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Date : 20150917


Dossier : T-243-15

Référence : 2015 CF 1089

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 septembre 2015

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

SERGE BOURDEAU

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]         La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire visant une décision rendue le 14 janvier 2015 par Mme Linda Brouillette, directrice générale, Ressources humaines, Transports Canada, en sa qualité de déléguée de l’administrateur général en matière de griefs de classification (la déléguée). Par cette décision, la déléguée a entériné la recommandation, faite le 8 janvier 2015 par un comité de griefs de classification (le Comité), selon laquelle la classification du poste d’agent de planification et de coordination, Services d’immeubles, occupé par le demandeur au ministère des Transports du Canada, à Ottawa, devait être maintenue au groupe et au niveau AS-01.

[2]   .     À titre d’organisme de la fonction publique fédérale, Transports Canada est visé par la Loi sur la gestion des finances publiques, en vertu de laquelle, en l’espèce, le Conseil du Trésor agit comme employeur.

[3]         Pour les motifs exposés ci-après, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie en partie.

I.                   CONTEXTE

[4]               Le 12 février 2014, le demandeur a déposé un grief au motif que son poste d’agent de planification et de coordination, Services d’immeubles, n’était pas classifié correctement eu égard à ses fonctions et responsabilités.

[5]   .     Ce grief faisait suite à une révision et une mise à jour du poste du demandeur effectuées à l’occasion d’un examen et d’une réorganisation de la Direction de la gestion des installations, exercice dans le cadre duquel le Comité de l’organisation et de la classification a établi que le poste en question demeurerait au groupe et au niveau AS-01 en date effective du 4 janvier 2013.

[6]   .     Le grief du demandeur était assujetti à la Politique sur les griefs de classification et à la Procédure du règlement des griefs de classification du Conseil du Trésor, en vertu de laquelle un Comité de règlement des griefs de classification, formé de trois personnes nommées en fonction de certains critères prescrits, se réunit pour statuer sur le grief.

[7]   .     Conformément à la procédure, un comité de trois personnes a été mis sur pied. Sa présidente, Robin Gilmore, occupait le poste de conseillère principale en ressources humaines, Classification. Les deux autres membres exerçaient respectivement les fonctions d’analyste des griefs de classification auprès du Conseil du Trésor, et de gestionnaire, Administration des baux et biens immobiliers, à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC).

[8]   Aux termes de la section « Mandat » de la procédure du règlement des griefs, le comité des griefs « doit déterminer la classification appropriée du poste qui fait l’objet d’un grief en tenant compte des fonctions et responsabilités assignées par la gestion, et qui sont accomplies par l’employé; le comité doit aussi tenir compte de l’information présentée par le plaignant et/ou son représentant ». Il est en outre précisé que « [l]a recommandation présentée à l’administrateur général ou à son délégué doit être juste, équitable et en accord avec les principes de classification ».

[9]   .     La procédure mentionne par ailleurs qu’il est important que la décision relative aux griefs soit fondée sur la description de travail réelle ayant été attribuée à l’employé par la direction. Elle recommande également de procéder à un examen sur place du travail en compagnie de l’employé concerné et de son superviseur. En l’espèce, un examen sur place a été réalisé le 3 septembre 2013, et l’on a conclu qu’il y avait [traduction] « concordance entre la description de travail et les tâches accomplies. »

[10]           Les parties conviennent que le groupe de classification approprié en l’espèce est celui des Services administratifs (AS). Dans la définition du groupe des Services des programmes et de l’administration, où sont mentionnés les postes inclus, il est indiqué ce qui suit :

Le groupe Services des programmes et de l’administration comprend les postes principalement liés à la planification, à l’élaboration, à la mise en œuvre ou à la gestion des politiques, programmes, services ou activités du domaine de l’administration ou du gouvernement fédéral à l’intention du public ou de la fonction publique.

[11]           Conformément à la norme de classification, un plan de notation numérique comportant quatre facteurs et neuf éléments ou sous-facteurs est utilisé pour évaluer les postes appartenant au groupe Services des programmes et de l’administration. Les éléments en caractères gras figurant dans le tableau ci-dessous sont ceux qui sont en litige en l’espèce :

Connaissances                         Études

Expérience

Formation continue

Prise de décisions                    Portée des décisions

Répercussions des décisions

Responsabilité relative            Nature des contacts

aux contacts                            Personnes contactées

Supervision                             Nombre d’employés supervisés

Niveau des employés supervisés

[12]           Il y a six étapes à suivre pour déterminer la classification d’un poste : on doit notamment examiner le rapport qui existe entre le poste visé par l’évaluation et les postes supérieurs et inférieurs dans l’organisation, et étudier la description de travail pour bien saisir le poste dans son ensemble. Il faut aussi comparer les descriptions des facteurs de chacun des postes-repères aux descriptions des facteurs du poste évalué, mais aussi à celles des autres postes-repères se situant au-dessus et au-dessous du poste en question. Enfin, le poste qui fait l’objet de l’évaluation est comparé dans son ensemble à des postes de l’organisation ayant un total de points comparable afin de vérifier la justesse de la cote globale.

