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Date : 20150723


Dossier : T-2601-14

Référence : 2015 CF 898

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 23 juillet 2015

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

MINNOVA CORP

demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle l’Agence canadienne d’évaluation environnementale [l’Agence] a, d’une part, qualifié la mine d’or de la demanderesse, à la reprise des activités de celle‑ci, de « nouvelle » mine, et non de mine existante depuis 1987 et, d’autre part, conclu que la mine est visée par l’alinéa 16c) de l’annexe du Règlement désignant les activités concrètes [le Règlement] [l’annexe du Règlement].

I.                   Contexte

[2]               Minnova Corp [Minnova], autrefois appelée Auriga Gold Corp [Auriga], est propriétaire de la mine PL (aussi appelée la mine Puffy Lake), située dans le nord du Manitoba. La mine a été construite par son ancien propriétaire, Pioneer Metals Corporation [Pioneer]. Une licence a initialement été délivrée à Pioneer aux termes de la Loi sur l’environnement du Manitoba en novembre 1987.

[3]               La mine PL a été exploitée de décembre 1987 à mars 1989, après quoi Pioneer a mis fin à ses travaux d’exploitation minière et a exécuté un plan de fermeture approuvé par le directeur des mines du Manitoba qui prévoyait la surveillance et la maintenance de la mine.

[4]               En mai 2012, Minnova est devenue titulaire de la licence délivrée aux termes de la Loi sur l’environnement du Manitoba. Dans sa version actuelle, la licence [traduction] « autorise l’extraction et la transformation souterraines à raison de 1 000 tonnes par jour ».

[5]               La mine PL fait également l’objet d’un plan de fermeture toujours en vigueur, élaboré par Pioneer en 2010, et approuvé par le directeur des mines du Manitoba. La maintenance et la surveillance actuelles de la mine PL sont régies par la Loi sur l’environnement, CPLM, c E125, la Loi sur les mines et les minéraux, CPLM, c M162, et la Loi sur les droits d’utilisation de l’eau, CPLM, c W80, du Manitoba.

[6]               La mine PL existante est une mine souterraine comprenant une descenderie, un broyeur associé, une zone de gestion des résidus et une infrastructure associée, dont un accès à la route et une barrière de sécurité.

[7]               Le 4 juin 2014, Minnova (alors Auriga) a présenté un avis de modification à Conservation et Gestion des ressources hydriques Manitoba, pour demander l’autorisation d’ajouter des méthodes d’extraction minière à ciel ouvert aux méthodes d’extraction souterraines existantes pour la portion de la mine se trouvant près de la surface. Les nouveaux éléments de construction comprenaient l’ouverture, la fermeture et la remise en état d’une succession de portions à ciel ouvert, qui seraient exploitées simultanément aux ouvrages souterrains existants. Cette proposition d’exploitation à ciel ouvert a toutefois été abandonnée en décembre 2014, en faveur de la reprise des activités d’exploitation souterraines.

[8]               Le 30 juillet 2014, le gestionnaire de projet de l’Agence, Sean Carriere, a écrit à Minnova pour l’informer que l’alinéa 16c) de l’annexe du Règlement s’appliquerait à la réouverture de la mine, qualifiée de « nouvelle » mine.

[9]               Le 26 août 2014, Minnova a reçu une autre lettre de l’Agence dans laquelle elle indiquait que [traduction] « la mine n’est pas exploitée depuis 1989. La réouverture de la mine, en plus de l’élaboration de cinq exploitations de mines à ciel ouvert [et d’autres nouvelles composantes connexes] constitue une “nouvelle” mine aux fins de l’alinéa 16c) du Règlement. »

[10]           La lettre du 26 août 2014 indiquait également que l’alinéa 128(1)a) du Règlement, une disposition transitoire ayant pour effet d’exclure les projets déjà en construction de l’application de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012) [LCEE 2012], ne s’appliquait pas à l’avis de modification, car le projet proposé était qualifié de [traduction] « distinct et séparé » de la mine et des installations existantes.

[11]           Dans une lettre du 1er décembre 2014, Minnova a informé l’Agence qu’elle ne planifiait plus aller de l’avant avec le plan d’exploitation à ciel ouvert, et qu’elle avait plutôt l’intention de rouvrir la mine existante, avec un rendement de moins de 600 tonnes par jour. Minnova a demandé à l’Agence de confirmer que cette reprise des activités ne ferait pas en sorte que la mine serait considérée comme une « nouvelle mine » aux termes de l’alinéa 16c) de l’annexe du Règlement.

