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Date : 20150915


Dossier : T ‑127‑15

Référence : 2015 CF 1080

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 15 septembre 2015

En présence de monsieur le juge Gleeson

ENTRE :

RONALD PHIPPS

demandeur

et

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Commission des droits de la personne du Canada [la Commission] a rejeté, en vertu de l’alinéa 44(3)b)(i) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC, c H‑6 [la LCDP], la plainte du demandeur contre la Société canadienne des postes [SCP]. La Commission a conclu que la preuve n’étayait pas les allégations de traitement discriminatoire et de harcèlement du demandeur au sens des articles 7 et 14 de la LCDP.

[2]               Pour les motifs suivants, la demande est rejetée.

I.                   Contexte

[3]               Le demandeur agit pour son propre compte et se décrit comme un Afro‑Canadien. Il a commencé à travailler comme facteur pour la défenderesse en décembre 2002. Le demandeur était membre du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes [STTP]. La SCP et le STTP sont parties à une convention collective qui prévoit la rémunération et les conditions de travail des employés syndiqués.

[4]               Le 8 novembre 2013, le demandeur a démissionné de la SCP. Vers le 28 novembre 2013, le demandeur a déposé une plainte auprès de la Commission alléguant une différence de traitement préjudiciable de la part du personnel de supervision et du harcèlement en milieu de travail, en comparant sa situation à celle des employés caucasiens et asiatiques de la SCP. Dans sa plainte, le demandeur indique qu’il fait l’objet d’un traitement discriminatoire depuis 2002, mais il mentionne principalement des actes discriminatoires qui auraient été commis entre février 2012 et novembre 2013. Il a fait état de sept actes discriminatoires dans sa plainte initiale et au cours de l’enquête :

1.      Un superviseur a formulé des commentaires calomnieux et diffamatoires lorsqu’il a demandé d’être rémunéré pour des heures supplémentaires le 30 avril 2013, mais les superviseurs de la SCP n’ont pas agi de la même façon avec les employés caucasiens et asiatiques qui ont réclamé des heures supplémentaires dans des circonstances similaires.

2.      Il a été convoqué à une rencontre disciplinaire le 19 avril 2013 pour la perte alléguée de courrier, alors que des employés asiatiques et caucasiens n’avaient pas fait l’objet d’intervention de la part de superviseurs dans des circonstances similaires.

3.      Le 28 mars 2013, son superviseur lui a demandé d’éviter de transporter du courrier à bicyclette, alors que ses collègues caucasiens avaient le droit d’utiliser leurs bicyclettes, leurs voitures personnelles ou des voiturettes de golf pour faciliter les tâches liées à la livraison du courrier.

4.      La SCP a omis de traiter les nombreux actes de vandalisme commis sur les voitures que le demandeur a stationnées sur le terrain de la SCT avant 2012. Après 2012, il affirme que cinq bicyclettes lui appartenant ont été vandalisées dans le stationnement de son lieu de travail.

5.      Il était tenu d’effectuer un nombre excessif d’heures de travail et il recevait une rémunération moindre que celle perçue par ses collègues caucasiens et asiatiques.

6.      Il soutient avoir donné sa démission le 8 novembre 2013 par suite d’une ruse d’un gestionnaire de la SCP qui lui a fait croire, lors d’une réunion le 7 octobre 2013, que la SCP lui accorderait une indemnité monétaire en échange de sa démission et du règlement des griefs en suspens.

7.      Il a fait l’objet d’insultes racistes en milieu de travail et, malgré le dépôt des plaintes auprès de la SCP et du STTP, aucune mesure n’a été prise.

[5]               La SCP a fourni au demandeur une lettre écrite en réponse à sa plainte. Le demandeur a subséquemment fourni à la Commission de nombreuses observations écrites entre mars et septembre 2014.

[6]               Le 21 mai 2014, l’enquêteure de la Commission a écrit au demandeur l’informant qu’elle examinerait la plainte du demandeur. Dans le cadre de l’enquête, l’enquêteure de la Commission a examiné les documents du demandeur et de la défenderesse, elle a mené une entrevue auprès du demandeur, elle a interrogé les personnes additionnelles suivantes : 1) Michael Mak, superviseur, SCP; 2) Kelly Edmunds, agente, Conformité aux droits de la personne et aux programmes législatifs; 3) John Jackson, superviseur du demandeur, SCP; 4) Joseph Mateus, gestionnaire, Opérations de levée et livraison; 4) Jeffrey Chaisson, facteur, SCP; et Learie Charles, agent des griefs, STTP.

[7]               Le 6 novembre 2014, l’enquêteure de la Commission a produit un rapport d’enquête dans lequel elle recommandait le rejet des plaintes du demandeur, aux termes de l’alinéa 44(3)b)(i) de la LCDP, car le demandeur a omis de fournir des éléments de preuve démontrant : 1) une différence de traitement préjudiciable en raison de son origine nationale ou ethnique, sa couleur ou son sexe; 2) la cessation de son emploi; ou 3) le harcèlement dont il a fait l’objet en milieu de travail en raison son origine nationale/ethnique, sa couleur ou son sexe.

