils retournaient en Angola.

[51]           De plus, les demanderesses ont fait valoir qu’elles risquaient d’être persécutées et de subir d’autres préjudices en raison de leur sexe. Elles ont affirmé avoir été victimes d’agressions sexuelles et d’actes de torture aux mains de membres de l’UNITA dans le passé.

[52]           La SSR avait conclu précédemment que le demandeur principal n’avait pas établi qu’il risquait d’être persécuté ou de subir d’autres préjudices aux mains des forces du gouvernement (dossier certifié du tribunal [DCT], aux pages 10 et 11):

[traduction]

Les principales questions soulevées par les présentes demandes étaient la crédibilité et le bien-fondé de la crainte de persécution. S’agissant de la crédibilité, le demandeur d’asile a donné un compte rendu de son voyage au Canada qui était manifestement invraisemblable à un point tel que le tribunal n’a eu d’autre choix que de croire que le demandeur d’asile l’entraînait sur une fausse piste.

Bien que la preuve documentaire soit claire au sujet de la longue guerre civile qui a déchiré l’Angola et des violations des droits de la personne qui ont été commises régulièrement de part et d’autre, il n’y avait aucune raison de croire que, malgré les craintes subjectives qu’il disait ressentir, le demandeur d’asile serait persécuté par le gouvernement s’il retournait en Angola. De son propre aveu, il n’avait pas d’opinions politiques susceptibles d’éveiller des soupçons, étant donné qu’il a affirmé être « neutre en ce qui a trait à la lutte entre l’UNITA et les forces du gouvernement ». Même s’il a apparemment souffert aux mains des forces de l’UNITA en raison des opinions favorables au gouvernement qui lui ont été attribuées, il n’avait jamais été ciblé personnellement par celui‑ci, malgré le fait qu’il redoutait la violence générale qui caractérisait la guerre civile en Angola.

Même si le tribunal acceptait le compte rendu donné par le demandeur d’asile au sujet de la torture et de l’emprisonnement que lui ont fait subir les forces de l’UNITA, il ne semble pas y avoir de raisons valables pour le demandeur d’asile de craindre d’être persécuté dans les régions de l’Angola contrôlées par le gouvernement, notamment dans la capitale, Luanda, où il a vécu de nombreuses années avec sa famille.

En fait, loin de le cibler, le gouvernement lui a plutôt sauvé la vie lorsqu’il est intervenu après que le demandeur d’asile eut été enlevé par les forces de l’UNITA. Le demandeur d’asile a été transporté à Luanda dans un hélicoptère de l’armée; il a été soigné sans frais dans un hôpital militaire du gouvernement et a été autorisé à se déplacer librement après avoir quitté l’hôpital. En conséquence, le tribunal conclut qu’il n’y a aucune possibilité sérieuse que le demandeur d’asile soit persécuté à Luanda ou dans d’autres régions de l’Angola contrôlées par le gouvernement.

[53]           Pour étayer leurs nouvelles allégations de risque, les demandeurs ont présenté des documents tant généraux que particuliers que l’agente a examinés.

[54]           L’agente a examiné les documents généraux sur la situation en Angola, mais a conclu que ni les demandeurs, ni les risques auxquels ceux-ci soutenaient être exposés n’y étaient mentionnés. La situation relative aux droits de la personne en Angola est peut-être problématique, mais cela ne signifie pas que l’UNITA ou les forces gouvernementales représentent un risque pour les demandeurs ou que les demanderesses sont exposées à un risque en raison de leur sexe. L’agente a conclu que les documents généraux sur la situation en Angola décrivaient [traduction] « des événements et conditions précis auxquels faisaient face des personnes se trouvant dans une situation différente de celle des demandeurs ». Les demandeurs n’ont relevé aucun élément tendant à indiquer que cette conclusion n’était pas raisonnable. La conclusion n’a rien à voir avec la crédibilité des demandeurs, dont les craintes subjectives n’ont pas été mises en doute. Les documents généraux ne permettent tout simplement pas de dire que les craintes subjectives des demandeurs sont bien fondées.

[55]           Les demandeurs ne sont plus en Angola depuis 1997 et la SSR a conclu qu’ils n’étaient pas exposés à un risque, de sorte qu’ils devaient présenter des éléments de preuve montrant que la situation avait changé et qu’ils étaient désormais exposés à un risque. Certains des documents qu’ils ont présentés – l’article nécrologique concernant le père du demandeur principal et le registre d’église de 1988 – n’appuyaient pas l’existence d’un risque prospectif ni ne donnaient à penser qu’un événement pertinent serait survenu dans le passé.

[56]           L’agente s’est attardée à la lettre de deux lignes que le DAkeem Anifowoshe a rédigée au sujet de la demanderesse adulte et a fait les observations suivantes concernant cette lettre (DCT, à la page 11) :

[traduction] La preuve comporte notamment une lettre de deux lignes datée du 20 juillet 2011 et rédigée par le DAkeem Anifowoshe, dans laquelle celui‑ci affirme avoir examiné la demanderesse adulte le 20 juillet 2011 : « Kemmery Animodi a été examinée aujourd’hui et plusieurs cicatrices au dos ont été observées. Ces cicatrices découlent d’une vieille blessure causée lors d’un incident qui est survenu lorsqu’elle vivait en Angola ». Dans cette lettre, le DAkeem Anifowoshe ne précise pas depuis combien de temps il est le médecin de la demanderesse adulte, ni depuis combien de temps les cicatrices semblent être là ou comment il croit qu’elles auraient été infligées à la demanderesse adulte. Bien que ce fait ne soit pas mentionné, il est raisonnable de présumer que cette lettre a été fournie au soutien de l’allégation selon laquelle la demanderesse adulte a été « torturée » par des membres de l’UNITA lorsqu’elle se trouvait en Angola. Je ne crois pas que cette lettre permette d’affirmer que la demanderesse adulte ou sa fille a été torturée par l’UNITA. Le médecin ne mentionne pas que les cicatrices découlent d’actes de torture commis par l’UNITA. De plus, la lettre du médecin n’est corroborée par aucun autre élément de preuve.