[13]           Comme il est facile de le constater après un examen de la politique, de la procédure et de la documentation relative aux normes de classification, ainsi que de la description du poste et des postes-repères, la tâche d’évaluation du travail et de détermination de la classification d’un poste exige un souci du détail, un important degré d’expertise et une compréhension de l’environnement de travail global du poste visé par l’évaluation. En l’espèce, la décision du Comité était unanime. On ne saurait donc intervenir à la légère en ce qui la concerne.

II.                LA DÉCISION CONTESTÉE

[14]           Bien que la décision faisant l’objet du contrôle soit celle de la déléguée, celle-ci a entériné la recommandation unanime du Comité. Par conséquent, les motifs soumis au contrôle judiciaire sont ceux du Comité. La déléguée n’a fourni aucune autre raison ou justification à l’appui de la décision.

[15]           Le Comité a reçu du représentant du demandeur un exposé écrit et un exposé oral. À quelques reprises, le Comité a posé au représentant des questions visant à obtenir des éclaircissements, et celui-ci y a répondu. Le demandeur a lui aussi répondu à des questions du Comité, lequel a communiqué avec la superviseure du demandeur pour lui demander de fournir certains renseignements à titre de représentante de la direction.

[16]           Le demandeur a déposé un grief pour contester la cote attribuée à trois facteurs : « Connaissances – Expérience », « Portée de la prise de décisions » et « Responsabilité relative aux contacts ». Le Comité a accepté les arguments du demandeur au sujet du facteur « Connaissances – Expérience », mais a rejeté ceux concernant les facteurs « Portée de la prise de décisions » et « Responsabilité relative aux contacts ». Après un rajustement des points accordés à « Connaissances – Expérience », la cote du poste faisant l’objet d’un grief correspondait toujours à celle d’un poste de niveau AS‑01; par conséquent, le demandeur a déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision.

[17]           La demande de contrôle judiciaire dont je suis saisi portait uniquement sur les facteurs « Portée de la prise de décisions » et « Responsabilité relative aux contacts ».

A.                Les observations du demandeur

[18]           Le demandeur a soutenu que la décision de la déléguée était nettement déraisonnable, étant donné que le Comité avait mal interprété les définitions se rapportant à la norme de classification AS et modifié les tâches précisées dans la description de travail. Le demandeur a fait valoir que, pour en arriver à ses conclusions concernant les trois facteurs visés par le grief, le Comité avait tiré une conclusion qui [traduction] « contredisait carrément le contenu du dossier dont il disposait ».

[19]           En outre, le demandeur a affirmé que le Comité ne s’était pas conformé à la marche à suivre prescrite par la Procédure du règlement des griefs de classification, et n’avait pas évalué les fonctions et activités du poste à la lumière des définitions énoncées dans la norme de classification.

[20]           Il a été allégué que le Comité avait [traduction] « exclu » ou autrement ignoré certaines parties de la description de travail au moment de se pencher sur l’échelle de cotation de la « Prise de décisions », en faisant fi du libellé même de la description de travail, en particulier le terme [traduction] « élabore », qui apparaît dans 6 des 13 activités principales énoncées dans la description de travail. Le demandeur a soutenu que ce point était important car « élabore » supposait des changements ou des modifications, et que la différence entre un facteur de degré A ou de degré B dans le cadre de la norme de classification AS équivalait à la différence entre des décisions nécessitant un certain jugement quant au choix d’une ligne de conduite tracée selon des méthodes établies, et des décisions nécessitant un degré moyen de jugement quant au choix de lignes de conduite pouvant exiger la modification des méthodes établies. [Non souligné dans l’original.]

[21]           Dans le même ordre d’idées, le demandeur a soutenu que, lorsqu’il a examiné le facteur « Responsabilité relative aux contacts », le Comité, pour en arriver à sa conclusion, a fait abstraction du terme [traduction] « négocie » et a modifié la définition du terme [traduction] « associés ».

[22]           Le terme « négocie » serait important, car, selon la description qui y correspond, le sous‑facteur « Nature des contacts » de degré B consiste à persuader d’autres personnes et à obtenir leur aide ou leur accord, ce qui, d’après le demandeur, suppose nécessairement de la négociation. La description de ce même facteur au degré A présente un caractère plus passif : la nature des contacts consiste en effet à [traduction] « donner, à obtenir et à échanger des renseignements qui exigent des discussions, des explications et de la collaboration. »

[23]           Quant au terme « associés », il est important pour ce qui est du degré de personnes contactées. Le demandeur a soutenu avoir des contacts avec des associés, tant au sens de la définition de ce terme prévue dans la norme de classification qu’au sens de la description du degré 2, qui fait référence à des contacts avec des associés d’organismes privés.

[24]           Dans la norme de classification, le terme « associés » est défini comme suit :

« personnes avec qui on établit habituellement des contacts pendant des périodes prolongées et dans des conditions qui permettent de connaître les exigences de chacun. »

[25]           En réponse à une question du Comité, le demandeur a cité, à titre d’exemples de fournisseurs de services externes avec lesquels il a des contacts réguliers, des entreprises de déménagement, des locateurs, TPSGC, des fournisseurs et des serruriers. Le demandeur a allégué que ces fournisseurs de services externes constituaient des associés.