[8]               La Commission a donné au demandeur l’occasion de fournir des observations sur le rapport d’enquête, ce qu’il a fait le 11 novembre 2014. Dans sa réponse, le demandeur indique que sa capacité à se défendre lui‑même a été entravée par de nombreux facteurs, notamment : 1) les employés de la SCT et du STTP qui ont transmis des commentaires à la Commission protégeaient leurs propres emplois et une culture de discrimination; 2) il a été obligé de défendre ses droits sans l’aide de vidéos ou d’enregistrements sonores, tout en tentant de protéger ses anciens collègues caucasiens et asiatiques qu’il considérait comme des amis; 3) l’enquêteure n’a pas examiné les registres de la SCT qui auraient prouvé que, en dépit des politiques écrites et de la convention collective, la direction avait souvent recours à une disposition de la convention collective qui vise à assurer la livraison de courrier dans des conditions difficiles, et qui démontre la partialité et l’utilisation de règles non écrites qui avantageaient principalement les employés caucasiens et asiatiques. Le demandeur s’est également dit préoccupé par le fait que l’enquêteure avait apparemment omis de communiquer avec les témoins potentiels qui figuraient sur la liste qu’il avait fournie. Le demandeur a également soulevé plusieurs nouvelles allégations de différence de traitement fondée sur la race ou le genre par les employés de la SCP et du STTP, et a indiqué que sa plainte n’avait pas été traitée de manière appropriée par les différents représentants de la Commission.

II.                Décision

[9]               Le 15 janvier 2015, la Commission a rejeté la plainte et a fermé le dossier, aux termes de l’alinéa 44(3)b)(i) de la LCDP, concluant que l’examen de la plainte n’était pas justifié. La lettre de décision de la Commission informe le demandeur qu’avant de rendre sa décision, la Commission a examiné le rapport d’enquête et la réponse fournie par le demandeur.

[10]           La lettre de décision ne fournit pas d’autres raisons à l’appui de la décision. Par conséquent, le rapport d’enquête constitue les motifs de décision (Boshra c Canada (Procureur général), 2011 CF 1128, au paragraphe 48, 398 FTR 60).

[11]           L’auteure du rapport d’enquête décrit la plainte et le processus d’enquête suivi pour le traitement de chacun des éléments de discrimination allégués fondés sur des motifs illicites. Dans chaque cas, la première étape de l’enquête consistait à examiner si l’allégation du demandeur était étayée par des éléments de preuve. À cette étape, on examinait chacune des allégations précises et on déterminait si des éléments de preuve étayaient les éléments constitutifs de la discrimination alléguée. À la deuxième étape, qui était entreprise uniquement s’il y avait des éléments de preuve qui étayaient l’allégation de discrimination fondée sur les motifs illicites, on examinait si les actes de la défenderesse pouvaient être raisonnablement expliqués.

[12]           Dans le rapport d’enquête, toutes les allégations du demandeur ont été reprises, les renseignements obtenus dans le cadre de l’enquête ont été examinés et une conclusion a été formulée pour chaque allégation.

A.                Différence de traitement préjudiciable

[13]           La Commission a examiné cinq actes particuliers qu’a soulevés le demandeur, et elle a conclu que le demandeur n’avait pas établi l’existence d’une différence de traitement préjudiciable en raison de sa race, sa couleur, sa nationalité ou son origine ethnique, ou son sexe.

[14]           Premièrement, la Commission a conclu que la preuve n’appuyait pas l’affirmation du demandeur portant que le superviseur de la SCP avait accusé le demandeur d’exiger [traduction« une double rémunération », après que ce dernier ait demandé d’être rémunéré pour ses heures supplémentaires consacrées au traitement du courrier sans adresse. La Commission a conclu que la convention collective entre la SCP et le STTP prévoyait un processus pour le traitement des demandes d’heures supplémentaires. Ce processus permettait au superviseur de déterminer la raison pour laquelle l’employé demandait des heures supplémentaires. Le superviseur a utilisé l’expression [traduction« double rémunération » pour qualifier la demande d’heures supplémentaires du demandeur, car il tentait de démontrer au demandeur que sa demande n’était pas appropriée, car il touchait déjà une prime pour les travaux liés à la préparation de circulaires sans adresse, conformément à la convention collective. La réclamation d’un salaire pour les heures supplémentaires travaillées donnerait lieu à la prestation d’une double rémunération à l’employé. Le demandeur n’a pas soumis d’éléments de preuve pour démontrer que la SCP n’avait pas utilisé, à son égard, le processus de manière cohérente ou que les facteurs caucasiens ou asiatiques étaient visés par un processus distinct.

[15]           Deuxièmement, les éléments de preuve n’étayaient pas la raison alléguée par le demandeur selon laquelle on lui a demandé de participer à une rencontre concernant le courrier perdu le 19 avril 2013. La Commission a plutôt conclu que la preuve démontrait que la SCP avait demandé au demandeur de participer à cette rencontre concernant la livraison de courrier à une mauvaise adresse sur son parcours. Le demandeur n’a pas participé à la réunion prévue, car tel était son droit aux termes de la convention collective. La Commission n’a trouvé aucune preuve démontrant que la SCP a pris des mesures disciplinaires à l’égard du demandeur pour la livraison du courrier à une mauvaise adresse ou son refus de participer à la rencontre. De plus, la Commission a conclu que le demandeur avait omis de fournir des éléments de preuve pour étayer son allégation selon laquelle la direction avait fait preuve de négligence dans les mesures à prendre à l’égard des violations de la convention collective commises par des employés caucasiens ou asiatiques qui n’étaient pas nommés.

