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Date : 20151005


Dossier : T-21-15

Référence : 2015 CF 1135

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 5 octobre 2015

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

KATHLEEN O’GRADY

demanderesse

et

BELL CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFSDU JUGEMENT

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire visant une décision (la décision) rendue le 10 décembre 2014 par la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission). La Commission a rejeté la plainte de la demanderesse en application du sous‑alinéa 44(3)b)(i) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi), parce que, [traduction] « compte tenu des circonstances relatives à la plainte, un examen par le Tribunal n’est pas justifié ».

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande est accueillie.

I.                   CONTEXTE

[3]               Il s’agit de la deuxième demande de contrôle judiciaire en l’espèce. Les faits relatifs aux questions en litige entre les parties sont entièrement relatés dans la décision de la juge Kane, rendue le 7 décembre 2012 et publiée à 2012 CF 1448, et il n’est pas nécessaire de les répéter ici si ce n’est pour exposer les présents motifs.

[4]               La juge Kane a annulé la décision de la Commission de ne pas traiter la plainte conformément à l’alinéa 41(1)d) de la Loi et a renvoyé l’affaire à la Commission pour qu’elle l’examine de nouveau au motif que la demanderesse avait négocié un règlement et signé une attestation dégageant l’intimé de toute responsabilité relative à son congédiement.

L’invalidité de la demanderesse

[5]               La demanderesse, qui s’est toujours représentée elle-même, est atteinte de maladie mentale et était totalement invalide au moment des événements à l’origine de la plainte. Elle recevait des prestations d’invalidité de longue durée et espérait retourner au travail grâce au programme de réadaptation qui accompagne ces prestations.

[6]               Après les événements étudiés dans le cadre de la plainte, la demanderesse a fait une grave rechute. Elle était invalide au moment de la demande antérieure, et elle l’est toujours. Elle reçoit des prestations du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées.

La plainte

[7]               Le congédiement de la demanderesse du poste qu’elle occupait à Bell Canada pendant qu’elle recevait des prestations d’invalidité de longue durée constitue l’essentiel de sa plainte. Son poste a été supprimé en raison de la réorganisation de la société. Elle a été convoquée à une rencontre le 20 avril 2009, soi-disant pour organiser son retour au travail, mais elle a plutôt appris que le 27 octobre 2009 serait son dernier jour de travail si elle ne parvenait pas à trouver un autre poste avant cette date, ses prestations d’invalidité de longue durée lui ont été retirées sur-le-champ, son salaire à titre d’employée active a été maintenu pendant six mois et un montant forfaitaire correspondant à environ huit mois de salaire lui a été versé.

[8]               La demanderesse a déposé sa plainte à la Commission le 27 octobre 2010. Elle allègue avoir été victime de discrimination fondée sur la déficience en raison d’une différence préjudiciable de traitement et de son congédiement. Dans sa plainte, elle donne plusieurs exemples précis allant du peu de soutien reçu du défendeur jusqu’au fait d’avoir été informée de l’élimination de son poste seulement un an environ après le fait, alors que les autres postes pour lesquels elle aurait pu postuler avaient été comblés par d’autres employés dont les postes avaient été supprimés.

[9]               À la rencontre du 20 avril 2009, la demanderesse s’est vu retirer ses prestations d’invalidité de longue durée. La réparation qu’elle souhaite obtenir comprend le rétablissement de ces prestations depuis son dernier jour de travail officiel le 27 octobre 2009.

[10]           La demanderesse est d’avis que si elle avait été traitée de manière plus équitable, plutôt que d’apprendre brutalement son congédiement à la rencontre du 20 avril 2009, elle aurait été éventuellement en mesure de retourner au travail, comme cela a toujours été son objectif. À la suite de son congédiement, son médecin a constaté qu’elle faisait une grave rechute, ce qui l’empêchait de vaquer à ses occupations. Elle a été jugée incapable de travailler pour le défendeur ou tout autre employeur.

Le nouvel examen

[11]           Le 17 juillet 2013, la Commission a procédé à un nouvel examen de la plainte et décidé de la traiter, concluant que [traduction] « il ne semble pas que la plainte était “moralement répréhensible” lorsqu’elle l’a déposée » et que [traduction] « la plainte n’était pas entachée de mauvaise foi ».

La nouvelle enquête

[12]           Le 23 juillet 2013, la Commission a renvoyé la plainte de la demanderesse pour qu’une nouvelle enquête soit tenue. C’est la décision de la Commission découlant de cette enquête et de la tentative de conciliation subséquente qui fait l’objet de la présente demande.