[57]           Il est difficile de voir en quoi cette lettre comporte un élément de preuve établissant un risque auquel la demanderesse adulte ou la demanderesse mineure serait exposée à l’avenir. Si ces cicatrices concernent un événement qui est survenu avant la décision de la SSR, elles auraient dû être portées à l’attention de celle-ci. Cependant, cette lettre selon laquelle les cicatrices découlent [traduction] « d’un incident qui est survenu lorsqu’elle vivait en Angola » ne constitue pas, quelque dix-sept ans plus tard, un document établissant l’existence d’un risque prospectif. Même si la demanderesse adulte a été torturée dans le passé, cela ne signifie pas qu’elle-même et la demanderesse mineure risqueront d’être torturées ou agressées sexuellement si elles retournent en Angola aujourd’hui. Cette conclusion ne soulève aucune question de crédibilité. Ainsi que l’agente l’a conclu, la preuve est tout simplement insuffisante pour appuyer l’existence d’un risque prospectif.

[58]           Il ne restait donc que le document photocopié et la déclaration de M. Capitao que l’agente a décrits et commentés en ces termes (DCT, à la page 12) :

[traduction] Les demandeurs ont fourni une photocopie traduite d’un document intitulé « Section des crimes de droit commun du ministère de la Justice de la République d’Angola ». Le document est daté du 3 août 2011. Il y est mentionné qu’Emmanuel Oneson Animodi a été enlevé et torturé par l’UNITA en 1996 et qu’il a ensuite communiqué des renseignements aux membres de celle-ci. Toujours selon ce même document, « après la fin de la guerre, le gouvernement a inscrit son nom sur une liste noire en raison des renseignements qu’il avait divulgués à l’UNITA. Une recherche menée dans Google en 2004 montre son site Web [...] ». Le document se termine par une directive selon laquelle le pasteur Emmanuel « devrait être arrêté dès son arrivée en Angola afin d’être interrogé par le gouvernement relativement aux renseignements qu’il aurait divulgués à l’UNITA pendant la guerre civile ». J’ai lu ce document. Je souligne qu’il s’agit d’une photocopie et que l’original n’a pas été fourni, sans que l’on sache pourquoi. Le document est signé; cependant, le nom de l’auteur n’apparaît pas sous la signature. Le document ne semble pas être un document officiel émanant du ministère de la Justice, parce qu’il ne comporte aucun détail au sujet des raisons pour lesquelles le ministère croit que le demandeur principal a fourni des renseignements à l’UNITA. De plus, le document, qui serait un document officiel, comporte des affirmations catégoriques qui ne peuvent être vérifiées et des expressions comme « inscrit sur une liste noire ». Qui plus est, il n’y aucun renseignement au sujet du ou des destinataires du document. Le demandeur principal n’explique pas comment et de qui il a reçu le document. Le conseil du demandeur soutient qu’il s’agit d’un mandat d’arrestation visant le demandeur principal; cependant, il n’est pas mentionné dans le document que le demandeur principal devrait être arrêté. Il y est plutôt écrit que le demandeur principal devrait être interrogé. Il convient de souligner que ce document est accompagné d’une photocopie traduite d’une déclaration datée du 9 août 2011 et rédigée par Kinanga Nvunca Capitao. M. Capitao mentionne qu’il « déclare » que le demandeur principal « figurait parmi les personnes que le gouvernement du MPLA a inscrites sur une liste noire en 2004 relativement à la divulgation de certains renseignements communiqués par le gouvernement de l’UNITA pendant la guerre civile au cours de laquelle le demandeur principal a été gravement torturé, puis emprisonné en 1996. Selon la rumeur répandue, il a été inscrit sur une liste noire à titre de personne recherchée après la guerre en 2004 ». J’ai lu la déclaration. M. Capitao ne précise pas comment il a été mis au courant des renseignements qu’il relate dans le document. Il ne fournit aucun détail au sujet des renseignements que le demandeur principal a divulgués pendant sa détention, ni sur la façon dont il a appris que le demandeur principal avait divulgué des renseignements à l’UNITA. Il ne précise pas la nature de sa relation avec le demandeur principal, ni la façon dont il a été avisé personnellement ou a appris que le demandeur principal avait été inscrit sur une liste noire par le gouvernement. Je suis d’avis que ces documents sont peu précis et ne sont pas appuyés par des éléments de preuve corroborants et objectifs ».

[59]           Ce document est le seul élément de preuve que les demandeurs ont produit au sujet de l’existence d’un risque auquel ils seraient exposés à l’avenir. Il vise manifestement à étayer la proposition selon laquelle, à son retour en Angola, le demandeur principal sera arrêté et torturé ou tué par le gouvernement angolais. L’agente invoque différentes raisons pour conclure que le document est insuffisant pour établir l’existence du risque allégué :

a)      la lettre originale n’a pas été présentée en preuve;

b)      aucune explication n’a été fournie au sujet des raisons pour lesquelles seule une photocopie a été présentée à l’agente;

c)      il était impossible de déterminer l’identité de l’auteur de la lettre, car aucun nom ne figurait au bas de celle-ci et la signature était illisible;

d)     la lettre ne semblait pas être officielle, car aucune raison n’a été invoquée au sujet du fait que le demandeur principal serait soupçonné et que des expressions familières, comme « inscrit sur une liste noire », ont été employées;

e)      la lettre n’était adressée à aucune personne ou destinataire précis;

f)       le demandeur principal n’a pas expliqué comment ou de qui il avait obtenu la lettre;

g)      il est simplement mentionné dans la lettre que le demandeur principal était recherché pour être interrogé, et non pour être arrêté, comme l’ont soutenu les demandeurs.