[16]           Troisièmement, la preuve ne démontrait pas que la SCP avait empêché de manière discriminatoire le demandeur de livrer le courrier à l’aide de sa bicyclette le 28 mars 2013. Il y avait des éléments de preuve qui attestent que des facteurs avaient utilisé leurs bicyclettes avant mars 2013, mais pas après cette date. La Commission a conclu que les éléments de preuve établissaient que la SCP avait enjoint au demandeur d’éviter d’utiliser sa bicyclette en raison de préoccupations en matière de santé et sécurité. La Commission a aussi mentionné que la convention collective permet à un facteur de demander d’avoir recours à une voiturette de golf ou un véhicule similaire pour l’aider dans la livraison du courrier. La Commission n’a relevé aucun élément de preuve indiquant que le plaignant avait présenté une demande pour utiliser une voiturette de golf ou un véhicule, ou une demande pour vérifier si son parcours permettait l’utilisation d’un tel véhicule.

[17]           Quatrièmement, aucun élément de preuve n’étayait l’existence des incidents allégués de vandalisme à caractère raciste. La Commission a mentionné que le STTP et les Relations du travail de Poste Canada ont établi des processus applicables aux incidents de vandalisme, à condition que le plaignant présente des éléments de preuves. Toutefois, la Commission a conclu que le demandeur n’a jamais signalé les incidents de vandalisme au STTP ou à la SCP. La Commission a confirmé que le défaut de signaler les incidents allégués a écarté la possibilité de conclure que la défenderesse avait manqué à son obligation d’agir. La Commission souligne également que le demandeur n’a pas fourni d’éléments de preuve pour étayer les dommages allégués, comme des photos ou des déclarations.

[18]           Cinquièmement, la Commission a conclu qu’aucun élément de preuve n’appuyait l’allégation portant que la SCP avait refusé de rétribuer convenablement le demandeur pour les tâches qui étaient exécutées en dehors des heures normales de travail. Le demandeur n’a fourni aucune information concernant les avantages financiers supérieurs accordés à ses collègues asiatiques et caucasiens auxquels il soutenait n’avoir pas droit. La Commission a conclu que la preuve révélait l’existence d’un processus dans la convention collective pour répondre aux préoccupations d’un employé, s’il avait l’impression que son parcours avait mal été évalué. Le demandeur n’a pas utilisé ce recours. De plus, la Commission a conclu que, lorsque le demandeur a signalé les problèmes liés à sa rémunération auprès du représentant du STTP, le demandeur a refusé de fournir des renseignements précis. Le demandeur allègue également que l’employeur a procédé à des retenues salariales lorsqu’un assureur a refusé de verser une partie des prestations d’invalidité à court terme qu’il avait demandées. La Commission a conclu qu’il n’y avait rien d’inapproprié dans le recouvrement du trop payé par la SCP. Dans le rapport d’enquête, il est également mentionné que le demandeur estimait que l’assureur avait mis fin à son congé de maladie injustement, mais qu’il avait toutefois choisi de ne pas faire appel de la décision de l’assureur.

B.                 Cessation d’emploi

[19]           La Commission a jugé qu’il n’y avait pas de preuve pour étayer l’allégation du demandeur portant que la SCP a employé une ruse pour qu’il remette sa démission. La Commission a plutôt trouvé des preuves qui établissaient que le demandeur avait démissionné volontairement de son emploi pour recevoir la valeur de rachat de sa pension, ce qu’il n’aurait pas pu faire une fois qu’il aurait atteint l’âge de 50 ans. Il allait célébrer son cinquantième anniversaire sous peu. La Commission a également indiqué que le demandeur avait déclaré qu’il avait des problèmes financiers qui se sont intensifiés suivant le rejet de sa demande de prestations d’invalidité, ce qui l’a poussé à donner sa démission pour recevoir ses prestations de retraite.

C.                 La SCP a omis d’offrir un milieu de travail exempt de harcèlement

[20]           La Commission a également conclu que le demandeur n’avait présenté aucun document faisant état de l’incident où il avait fait l’objet d’insultes à caractère raciste sous la forme d’un message sur le mur d’un immeuble de son parcours. L’auteure du rapport d’enquête souligne que le demandeur ne se rappelait plus s’il avait signalé l’incident à la haute direction ou au STTP. La Commission a aussi constaté que l’incident ne semblait pas avoir été signalé. Par conséquent, la Commission n’a pu conclure que la SCP avait manqué à son devoir. Selon les éléments de preuve à sa disposition, la Commission a conclu que la SCP avait une politique claire en matière de discrimination et de harcèlement en milieu de travail qui décrit les responsabilités de la direction, du syndicat et des employés pour le traitement des problèmes de cette nature. Enfin, la Commission a conclu que la preuve au dossier ne permet pas d’établir que l’incident s’est produit.