[13]           L’enquêteuse a constaté que la demanderesse alléguait une différence préjudiciable de traitement de la part du défendeur qui l’a congédiée pendant qu’elle était en congé d’invalidité. Les allégations de la demanderesse ont fait l’objet d’une enquête et ont été regroupées en quatre catégories distinctes par l’enquêteuse. Cette dernière a examiné en détail chacune des allégations. Elle a examiné l’historique de la plainte, tenu compte de la chronologie des événements et interrogé la demanderesse ainsi que trois employés anciens ou actuels du défendeur.

[14]           Une fois l’enquête terminée, l’enquêteuse a d’abord conclu que la plainte devait être renvoyée au Tribunal. Après discussion avec la direction et examen par l’équipe juridique de la Commission, il était recommandé dans le rapport de ne pas renvoyer la question au Tribunal, mais plutôt de poursuivre la conciliation. La demanderesse affirme que l’enquêteuse lui avait dit que le rapport avait été changé en raison du règlement intervenu en février 2010.

[15]           Dans le courriel qu’elle a envoyé à la demanderesse le 1er avril 2014, l’enquêteuse écrit :

[traduction] Comme j’ai essayé de l’expliquer au téléphone hier, j’ai fait erreur lorsque j’ai cru que nous nous étions entendus sur mon rapport initial recommandant le renvoi au Tribunal. Je suis sincèrement désolée de la frustration, de l’anxiété et du bouleversement que cela a pu vous causer. Après d’autres discussions, nous avons jugé plus approprié de recommander la conciliation. Lorsque vous aurez reçu et examiné le rapport, vous pourrez faire part de vos inquiétudes dans vos observations. La Commission examinera les observations des parties avant de prendre une décision au sujet de votre plainte.

[16]           Le 11 avril 2014, la demanderesse a reçu le rapport d’enquête qui recommandait effectivement la conciliation [traduction] « pour tenter de régler la plainte ». Une fois le rapport reçu, les deux parties ont eu la possibilité de présenter leurs observations, ce qu’elles ont fait. Elles ont aussi eu la possibilité de présenter des observations sur les observations de l’autre partie. Le défendeur n’a pas présenté d’autres observations.

Le processus de conciliation et le rapport

[17]           La Commission a renvoyé l’affaire à une conciliatrice en juin 2014.

[18]           Le 22 septembre 2014, la conciliatrice a déclaré à la Commission que l’affaire n’était pas résolue et que, comme le prévoit la Loi, la Commission pourrait demander la constitution d’un tribunal ou rejeter la plainte parce que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, un examen par le Tribunal n’est pas justifié.

[19]           Dans son rapport, la conciliatrice a indiqué avoir expliqué le processus et les conclusions possibles aux parties et les étapes à suivre si l’affaire n’était pas réglée. Les parties ont entamé des négociations et étudié les possibilités de règlement; la conciliatrice a discuté avec les parties du bien-fondé de la plainte et fourni des renseignements supplémentaires sur les réparations qu’elles pourraient obtenir si le Tribunal jugeait la plainte fondée. Des offres ont été faites de part et d’autre, mais les parties ont été incapables d’en arriver à un règlement.

[20]           Les parties ont été invitées à présenter des observations sur le rapport, puis sur les observations de l’autre partie. La demanderesse a présenté des observations le 19 octobre 2014. Les observations du défendeur ont été envoyées le 20 octobre 2014. La demanderesse a également présenté de longues observations le 10 novembre 2014 en réponse aux observations du défendeur.

[21]           Le défendeur a accepté de remettre l’offre présentée pendant la conciliation à la Commission pour information, et elle a été annexée au rapport de conciliation.

La décision de la Commission

[22]           La Commission a rendu la décision en cause le 10 décembre 2014. Le premier paragraphe confirme, sans donner de date ou de détail, que la Commission a examiné :

         le rapport de la conciliation,

         les observations sur le rapport de la conciliation présentées par les parties,

         le rapport d’enquête,

         les observations des parties sur le rapport d’enquête,

         le formulaire de plainte.

[23]           La Commission avait alors rejeté la plainte parce que, [traduction] « compte tenu des circonstances relatives à la plainte, un examen par le Tribunal n’est pas justifié conformément au sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi ».

[24]           Le texte de la Commission expliquant le rejet de la plainte citait textuellement, avec mention de la source, les conditions financières de l’offre de règlement et les brèves observations du défendeur justifiant cette offre, notamment le fait qu’il s’agissait d’une offre raisonnable.

[25]           Seulement deux phrases de la décision n’avaient pas été rédigées par le défendeur. La première concluait que, [traduction] « compte tenu de toutes les circonstances, le renvoi à un tribunal n’était pas justifié » et la deuxième énumérait les documents examinés. (À cet égard, comme il a déjà été souligné, la Commission n’a effectivement pas été saisie de toutes les observations présentées à l’enquêteuse puisque les observations en réponse présentées le 26 mai 2014 par la demanderesse ont été omises.)

