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Date : 20150915


Dossier : IMM-7036-14

Référence : 2015 CF 1076

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 15 septembre 2015

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

FANG LIU

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               En 2002, après avoir épousé un citoyen canadien et présenté avec succès une demande de résidence permanente, Mme Fang Liu est arrivée au Canada en provenance de la Chine. En 2013, elle a tenté de parrainer son fils d’un précédent mariage, mais l’agent d’immigration a conclu que son fils n’était pas admissible parce qu’il n’avait pas fait l’objet d’un contrôle au moment où Mme Liu avait présenté sa demande de résidence permanente (en application de l’alinéa 117(9)d) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [RIPR] – les dispositions citées sont reproduites en annexe).

[2]               Mme Liu a interjeté appel de la décision de l’agent devant la Section d’appel de l’immigration. La SAI a maintenu la décision, estimant que l’alinéa 117(9)d) empêchait Mme Liu de parrainer son fils, et conclu qu’aucune exception ne s’appliquait à cette règle dans les circonstances.

[3]               Mme Liu soutient que la décision de la SAI était déraisonnable parce qu’elle avait mentionné son fils dans sa demande de 2002 et que, par conséquent, l’agent qui avait examiné sa demande avait dû conclure que son fils n’avait pas besoin de faire l’objet d’un contrôle. Mme Liu me demande d’annuler la décision de la SAI et d’ordonner qu’un autre tribunal réexamine la question du parrainage.

[4]               Je suis d’accord avec Mme Liu pour dire que la décision de la SAI était déraisonnable.

II.                La décision de la SAI

[5]               Dans une précédente demande de résidence permanente qu’elle avait présentée en 1998, Mme Liu avait mentionné qu’elle avait un fils à charge. Toutefois, dans une demande subséquente présentée en 2002, elle avait mentionné son fils, mais sans le déclarer comme personne à charge. Se fondant sur ces faits, la SAI a conclu que la règle énoncée à l’alinéa 117(9)d) s’appliquait – le fils de Mme Liu ne pouvait être considéré comme appartenant à la catégorie du regroupement familial parce que, à l’époque où la demande de résidence permanente avait été présentée, il était un membre de la famille de Mme Liu qui n’accompagnait pas cette dernière et qui n’avait pas fait l’objet d’un contrôle.

[6]               La SAI a indiqué que l’agent qui avait traité la demande de résidence permanente présentée par Mme Liu en 2002 avait informé cette dernière que, en ne déclarant pas son fils comme personne à charge, elle ne pourrait pas le parrainer à l’avenir. Selon la SAI, Mme Liu avait été informée que son fils devait faire l’objet d’un contrôle, mais ne l’avait pas présenté à cette fin, ce qui avait déclenché l’application de la règle énoncée à l’alinéa 117(9)d) (alinéa 117(11)a)). La SAI n’a pas accepté l’observation de Mme Liu selon laquelle l’agent avait décidé que son fils n’avait pas besoin de faire l’objet d’un contrôle, ce qui constitue une exception à la règle énoncée à l’alinéa 117(9)d) (article 117(10)).

[7]               La SAI a donc rejeté l’appel de Mme Liu.

III.             La décision de la SAI était‑elle déraisonnable?

[8]               Mme Liu souligne que son cas représente une situation relativement nouvelle. Dans la plupart des cas où la règle énoncée à l’alinéa 117(9)d) s’applique, le répondant a omis de déclarer l’existence d’un enfant ou d’un autre membre de la famille, et cherche par la suite à parrainer cette personne. En l’espèce, Mme Liu avait manifestement déclaré l’existence de son fils. Il s’agit donc de savoir si le fait que son fils n’a pas été soumis à un contrôle est attribuable à une décision qu’aurait prise l’agent de ne pas effectuer de contrôle, ou attribuable au défaut de Mme Liu de présenter son fils aux fins du contrôle. Dans le premier cas, l’exception prévue au paragraphe 117(10) s’applique, et le fils de Mme Liu peut être parrainé; dans le deuxième cas, le fils de Mme Liu est exclu sous le régime de l’alinéa 117(11)a).