III.             Thèses des parties

A.                Demandeur

[21]           Le demandeur soutient qu’on ne devrait pas faire preuve de retenue à l’égard de la décision de la Commission de rejeter sa plainte. Dans son mémoire des faits et du droit, le demandeur réitère les plaintes et ses allégations soumises dans sa plainte initiale, et il présente d’autres allégations de comportements discriminatoires d’employés à son égard. Dans sa plaidoirie, le demandeur indique que la Commission a tenté presque incessamment de renvoyer le demandeur à la SCP pour qu’elle traite ses allégations de comportements discriminatoires. Il indique que ses communications orales et écrites avec la Commission n’étaient pas interprétées de manière appropriée par les employés de la Commission, et que l’enquêteure de la Commission était agressive envers lui lors de ses communications par téléphone. Dans son dossier, le demandeur conteste la décision de la Commission pour les motifs suivants :

(1)               Équité procédurale

[22]           Le demandeur laisse entendre que la Commission a manqué à son obligation d’équité procédurale en limitant la longueur des observations qu’il pouvait présenter initialement pour faire sa plainte et pour répondre au rapport d’enquête de la Commission. Il soutient que ces limites ont nui considérablement à l’atteinte d’un résultat juste. Il soutient également, qu’en raison des problèmes de communication continus avec les employés de la Commission, il n’a eu d’autre choix que d’ajouter d’autres documents, courriels à la Commission et appels téléphoniques pour étayer ses arguments.

(2)               Le défaut d’interroger tous les témoins et d’examiner tous les documents

[23]           Le demandeur soutient également que la Commission a indûment omis d’interroger toutes les personnes qu’il a désignées comme témoins dans ses différentes communications avec la Commission, ainsi que d’examiner les dossiers et documents pertinents.

(3)               Conclusions déraisonnables

[24]           Le demandeur présente diverses allégations dans ses observations pour étayer l’argument portant que la décision de la Commission de rejeter sa plainte était déraisonnable. Ces allégations ne figurent pas toutes dans la plainte initiale et, dans de nombreux cas, il est difficile de les situer dans le temps par rapport aux autres événements qui figurent dans la plainte du demandeur. Voici les allégations :

1.      Les facteurs caucasiens avaient le droit de réclamer des heures supplémentaires, peu importe les protocoles en place, mais lui et un autre facteur à la peau foncée étaient obligés de respecter les protocoles de la SCP.

2.      Un superviseur de la SCP a fait des remarques racistes au sujet d’hommes de race noire, y compris le demandeur. Les observations du demandeur indiquent également que cette personne a été par la suite licenciée par la SCP en raison de son comportement inapproprié en milieu de travail à l’égard d’une employée afro‑canadienne.

3.      La direction de la SCP n’a pris aucune mesure contre l’employé de la SCP qui a proféré des insultes à caractères racistes devant des superviseurs caucasiens et asiatiques et des représentants du STTP, et qui a tenu des propos méprisants envers le demandeur. Le demandeur allègue également que cette personne lui a craché au visage au cours d’une dispute au sujet du retour d’un formulaire d’heures supplémentaires d’un autre employé et qu’aucune mesure n’a été prise.

4.      La direction de la SCP n’a pris aucune mesure en réponse à un incident où les vis du tabouret de son poste de travail ont été retirées, ce qui a fait en sorte que le tabouret est tombé et que le demandeur s’est blessé lorsqu’il a essayé de s’asseoir.

(4)               Réparations

[25]           Le demandeur sollicite une réparation sous la forme de dommages‑intérêts et ce qu’on décrit comme étant une réparation de la fonction publique qui apporte une solution au fait que les commissions, organismes et tribunaux administratifs municipaux n’ont pas le pouvoir d’examiner les plaintes déposées contre des organismes, ou des entreprises et organisations, syndiqués de compétence fédérale.

(5)               Autres documents écrits

[26]           Dès le début de sa plaidoirie, le demandeur a tenté de présenter un long document à la Cour qui reprenait sa plaidoirie. La défenderesse s’est opposée à la présentation du document et la Cour a rejeté cette demande. Le demandeur a présenté tout le contenu du document à la Cour dans sa plaidoirie.

B.                 Défenderesse

[27]           La défenderesse soutient que la décision de la Commission de rejeter la plainte en l’espèce soulève des questions mixtes de fait et de droit. La défenderesse soutient que selon la jurisprudence, la norme de la décision raisonnable s’applique à la décision de la Commission de rejeter une plainte en application du sous‑alinéa 44(3)b)(i) de la LCDP. La défenderesse affirme que la décision de la Commission en l’espèce devrait être examinée selon la norme de la décision raisonnable.

[28]           La défenderesse réalise une analyse point par point de la décision de la Commission. Elle affirme que chaque conclusion était étayée par des éléments de preuve et était raisonnable.

IV.             Questions en litige

[29]           Après l’examen du dossier du demandeur et avoir entendu ses observations, je formulerais ainsi les questions en litige soulevées en l’espèce :

1.      La Commission a‑t‑elle limité indûment la longueur des observations écrites du demandeur dans sa plainte initiale et dans sa réponse au rapport d’enquête?

2.      La Commission a‑t‑elle commis une erreur en omettant d’interroger tous les témoins désignés et d’examiner les documents auxquels renvoyait le demandeur?

3.      La décision de la Commission de rejeter la plainte de la demanderesse était‑elle raisonnable ?

V.                Analyse

A.                La norme de contrôle

[30]           L’argument du demandeur concernant le fait que la Commission a limité la longueur de ses observations écrites, ainsi que la décision de ne pas interroger tous les témoins proposés par le demandeur soulèvent la question de savoir si l’enquête réalisée par la Commission était rigoureuse et neutre, c’est‑à‑dire si le processus de la Commission respectait le principe d’équité procédurale (Slattery c Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1994] ACF no 181, aux paragraphes 49 et 69, 73 FTR 161 (CF 1re inst), conf. par [1996] ACF no 385, 205 NR 383 (CA)) [Slattery]). J’aborderai l’obligation d’équité procédurale plus tard dans les présents motifs. Les manquements allégués à l’obligation d’équité procédurale doivent être examinés selon la norme de la décision correcte (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, [2014] 1 RCS 502, au paragraphe 79; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 43).