B.                 Les observations du défendeur

[26]           Le défendeur a soutenu que la déléguée n’avait commis aucune erreur susceptible de contrôle en approuvant la recommandation faite par le Comité, qui avait expliqué clairement et adéquatement son analyse et évalué les tâches de la description de travail dans le contexte organisationnel, tout en appliquant correctement les définitions contenues dans la norme de classification AS.

[27]           Le défendeur a affirmé que le fait que la norme de classification comporte six étapes démontrait que le processus de classification allait au-delà d’une simple vérification de la correspondance entre les termes employés dans la description de travail et ceux employés dans les définitions des degrés des facteurs figurant dans la norme de classification AS.

[28]           En ce qui concerne tout particulièrement le facteur « Portée de la prise de décisions », le défendeur a invoqué la conclusion du Comité selon laquelle la prise de décisions par le demandeur était limitée en raison du rôle de sa superviseure, qui consiste notamment à élaborer, mettre en œuvre et contrôler des politiques. Le Comité a aussi conclu que le demandeur agissait en tant que porte-parole du client, alors que TPSGC était responsable de la prestation de services, de sorte que la latitude du demandeur pour prendre des décisions était limitée.

[29]           Le défendeur a contesté l’allégation du demandeur selon laquelle le Comité avait ignoré ou « exclu » des parties de la description de travail de son poste. Il a indiqué que le Comité avait fourni des motifs et une analyse clairs à l’appui de sa décision, et que, par conséquent, il n’avait commis aucune erreur susceptible de contrôle.

III.             AnalysE

A.                La norme de contrôle

[30]           Les parties conviennent que la norme de contrôle qui s’applique en l’espèce est celle de la décision raisonnable.

[31]           J’en conviens également. La jurisprudence de notre Cour établit que « [l]e Comité de griefs de classification assume des fonctions hautement spécialisées et possède une expertise en matière de classification; les décisions du comité doivent faire l’objet d’un degré élevé de déférence. La norme de contrôle appropriée est celle de la décision raisonnable » (McEvoy c Canada (Procureur général), 2013 CF 685, au paragraphe 39).

B.                 Principes directeurs

[32]           Les avocats sont également tombés d’accord sur le fait que certains principes directeurs établis dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, et dans d’autres affaires tranchées par la suite régissent la façon dont je procéderai pour contrôler cette décision en fonction de la norme de la décision raisonnable. En bref, ces principes sont les suivants :

         les cours de justice doivent faire preuve de « respect [à l’égard] du processus décisionnel [des instances juridictionnelles] au regard des faits et du droit »;

         les motifs doivent être examinés dans le contexte du dossier dans son ensemble, y compris la preuve, les arguments des parties et le processus;

         il n’est pas nécessaire que les motifs soient parfaits ou exhaustifs;

         les motifs doivent être examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si ce dernier appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit;

         l’insuffisance des motifs ne permet pas à elle seule de casser une décision;

         il n’appartient pas à la Cour de réévaluer la preuve ou de substituer l’issue qui serait selon elle préférable à celle qui a été retenue;

         Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails qu’un juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision.

Voir par exemple : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62; McEvoy c Canada (Procureur général), 2013 CF 685, et Peck c Parcs Canada, 2009 CF 686. Les autres références sont omises, étant donné que ces principes sont bien connus et ne sont pas contestés.

[33]           En l’espèce comme dans bien d’autres affaires, le principe directeur le plus important est sans doute le suivant :

  • Le décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit-il, qui a mené à sa conclusion finale [...]. [L]es motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables. Bergeron c Canada (Procureur général), 2015 CAF 160, au paragraphe 58.

C.                 La documentation relative à la classification

(1)               Le Rapport du Comité d’organisation et de classification

[34]           Au début de 2013, la Direction de la gestion des installations a fait l’objet d’une réorganisation dans le cadre de laquelle toutes les descriptions de travail ont été examinées/mises à jour. En conséquence de ces changements, le demandeur s’est vu assigner une superviseure. Sa superviseure (qui avait alors le titre de chef, Gestion des installations) a proposé que le poste du demandeur soit reclassifié au groupe et au niveau AS‑02. Quant au poste de la superviseure, il a été classifié au groupe et au niveau AS-04.

[35]           Le 28 novembre 2013, le Comité d’organisation et de classification du Centre d’excellence en classification a tenu une réunion où il a entendu un exposé de la superviseure du demandeur portant sur le contexte de la restructuration et sur [traduction] « l’évolution des responsabilités et de la charge de travail qui requiert une reclassification du poste. » Après avoir comparé les fonctions du demandeur à celles de deux postes-repères se situant respectivement au-dessus et au-dessous du poste en question pour chacun des quatre facteurs, les membres du Comité ont convenu que la cote de classification AS-01devait demeurer la même.

[36]           Sous la rubrique « Relativité interne et externe », le Comité a indiqué ce qui suit :

[traduction] Il s’agit d’un poste unique au sein du ministère. Une requête aux fins de l’analyse de la relativité a été envoyée à trois ministères; un seul d’entre eux a répondu. Néanmoins, l’analyse de la relativité transmise par ce ministère présentait un trop grand nombre de différences pour pouvoir être utilisée.