[60]           Il faut se rappeler que, devant la SSR, le demandeur principal n’a pas réussi à établir qu’il avait été enlevé par des rebelles de l’UNITA; en conséquence, en plus d’établir l’existence d’un risque futur, cette lettre devait être suffisante pour réfuter les conclusions défavorables de la SSR à ce sujet. Bien entendu, il est possible de ne pas accepter les motifs et les conclusions de l’agente au sujet de ce document, mais je ne crois pas qu’il y ait lieu de dire que ces motifs et ces conclusions ne sont pas intelligibles, transparents ou justifiables ou qu’ils n’appartiennent pas aux issues acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[61]           Même si le document est accepté sans réserve, il y est simplement mentionné que le demandeur principal est recherché pour être interrogé. Il ne comporte pas le moindre renseignement au sujet des risques auxquels les demanderesses seraient exposées, ou encore au sujet des risques auxquels le demandeur principal ferait face dans le cadre de l’interrogatoire. Je ne vois aucun problème non plus dans les raisons que l’agente a invoquées pour mettre en doute la déclaration de M. Capitao. Dans l’ensemble, le document n’est pas suffisant en soi pour établir l’existence d’un risque prospectif. L’avocat des demandeurs a fait valoir devant moi que le document prouvait que le demandeur principal serait arrêté à son retour et torturé, mais je suis d’avis que l’agente a agi de façon raisonnable en rejetant cette allégation et en examinant les documents généraux sur la situation en Angola pour savoir si le demandeur principal avait le profil d’une personne exposée à un risque. L’agente a conclu raisonnablement que les documents généraux ne portaient pas sur les risques invoqués par les demandeurs, de sorte qu’ils n’établissaient pas que les craintes suggestives que ceux-ci disaient ressentir étaient bien fondées.

[62]           À mon avis, le « mandat » et la déclaration ne comportent pas le moindre élément de preuve établissant l’existence d’un risque. Selon le texte du mandat, le nom du demandeur principal a été « inscrit sur une liste noire » et le demandeur [traduction] « devrait être arrêté immédiatement à son arrivée en Angola pour être interrogé davantage par le gouvernement au sujet de la divulgation de renseignements à l’UNITA pendant la guerre civile ». Rien n’indique les conséquences pouvant découler du fait d’être « inscrit sur une liste noire » ou le type de renseignements que le demandeur principal aurait fournis à l’UNITA. La SSR a souligné que celui-ci ne s’intéressait nullement à la politique : [traduction] « De son propre aveu, il n’avait pas d’opinions politiques susceptibles d’éveiller les soupçons, étant donné qu’il a affirmé être “neutre” en ce qui a trait à la lutte entre l’UNITA et les forces du gouvernement ». Je ne sais pas très bien quel genre de renseignements gouvernementaux pourrait avoir une personne qui n’a même pas d’opinions politiques et ne s’intéresse nullement à la politique.

[63]           Le « mandat » et la déclaration sont également incompatibles avec le fait que le demandeur principal a dit à la SSR que [traduction] « le gouvernement lui a plutôt sauvé la vie lorsqu’il est intervenu après que le demandeur eut été enlevé par les forces de l’UNITA. Le demandeur a été transporté à Luanda dans un hélicoptère de l’armée; il a été soigné sans frais dans un hôpital militaire du gouvernement et a été autorisé à se déplacer librement après avoir quitté l’hôpital ». On n’a pas expliqué pourquoi le gouvernement aurait inscrit le nom du demandeur principal sur une liste noire environ sept ans plus tard ou pourquoi, environ sept ans après cette inscription, le gouvernement décernerait un « mandat » et y mentionnerait que le demandeur principal doit être interrogé.

[64]           L’agente s’est demandé si le « mandat » était un document officiel en raison des termes qui y sont employés, du fait que l’identité de son auteur n’était pas claire et qu’il ne semblait pas avoir de destinataire précis. Les demandeurs n’ont présenté aucune observation au sujet du mandat et de la déclaration. Ils ont déposé ces documents environ un mois après leurs observations initiales en soulignant qu’ils constituaient [traduction] « des éléments de preuve supplémentaires à examiner et à prendre en compte ». Je ne crois pas qu’il était déraisonnable de la part de l’agente de ne pas faire connaître ses préoccupations aux demandeurs, parce qu’elle a dit que, même si l’authenticité du « mandat » était reconnue, ce document ne portait pas sur le risque. Les demandeurs font valoir que l’agente ne peut évaluer la validité de documents étrangers, mais je ne crois pas que l’agente a effectivement conclu que les documents en question ne constituaient pas des documents étrangers valides; elle souligne simplement quelques-unes des failles ou irrégularités du document. Les demandeurs ajoutent que l’agente aurait dû envoyer le « mandat » à la GRC à des fins d’authentification, mais on peut se demander comment la GRC pourrait authentifier une photocopie.

[65]           De plus, la déclaration ne constitue dans l’ensemble qu’une simple répétition des renseignements contenus dans le « mandat ». Je ne vois pas en quoi l’affidavit pourrait faire preuve de son contenu, étant donné qu’il ne nous éclaire pas sur la façon dont le déposant a été mis au courant des renseignements qu’il fournit ou sur la façon dont il a obtenu une photocopie du « mandat ».

[66]           À mon avis, il était raisonnable de la part de l’agente de conclure que le mandat et la déclaration n’établissaient pas l’existence de risques futurs.