[31]           La décision de rejeter la plainte du demandeur soulève des questions mixtes de fait et de droit, et comporte l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire. Cette question doit être examinée par la Cour suivant la norme de la décision raisonnable : (Lubaki c Banque de Montréal Groupe financier, 2014 CF 865, au paragraphe 37; Shaw c Gendarmerie royale canadienne, 2013 CF 711, 435 FTR 176, au paragraphe 24).

[32]           Dans mon examen de la décision de la Commission, je dois être conscient du fait que le législateur voulait accorder un vaste pouvoir discrétionnaire à la Commission dans l’exercice de ses fonctions. Comme l’a mentionné le juge Robert Décary dans le jugement Bell Canada c Syndicat Canadien des Communications, de l’Énergie et du Papier [1998] FCJ no 1609, 13 Admin LR (3rd) (C.A.) [Bell Canada], au paragraphe 38 :

[38]      La Loi confère à la Commission un degré remarquable de latitude dans l’exécution de sa fonction d’examen préalable au moment de la réception d’un rapport d’enquête. Les paragraphes 40(2) et 40(4), et les articles 41 et 44 regorgent d’expressions comme « à son avis », « devrait », « normalement ouverts », « pourrait avantageusement être instruite », « des circonstances », « estime indiquée dans les circonstances », qui ne laissent aucun doute quant à l’intention du législateur. Les motifs de renvoi à une autre autorité (paragraphe 44(2)), de renvoi au président du Comité du Tribunal des droits de la personne (alinéa 44(3)a)) ou, carrément, de rejet (alinéa 44(3)b)) comportent, à divers degrés, des questions de fait, de droit et d’opinion (voir Latif c. Commission canadienne des droits de la personne [1980] 1 C.F. 687, à la page 698 (C.A.F.), le juge Le Dain), mais on peut dire sans risque de se tromper qu’en règle générale, le législateur ne voulait pas que les cours interviennent à la légère dans les décisions prises par la Commission à cette étape.

[33]           Par conséquent, j’appliquerai la norme de la décision correcte pour répondre aux questions 1 et 2. La question 3 sera examinée selon la norme de la décision raisonnable, en raison du fait que le libellé utilisé au paragraphe 44 de la LCDP accorde un degré remarquable de latitude à la Commission dans le cadre de sa prise de décisions concernant le renvoi ou le rejet pur et simple de plaintes.

B.                 Rôle de la Commission

[34]           Avant d’examiner la décision de la Commission, il est utile de revoir le rôle et les fonctions de la Commission dans le cadre du processus de plainte prévu dans la LCDP.

[35]           La Commission est constituée en vertu du paragraphe 26 de la LCDP et est composée d’un président, d’un vice‑président et de trois à six autres commissaires. L’article 32 porte sur la nomination du personnel nécessaire à l’exécution des travaux de la Commission, conformément aux articles 12 et 13 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, LC 2003, c 22.

[36]           Les plaintes alléguant une pratique discriminatoire sont reçues par la Commission, et, sauf exceptions, la Commission peut prendre l’initiative de la plainte dans les cas où elle a des motifs raisonnables de croire qu’une personne a commis un acte discriminatoire au sens de la LCDP (article 40). Lorsqu’une plainte est déposée, la Commission peut charger une personne d’enquêter sur une plainte (alinéa 43(1)). L’enquêteur réalise une enquête et présente son rapport à la Commission (alinéa 44(1)).

[37]           À la réception du rapport, la Commission peut instruire la plainte de trois manières : 1) renvoyer la plainte à l’autorité externe compétente lorsque la Commission est convaincue que le plaignant devrait épuiser d’abord les recours internes ou les procédures d’appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts ou que la plainte pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, selon des procédures prévues par une autre loi fédérale; 2) renvoyer la plainte au Tribunal des droits de la personne du Canada en demandant au président du Tribunal, en application de l’article 49 de la LCDP, d’instruire une plainte, lorsque la Commission croit qu’un examen est justifié; 3) rejeter la plainte, lorsque la Commission est convaincue qu’un examen n’est pas justifié, après avoir tenu compte des circonstances relatives à la plainte.

[38]           Comme il est noté dans la décision Bell Canada, au paragraphe 35, la Commission a « des fonctions d’administration et d’examen préalable » (citant Cooper c. Canada (Commission des droits de la personne), [1996] 3 R.C.S. 854, au paragraphe 58 [Cooper]) et ne se prononce pas sur le bien‑fondé de la plainte. La fonction principale de la Commission est d’évaluer s’il y a suffisamment de preuve (Cooper, paragraphe 53).