[37]           Au cours de ses observations, le défendeur a souligné l’importance d’examiner le poste du demandeur de manière globale, et dans le contexte de l’organisation. Étant donné l’absence de poste comparable dans l’organisation, cette étape a dû se limiter à examiner les postes situés au‑dessus et au-dessous de celui du demandeur. L’analyse de ces postes par le Comité est devenue d’autant plus essentielle que l’importante « sixième étape », qui consiste à comparer le poste évalué avec d’autres postes ayant un total de points similaire pour « vérifier la validité de la cote », n’a pas pu être réalisée.

(2)               La Procédure du règlement des griefs de classification

[38]           À l’article 7 de l’Annexe 1 de la Procédure du règlement des griefs de classification (Rapport du comité de règlement des griefs de classification), il est clairement fait état de l’importance des délibérations du Comité et de la consignation de celles-ci dans le rapport écrit. Voici ce qu’on peut y lire :

Délibérations du comité

7.  Les délibérations forment la principale partie du rapport et doivent expliquer clairement comment les membres du comité en sont arrivés à leur décision. On y analyse le poste du plaignant par rapport aux normes de classification en vigueur, les arguments invoqués par le plaignant ou en son nom, les renseignements fournis par la direction, ainsi que la raison d’être de l’évaluation du comité. On devrait aussi expliquer pourquoi le comité a attribué cette catégorie, ce groupe professionnel et ce niveau au poste, ainsi que les autres catégories ou groupes envisagés et les raisons pour lesquelles ils ont été rejetés. En cas de confirmation de la catégorie, du groupe, du niveau et des cotes numériques attribuées aux facteurs, le rapport doit fournir des explications à ce sujet. Un énoncé du genre « Aucune modification de la classification actuelle » n’est pas acceptable.

[39]           De fait, l’importance de disposer d’un rapport complet du comité, y compris une justification de sa recommandation, est telle que la Procédure du règlement des griefs de classification prévoit des lignes directrices détaillées pour la rédaction de ce rapport. En l’espèce, le Comité a correctement suivi ces lignes directrices, et la forme du rapport n’est pas contestée. Le litige porte plutôt sur l’analyse contenue dans le rapport et sur le caractère suffisant des motifs.

(3)               Le rapport d’examen sur place

[40]           Comme mentionné précédemment, le rapport d’examen sur place est un document important qui permet au comité de s’acquitter de son mandat en matière de classification en s’assurant que les tâches visées par l’examen et la classification sont bel et bien les tâches assignées par la gestion et accomplies par l’employé. En l’espèce, le rapport d’examen sur place contient un commentaire du demandeur à savoir que [traduction] « les rôles et les responsabilités du poste ont changé. Le titulaire du poste a maintenant une influence accrue sur les décisions qui sont prises, et il peut faire l’objet de contestations de la direction par rapport à la qualité de l’information qu’il lui fournit ». Étant donné qu’il apparaît directement sous la conclusion constatant une [traduction] « concordance entre la description de travail et les tâches accomplies », ce commentaire semble avoir été accepté comme véridique par le responsable de l’examen sur place et, conformément aux principes directeurs, j’admets que le Comité en a tenu compte au cours de ses délibérations.

D.                Les sous-facteurs et les degrés faisant l’objet de l’examen

[41]           Les parties et le Comité ont analysé chacun des trois sous-facteurs contestés à la lumière de l’échelle de classification figurant dans la norme de classification. Dans le cadre de son analyse, le Comité a examiné des postes-repères se situant à un échelon supérieur ou équivalent à celui du poste du demandeur.

(1)               La portée de la prise de décisions

[42]           Le demandeur a proposé qu’un degré B plutôt qu’un degré A soit attribué à ce facteur, principalement en raison du fait que son travail [traduction] « p[ouvait] exiger de modifier des méthodes établies », ce qui est un élément de la description des répercussions correspondant au degré B. Le demandeur a fait valoir que, pour pouvoir élaborer de nouvelles politiques ou modifier celles en vigueur, il allait de soi qu’il fallait modifier les méthodes établies.

[43]           En comparant le poste du demandeur au poste-repère d’administrateur, Poste à l’étranger (La Haye), qui est au degré A, le Comité a noté que les décisions et les recommandations émanant du titulaire de ce poste étaient prises conformément à des directives, à des processus et à des pratiques établies, alors qu’en effectuant la comparaison avec le poste-repère d’administrateur, Poste à l’étranger (Tokyo), qui est au degré B, le Comité a constaté que, si la plupart des décisions étaient prises en se reportant à des pratiques établies, des modifications à celles-ci étaient nécessaires dans le cas de l’attribution de contrats, en ce qui a trait aux dispositions à prendre pour le logement et aux questions liées au personnel recruté sur place.

[44]           Le Comité a demandé des exemples de situations qui obligeaient le demandeur à modifier les méthodes établies. Deux exemples à cet égard ont été fournis au Comité par le demandeur. L’un concernait des changements ayant suivi la création de Services partagés Canada, qui a eu pour effet d’éliminer l’équipe interne des TI pour les services d’immeubles. L’autre exemple découlait d’une vérification interne à l’issue de laquelle on avait recommandé l’adoption de mécanismes de suivi plus rigoureux. Suivant cette recommandation, le demandeur a mis au point une partie du nouveau système de suivi des données, de même qu’un processus permettant la saisie et le suivi de ces données.