[12]           L’Agence a répondu au moyen d’une lettre datée du 3 décembre 2014 [la décision], dans laquelle elle reconnaissait l’abandon du plan d’exploitation à ciel ouvert et affirmait qu’elle était toujours d’avis que la réouverture de la mine souterraine était visée par l’alinéa 16c) de l’annexe du Règlement.

[13]           Le 23 décembre 2014, Minnova a déposé la présente demande de contrôle judiciaire.

[14]           L’Agence exige à la demanderesse de fournir une description du projet de la mine PL, considérée comme une « nouvelle » mine aux termes de l’alinéa 16c) de l’annexe du Règlement, afin de poursuivre son examen de la question de savoir si le projet nécessite une évaluation environnementale.

II.                Questions en litige

[15]           Voici les questions en litige :

  1. La demande de contrôle judiciaire est‑elle prématurée?
  2. La décision de l’Agence d’exiger à la demanderesse de fournir une description du projet est‑elle raisonnable?

III.             Norme de contrôle

[16]           La norme de contrôle qui s’applique à la deuxième question en litige est celle de la décision raisonnable étant donné que le décideur en l’espèce interprète sa propre loi constitutive (Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 50).

IV.             Dispositions législatives

[17]           Les dispositions législatives applicables sont reproduites à l’annexe A, ci‑jointe.

V.                Analyse

A.                 La demande de contrôle judiciaire est‑elle prématurée?

[18]           La demanderesse soutient que la décision de l’Agence selon laquelle la mine PL constitue un projet désigné aux termes de l’alinéa 16c) de l’annexe du Règlement est une décision finale qui n’est pas de nature interlocutoire. En décider autrement reviendrait à fermer les yeux sur une attaque indirecte inappropriée du défendeur à l’égard du statut de la mine PL de la demanderesse, à savoir qu’il s’agit d’une mine existante.

[19]           Le défendeur réplique que la demande de la demanderesse est prématurée. La décision de l’Agence d’exiger à la demanderesse de fournir une description du projet est de nature interlocutoire et, par conséquent, le contrôle judiciaire est prématuré.

[20]           Le défendeur soutient que la demanderesse, avant de déposer une demande à la Cour, aurait dû exercer tous les recours efficaces dont elle disposait et attendre la fin du processus administratif. Il est justifié de déroger à cette pratique uniquement dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, circonstances qui n’existent pas en l’espèce. La demanderesse n’est pas privée de son droit à un procès équitable et n’est pas exposée à un risque de partialité, et il n’est pas porté atteinte à ses droits fondamentaux (CB Powell Ltd c Canada (Agence des services frontaliers du Canada), 2010 CAF 61, aux paragraphes 31 à 33; Lundbeck Canada Inc c Canada (Ministre de la Santé), 2008 CF 1379, aux paragraphes 27 et 28; Fairmont Hotels Inc c Directeur de Corporations Canada, 2007 CF 95, au paragraphe 10).

[21]           Aux termes de l’alinéa 10b) de la LCEE 2012, l’Agence « décide » si une évaluation environnementale du projet désigné est requise ou non. La demanderesse a reconnu qu’elle avait pour objectif d’éviter qu’il soit nécessaire de procéder à une évaluation environnementale. Le fait que l’Agence peut effectuer son examen préalable et décider qu’aucune évaluation n’est requise contribue à établir que la décision contestée n’est pas finale.

[22]           Le défendeur résume en ces termes les renseignements exigés, qui sont énoncés à l’annexe du Règlement sur les renseignements à inclure dans la description d’un projet désigné :

a)      renseignements généraux : nom du projet, nom du promoteur, description des consultations effectuées auprès d’autres instances/parties/peuples autochtones, description de toute étude environnementale réalisée;

b)      renseignements sur le projet : description du contexte et des objectifs du projet, ouvrages, capacité de production, procédés de production, déchets susceptibles d’être produits, plans de gestion des déchets et étapes prévues de construction, d’exploitation, de désaffectation et de fermeture;

c)      renseignements sur l’emplacement du projet : coordonnées géographiques, plans du site, description officielle du terrain, présence d’immeubles, de réserves, de territoires traditionnels, de ressources utilisées actuellement à des fins traditionnelles par les peuples autochtones;

d)     participation fédérale : appui financier du gouvernement fédéral, territoires domaniaux utilisés, permis/licences/autorisations émanant du gouvernement fédéral exigés;

e)      effets environnementaux : description du milieu physique et biologique, changements qui risquent d’être causés aux poissons, aux espèces aquatiques et à l’habitat des poissons ou aux oiseaux migrateurs, effets sur les peuples autochtones de tout changement environnemental.