C.                 La Commission a‑t‑elle limité de manière inappropriée la longueur des observations du demandeur?

[39]           Sur le formulaire de plainte du demandeur, la Commission indique que le texte décrivant les allégations du plaignant ne doit pas tenir sur plus de trois pages de format commercial, et indique quelle doit être la taille des marges et de la police (dossier du demandeur, à la page 28). Toutefois, dans le même formulaire, il est indiqué que d’autres documents peuvent être demandés si la plainte est acceptée. Le demandeur soutient que la Commission n’a imposé aucune limite à la défenderesse concernant sa réponse à la plainte. De même, le demandeur conteste la limite de 10 pages imposée pour ses observations en réponse au rapport d’enquête. Le dossier n’indique pas si une limite similaire a été imposée à la défenderesse. Dans les faits, la défenderesse n’a pas formulé de commentaires sur le rapport d’enquête.

[40]           Dans Lee c Bank of Nova Scotia, 2002 CFPI 753, 222 F.T.R. 223 (1re inst.), aux paragraphes 40, 42, 44 [Lee], la juge Carolyn Layden‑Stevenson a conclu qu’une limite de pages imposée n’est pas en soi contestable, mais que l’équité exige que ces limites soient appliquées de manière uniforme. Je suis du même avis.

[41]           En l’espèce, la longueur du texte de la plainte initiale a été limitée par la Commission alors que les observations de la défenderesse en réponse ne l’ont pas été. Dans le cadre de l’examen de cette question, il est nécessaire de reconnaitre l’objectif de la plainte initiale dans le processus de la Commission. La plainte est un document introductif d’instance qui permet à la Commission d’entreprendre une évaluation initiale afin de déterminer si la plainte sera acceptée. La décision finale concernant la plainte ne sera pas uniquement fondée sur ce document. On tient compte de cet élément dans le formulaire de plainte qui, je le répète, indique que d’autres documents sont recevables si la plainte est acceptée.

[42]           La Commission a sollicité des renseignements de la part de la SCP après qu’elle ait déterminé que la plainte serait acceptée et ferait l’objet d’une enquête. C’est dans ce contexte qu’on a demandé à la SCP de répondre à la plainte et de fournir des documents à l’appui de sa position. Le demandeur a également fourni d’autres observations et documents à de nombreuses reprises après qu’on ait accepté sa plainte. La Commission a également fourni au demandeur les coordonnées de l’enquêteure et l’a invité à communiquer avec elle. Je suis convaincu que le demandeur et la défenderesse ont été traités de manière uniforme pour la soumission de renseignements devant la Commission dans le cadre du processus d’enquête.

[43]           De même, rien ne laisse croire qu’il y a eu un traitement inéquitable ou non uniforme en ce qui concerne la directive de la Commission portant que le nombre de documents pris en compte en réponse au rapport d’enquête serait limité. Comme il a été mentionné ci‑dessus, restreindre la longueur des documents n’est pas en soi contestable. Cette restriction vise à tenir compte de l’intérêt de la Commission à « à préserver un système qui fonctionne et qui soit efficace sur le plan administratif » (Syndicat canadien des employés de la fonction publique (division du transport aérien) c Air Canada, 2013 CF 184, Admin LR (5th) [Air Canada], au paragraphe 67).

[44]           Contrairement aux faits dans le jugement Lee, il ne s’agit pas d’un cas où la Commission a imposé des conditions à une partie et non à l’autre. Comme il a été noté ci‑dessus, il n’est pas précisé dans le dossier si la SCP avait reçu une directive similaire concernant les limites relatives à la longueur des commentaires soumis en réponse au rapport, mais la question est théorique, car la SCP n’a pas présenté d’observations à ce sujet. Par conséquent, je conclus que la Commission n’a pas commis d’erreur ou de manquement à l’équité procédurale lorsqu’elle a décidé de limiter la longueur du texte de la plainte initiale du demandeur ou de sa réponse au rapport d’enquête.

D.                Le défaut d’interroger tous les témoins et d’examiner tous les documents

[45]           Lorsqu’elle détermine la nature et la portée de son examen, la Commission est tenue d’enquêter sur les plaintes de manière équitable. Le juge Marc Nadon, dans la décision Slattery, a déterminé que le contenu de son obligation d’équité procédurale pour ce type d’enquête doit satisfaire « à deux conditions : la neutralité et la rigueur » (Slattery, au paragraphe 49). Toutefois, bien que la capacité de la Commission à respecter l’obligation d’équité procédurale soit assujettie à la norme de la décision correcte, dans la décision Air Canada ma collègue la juge Anne Mactavish met l’accent, dans son analyse du jugement Slattery et d’autres jugements, sur le fait que les tribunaux devraient faire preuve de déférence lorsqu’ils contrôlent la décision d’un enquêteur de poursuivre ou d’arrêter l’enquête :

[65]      En ce qui concerne l’obligation d’exhaustivité, la Cour fédérale a fait observer dans la décision Slattery qu’« [i]l faut faire montre de retenue judiciaire à l’égard des organismes décisionnels administratifs qui doivent évaluer la valeur probante de la preuve et décider de poursuivre ou non les enquêtes ». Par conséquent, « [c]e n’est que lorsque des omissions déraisonnables se sont produites, par exemple lorsqu’un enquêteur n’a pas examiné une preuve manifestement importante, qu’un contrôle judiciaire s’impose » (au paragraphe 56).

[66]      Au sujet de ce qui constitue une « preuve manifestement importante », la Cour a déclaré que « “le critère [de la preuve] manifestement importante” exige qu’il soit évident pour n’importe quelle personne rationnelle que la preuve qui, selon le demandeur, aurait dû être examinée durant l’enquête était importante compte tenu des éléments allégués dans la plainte » (Gosal c. Canada (Procureur général), 2011 CF 570, [2011] A.C.F. no 1147, au paragraphe 54; Beauregard c. Postes Canada, 2005 CF 1383, [2005] A.C.F. no 1676, au paragraphe 21).