[45]           La superviseure du demandeur, que le Comité a contactée, a confirmé le rôle joué par le demandeur dans l’élaboration des systèmes de suivi et dans la réalisation de suivis des dépenses. Elle a également confirmé la distinction entre le poste du demandeur et d’autres postes au sein de l’unité de travail, de même que la distinction entre le rôle du demandeur et celui de l’équipe de la Gestion des installations dans son ensemble. La superviseure a également attesté la participation du demandeur à la révision des plans.

Analyse

[46]           Il n’est pas de mon ressort de faire des conjectures quant aux raisons pour lesquelles le Comité a conclu que c’était le degré A, et non le degré B, qui convenait relativement au facteur « Portée de la prise de décisions ». Mon rôle consiste à déterminer si « [les motifs] permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables », auquel cas les critères établis dans Dunsmuir sont respectés (Bergeron c Canada (Procureur général), 2015 CAF 160, au paragraphe 58).

[47]           En examinant la cote attribuée à ce facteur, le Comité a accordé une attention particulière aux parties de la description de travail mises en évidence par le représentant du demandeur, de même qu’aux commentaires du demandeur. Le Comité a conclu que la responsabilité décisionnelle du demandeur était limitée en raison du rôle assumé par sa superviseure, et que même si, à l’occasion, le demandeur avait la responsabilité d’agir comme porte-parole du client, c’est TPSGC qui était chargé de la prestation des services. La liberté du demandeur de prendre des décisions était donc restreinte.

[48]           Le Comité a également comparé soigneusement le poste du demandeur aux postes‑repères situés à un échelon supérieur ou identique, et il a expliqué pourquoi il avait retenu l’un plutôt que l’autre poste comme équivalent.

[49]           Bien que le demandeur ait été en mesure de citer plusieurs occurrences du terme « élabore » dans sa description de travail, et qu’il ait fait valoir qu’à elle seule, la modification de méthodes établies permettrait d’en arriver à la [traduction] « conclusion évidente » qui, a-t-on allégué, aurait été ignorée par le Comité, une lecture attentive des motifs du Comité révèle que celui-ci a tenu compte de la nature limitée des modifications apportées par le demandeur, et du fait que la description de travail de sa superviseure comprenait l’élaboration et le perfectionnement de politiques et de pratiques et que les décisions du demandeur étaient également limitées en raison du rôle rempli par TPSGC.

[50]           Selon la norme de classification, le facteur « Portée de la prise de décisions » renvoie à la liberté de prendre des décisions et se mesure en fonction du [traduction] « jugement, du sens de l’initiative et de la discrétion nécessaires pour cerner et résoudre les problèmes ». Je partage l’opinion du défendeur quant au fait que procéder à l’analyse et à la classification d’un poste n’est pas aussi simple que d’établir une [traduction] « correspondance entre les termes ». Il faut lire les termes dans leur contexte et examiner l’ensemble des tâches que comporte le travail, ce que le Comité a fait en l’espèce.

[51]           Force est de constater que l’analyse de ce facteur par le Comité appartient aux issues possibles acceptables. Le Comité était au courant des arguments du demandeur au sujet des méthodes établies, et il a fourni des justifications pour expliquer son rejet de ces arguments. Ainsi, compte tenu des principes directeurs, je suis convaincue que la décision du Comité en ce qui a trait au facteur « Portée de la prise de décisions » tenait compte du travail dans son ensemble, surtout comparativement aux descriptions des postes-repères. À mon sens, cette conclusion ne saurait être annulée.

(2)               Responsabilité relative aux contacts

[52]           Les observations concernant la « Responsabilité relative aux contacts » portaient principalement sur chacun des deux sous-facteurs de l’échelle de cotation.

a)                  Nature des contacts

[53]           En ce qui a trait à l’élément « Nature des contacts », la question était de savoir si le poste du demandeur était davantage du type passif consistant à [traduction] « donner, à obtenir et à échanger des renseignements », ou plus actif nécessitant de [traduction] « persuader d’autres personnes et [d’]obtenir leur aide ou leur accord ».

[54]           Le Comité a examiné le libellé de la description de travail, selon lequel le demandeur avait notamment pour fonctions, en ce qui a trait aux fournisseurs de services externes, de [traduction] « recueillir des renseignements et [de] négocier la façon de gérer les questions et les délais liés à la réception/livraison des produits et services ». S’agissant des déménageurs contractuels, le poste du demandeur exigeait en outre de [traduction] « négocier les priorités, les coûts et les calendriers et [d’]assurer la supervision des déménageurs contractuels en collaboration avec le coordonnateur d’immeuble subalterne ».

[55]           Le demandeur a déclaré que, comme elles supposaient une négociation, ces tâches comportaient très clairement de la persuasion, c’est-à-dire qu’elles consistaient à [traduction] « persuader d’autres personnes et obtenir leur aide ou leur accord », plutôt qu’à simplement donner ou obtenir des renseignements.