[67]           L’agente a donc conclu, après avoir examiné la preuve présentée par les demandeurs, que les demandes de ceux-ci n’étaient pas bien fondées parce que la preuve était insuffisante (DCT, à la page 13) :

[traduction] Je conclus que la preuve portée à mon attention ne réfute pas les conclusions de la SSR, que la Cour fédérale du Canada a finalement confirmées. Je conclus que la preuve dont je dispose ne permet pas de dire que le gouvernement de l’Angola, l’UNITA ou d’autres personnes veulent causer aux demandeurs des préjudices liés aux risques invoqués ou pour d’autres raisons en Angola.

[68]           L’agente formule ensuite une conclusion subsidiaire au sujet du caractère suffisant de la protection de l’État. Comme le soulignent les demandeurs, cette conclusion ne serait pas pertinente si le gouvernement angolais avait l’intention de les persécuter; cependant, l’analyse relative à la protection de l’État porte uniquement sur la situation générale en Angola. Les demandeurs ne peuvent invoquer les problèmes que comporterait l’analyse de l’agente, parce que leur demande est rejetée au motif que leurs craintes ne sont pas fondées, étant donné qu’elles ne sont pas appuyées par la preuve présentée. Les demandeurs n’ont pas prouvé que, sur le plan objectif, ils étaient exposés à un risque.

[69]           Les demandeurs formulent deux objections au sujet de l’utilisation par l’agente du document du Département d’État des États-Unis daté du 27 février 2014 et intitulé Angola 2013 Human Rights Report [le rapport du Département d’État des États-Unis], lequel rapport était mentionné dans la décision d’ERAR. Premièrement, ils affirment que l’agente a commis une erreur en omettant de divulguer le rapport, parce que celui-ci constituait un élément de preuve extrinsèque. Deuxièmement, ils soutiennent que l’agente a commis une erreur en se fondant apparemment sur un document qui a été publié le 27 février 2014, alors qu’elle a rendu sa décision le 17 février 2014.

[70]           À mon avis, l’allégation des demandeurs selon laquelle le rapport du Département d’État des États-Unis constitue un élément de preuve extrinsèque qui devait être divulgué est sans fondement. L’agente est tenue de vérifier les renseignements les plus récents pour évaluer le risque des demandeurs (Jama c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 668, au paragraphe 18). Les demandeurs eux-mêmes invoquent des versions précédentes du rapport du Département d’État des États-Unis dans leurs observations. Ils ne peuvent reprocher à l’agente d’avoir retenu un rapport qui traite des risques en 2013 de préférence aux articles qu’ils ont présentés (et dont certains remontent à 2005). De plus, les demandeurs ne précisent pas les changements entre les rapports précédents et la version retenue par l’agente et qui feraient de l’utilisation de cette dernière version par celle-ci une mesure inéquitable sur le plan procédural. Qui plus est, les demandeurs ne précisent pas les renseignements qu’ils ont été empêchés de présenter à l’agente en réponse à la dernière version du rapport du Département d’État des États‑Unis.

[71]           Le problème des dates soulève sans doute la question de savoir comment l’agente a pu invoquer un document qui a apparemment été publié après la date à laquelle elle a rendu sa décision. Cependant, il n’est pas certain, selon moi, que la date correspond effectivement à la date de publication du rapport du Département d’État des États-Unis. La date ne figure pas sur le rapport lui-même. Elle apparaît simplement dans le site Web à partir duquel il est possible de consulter le rapport. De plus, il existe apparemment un processus dans le cadre duquel le secrétaire d’État présente ou dépose tous les rapports nationaux de l’année au Congrès. Cette présentation a eu lieu le 27 février 2014. Bien que le 27 février 2014 soit la date à laquelle le rapport a été officiellement déposé, cela ne signifie pas qu’il n’était pas disponible plus tôt sur le site Web.

[72]           Les demandeurs n’invoquent aucune décision donnant à penser qu’il s’agit là d’une erreur susceptible de contrôle. Selon le défendeur, le fait que le rapport soit apparemment postérieur à la décision [traduction] « n’est pas pertinent en soi, eu égard à la faible importance de ce document ». Je suis enclin à partager son avis. Comme je l’ai mentionné plus haut, la demande d’ERAR des demandeurs a été rejetée parce que ceux-ci n’ont pas présenté une preuve suffisante au soutien des risques qu’ils ont invoqués. L’agente semble s’être fondée sur ce rapport dans son analyse relative à la protection de l’État. Cette analyse n’était pas nécessaire aux fins de sa décision.

[73]           Bien que la date soit étrange, je ne crois pas qu’elle soulève une question d’équité procédurale. L’agente est tenue d’examiner les documents nationaux les plus récents pour déterminer si les demandeurs sont exposés à un risque en Angola. Les demandeurs ne précisent pas les éléments du rapport de 2013 qui étaient différents (du contenu des versions précédentes du document) qui ont rendu inéquitable l’omission de l’agente de divulguer ce document.

B.                 Décision CH – IMM-2546-14

[74]           Dans leurs documents écrits, les demandeurs critiquent abondamment l’agente et l’avocat du défendeur. Ces commentaires ne sont ni utiles ni convaincants et jettent souvent de l’ombre sur les allégations que les demandeurs tentent d’établir.

[75]           Les demandeurs estiment manifestement qu’ils ont droit à une décision CH favorable et invoquent de nombreux facteurs qui, à leur avis, appuient ce résultat. Malheureusement, les demandeurs ne formulent guère plus que de simples assertions.