[67]      L’exigence d’exhaustivité des enquêtes doit également être examinée en fonction des réalités administratives et financières de la Commission et de l’intérêt de la Commission « à préserver un système qui fonctionne et qui soit efficace sur le plan administratif » (Boahene‑Agbo c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1994] A.C.F. no 1611, 86 F.T.R. 101, aux paragraphes 79, citant la décision Slattery, précitée, au paragraphe 55).

[68]      Dans ce contexte, la jurisprudence a établi qu’il n’est pas nécessaire que les enquêtes de la Commission soient parfaites. Ainsi que la Cour d’appel fédérale l’a fait observer dans l’arrêt Tahmourpour c. Canada (Solliciteur général), 2005 CAF 113, [2005] A.C.F. no 543, au paragraphe 39 :

Tout contrôle judiciaire d’une procédure de la Commission doit tenir compte du fait que l’organisme est maître de son processus et lui laisser beaucoup de latitude dans la façon dont il mène ses enquêtes. Une enquête portant sur une plainte concernant les droits de la personne ne doit pas être astreinte à une norme de perfection. Il n’est pas nécessaire de remuer ciel et terre. [Non souligné dans l’original]. Les ressources de la Commission sont limitées et son volume de travail est élevé. Celle‑ci doit alors tenir compte des intérêts en jeu : ceux des plaignants à l’égard d’une enquête la plus complète possible et l’intérêt de la Commission à assurer l’efficacité du système sur le plan administratif. [Renvois omis.]

[69]      Suivant la jurisprudence, il est également possible de corriger certaines des lacunes de l’enquête en accordant aux parties le droit de formuler leurs observations au sujet du rapport d’enquête.

[70]      Par exemple, dans Slattery, la Cour a fait observer que lorsque, comme en l’espèce, elles ont eu la possibilité de présenter des observations en réponse au rapport de l’enquêteur, les parties peuvent compenser les omissions moins graves en les portant à l’attention de la Commission. Par conséquent, « ce ne serait que lorsque les plaignants ne sont pas en mesure de corriger de telles omissions que le contrôle judiciaire devrait se justifier », ce qui comprendrait notamment « les cas où l’omission est de nature si fondamentale que le seul fait d’attirer l’attention du décideur sur l’omission ne suffit pas à y remédier ». L’intervention judiciaire peut également être justifiée en cas de « rejet explicite » d’une preuve de fond par la Commission (tous les passages précités sont tirés du paragraphe 57 de la décision Slattery,).

[46]           Le demandeur a désigné 25 témoins éventuels dans les documents datés du 9 septembre 2014 qu’il a envoyé à la Commission. Certains de ces témoins éventuels sont seulement identifiés par leur prénom ou la fonction qu’ils occupent au sein de la SCP. L’enquêteure de la Commission a interrogé les personnes qui avaient des connaissances ou des informations de premier plan liées aux allégations précises du demandeur ou qui avaient des responsabilités au sein de la SCP ou du STTP qui leur aurait permis de connaître les incidents allégués par le demandeur s’ils avaient été signalés. Ces témoins étaient : 1) M. Michael Mak, qui aurait accusé le demandeur de réclamer une double rémunération, tenté d’organiser une rencontre disciplinaire et recouvré des fonds versés au demandeur sans son autorisation; 2) le superviseur du demandeur, M. John Jackson, qui aurait ordonné au demandeur de ne pas utiliser sa bicyclette pour distribuer le courrier sur son parcours; 3) M. Jeff Chaisson qui utilise un véhicule de la SCP ou son propre véhicule, mais pas une bicyclette pour distribuer le courrier; 4) M. Learie Charles, le représentant syndical du demandeur qui a confirmé que le demandeur n’a pas suivi les procédures de demande au STTP concernant ses problèmes d’heures supplémentaires, le vandalisme et le harcèlement; et 5) Kelly Edmunds, la représentante des droits de la personne qui a déclaré que le demandeur n’a pas présenté de plaintes concernant le vandalisme et le harcèlement, aux termes de la politique de la SCP.

[47]           Il était loisible à l’enquêteure d’interroger d’autres témoins et d’obtenir des renseignements additionnels. Toutefois, le dossier démontre que le demandeur n’a pas été en mesure de fournir des éléments de preuve directs pour étayer les allégations de comportement discriminatoire. Les témoins interrogés ont omis de présenter des éléments de preuve corroborant la conduite discriminatoire ou ont fourni une raison non discriminatoire relative aux actes allégués. Dans les circonstances, je ne puis conclure que la décision de l’enquêteure de la Commission de ne pas interroger d’autres témoins ou de ne pas obtenir d’autres documents constituait une omission déraisonnable qui équivaut à un défaut d’examiner une preuve manifestement importante ou qui a nui au caractère exhaustif de l’enquête (Air Canada, au paragraphe 65). L’enquêteure avait le droit de décider de ne pas poursuivre l’enquête après avoir interrogé les témoins précités, tenu compte des documents fournis à SCP et examiné les documents et observations du demandeur. L’enquêteur doit trouver un équilibre entre les intérêts du plaignant en réalisant une enquête la plus complète possible et l’intérêt de la Commission à assurer l’efficacité du système sur le plan administratif (Tahmourpour c Canada (Solliciteur général), 2005 CAF 113, 33 N.R. 60, au paragraphe 39).