[23]           L’affaire dont est saisie la Cour consiste essentiellement à savoir si une évaluation environnementale est requise, et non si la demanderesse est tenue de fournir une description du projet. Aucune décision de cette nature n’a encore été prise. Selon la structure et le libellé de la LCEE 2012, la décision de savoir si un projet est désigné ou non n’est pas une « décision finale »; il s’agit d’une étape administrative nécessaire pour étayer une décision finale de fond. Comme en convient la demanderesse, un promoteur est même prêt à déclarer son propre projet comme désigné. La production d’une description du projet ne se traduit pas nécessairement par une obligation de réaliser une évaluation environnementale.

[24]           Je conviens avec le défendeur que la demande de contrôle judiciaire est prématurée. Dans les circonstances actuelles, il conviendrait d’effectuer le contrôle judiciaire d’une décision finale de l’Agence d’exiger ou non une évaluation environnementale du projet de la mine PL. D’après la procédure énoncée dans la LCEE 2012 et le mandat de l’Agence, la « décision » contestée en l’espèce semble être une partie provisoire d’une procédure menant à la prise d’une décision finale au sujet d’une évaluation environnementale.

[25]           L’importance accordée au développement durable et l’emploi du principe de précaution dans la LCEE 2012 appuient cette conclusion. L’Agence est chargée de décider si une évaluation environnementale est requise. Effectuer le contrôle de l’obligation de fournir des renseignements de base au sujet d’un projet en vue de décider si une évaluation est requise revient à exiger le contrôle d’une étape interlocutoire de la procédure globale.

[26]           Bien que l’argument de la demanderesse selon lequel son projet ne peut être qualifié de « nouveau » aux termes de la LCEE 2012 et de son règlement d’application puisse être valable, il peut et devrait être formulé lorsqu’une décision finale a bel et bien été rendue.

B.                 La décision de l’Agence d’exiger à la demanderesse de fournir une description du projet est‑elle raisonnable?

[27]           Toutefois, au cas où j’aurais tort de conclure que la demande est prématurée, je me pencherai sur la question de savoir si la décision de l’Agence, selon laquelle la mine PL est une nouvelle mine visée par l’alinéa 16c) de l’annexe du Règlement et non une mine existante qui n’est pas visée par cet alinéa de l’annexe, est raisonnable.

[28]           La LCEE 2012 ou le Règlement applicable ne comportent aucune définition des termes « nouvelles » mines ou mines « existantes ».

[29]           Le point de vue de la demanderesse, exposé brièvement à la Cour durant la plaidoirie et dans ses observations écrites, veut que la mine existante, qui était exploitée de 1987 à 1989, et qui est actuellement soumise à un régime de maintenance et de surveillance en tant que mine non exploitée aux termes des lois provinciales en vigueur depuis les 26 dernières années, ne peut pas être considérée comme une nouvelle mine.

[30]           En termes simples, l’ancien ne peut redevenir nouveau, et si on interprète téléologiquement la LCEE 2012 et l’annexe du Règlement dans leur ensemble, le sens donné aux « nouvelles » mines, par opposition aux mines « existantes », établit clairement, selon le contexte, qu’une ancienne mine qui existe toujours ne peut être considérée comme une nouvelle mine au sens de la LCEE 2012 et de l’annexe du Règlement.

[31]           En outre, la demanderesse soutient que selon l’intention du législateur, l’élément déclencheur des évaluations environnementales fédérales est la décision concernant ce qui est nouveau ou existant, au sens ordinaire de ces termes, et non les activités, quelles qu’elles soient, entreprises au cours d’une quelconque période qui pourraient être considérées comme une condition préalable à une décision selon laquelle une mine qui a été déjà été exploitée est soit nouvelle, soit existante.