[76]           Il me semble qu’une décision favorable en l’espèce aurait été raisonnable, mais cela ne signifie pas en soi que la décision CH défavorable de l’agente était déraisonnable. L’agente est investie du pouvoir et de la responsabilité d’exercer une compétence discrétionnaire après avoir pris en compte les facteurs habituels ainsi que les particularités ou anomalies propres aux faits de la présente affaire. Pourvu que l’agente évalue raisonnablement chaque facteur d’une façon équitable sur le plan procédural et qu’elle en arrive à une conclusion transparente et intelligible, il n’appartient pas à la Cour de réévaluer et de soupeser à nouveau la preuve pour en arriver à une conclusion qui favorise les demandeurs (voir l’arrêt Khosa, précité, au paragraphe 59, et Delios c Canada (Procureur général), 2015 CAF 117, aux paragraphes 26 et 28). Il en est ainsi malgré le fait que la Cour aurait tiré une conclusion différente si les mêmes faits et les mêmes éléments de preuve avaient été portés à son attention.

[77]           Ainsi, dans leurs observations écrites, les demandeurs invoquent leurs propres raisons pour lesquelles il y a lieu d’affirmer qu’une décision favorable aurait été raisonnable (dossier des demandeurs, aux pages 347 et 348) :

[traduction]

5.         Nous faisons respectueusement valoir que l’agente disposait de suffisamment d’éléments de preuve importants sur lesquels elle aurait pu raisonnablement se fonder pour exercer son pouvoir discrétionnaire en faveur des demandeurs :

a. Décision antérieure « favorable », rendue voilà près de treize (13) ans, le 27 juillet 2007, au sujet d’une demande CH (approbation de principe);

b. Longue résidence continue de plus de dix-sept (17) ans au Canada, depuis le 19 janvier 1997;

c. Liens familiaux étroits avec leurs deux enfants mineurs nés au Canada;

d. « Intérêt supérieur des enfants » – dépendance;

e. Degré important d’établissement et d’intégration dans la collectivité au Canada;

f. Antécédents de liens d’emploi longs, stables, fructueux, rentables et continus avec le Canada;

g. Cheminement scolaire réussi au Canada;

h. Octroi de nombreux certificats, distinctions et diplômes aux demandeurs;

i.   Participation forte et continue au sein de la collectivité locale;

j.   Lettres d’appui solides provenant de différents membres de la collectivité locale;

k. Saine gestion financière;

l.   Degré important d’établissement au Canada, de sorte que le renvoi en Angola engendrerait des difficultés excessives, inhabituelles et injustifiées;

m. Problèmes médicaux de la demanderesse adulte (épilepsie);

n. Preuve satisfaisante du fait que les demandeurs subviennent à leurs propres besoins sans l’appui du public depuis de nombreuses années (depuis 1999).

6.         En conséquence, par suite des erreurs qu’elle a commises dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, l’agente est arrivée à une décision déraisonnable d’une façon allant à l’encontre de la loi.

7.         En effet, les conclusions qu’elle a tirées au sujet des facteurs d’ordre humanitaire qu’invoquent les demandeurs sont entachées d’inattention grave et de manque de sensibilité et comportent des inférences, conjectures et présomptions défavorables dures et déraisonnables qui n’étaient ni justifiées, transparentes ou intelligibles, ni fondées sur la preuve que l’agente devait soupeser, compte tenu des décisions pertinentes de la Cour fédérale. En conséquence, dans l’ensemble, l’analyse de l’agente laisse grandement à désirer, car les conclusions qu’elle a tirées étaient inacceptables, déraisonnables et non justifiées dans le cadre du processus décisionnel.

[Caractères gras et éléments soulignés dans l’original, renvois omis.]

[78]           La Cour n’a que faire de déclarations hyperboliques de cette nature ayant pour effet de dénoncer la décision. Les demandeurs ne précisent pas le ou les facteurs que l’agente a omis de prendre en compte. Ils présument tout simplement qu’ils avaient droit à une décision favorable. Il appert d’une lecture de la décision que l’agente est consciente des facteurs que les demandeurs ont invoqués, qu’elle mentionne explicitement la plupart d’entre eux et reconnaît que quelques‑uns jouent en faveur des demandeurs. Cependant, la question de savoir si les facteurs relatifs à l’établissement devraient être déterminants en l’espèce dépend de l’ensemble du contexte de la décision et, en fin de compte, de l’avis de l’agente au sujet de la possibilité que les demandeurs soient exposés à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives. Naturellement, les demandeurs sont convaincus que tel sera le cas, mais il en est ainsi de tous les demandeurs, faute de quoi ils ne présenteraient pas de demandes CH. Il appartient à l’agente de trancher la question. Il n’existe pas de droit à une décision favorable.

[79]           J’ai examiné en détail les nombreuses erreurs susceptibles de contrôle que les demandeurs ont relevées. Dans la plupart des cas, leurs assertions ne m’apparaissent pas défendables. En fin de compte, les demandeurs croient que leur cause est solide et sont en désaccord avec le résultat. Ainsi, ils soutiennent que l’agente a fixé une norme trop élevée. Cependant, une lecture de la décision montre que l’agente a appliqué la norme des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives à la preuve portée à son attention. Ce que les demandeurs semblent vouloir dire lorsqu’ils reprochent à l’agente d’avoir fixé une norme trop élevée, c’est qu’elle aurait dû décider que la preuve qu’ils avaient présentée respectait la norme exigée. En réalité, les demandeurs désapprouvent tout simplement le résultat final. Les demandeurs estiment également que les motifs de l’agente sont inadéquats. Pourtant, il appert d’une lecture de la décision que l’agente a examiné chaque facteur et les éléments de preuve disponibles et décidé que, malgré le fait que le retour des demandeurs en Angola occasionnerait sans doute des difficultés pour eux, il ne s’agirait pas de difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives. Les demandeurs reprochent à l’agente d’avoir été insensible à leur situation et affirment qu’elle aurait dû expliquer davantage pourquoi les difficultés auxquelles ils seraient exposés n’atteignaient pas le seuil des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives. Or, ces raisons sont bel et bien expliquées dans l’analyse et les motifs. Aux yeux de l’agente, les difficultés n’étaient pas inhabituelles et injustifiées ou excessives, pour les raisons suivantes :