[56]           Le défendeur a déclaré que le Comité n’avait pas minimisé ni ignoré les fonctions et activités figurant dans la description de travail, comme en faisait foi son débat au sujet des réponses faites par le demandeur après que le Comité lui avait demandé de fournir des détails sur la nature de ses rapports avec le locateur, ses interactions avec le secteur privé et son rôle auprès des fournisseurs de services contractuels.

Analyse

[57]           Dans ses motifs, le Comité a affirmé que, bien que le demandeur était tenu de discuter et d’obtenir de la collaboration, l’obligation de persuader et d’obtenir l’accord d’autres personnes survenait au moment de négocier les contrats ou au cours de discussions entre le locateur et le locataire. Or, il a été conclu que cette tâche relevait soit de l’équipe de passation de marchés du ministère, soit de TPSGC, et non du demandeur. Cette conclusion est conforme aux descriptions de travail dont disposait le Comité.

[58]           Le Comité a examiné les réponses du demandeur à ses demandes d’éclaircissements au sujet des fournisseurs de services externes, mais aussi le genre de dossiers auxquels le demandeur est partie prenante.  Le Comité a examiné les exemples, fournis par le demandeur, de situations ayant fait en sorte que celui-ci doive modifier les méthodes établies, ainsi que son rôle en matière de gestion de projets.

[59]           Après examen des deux postes-repères, le Comité en est arrivé à la conclusion que le poste du demandeur équivalait au poste-repère 3 plutôt qu’au poste-repère 4 et que, par conséquent, il fallait attribuer à son poste un degré A au lieu d’un degré B.

[60]           L’avocat du demandeur a établi une comparaison, en avançant que le raisonnement suivi par le Comité à ce sujet se rapprochait davantage de l’analyse adoptée dans la décision Allard c Agence canadienne d’inspection des aliments, 2012 CF 979, que de celle exposée dans la décision Beauchemin c Canada (Agence Canadienne d’Inspection des Aliments), 2008 CF 186. On m’exhorte à conclure que la décision Allard — où le juge avait statué que la décision du comité de griefs de classification devait être annulée parce qu’on n’avait « pas simplement modulé les responsabilités des demandeurs de façon à tenir compte du contexte dans lequel ces responsabilités sont exercées, mais qu’[on avait] à plusieurs égards remis en question la nature même des activités répertoriées dans la description de tâches » — était plus pertinente par rapport à l’espèce que l’affaire Beauchemin, dans laquelle la décision du Comité avait été maintenue. Les deux causes ont été tranchées par le juge de Montigny, à l’époque où il était juge à la Cour.

[61]           J’ai examiné ces deux affaires, et ni l’une ni l’autre ne me semble particulièrement convaincante, car chacune repose sur des faits qui lui sont propres, comme c’est le cas pour la présente affaire. Mais à supposer que je sois forcée de choisir entre les deux, j’estime que l’espèce présente davantage de ressemblances avec le jugement Beauchemin qu’avec la décision Allard. Dans Allard, où il était question de la classification d’un poste de vétérinaire, la question centrale en litige concernait le fait qu’aucun consensus véritable n’avait été atteint au sujet de la description de travail et des tâches accomplies, même si cette description résultait d’une entente dans le contexte d’un grief de contenu. Selon les conclusions du juge de Montigny, « [l]e désaccord ne portait pas sur de simples modalités mais sur des aspects essentiels de la description de travail », et « le Comité a excédé sa compétence en modifiant le contenu de la description de travail des demandeurs sans leur donner la possibilité de se faire entendre par un arbitre ».

[62]           En l’espèce, la description de travail n’est pas en litige. Le Comité a demandé comme il se devait des précisions sur les tâches accomplies par le demandeur et le contexte dans lequel elles étaient effectuées. Dans la décision Beauchemin, où la Cour s’est penchée sur la classification d’un poste appartenant au groupe des services administratifs, le comité a conclu que certains aspects du travail réalisé ne constituaient pas une exigence permanente; il a en outre tenu compte du bassin de clientèle desservi par le poste visé. Il a été décidé que, « [b]ien que l’on puisse comprendre la déception de la demanderesse, cela ne saurait constituer un motif suffisant pour écarter une décision structurée et motivée prise au terme d’une audition au cours de laquelle son représentant a pu faire valoir tous les motifs et déposer toute la preuve au soutien de son grief ». Ou, pour reprendre les termes utilisés dans la décision Allard, on pourrait dire que dans la décision Beauchemin, à l’instar de la présente affaire, le comité a examiné « les responsabilités des demandeurs de façon à tenir compte du contexte dans lequel ces responsabilités sont exercées ».

[63]           Pour ces raisons, et pour les mêmes raisons précédemment exposées dans la partie concernant le facteur « Portée de la prise de décisions », j’estime que les motifs du Comité démontrent clairement que sa décision faisait bien partie des issues acceptables. Cela est particulièrement vrai si l’on tient compte de la nature des réponses du demandeur aux questions du Comité, réponses qui indiquaient que, dans bien des cas, ses fonctions consistaient en grande partie à parler au nom des clients de son ministère et à vérifier les factures et surveiller les dépenses.

b)                  Personnes contactées

[64]           En ce qui a trait au facteur des « Personnes contactées », l’élément essentiel distinguant un facteur de degré 1 d’un facteur de degré 2 était, comme l’a fait valoir le demandeur, le terme « associés ».