[48]           Ceci dit, la Cour a relevé un problème concernant les documents liés au message d’insulte racial inscrit sur un immeuble sur sa route, ce qui soulève des questions sur le caractère exhaustif de l’enquête et le caractère raisonnable de la décision, points qui sont traités ci‑dessous.

E.                 Le caractère raisonnable de la décision de rejeter la plainte

[49]           Les observations orales et écrites du demandeur font état de nombreuses allégations liées au travail de la Commission et de la SCP. Bien que le demandeur ait présenté sa thèse de manière très compétente et respectueuse à la Cour, il reste que ses arguments n’ont pas eu pour effet de modifier les conclusions clés présentées dans le rapport de la Commission et abordées dans les motifs ci‑dessus. Je suis donc obligé de dire que les conclusions sont raisonnables, malgré le profond désaccord exprimé par le demandeur envers le résultat du processus.

[50]           Comme il a été mentionné ci‑dessus, je constate que deux documents dans le dossier du demandeur portent à croire que ce dernier a signalé le message à caractère raciste affiché sur un immeuble de son parcours à un superviseur de la SCP et à un représentant des droits de la personne de la SCP.

[51]           Ces documents sont joints à l’affidavit du demandeur sous la cote C. L’affidavit comprend trois pièces jointes et elles sont catégorisées comme suit à la page 8 du dossier de demande :

[TRADUCTION]

Aux fins de précisions, mon recueil de pièces est divisé en trois sections.

A : Données que j’ai communiquées à la CCDP – et données que j’ai reçues de la CCDP.

B : Compte rendu des conversations téléphoniques avec le personnel de la CCDP.

C : Information tirée de mon dossier personnel et documents de la SCP concernant la violation qui s’est produite lors de la livraison du courrier [caractères gras dans l’original].

[52]            Cela suppose que les documents produits sous la cote C n’ont pas été soumis à l’enquêteure de la Commission au cours de l’enquête, bien que le demandeur ait indiqué dans sa plaidoirie que ces documents avaient été soumis à la Commission.

[53]           Pour ce qui est du message à caractère raciste, l’auteure du rapport souligne que le demandeur ne pouvait se rappeler s’il avait signalé l’incident à la haute direction ou au STTP : [traduction« Il indique qu’il doutait que ces deux organisations allaient donner suite à l’incident de manière appropriée » (au paragraphe 96 du rapport d’enquête). Rien n’indique que le demandeur ait soumis ce message à l’attention de la Commission au cours de l’enquête et il n’y a pas d’élément de preuve indépendant dans le recueil du demandeur qui confirme que le message en question a été envoyé.

[54]           Dans sa réponse au rapport d’enquête, le demandeur n’aborde pas le fait que la Commission ait conclu à l’absence d’éléments de preuve étayant les allégations liées au message à caractère raciste et au vandalisme. Toutefois, dans ses commentaires, il ne renvoie pas à ces documents ou à tout autre document d’appui. Il traite surtout de la question de la longueur du texte de sa plainte initiale que la Commission lui a imposée, de sorte qu’il n’a pas profité de l’occasion pour donner plus de précisions sur son allégation. Il a informé la Commission qu’il n’était pas en mesure de se rappeler s’il avait signalé l’incident en question à la direction ou au STTP. Je tiens également à faire remarquer que ces documents n’équivalent pas à une preuve que l’événement allégué s’est produit; ils indiquent seulement que le demandeur a signalé l’incident à l’attention des superviseurs de la SCP.

[55]           Il aurait été préférable que l’auteure du rapport d’enquête traite de cette information, si elle avait été soumise à la Commission. Toutefois, à mon sens, on ne peut conclure que la Commission a manqué à son devoir d’équité en n’abordant pas cette question dans le rapport. Le défaut de mentionner cette information ne rend pas non plus déraisonnable la conclusion de la Commission portant que le demandeur n’a pas signalé cet incident.

[56]           Même si ce défaut rendait la conclusion sur l’incident déraisonnable, il n’aurait pas d’incidence sur l’autre conclusion de la Commission au paragraphe 100 du rapport d’enquête selon laquelle la preuve n’établit pas que cet incident a eu lieu : [traduction« Comme la preuve au dossier ne démontre pas que l’incident s’est produit ou que l’employeur a été avisé, on ne peut conclure que l’employeur a manqué à son devoir [caractères gras ajoutés]. »

[57]           En résumé, je suis convaincu que la décision de la Commission dans la présente affaire appartient aux issues pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47) et je rejette la demande.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée. La défenderesse a droit à des dépens de l’ordre de 500 $.

« Patrick Gleeson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Elise Colas


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

T ‑127‑15

 

INTITULÉ :

RONALD PHIPPS c SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 AOÛT 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GLEESON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 15 SEPTEMBRE 2015

 

ONT COMPARU :

Ronald Phipps

 

POUR LE DEMANDEUR,

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Shaffin A. Datoo

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aucun

LE DEMANDEUR,

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Shaffin A. Datoo

Avocat‑conseil

Société canadienne des postes

Toronto (Ontario)

pour lA défenderesse

 

 

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