a)      Les demandeurs n’ont pas présenté d’arguments ou d’éléments de preuve suffisants au sujet des difficultés auxquelles ils seraient confrontés en Angola, c’est-à-dire des difficultés découlant de conditions défavorables dans ce pays qui auraient une incidence directe sur eux;

b)      Les éléments de preuve présentés au sujet des liens et de l’établissement au Canada comportaient des aspects favorables; cependant, en fin de compte, ils n’étaient pas suffisants pour dire que les demandeurs se heurteraient à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives s’ils devaient se réinstaller en Angola;

c)      Aucun élément de preuve ne donnait à penser qu’il était impossible pour les demandeurs de retourner en Angola, même s’ils avaient quitté ce pays depuis de nombreuses années. L’agente a conclu que [traduction] « les demandeurs n’ont pas prouvé que leur rétablissement et leur réinstallation dans leur pays d’origine auront, pour eux ou pour d’autres personnes, des répercussions défavorables importantes qui constituent des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives »;

d)     Les demandeurs ont quitté l’Angola depuis de nombreuses années, mais ils y ont toujours de la famille;

e)      La preuve documentaire que les demandeurs ont présentée au sujet des enfants était « minimale » et ne couvrait guère plus que les [traduction] « conditions généralement défavorables en Angola ». Comme l’agente le souligne, les demandeurs doivent faire davantage qu’affirmer que les enfants seraient mieux au Canada. Cette situation est généralement présumée dans tous les cas. Toutefois, les observations et la preuve documentaire des demandeurs ne permettaient pas de dire que les enfants n’auraient pas la possibilité de poursuivre des études et ne bénéficieraient pas de l’amour et du soutien dont ils ont besoin pour atteindre de façon satisfaisante l’âge adulte en Angola. L’agente a conclu que la preuve des demandeurs et les documents généraux ne permettaient pas de dire que les enfants feraient face à des répercussions défavorables suffisamment importantes pour justifier une exemption.

[80]           À mon avis, les motifs que l’agente a donnés pour conclure à l’absence de difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives sont intelligibles et transparents et, même si j’estime qu’une issue favorable pour les demandeurs n’aurait pas été déraisonnable, je ne puis affirmer que les conclusions défavorables de l’agente n’appartiennent pas aux issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. En définitive, comme le montrent clairement les motifs, le résultat découle en bonne partie du caractère insuffisant de la preuve que les demandeurs ont présentée sur des aspects clés. Les demandeurs attaquent personnellement l’agente, mais ne formulent aucune observation au sujet des lacunes que comporte leur demande CH et dont ils sont responsables.

[81]           Les demandeurs soutiennent également que l’agente a manqué à l’équité procédurale en se fondant sur un élément de preuve documentaire extrinsèque obtenu par suite d’une recherche indépendante. Voici comment ils s’expriment dans leurs observations écrites (dossier des demandeurs, à la page 352) :

[traduction]

15. Il est allégué que, dans le cas des demandeurs, il n’est pas possible de connaître avec précision, à partir des motifs de l’agente, les éléments que celle-ci a examinés et pris en compte, par suite de sa « recherche indépendante » inconnue, parce que ces éléments n’ont pas été décrits ou mentionnés en détail. En conséquence, ainsi qu’il est mentionné dans la décision Kahin (précitée), il se pourrait que les renseignements découlant de cette « recherche indépendante » soient faux ou incomplets ou nécessitent une explication, ou même que l’agente les ait mal interprétés sans donner aux demandeurs une possibilité raisonnable de présenter une réponse significative à ses conclusions ou préoccupations.

16. Cependant, ce qui est encore plus important, c’est que ni les demandeurs ni la Cour ne peuvent être convaincus que le manquement de l’agente à la justice naturelle et à l’obligation d’agir équitablement ne pouvait pas avoir une incidence sur l’issue de la demande CH des demandeurs, en raison du caractère général et du manque de précision des motifs de l’agente. Eu égard à l’importance vitale que revêt la décision pour les demandeurs, en raison des effets qu’elle aura sur leurs vies et sur leur renvoi éventuel du Canada, l’agente/la décideure aurait dû s’efforcer davantage de leur donner l’occasion de répondre aux conclusions découlant de sa « recherche indépendante » inconnue, non divulguée et non précisée.

[Caractères gras et éléments soulignés dans l’original, renvois omis.]

[82]           Le défendeur affirme que la recherche indépendante menée par l’agente portait sur la situation en Angola et que l’agente n’en a nullement tenu compte pour évaluer les difficultés.

[83]           Les demandeurs rejettent la façon dont le défendeur qualifie la preuve en question et font valoir qu’il s’agit d’un élément de preuve extrinsèque inconnu et non précisé [traduction] « qui, apparemment, concernait explicitement les demandeurs ». Cependant, aucun élément de preuve n’est présenté au soutien de cette affirmation.

[84]           L’agente a elle-même maintenant clarifié la situation en donnant les explications suivantes dans un affidavit qu’elle a déposé à la Cour dans le cadre de la présente demande (affidavit de Lori Salvador souscrit le 12 mars 2015) :

[traduction]

4. J’ai écrit dans mes motifs de décision que j’avais examiné des documents obtenus au moyen d’une recherche indépendante. Je faisais ainsi allusion à ma pratique habituelle qui consiste à mener une recherche dans Google sur le sujet du pays dans lequel le préjudice allégué serait subi afin de savoir s’il existe des préoccupations documentées et évidentes en matière de sécurité ou des urgences (comme une guerre civile) qui constitueraient sans doute un obstacle au retour du demandeur et qui se sont manifestées ou sont survenues depuis le dépôt d’une demande CH.

