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Date : 20150915


Dossier : IMM-7236-14

Référence : 2015 CF 1075

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 15 septembre 2015

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE:

CANADIAN REFORMED CHURCH OF CLOVERDALE B.C.

demanderesse

et

LE MINISTRE DE L’EMPLOI ET DU

DÉVELOPPEMENT SOCIAL CANADA

demandeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               En 2014, l’église Canadian Reformed Church of Cloverdale, en Colombie‑Britannique, a présenté une demande d’étude d’impact sur le marché du travail en vue d’embaucher un traducteur à l’extérieur du Canada. Emploi et Développement social Canada (EDSC) a rejeté la demande d’étude d’impact parce que l’église n’avait pas montré qu’elle avait fait des efforts raisonnables pour embaucher ou former un employé canadien.

[2]               Il s’agissait de la deuxième demande présentée par l’église. Une précédente demande avait été refusée parce que l’église offrait un salaire trop bas. L’église a augmenté le salaire offert et annoncé de nouveau le poste, le lieu de travail étant Surrey, en Colombie-Britannique.

[3]               EDSC a refusé la deuxième demande présentée par l’église parce que les annonces ne mentionnaient pas l’adresse de l’entreprise où travaillerait le traducteur, bien qu’EDSC ait précédemment avisé l’église qu’il s’agissait d’une exigence impérative.

[4]               L’église affirme que l’agente d’EDSC qui a traité l’étude d’impact proposée a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en se fondant exclusivement sur des directives internes, plutôt que sur le libellé du règlement applicable. L’église soutient également que l’agente a rendu une décision déraisonnable parce que celle‑ci exigeait que les annonces mentionnent l’adresse particulière de l’entreprise plutôt qu’un endroit général où devait s’effectuer le travail. L’église me demande d’annuler la décision de l’agente et d’ordonner qu’un autre agent réexamine la demande.

[5]               Je suis d’accord avec l’église pour dire que l’agente a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire et rendu une décision déraisonnable. J’accueillerai donc la présente demande de contrôle judiciaire.

[6]               Une décision résultant d’une entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire est, par définition, déraisonnable (Frankie’s Burgers Lougheed Inc c Canada (Ministre de l’Emploi et du Développement social), 2015 CF 27, au paragraphe 24). Par conséquent, je dois seulement déterminer si l’agente a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

II.                L’agente a‑t‑elle entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire?

[7]               Dans son affidavit, l’agente explique que les différents documents présentés à EDSC indiquaient différents noms et différentes adresses d’entreprise pour l’église. Elle a informé un représentant de l’église des exigences habituelles qui s’appliquaient aux annonces, y compris l’indication de la durée minimale de l’emploi et de l’adresse de l’entreprise. Dans un autre affidavit, un directeur d’EDSC a ajouté que les exigences réglementaires n’étaient [traduction] « généralement pas satisfaites » si les annonces du poste n’étaient pas précises et complètes.

[8]               Le représentant de l’église affirme que l’agente avait seulement discuté avec lui de la nécessité d’indiquer une adresse d’entreprise dans les annonces. Il souligne aussi que l’adresse d’entreprise figurait sur le site Web de l’église, et que les annonces contenaient habituellement des liens vers la carte du lieu de travail.

[9]               Un des facteurs qui doit être pris en considération pour déterminer s’il convient d’approuver une évaluation est le fait que l’employeur embauchera ou formera, ou « a fait ou accepté de faire des efforts raisonnables » pour embaucher ou former des citoyens canadiens ou des résidents permanents (alinéa 203(3)e) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 – voir l’annexe). Les lignes directrices applicables (Volet des professions spécialisées) précisent que l’annonce du poste à combler « doit comprendre [...] l’adresse de l’entreprise ».