[32]           Par conséquent, les « nouvelles » mines doivent désigner les mines qui n’existent pas, et non les mines si anciennes qu’elles devraient maintenant être considérées comme de nouvelles mines.

[33]           Enfin, la demanderesse attire l’attention de la Cour sur le rapport d’A.C.A. Howe, daté du 9 juillet 2014, joint en annexe E à l’affidavit de Shawna Sigurdson, à la page 184 du dossier du défendeur, qui apporte la précision suivante :

[traduction] Le complexe de broyage de l’usine de transformation, la trémie à minerai fin, le complexe de broyage et le concentrateur/site de l’usine de récupération sont compacts et bien planifiés. L’incendie de 1989 n’a pas touché le concentrateur et les structures associées.

[34]           Par conséquent, la demanderesse soutient que bien qu’il soit possible que la mine PL existante soit réaménagée et réactivée, aucune interprétation raisonnable ne permet de désigner la mine PL comme une nouvelle mine aux termes de la LCEE 2012 ou de l’annexe du Règlement.

[35]           Le défendeur fait valoir que les dommages causés à l’infrastructure de la mine PL pendant la période d’inactivité de celle‑ci étaient si importants que la réouverture de la mine équivaudrait à l’exploitation d’une nouvelle mine, et non à la reprise [traduction] « instantanée » des activités.

[36]           Le défendeur énumère plusieurs licences et permis majeurs et mineurs qui étaient requis pour Pioneer lors de l’ouverture de la mine. Le défendeur énumère en outre les dommages et les changements que la propriété inoccupée a subis depuis qu’elle est soumise à un régime de maintenance et de surveillance :

a)      la majeure partie de la propriété a brûlé lors de l’incendie de 1989 et comprend maintenant une forêt jeune de feuillus;

b)      le lac Ragged (l’ancienne zone de dépôt des résidus miniers) est maintenant fréquenté par des poissons;

c)      la descenderie et le puits souterrain de la mine ont été inondés.

[37]           Le défendeur énumère également ce qu’il considère comme des caractéristiques pertinentes de la propriété :

a)      24 espèces de plantes et de petits fruits traditionnellement récoltées par les peuples autochtones pourraient être présentes sur le site, et plusieurs ont été observées sur la propriété lors d’une visite sur le terrain effectuée en 2012;

b)      l’orignal et l’ours noir sont communs dans la région et utilisent la zone générale pour trouver de la nourriture;

c)      la grenouille léopard, désignée « espèce préoccupante » au sens de la Loi sur les espèces en péril, pourrait également être présente dans la région.

[38]           Pour décider si une interprétation législative donnée est raisonnable, la Cour peut examiner l’objet, le contexte et le libellé du texte de loi en question. En outre, il faut interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux. La LCEE 2012 a pour objet :

de protéger les composantes de l’environnement qui relèvent de la compétence législative du Parlement contre tous effets environnementaux négatifs importants d’un projet désigné [...]

d’inciter les autorités fédérales à favoriser un développement durable propice à la salubrité de l’environnement et à la santé de l’économie.

McLean c. Colombie-Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, au paragraphe 39.

Celgene Corp c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 1, au paragraphe 21, citant Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, au paragraphe 10.

[39]           Le défendeur soutient également que la LCEE 2012 vise explicitement à inciter les autorités fédérales à « favoriser un développement durable propice à la salubrité de l’environnement et à la santé de l’économie ». Selon le paragraphe 4(2) de la LCEE 2012, l’Agence a le mandat d’exercer ses pouvoirs de manière à appliquer le principe de précaution. Ces deux facteurs étayent le caractère raisonnable de la décision d’exiger à la demanderesse de fournir de plus amples renseignements sur le projet afin de prendre une décision finale sur la question de savoir si une évaluation environnementale du projet est requise.

[40]           Le défendeur affirme que le terme « nouveau » peut être interprété de différentes façons et que sa signification est toute en nuances. Le Petit Robert de la langue française donne sept définitions différentes du terme « nouveau », y compris « qui est depuis peu de temps ce qu’il est; qui apparaît après un autre qu’il remplace ».