[9]               Mme Liu souligne qu’elle n’était pas tenue de présenter son fils aux fins du contrôle si elle n’avait pas été informée de cette exigence. Elle affirme n’avoir pas été informée que son fils pouvait faire l’objet d’un contrôle, de sorte que son fils n’était pas visé par l’alinéa 117(11)a) (117(10)).

[10]           Mme Liu ajoute que l’agent qui a traité sa demande de résidence permanente devait décider non seulement si elle était interdite de territoire, mais également si son fils à charge qui ne l’accompagnait pas était interdit de territoire (article 23 du RIPR). À cette fin, l’agent avait dû déterminer si l’enfant devait faire l’objet d’un contrôle, et il devait avoir conclu qu’un contrôle n’était pas nécessaire. Autrement, l’agent n’aurait pas délivré de visa à Mme Liu, qui aurait été interdite de territoire conformément à l’article 23 au motif qu’elle avait la garde ou la responsabilité légale d’un enfant à charge interdit de territoire qui ne l’accompagnait pas. Par conséquent, affirme‑t‑elle, son cas est visé par l’exception prévue au paragraphe 117(10).

[11]           Une question de fait se trouve au cœur de la thèse de Mme Liu – l’agent a‑t‑il renoncé au contrôle, ou bien Mme Liu a‑t‑elle omis de présenter son fils aux fins du contrôle après que l’agent l’eut informé qu’elle devait le faire? La SAI a retenu la deuxième possibilité. Je peux annuler la décision de la SAI seulement si ses conclusions de fait et son analyse sont déraisonnables.

[12]           En ce qui concerne les notes de l’agent indiquant que Mme Liu avait été informée qu’elle ne pourrait pas parrainer son fils à l’avenir si elle ne le déclarait pas comme personne à charge, Mme Liu soutient que ces notes sont ambigües et constituent, de toute façon, un élément de preuve faible comparativement au témoignage qu’elle a livré sous serment. Elle ajoute que, dans ces situations, il est pratique courante de ne pas seulement informer verbalement les demandeurs de ce qui peut se produire si une personne ne fait pas l’objet d’un contrôle, mais aussi de leur faire signer une lettre attestant qu’ils comprennent ces conséquences. Aucune lettre de cette sorte n’existe en l’espèce.

[13]           Comme les notes avaient été consignées en même temps que la demande de Mme Liu, la SAI a conclu qu’il fallait leur accorder un poids considérable. Par conséquent, selon la SAI, aucun élément de preuve n’appuyait l’allégation de Mme Liu selon laquelle l’agent avait décidé que le contrôle de son fils n’était pas exigé.

[14]           En fait, le dossier contient un certain nombre de notes consignées par les agents d’immigration. Selon l’agent qui a interrogé Mme Liu en 2002, celle‑ci avait été informée que, en ne déclarant pas son fils comme personne à charge, elle ne pourrait pas le parrainer à l’avenir. Par la suite, un agent qui examinait la demande de parrainage de Mme Liu a noté que, semblait‑il, Mme Liu avait omis de déclarer son fils ou de lui faire subir un contrôle au moment où elle avait présenté sa demande de résidence permanente. D’après un deuxième agent d’examen, Mme Liu avait été avisée de ce qui se produirait si son fils ne faisait pas l’objet d’un contrôle.

[15]           La demande de Mme Liu a été envoyée au consulat du Canada à Hong Kong pour décision. Une fois encore, deux agents étaient concernés. Selon un de ces agents, Mme Liu avait été informée que son fils serait en permanence inadmissible à tout futur parrainage s’il ne faisait pas l’objet d’un contrôle, l’agent notant que Mme Liu avait choisi de ne pas faire subir de contrôle à son fils. Le deuxième agent a été encore plus explicite. Il a indiqué que Mme Liu avait décidé de ne pas faire subir de contrôle à son fils et choisi ainsi de l’exclure de façon permanente. Par conséquent, l’agent a conclu que l’exclusion était le résultat direct et prévisible du propre choix de la répondante.