5. Dans le cas des demandeurs, il était très important que je mène cette recherche, en raison du caractère ténu de leurs observations concernant les conditions défavorables en Angola ainsi que du peu de renseignements, personnalisés ou généralisés, figurant dans leur demande CH au sujet de la situation dans ce pays. J’ai commencé par souligner ce fait dans mes motifs lorsque j’ai écrit que « les demandeurs n’ont présenté aucune observation au sujet du préjudice auquel ils pourraient être exposés à leur retour en Angola en raison des conditions défavorables dans ce pays [...] ».

6. Il était également important pour moi de mener cette recherche en raison du fait que les demandeurs avaient mentionné vaguement les conditions défavorables en Angola dans leurs observations concernant l’intérêt supérieur de leurs enfants, sans étayer clairement cette allégation au moyen d’éléments de preuve documentaire précis à ce sujet. Je voulais m’assurer qu’aucun renseignement évident n’avait échappé aux demandeurs.

7. Ma recherche dans Google ne m’a pas permis d’obtenir le moindre renseignement concernant l’existence, à l’époque, d’un obstacle évident au retour des demandeurs en Angola. En conséquence, je n’ai pas tenu compte de la recherche dans ma décision CH. Je le sais maintenant parce que, si la recherche m’avait incitée à m’interroger sur la sécurité liée au retour des demandeurs en Angola, j’aurais consigné ma préoccupation dans mes motifs ou même rendu une décision CH favorable, comme je le fais habituellement.

8. Je souhaite donc confirmer que mes conclusions concernant le préjudice en Angola reposaient uniquement sur les observations des demandeurs. Ainsi, lorsque j’ai conclu, dans la partie de mes motifs intitulée « Conditions défavorables dans le pays [...] » que « la preuve dont je dispose ne permet pas [...] », je faisais allusion à la preuve des demandeurs ainsi qu’à ma recherche dans Google, qui n’a donné aucun résultat. De plus, lorsque j’ai conclu, dans la section concernant l’ISE, que « la preuve documentaire portée à mon attention ne permet pas [...] », je renvoyais à la preuve documentaire des demandeurs et à ma recherche dans Google, qui n’a donné aucun résultat.

[85]           À l’audience tenue devant moi, les demandeurs sont revenus sur leurs allégations écrites et ont expliqué qu’en réalité, ils reprochaient à l’agente de ne pas avoir divulgué la totalité du dossier sur lequel elle s’était fondée pour en arriver à la décision, notamment les renseignements qui découlaient de sa recherche dans Google et qui appuyaient ses conclusions. À mon avis, l’affidavit de l’agente constitue une explication du dossier fournie conformément à l’arrêt Northwestern Utilities Ltd c Edmonton, [1979] 1 RCS 684, aux pages 709 et 710, et a été rendu nécessaire par l’accusation injustifiée des demandeurs selon laquelle l’agente avait examiné un élément de preuve extrinsèque [traduction] « qui, apparemment, concernait explicitement les demandeurs » (mémoire en réponse des demandeurs, au paragraphe 8). Comme le montre clairement l’affidavit, la recherche menée dans Google n’a pas permis d’obtenir le moindre renseignement qui aurait pu compléter les maigres documents fournis par les demandeurs. En d’autres termes, une recherche ne constitue pas en soi un élément de preuve extrinsèque. La recherche aurait pu produire des éléments de preuve extrinsèques si elle avait permis d’obtenir des renseignements que l’agente aurait utilisés pour tirer sa conclusion. Lorsque l’agente affirme qu’elle s’est fondée sur la recherche qu’elle a menée dans Google, elle nous dit que la recherche n’a rien donné. C’était une recherche qui visait à obtenir des éléments de preuve et qui n’a donné lieu à aucun élément de preuve, extrinsèque ou non, ayant une incidence directe sur l’issue de l’affaire. Voir l’arrêt Mancia, précité, au paragraphe 22, dans lequel la Cour d’appel fédérale a jugé que le demandeur ne doit être informé d’un élément de preuve qui n’était pas disponible lorsqu’il a déposé ses observations que lorsque la recherche de l’agent révèle une « information inédite et importante faisant état d’un changement survenu dans la situation générale d’un pays si ce changement risque d’avoir une incidence sur l’issue du dossier ». À mon avis, il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale en l’espèce.

[86]           La question de savoir si l’arrêt Mancia s’applique lorsque l’élément de preuve extrinsèque est une recherche qu’un agent a menée sur Internet et qu’il n’a pas divulguée a fait l’objet d’un débat à la Cour fédérale (voir, notamment, Zamora c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2004 CF 1414 [Zamora]).

[87]           Dans certaines décisions, la Cour a observé que, même si l’arrêt Mancia n’a peut-être pas conclu au caractère équitable lié à l’utilisation de recherches sur Internet non divulguées, le critère de l’information « inédite et importante » qu’a formulé la Cour d’appel fédérale continue de s’appliquer (voir Radji c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 835; voir également Lopez Arteaga c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 778) :

[24]      La Cour a déjà eu à trancher le problème lié à des documents consultés unilatéralement sur Internet par le décideur. La règle générale dégagée par la jurisprudence veut que lorsque les documents consultés contiennent des renseignements « inédits et importants » auxquels le demandeur ne pouvait pas raisonnablement s’attendre (ce qui est généralement le cas lorsque des documents sont extraits et choisis à partir de la mine d’information offerte sur Internet), l’équité exige que le demandeur ait la possibilité de contester leur utilité ou validité en formulant des observations additionnelles (voir Zamora c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1414, aux paragraphes 17 à 25; Radji c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 836, au paragraphe 25; Davis c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1223, aux paragraphes 24 à 26 et Gonzalez c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2013 CF 153).

[88]           Dans la décision Majdalani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 294, la Cour fédérale a conclu que, selon le principe qui se dégage de l’ensemble de la jurisprudence, les renseignements découlant de la recherche de l’agent doivent être divulgués s’ils sont importants « en ce sens qu’ils doivent avoir une incidence sur l’issue de la décision » (au paragraphe 37).