[41]           Enfin, on me demande de prendre en considération les directives opérationnelles internes du 3 février 2014 utilisées par l’Agence pour déterminer si un projet désigné proposé constitue une nouvelle mine ou un agrandissement d’une mine existante, dans la pièce K de l’affidavit de Shawna Sigurdson, aux pages 378 et 379 du dossier du défendeur. Ce document énonce quatre facteurs à prendre en considération :

a)      proximité d’une mine existante en exploitation;

b)      utilisation de l’infrastructure existante;

c)      même gisement ou gisement différent;

d)     interruption temporaire des opérations ou fermeture permanente de la mine existante.

[42]           L’avocate du défendeur reconnaît que les trois premiers facteurs n’appuient pas le point de vue du défendeur selon lequel une « nouvelle » mine peut comprendre une mine existante aux termes de la LCEE 2012 ou du Règlement. Seul le quatrième facteur, qui prévoit que lorsqu’un promoteur propose la « réouverture » d’une ancienne mine maintenant fermée ou désaffectée qui ne produit plus de minerai exploité, peut être considéré comme un argument appuyant une décision selon laquelle l’ancienne mine PL est une nouvelle mine.

[43]           Toutefois, comme l’a souligné la demanderesse, la mine PL n’est ni désaffectée ni fermée; elle n’est tout simplement plus exploitée depuis longtemps et doit être réaménagée.

[44]           Le rôle de la Cour consiste à interpréter équitablement et téléologiquement le sens et l’utilisation des termes « nouvelle » et « existante » employés aux articles 16 et 17 de l’annexe du Règlement en fonction des dispositions pertinentes de la LCEE 2012 et du Règlement.

[45]           Il ne revient pas à la Cour d’élargir ou de limiter la portée d’une telle interprétation pour des motifs stratégiques; il s’agit du rôle des lois et, par extension, des législateurs.

[46]           Bien que la proposition du défendeur d’interpréter le terme « nouvelle mine » de manière plus étendue soit persuasive, compte tenu de la durée substantielle de l’interruption des opérations, de l’importante nécessité de la mise en place d’une nouvelle infrastructure et d’activités de reconstruction, des changements environnementaux notables survenus au cours des 25 dernières années, et considérant les objectifs de la LCEE (2012) et le mandat de l’Agence, néanmoins, la demanderesse soutient que le terme ne devrait pas être interprété ainsi pour les raisons suivantes :

  1. vu le sens ordinaire de « nouvelle mine », dans le contexte de la législation sous‑jacente édictée dans la LCEE (2012) et dans l’annexe du Règlement;
  2. la mine PL n’a jamais été fermée et est titulaire d’un permis d’exploitation valide et en vigueur délivré aux termes de la Loi sur l’environnement du Manitoba;
  3. la mine PL est assujettie à un plan de fermeture valide et en vigueur la liant à Minnova;
  4. la mine PL est assujettie à un régime de maintenance et de surveillance;
  5. la mine PL satisfait à au moins trois des quatre facteurs opérationnels que l’Agence doit prendre en considération d’après ses propres directives opérationnelles, selon lesquels la mine PL est une mine existante;
  6. le paragraphe 14(2) de la LCEE (2012) prévoit que le ministre peut désigner toute activité concrète d’une mine existante qui n’est pas désignée aux articles 16 ou 17 de l’annexe du Règlement, s’il est d’avis que les activités menées par cette mine existante peuvent entraîner des effets environnementaux négatifs ou que les préoccupations du public concernant ces effets environnementaux négatifs le justifient.

[47]           Il est malheureux pour les deux parties que le libellé des dispositions législatives contestées soit ambigu et laisse place à de multiples interprétations. Cependant, j’estime que l’interprétation téléologique des termes « nouvelle mine » et « mine existante » dans le contexte de la LCEE 2012 et des articles 16 et 17 de l’annexe du Règlement mène à la conclusion que la mine PL est une mine existante, et non une nouvelle mine. Par conséquent, la décision du défendeur est déraisonnable.