[65]           Le demandeur a soutenu que la conclusion du Comité selon laquelle les contacts qu’il avait avec les fournisseurs de services externes (p. ex., les locateurs du secteur privé, le personnel des entreprises de déménagement, les serruriers et les fournisseurs de meubles et d’équipement audiovisuel) ne correspondaient pas à la définition d’« associés » au sens de la norme de classification, était inintelligible et fondée sur une considération sans rapport avec la question de savoir s’il avait des contacts avec les associés. Du même coup, le demandeur a avancé que le Comité avait pris sa décision en se fondant sur des motifs qui n’avaient rien à voir avec les facteurs de la norme de classification ou que, si tel n’avait pas été le cas, les motifs du Comité n’exposaient pas clairement les raisons pour lesquelles la décision avait été prise.

[66]           Selon la position du défendeur, le Comité a conclu que, si le demandeur avait souvent affaire aux mêmes fournisseurs de services, c’était en raison d’exigences contractuelles, et non parce qu’il avait avec ces personnes des contacts habituellement établis pendant des périodes prolongées.

E.                 Analyse

[67]           La définition d’« associés » prévue dans la norme de classification est sans équivoque. Elle vise des « personnes avec qui on établit habituellement des contacts pendant des périodes prolongées et dans des conditions qui permettent de connaître les exigences de chacun. » Cette définition diffère de celle du terme « représentants », qui s’entend d’« administrateurs ou autres personnes investies d’une autorité administrative, mais qui ne sont pas des associés », et du terme « collègues », qui désigne des employés de la fonction publique fédérale.

[68]           En l’occurrence, les personnes avec qui le demandeur entretient des contacts ne se limitent pas aux employés de la fonction publique fédérale; par conséquent, il ne s’agit pas de collègues.

[69]           Il appert que des personnes telles que les locateurs et les déménageurs ne sont investies d’aucune autorité administrative : elles ne sont donc probablement pas des « représentants ».

[70]           La question cruciale à trancher est celle de savoir si ces personnes constituent des associés ou non. Pour y répondre, on doit se reporter à la description de travail, aux tâches réellement exécutées et à la norme de classification.

[71]           En plus de définir le terme « associés », la norme de classification prévoit l’exigence que seuls les contacts [traduction] « faisant partie intégrante du travail et résultant des fonctions attribuées devraient être considérés comme tels ». Dès lors, toutes les personnes auxquelles les employés ont affaire ne peuvent être considérées comme des « contacts » au sens du facteur de classification.

[72]           Le problème que pose la décision du Comité relativement à ce sous-facteur, c’est qu’après l’avoir lue selon son sens ordinaire, en tenant compte de l’ensemble des renseignements soumis au Comité sous forme verbale aussi bien que documentaire, je ne comprends pas le raisonnement qui la sous-tend. Par conséquent, même en faisant preuve de déférence et en prenant en considération l’abondance de renseignements dont disposait le Comité, je ne suis pas en mesure de déterminer si cette partie de la décision du Comité appartient aux issues possibles acceptables.

[73]           L’analyse pertinente à ce sous-facteur fournie par le Comité se lisait comme suit :

[traduction] Le Comité a discuté de l’élément « Personnes contactées » du facteur « Responsabilité relative aux contacts » et examiné le poste BM 4 d’agent d’administration, Station de recherches, de degré 2, car son titulaire a des contacts avec des agents administratifs d’universités qui représentent celles‑ci dans leur relation de propriétaire et qui sont considérés comme des associés. Le Comité a noté que, d’après ce qu’indique la norme de classification AS, le terme « associés » désigne des « personnes avec qui on établit habituellement des contacts pendant des périodes prolongées et dans des conditions qui permettent de connaître les exigences de chacun. » Il a également tenu compte du fait que, pour ce facteur de la norme de classification AS, les notes à l’intention des évaluateurs indiquaient que seuls les contacts faisant partie intégrante du travail et résultant des fonctions attribuées ou approuvées par la direction devaient être considérés comme tels. Le Comité a conclu que, bien que le poste faisant l’objet du grief comporte effectivement des contacts avec des fournisseurs de services externes (p. ex., des déménageurs contractuels), le fait que ces fournisseurs de services tendent à être les mêmes est attribuable aux particularités des contrats de services et des offres à commande négociées par l’équipe d’approvisionnement et de passation de marchés du ministère. Par conséquent, le Comité a conclu que ces contacts ne constituaient pas des associés au sens de la norme de classification AS. Il a donc attribué un degré 1 au sous-facteur « Personnes contactées ».  [Non souligné dans l’original.]