[16]           Ces notes prêtent à confusion. Le premier agent, celui qui a interrogé Mme Liu en 2002, a simplement indiqué que Mme Liu avait été informée du fait qu’elle ne pourrait pas parrainer son fils si elle ne le déclarait pas comme enfant à charge. Plus d’une décennie plus tard, un agent a interprété cette mention comme une preuve établissant que Mme Liu avait été avisée du fait que son fils devait être soumis à un contrôle et ne pourrait plus être parrainé s’il ne l’était pas, et que Mme Liu avait décidé de ne pas lui faire subir de contrôle en connaissant parfaitement les conséquences de cette décision.

[17]           Mme Liu a mentionné l’existence de son fils et les raisons pour lesquelles il était une personne à charge à l’agent chargé de l’entrevue. Cependant, dans ses notes, l’agent ne parle pas de la nécessité de soumettre le fils à un contrôle, n’indique pas que Mme Liu a été informée de ce qui arriverait si elle omettait de présenter son fils aux fins du contrôle, et ne fait mention ni d’une quelconque déclaration de Mme Liu selon laquelle elle comprenait ces conséquences ni d’une décision prise dans un sens ou dans l’autre par Mme Liu à propos de son fils. De plus, quand le dossier de Mme Liu a été examiné à Hong Kong, les agents se sont fondés sur les conclusions tirées des notes initiales à tous ces égards.

[18]           Compte tenu de ce qui précède, il est difficile d’accepter la conclusion de la SAI selon laquelle les éléments de preuve montrent que Mme Liu avait été pleinement informée de ce qui se produirait si elle ne présentait pas son fils aux fins d’un contrôle. Au fil du temps, les notes des agents semblent inexplicablement devenir plus précises et affirmatives sur ce point. À mon avis, à la lumière de ces éléments de preuve, la conclusion de la SAI voulant que l’alinéa 117(11)a) s’appliquait à Mme Liu était déraisonnable. Selon les propres mots de la SAI, il s’agissait là du « fond de la question ». Par conséquent, la SAI avait à tout le moins l’obligation de résoudre la question de fait dont elle était saisie en se fondant sur les éléments de preuve pertinents.

IV.             Conclusion et dispositif

[19]           Les éléments de preuve produits devant la SAI ne soutiennent pas sa conclusion selon laquelle Mme Liu avait été informée de la nécessité de présenter son fils aux fins d’un contrôle et avait omis de le faire. Par conséquent, la conclusion de la SAI selon laquelle l’alinéa 117(11)a) s’appliquait ne constituait pas une issue qui pouvait se justifier au regard des faits et du droit. Je dois donc accueillir la demande de contrôle judiciaire et ordonner à un autre tribunal de la SAI de réexaminer l’affaire. Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question de portée générale à certifier, et aucune n’est énoncée.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.      La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.      L’affaire est renvoyée à un autre tribunal de la SAI pour réexamen.

3.      Aucune question de portée générale n’est énoncée.

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.


Annexe

 

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

Immigration and Refugee Protection Regulations, SOR/2002-227

Cas réglementaires : membres de la famille

Prescribed circumstances — family members

 

23. Pour l’application de l’alinéa 42(1)a) de la Loi, l’interdiction de territoire frappant le membre de la famille de l’étranger qui ne l’accompagne pas emporte interdiction de territoire de l’étranger pour inadmissibilité familiale si :

23. For the purposes of paragraph 42(1)(a) of the Act, the prescribed circumstances in which the foreign national is inadmissible on grounds of an inadmissible non-accompanying family member are that

 

a) l’étranger est un résident temporaire ou a fait une demande de statut de résident temporaire, de visa de résident permanent ou de séjour au Canada à titre de résident temporaire ou de résident permanent;

(a) the foreign national is a temporary resident or has made an application for temporary resident status, an application for a permanent resident visa or an application to remain in Canada as a temporary or permanent resident; and

 

b) le membre de la famille en cause est, selon le cas :

(b) the non-accompanying family member is

 

(i) l’époux de l’étranger, sauf si la relation entre celui-ci et l’étranger est terminée, en droit ou en fait,

(i) the spouse of the foreign national, except where the relationship between the spouse and foreign national has broken down in law or in fact,