[89]           Même s’il est vrai que, lorsque l’arrêt Mancia a été rendu, l’Internet n’était pas la ressource qu’il est devenu aujourd’hui, cette décision demeure l’arrêt de principe sur l’obligation pour l’agent de divulguer une recherche extrinsèque. À mon avis, l’analyse menée dans la décision Zamora ne semble pas tenir compte du fait que, dans l’arrêt Mancia, la Cour d’appel fédérale n’a pas limité son analyse aux documents qui pouvaient être obtenus par l’entremise des centres de documentation de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Les documents en litige dans l’affaire Mancia étaient [traduction] « du domaine public et accessibles dans les bibliothèques publiques ou les Centres de documentation de la CISR » (au paragraphe 9). Les volumes accessibles sur l’Internet ne peuvent être comparés à ceux qui peuvent être obtenus dans les bibliothèques publiques, mais une recherche menée dans une bibliothèque publique en 1998 est assez semblable à une recherche sur Internet en 2014.

[90]           Étant donné l’affirmation de l’agente selon laquelle sa recherche ne lui a pas permis d’obtenir le moindre élément de preuve qui a eu ou aurait pu avoir une incidence sur sa décision, je ne crois pas qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale. Que l’on se fonde sur l’arrêt Mancia ou sur les décisions qui mettent en doute l’application de celle-ci aux recherches sur Internet, le critère demeure de savoir si la recherche de l’agente a donné lieu à une « information inédite et importante » qui aurait pu avoir une incidence sur l’issue de sa décision. L’agente affirme qu’il n’y en avait pas et qu’elle a fait la recherche uniquement en raison du caractère ténu des observations des demandeurs. Si les demandeurs croient qu’il existe sur Internet de l’information qui est « inédite et importante » et qui aurait pu avoir une incidence sur leur demande CH, il y a fort à parier qu’ils auraient fait la recherche eux-mêmes et présenté cette documentation.

[91]           Les demandeurs affirment également que l’analyse de l’ISE menée par l’agente était [traduction] « faible, insuffisante et inéquitable » et que l’agente a utilisé un critère inapproprié. Encore une fois, les demandeurs n’offrent cependant guère plus que des accusations hyperboliques d’[traduction] « insensibilité outrancière » et un raisonnement simpliste au soutien de leurs allégations.

[92]           L’analyse de l’ISE menée par l’agente respecte les directives formulées dans les décisions de la Cour fédérale. Il incombe aux demandeurs de présenter des éléments de preuve et des observations que l’agente peut examiner et évaluer. Dans la présente affaire, comme l’agente le souligne, [traduction] « les observations concernant les difficultés auxquelles les filles des demandeurs pourraient faire face en Angola sont minimales ».

[93]           Ainsi qu’elle a le droit de le faire, l’agente présume que les enfants seraient mieux au Canada qu’en Angola (voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Legault, 2002 CAF 125, au paragraphe 12). Cependant, le fait que le Canada est un meilleur endroit pour les enfants ne signifie pas que ce facteur l’emportera sur tous les autres (voir Kisana c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 189, au paragraphe 24). Compte tenu de la preuve minimale présentée par les demandeurs, l’agente devait examiner la preuve documentaire objective pour évaluer l’ISE. Elle a conclu que la preuve présentée ne permettait pas de dire qu’il serait impossible de répondre aux besoins des enfants en matière d’instruction et de soutien familial de façon à les conduire jusqu’à l’âge adulte en Angola. Si la conclusion avait été différente, il est probable que les besoins des enfants auraient pesé beaucoup plus lourd au final. Les choses étant ce qu’elles sont, et les demandeurs n’ayant pas établi qu’il était impossible de répondre aux besoins des enfants en Angola, l’agente conclut que [traduction« la preuve documentaire portée à mon attention ne permet pas de dire que le retour des demandeurs en Angola aura des répercussions sur l’intérêt supérieur des enfants au point de justifier une exemption » (DCT, à la page 14).

[94]           Les demandeurs n’ont présenté aucun élément de preuve qui réfute cette conclusion ou qui la rend déraisonnable. De plus, aucune des décisions que les demandeurs ont citées ne donne à penser que le raisonnement et l’analyse de l’agente à l’égard de l’ISE étaient inappropriés ou erronés.

[95]           Somme toute, je ne puis dire que les demandeurs ont soulevé une erreur susceptible de contrôle en ce qui a trait à cette décision.

IX.             Conclusions

[96]           Je ne puis conclure à l’existence d’une erreur susceptible de contrôle dans l’une ou l’autre des décisions.

[97]           Les avocats conviennent qu’il n’y a aucune question à certifier et la Cour partage leur avis.


JUGEMENT

LA COUR :

1.      REJETTE la demande dans le dossier IMM-2545-14;

2.      REJETTE la demande dans le dossier IMM-2546-14;

3.      DÉCLARE qu’il n’y a aucune question à certifier dans l’un ou l’autre des dossiers;

4.      ORDONNE qu’une copie du présent jugement soit versée dans chacun des dossiers.

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2545-14

 

INTITULÉ :

EMMANUEL ONESON ANIMODI, KEMMERY MARIA ANIMODI, LETICIA BAMISHE ANIMODI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

ET DOSSIER :

IMM-2546-14

 

INTITULÉ :

EMMANUEL ONESON ANIMODI, KEMMERY MARIA ANIMODI, LETICIA BAMISHE ANIMODI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 28 AVRIL 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RUSSELL

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 29 JUILLET 2015

 

COMPARUTIONS :

Yehuda Levinson

 

POUR LES demandeurs

 

Stephen Jarvis

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Levinson & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES demandeurs

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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