[10]           Les directives peuvent servir de point de repère utile lorsqu’il s’agit d’interpréter des exigences réglementaires, mais elles ne sont pas contraignantes (Bajwa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 864, au paragraphe 44; Ishaq c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 156, au paragraphe 51; Frankie’s Burgers Lougheed Inc cv Canada (Emploi et Développement social), 2015 CF 27, au paragraphe 92).

[11]           À mon avis, le dossier montre que l’agente a refusé la demande d’étude d’impact de l’église pour l’unique raison que l’adresse de l’entreprise ne figurait pas sur les annonces. Dans ses notes au dossier, l’agente dit simplement que l’évaluation a été refusée parce que l’église n’avait pas respecté une exigence minimale en matière d’annonce, à savoir indiquer l’adresse de l’entreprise. L’agente n’a pas déterminé si l’église avait fait des efforts raisonnables pour embaucher ou former un citoyen canadien conformément à la norme réglementaire, mais a plutôt rejeté la demande au seul motif que l’adresse de l’entreprise ne figurait pas sur les annonces. L’agente semble avoir traité les directives comme des dispositions impératives.

[12]           Si l’agente pouvait à bon droit considérer la non‑indication de l’adresse de l’entreprise comme un facteur dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, ce facteur ne constituait pas un motif suffisant dans les circonstances pour rejeter la demande de l’église. En adoptant une telle démarche, l’agente a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

III.             Conclusion et dispositif

[13]           En traitant les directives comme des dispositions impératives, l’agente a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire et a rendu la décision déraisonnable de rejeter la demande d’étude d’impact de l’église. Je dois, par conséquent, accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner qu’un autre agent refasse l’évaluation. Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question de portée générale à certifier, et aucune n’est énoncée.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie, et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen.

2.                  Aucune question de portée générale n’est énoncée.

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a


Annexe

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

Immigration and Refugee Protection Regulations, SOR/2002-227

Facteurs – effets sur le marché du travail

Factors — effect on labour market

203. (3) Le ministère de l’Emploi et du Développement social fonde son évaluation relative aux éléments visés à l’alinéa (1)b) sur les facteurs ci-après, sauf dans les cas où le travail de l’étranger n’est pas susceptible d’avoir des effets positifs ou neutres sur le marché du travail canadien en raison de l’application du paragraphe (1.01) :

203. (3) An assessment provided by the Department of Employment and Social Development with respect to the matters referred to in paragraph (1)(b) shall, unless the employment of the foreign national is unlikely to have a positive or neutral effect on the labour market in Canada as a result of the application of subsection (1.01), be based on the following factors :

[…]

e) l’employeur, selon le cas :

(e) the employer

(i) au cours de la période commençant six ans avant la date de la réception, par le ministère de l’Emploi et du Développement social, de la demande d’évaluation visée au paragraphe (2) et se terminant à la date de réception de la demande de permis de travail par le ministère, a confié à tout étranger à son service un emploi dans la même profession que celle précisée dans l’offre d’emploi et lui a versé un salaire et ménagé des conditions de travail qui étaient essentiellement les mêmes — mais non moins avantageux — que ceux précisés dans l’offre,

(i) during the period beginning six years before the day on which the request for an assessment under subsection (2) is received by the Department of Employment and Social Development and ending on the day on which the application for the work permit is received by the Department, provided each foreign national employed by the employer with employment in the same occupation as that set out in the foreign national’s offer of employment and with wages and working conditions that were substantially the same as — but not less favourable than — those set out in that offer, or

(ii) peut justifier le non‑respect des critères prévus au sous-alinéa (i) au titre du paragraphe (1.1).

(ii) is able to justify, under subsection (1.1), any failure to satisfy the criteria set out in subparagraph (i).


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7236-14

 

INTITULÉ :

CANADIAN REFORMED CHURCH OF CLOVERDALE B.C. c LE MINISTRE DE L’EMPLOI ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE‑BritANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 13 MAI 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 15 SeptembRE 2015

 

COMPARUTIONS :

Robert Y.C. Leong

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Nathan Murray

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lowe & Company

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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