 

(ii) le conjoint de fait de l’étranger,

(ii) the common-law partner of the foreign national,

 

(iii) l’enfant à charge de l’étranger, pourvu que celui-ci ou un membre de la famille qui accompagne celui-ci en ait la garde ou soit habilité à agir en son nom en vertu d’une ordonnance judiciaire ou d’un accord écrit ou par l’effet de la loi,

(iii) a dependent child of the foreign national and either the foreign national or an accompanying family member of the foreign national has custody of that child or is empowered to act on behalf of that child by virtue of a court order or written agreement or by operation of law, or

 

(iv) l’enfant à charge d’un enfant à charge de l’étranger, pourvu que celui-ci, un enfant à charge de celui-ci ou un autre membre de la famille qui accompagne celui-ci en ait la garde ou soit habilité à agir en son nom en vertu d’une ordonnance judiciaire ou d’un accord écrit ou par l’effet de la loi.

(iv) a dependent child of a dependent child of the foreign national and the foreign national, a dependent child of the foreign national or any other accompanying family member of the foreign national has custody of that child or is empowered to act on behalf of that child by virtue of a court order or written agreement or by operation of law.

 

Restrictions

Excluded relationships

 

117. (9) Ne sont pas considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial du fait de leur relation avec le répondant les personnes suivantes :

117. (9) A foreign national shall not be considered a member of the family class by virtue of their relationship to a sponsor if

 

a) l’époux, le conjoint de fait ou le partenaire conjugal du répondant s’il est âgé de moins de dix-huit ans;

(a) the foreign national is the sponsor’s spouse, common-law partner or conjugal partner and is under 18 years of age;

 

[...]

...

 

d) sous réserve du paragraphe (10), dans le cas où le répondant est devenu résident permanent à la suite d’une demande à cet effet, l’étranger qui, à l’époque où cette demande a été faite, était un membre de la famille du répondant n’accompagnant pas ce dernier et n’a pas fait l’objet d’un contrôle.

(d) subject to subsection (10), the sponsor previously made an application for permanent residence and became a permanent resident and, at the time of that application, the foreign national was a non-accompanying family member of the sponsor and was not examined.

 

Exception

Exception

 

(10) Sous réserve du paragraphe (11), l’alinéa (9)d) ne s’applique pas à l’étranger qui y est visé et qui n’a pas fait l’objet d’un contrôle parce qu’un agent a décidé que le contrôle n’était pas exigé par la Loi ou l’ancienne loi, selon le cas.

(10) Subject to subsection (11), paragraph (9)(d) does not apply in respect of a foreign national referred to in that paragraph who was not examined because an officer determined that they were not required by the Act or the former Act, as applicable, to be examined.

 

Application de l’alinéa (9)d)

Application of par. (9)(d)

 

(11) L’alinéa (9)d) s’applique à l’étranger visé au paragraphe (10) si un agent arrive à la conclusion que, à l’époque où la demande visée à cet alinéa a été faite :

(11) Paragraph (9)(d) applies in respect of a foreign national referred to in subsection (10) if an officer determines that, at the time of the application referred to in that paragraph,

 

a) ou bien le répondant a été informé que l’étranger pouvait faire l’objet d’un contrôle et il pouvait faire en sorte que ce dernier soit disponible, mais il ne l’a pas fait, ou l’étranger ne s’est pas présenté au contrôle;

(a) the sponsor was informed that the foreign national could be examined and the sponsor was able to make the foreign national available for examination but did not do so or the foreign national did not appear for examination; or

 

b) ou bien l’étranger était l’époux du répondant, vivait séparément de lui et n’a pas fait l’objet d’un contrôle.

(b) the foreign national was the sponsor’s spouse, was living separate and apart from the sponsor and was not examined.

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

 

Visa et documents

Application before entering Canada

 

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7036-14

 

INTITULÉ :

FANG LIU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE:

Vancouver (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE:

LE 21 MaI 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 15 SEPTEMBRE 2015

 

COMPARUTIONS :

Lorne Waldman

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Helen Park

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lorne Waldman et Peter D. Larleee Larlee Rosenberg

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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