[48]           Conclure autrement nous amènerait à nous engager sur une pente glissante où il faudrait décider subjectivement en quoi consiste une nouvelle mine aux termes de la LCEE 2012 et du Règlement en l’absence de paramètres définis et en s’appuyant sur des questions concernant la durée de la période d’inactivité de la mine et les travaux de réaménagement nécessaires pour évaluer s’il s’agit encore d’une mine existante ou s’il s’agit maintenant d’une nouvelle mine. La Cour ne devrait pas s’engager sur cette pente, car elle suscite l’incertitude et donne lieu à une analyse subjective qui ne correspond pas à une méthode d’interprétation législative utile ou pragmatique. Bien que je reconnaisse le besoin de faire preuve de déférence à l’égard du défendeur lorsqu’il est question de décisions stratégiques, j’estime que la position du défendeur donne une interprétation déraisonnable des termes « nouvelle mine » et « mine existante » au sens de la LCEE 2012 et des articles 16 et 17 de l’annexe du Règlement.

[49]           Toutefois, compte tenu de la conclusion que j’ai tirée précédemment, à savoir que la demande est prématurée, la demande doit être rejetée.

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande est rejetée;

2.                  Les dépens, fixés à 3 500 $, sont adjugés au défendeur.

« Michael D. Manson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, B.A. en trad.


Définitions

 2(1) « projet désigné » Une ou plusieurs activités concrètes :

a) exercées au Canada ou sur un territoire domanial;

b) désignées soit par règlement pris en vertu de l’alinéa 84a), soit par arrêté pris par le ministre en vertu du paragraphe 14(2);

c) liées à la même autorité fédérale selon ce qui est précisé dans ce règlement ou cet arrêté.

Sont comprises les activités concrètes qui leur sont accessoires.

Obligation des promoteurs — description du projet désigné

8. (1) Le promoteur d’un projet désigné — autre que le projet désigné devant faire l’objet d’une évaluation environnementale au titre de l’article 13 ou du paragraphe 14(1) — fournit à l’Agence une description du projet qui comprend les renseignements prévus par règlement pris en vertu de l’alinéa 84b).

Examen préalable et décision

10. Dans les quarante-cinq jours suivant l’affichage de l’avis sur le site Internet, l’Agence :

a) effectue l’examen préalable du projet désigné en tenant compte notamment des éléments suivants :

(i) la description du projet fournie par le promoteur,

(ii) la possibilité que la réalisation du projet entraîne des effets environnementaux négatifs,

(iii) les observations reçues du public dans les vingt jours suivant l’affichage de l’avis sur le site Internet,

(iv) les résultats de toute étude pertinente effectuée par un comité constitué au titre des articles 73 ou 74;

b) décide, au terme de cet examen, si une évaluation environnementale du projet désigné est requise ou non.

 

Definitions

S. 2(1) “designated project” means one or more physical activities that

(a) are carried out in Canada or on federal lands;

(b) are designated by regulations made under paragraph 84(a) or designated in an order made by the Minister under subsection 14(2); and

(c) are linked to the same federal authority as specified in those regulations or that order.

It includes any physical activity that is incidental to those physical activities.

Proponent’s obligation — description of designated project

8. (1) The proponent of a designated project — other than one that is subject to an environmental assessment under section 13 or subsection 14(1) — must provide the Agency with a description of the designated project that includes the information prescribed by regulations made under paragraph 84(b).

Screening decision

10. Within 45 days after the posting of the notice on the Internet site, the Agency must

(a) conduct the screening, which must include a consideration of the following factors:

(i) the description of the designated project provided by the proponent,

(ii) the possibility that the carrying out of the designated project may cause adverse environmental effects,

(iii) any comments received from the public within 20 days after the posting of the notice, and

(iv) the results of any relevant study conducted by a committee established under section 73 or 74; and

(b) on completion of the screening, decide if an environmental assessment of the designated project is required.

ANNEXE A

Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (LC 2012, c. 19, art. 52)

Règlement désignant les activités concrètes, DORS/2012-147

Activités concrètes — projets désignés

2. Pour l’application de l’alinéa b) de la définition de « projet désigné » au paragraphe 2(1) de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012), les activités concrètes sont celles prévues à l’annexe.