[74]           Selon la définition de ce terme, des « associés » doivent être des personnes avec qui on établit habituellement des contacts pendant des périodes prolongées. En l’occurrence, par la force des choses, ces contacts ont lieu avec les mêmes fournisseurs de services. Pour déterminer la façon de s’y prendre pour mesurer la difficulté et l’importance des contacts à des fins de classification, il ne s’agit pas de savoir comment ces contacts en sont venus à être des fournisseurs de services (en présumant qu’ils entrent par ailleurs dans la définition du terme « associés », à titre de « personnes avec qui on établit habituellement des contacts pendant des périodes prolongées », ce qui est le cas en l’espèce), mais plutôt si les contacts font partie intégrante du travail résultant des fonctions attribuées. En analysant le « comment » pour ensuite tirer les conclusions qu’il a tirées, le Comité semble avoir omis de prendre en compte ou avoir mal compris la définition figurant dans la norme de classification.

[75]           Les notes aux évaluateurs concernant le sous-facteur « Personnes contactées » confirment que, selon les circonstances, l’agent d’un organisme privé ou de l’industrie peut être considéré comme un associé ou un représentant. Cela peut également s’appliquer à des contacts d’un ministère ou d’un autre ordre de gouvernement. Si les fonctions du poste englobent des contacts de nature différente comprenant plus d’une association de personnes contactées, les points pour chaque degré seront déterminés en utilisant la valeur numérique la plus élevée.

[76]           En l’espèce, le demandeur entretenait des rapports constants avec des locateurs tels que SNC-Lavalin, avec un autre ministère, TPSGC, et avec le propriétaire d’entreprises de déménagement privées et divers fournisseurs. À première vue, les trois types de contacts seraient au moins assimilables à des associés et, dans le cas de TPSGC, celui-ci pourrait bien être un représentant. Ayant pourtant admis qu’il s’agissait là d’une condition nécessaire, le Comité n’a procédé à aucune analyse pour déterminer si les contacts faisaient partie intégrante du travail. S’il avait conclu que tel était le cas, il aurait ensuite pu examiner si, dans les faits, ces contacts étaient des collègues, des associés ou des représentants, pour enfin établir combien de points donneraient chacun de ces types de contacts. Or, cette analyse fait défaut, car le Comité a conclu à l’absence d’associés et, par ricochet, de représentants.

[77]           Malheureusement, je n’ai aucune idée de la signification de l’observation suivante du Comité : [traduction] « le fait que ces fournisseurs de services tendent à être les mêmes est attribuable aux particularités des contrats de services et des offres à commande négociées par l’équipe d’approvisionnement et de passation de marchés du Ministère ». Elle semble être un élément important du raisonnement du Comité, mais je la trouve dépourvue de logique.

[78]           Le Comité pourrait peut-être mieux expliquer ce qu’il entendait par là, mais il ne m’appartient pas de faire en sorte d’en arriver à un résultat auquel le Comité, s’il s’était correctement instruit, aurait pu parvenir après avoir procédé au reste de l’analyse (Bergeron c Canada (Procureur général), 2015 CAF 160, au paragraphe 59).

[79]           Puisque je ne suis pas en mesure de comprendre cette partie de la décision du Comité, je n’ai aucun moyen de déterminer si elle appartient aux issues possibles. L’analyse est incomplète. Je ne parviens pas à saisir les motifs sur lesquels repose la décision qui a été prise. Cela étant, je ne peux décider si elle appartient aux issues acceptables (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62). J’accueille donc la demande visant l’annulation de la décision de la déléguée concernant la note attribuée au sous‑facteur « Personnes contactées » du facteur « Responsabilité relative aux contacts ».

[80]           Je suis consciente qu’il s’agit peut-être d’une victoire à la Pyrrhus pour le demandeur. En effet, même s’il obtient gain de cause à l’issue d’un nouvel examen de l’affaire et que le facteur « Personnes contactées » est haussé au degré 2, étant donné que j’ai conclu qu’aucune erreur n’a été commise quant à la classification attribuée à la « Nature des contacts », le degré A de ce sous-facteur est maintenu, et les 12 points supplémentaires ainsi obtenus ne suffiront pas à faire passer la classification globale du niveau AS‑01 au niveau AS‑02.

[81]           Comme je suis arrivée à la conclusion que les motifs fournis étaient insuffisants, il ne m’apparaît pas nécessaire que l’affaire soit tranchée par un autre comité. Le comité original devrait revoir ses motifs à la lumière de mes conclusions.

[82]           En l’espèce, chacune des parties a eu partiellement gain de cause; par conséquent, aucune n’aura droit aux dépens.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      La demande de contrôle judiciaire est accueillie en partie, et la décision, prise par la directrice générale des Ressources humaines en sa qualité de déléguée de l’administrateur général en matière de griefs de classification, est annulée en ce qui a trait à la partie de la décision indiquant qu’aucun changement ne serait apporté à la notation du sous-facteur « Responsabilité en matière de contacts – Personnes contactées », et rejetant en conséquence le grief du demandeur à cet égard.

2.      Aucuns dépens ne sont adjugés.

« E. Susan Elliott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie-Marie Bissonnette, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-243-15

 

INTITULÉ :

SERGE BOURDEAU c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 2 septembre 2015

 

JUGEMENT et motifs :

La juge ELLIOTT

 

DATE DES MOTIFS :

Le 17 septembre 2015

 

COMPARUTIONS :

Amanda Montague-Reinholdt

 

POUR le demandeur

 

Ketia Calix

 

POUR le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck LLP/s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général

du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR le défendeur

 

 

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