16. La construction, l’exploitation, la désaffectation et la fermeture :

a) d’une nouvelle mine métallifère, autre qu’une mine d’éléments des terres rares ou mine d’or, d’une capacité de production de minerai de 3 000 t/jour ou plus;

b) d’une nouvelle usine métallurgique d’une capacité d’admission de minerai de 4 000 t/jour ou plus;

c) d’une nouvelle mine d’éléments des terres rares ou d’une nouvelle mine d’or, autre qu’un placer, d’une capacité de production de minerai de 600 t/jour ou plus;

d) d’une nouvelle mine de charbon d’une capacité de production de charbon de 3 000 t/jour ou plus;

e) d’une nouvelle mine de diamants d’une capacité de production de minerai de 3 000 t/jour ou plus;

f) d’une nouvelle mine d’apatite d’une capacité de production de minerai de 3 000 t/jour ou plus;

g) d’une nouvelle carrière de pierre, de gravier ou de sable d’une capacité de production de 3 500 000 t/an ou plus.

17. L’agrandissement :

a) d’une mine métallifère existante, autre qu’une mine d’éléments des terres rares ou mine d’or, qui entraînerait une augmentation de l’aire d’exploitation minière de 50 % ou plus et une capacité de production totale de minerai de 3 000 t/jour ou plus;

b) d’une usine métallurgique existante qui entraînerait une augmentation de l’aire d’exploitation minière de 50 % ou plus et une capacité d’admission totale de minerai de 4 000 t/jour ou plus;

c) d’une mine d’éléments des terres rares existante ou d’une mine d’or existante, autre qu’un placer, qui entraînerait une augmentation de l’aire d’exploitation minière de 50 % ou plus et une capacité de production totale de minerai de 600 t/jour ou plus;

d) d’une mine de charbon existante qui entraînerait une augmentation de l’aire d’exploitation minière de 50 % ou plus et une capacité de production totale de charbon de 3 000 t/jour ou plus;

e) d’une mine de diamants existante qui entraînerait une augmentation de l’aire d’exploitation minière de 50 % ou plus et une capacité de production totale de minerai de 3 000 t/jour ou plus;

f) d’une mine d’apatite existante qui entraînerait une augmentation de l’aire d’exploitation minière de 50 % ou plus et une capacité de production totale de minerai de 3 000 t/jour ou plus;

g) d’une carrière de pierre, de gravier ou de sable existante qui entraînerait une augmentation de l’aire d’exploitation minière de 50 % ou plus et une capacité de production totale de 3 500 000 t/an ou plus.

Designated activities — designated projects

2. The physical activities that are set out in the schedule are designated for the purposes of paragraph (b) of the definition “designated project” in subsection 2(1) of the Canadian Environmental Assessment Act, 2012.

16. The construction, operation, decommissioning and abandonment of a new

(a) metal mine, other than a rare earth element mine or gold mine, with an ore production capacity of 3 000 t/day or more;

(b) metal mill with an ore input capacity of 4 000 t/day or more;

(c) rare earth element mine or gold mine, other than a placer mine, with an ore production capacity of 600 t/day or more;

(d) coal mine with a coal production capacity of 3 000 t/day or more;

(e) diamond mine with an ore production capacity of 3 000 t/day or more;

(f) apatite mine with an ore production capacity of 3 000 t/day or more; or

(g) stone quarry or sand or gravel pit, with a production capacity of 3 500 000 t/year or more.

17. The expansion of an existing

(a) metal mine, other than a rare earth element mine or gold mine, that would result in an increase in the area of mine operations of 50% or more and a total ore production capacity of 3 000 t/day or more;

(b) metal mill that would result in an increase in the area of mine operations of 50% or more and a total ore input capacity of 4 000 t/day or more;

(c) rare earth element mine or gold mine, other than a placer mine, that would result in an increase in the area of mine operations of 50% or more and a total ore production capacity of 600 t/day or more;

(d) coal mine that would result in an increase in the area of mine operations of 50% or more and a total coal production capacity of 3 000 t/day or more;

(e) diamond mine that would result in an increase in the area of mine operations of 50% or more and a total ore production capacity of 3 000 t/day or more;

(f) apatite mine that would result in an increase in the area of mine operations of 50% or more and a total ore production capacity of 3 000 t/day or more; or

(g) stone quarry or sand or gravel pit that would result in an increase in the area of mine operations of 50% or more and a total production capacity of 3 500 000 t/year or more.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

T-2601-14

 

INTITULÉ :

MINNOVA CORP C PGC

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

WINNIPEG (MANITOBA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 JUILLET 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 23 JUILLET 2015

 

COMPARUTIONS :

Sacha R. Paul

 

POUR LA DEMANDERESSE

Dayna Anderson

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Thompson Dorfman Sweatman LLP

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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