[26]           La décision ne mentionne pas d’autres aspects du rapport de l’enquêteuse que les deux paragraphes choisis par le défendeur pour justifier son offre, qui sont contestés de manière détaillée dans les observations manquantes de la demanderesse.

II.                QUESTIONS EN LITIGE

[27]           Les questions en litige en l’espèce sont les suivantes :

a)                  Quelle est la norme de contrôle applicable à la décision?

b)                  La décision de la Commission de rejeter la plainte était-elle raisonnable?

c)                  Dans le cas contraire, quelle est la réparation appropriée?

III.             LA NORME DE CONTRÔLE

[28]           Il n’est pas contesté que la norme de contrôle d’une décision de la Commission est celle de la décision raisonnable. Cependant, dans le cas d’une décision où la Commission rejette une plainte en vertu de l’alinéa 43(3)b) de la Loi, il a été statué qu’il y a lieu de procéder à un examen plus poussé, voir Keith c. Canada (Service correctionnel), 2012 CAF 117, au paragraphe 45.

[29]           Lorsque la Cour applique la norme, elle doit tenir compte de « la justification […] la transparence et […] l’intelligibilité » du raisonnement de la Commission ainsi que de « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Dunsmuir c. New Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47.

IV.             LA DÉCISION DE LA COMMISSION ÉTAIT-ELLE RAISONNABLE?

[30]           La demanderesse soutient que la décision ne fournissait pas de motifs suffisants puisqu’elle citait simplement l’offre de règlement du défendeur et reprenait textuellement les observations présentées lors de la conciliation sans répondre à ses observations. Elle soutient qu’il s’agit d’un manquement à l’équité procédurale et qu’il y a apparence de partialité. Cependant, comme l’a déclaré la Cour suprême dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 [ci-après Newfoundland Nurses], aux paragraphes 16 et 22, et comme l’a repris récemment la Cour d’appel fédérale dans la décision Cycles Lambert Inc. c. Canada (Agence des Services frontaliers), 2015 CAF 45, au paragraphe 19, [traduction] « lorsqu’il existe des motifs, la question du manquement à l’obligation d’équité procédurale ne se pose pas. […] la question est de savoir si les motifs permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal ».

[31]           Pour ce motif, je suppose que l’observation de la demanderesse signifie simplement que la décision n’est pas raisonnable puisqu’elle ne lui permet pas de comprendre le fondement de la décision rendue par la Commission et qu’elle manque donc de justification, de transparence et d’intelligibilité.

Analyse

[32]           Il n’est pas rare que les décideurs copient de grands extraits des mémoires des parties dans leurs décisions. Dans l’arrêt Cojocaru c. British Columbia Women’s Hospital and Health Centre, 2013 CSC 30, la juge en chef McLachlin a longuement commenté la question de la reproduction des prétentions. Dans l’arrêt Cojocaru, la décision faisant l’objet de l’examen contenait 368 paragraphes, dont seulement 47 avaient été rédigés en grande partie par le juge et il s’agissait principalement de l’exposé des faits. Lorsqu’elle a rejeté l’argument de la reproduction comme étant une critique des motifs, la Cour a présenté ainsi le critère de révision au paragraphe 70 :

la preuve [n’a pas] démontr[é que le juge] n’a pas porté son attention sur les questions cruciales […] Les motifs, considérés globalement, indiquent que le juge de première instance a examiné les questions en litige et les arguments des deux parties et qu’il a tiré une conclusion relativement à chacune des questions principales. (Non souligné dans l’original.)

[33]           La nature de l’espèce est aussi l’une des circonstances importantes à examiner. Il s’agit en l’espèce de circonstances ayant de lourdes conséquences personnelles pour la demanderesse. La Cour a déjà établi dans la décision Gravelle c Canada (Procureur général), 2006 CF 251, au paragraphe 39, que « la décision par laquelle la Commission rejette les plaintes devrait faire l’objet d’un examen plus attentif que les décisions par lesquelles des plaintes sont déférées au Tribunal » parce que, comme l’écrit le juge Evans dans la décision Larsh c Canada [1999] F.C.J. No 508 (FC), au paragraphe 36 :

Un débouté est, après tout, une décision définitive qui empêche le plaignant d’obtenir toute réparation prévue par la loi et qui, de par sa nature même, ne saurait favoriser l’atteinte de l’objectif général de la Loi, c’est-à-dire protéger les personnes physiques de toute discrimination, mais qui, s’il est erroné, risque de mettre en échec l’objet de la Loi.

[34]           La déférence à l’égard du décideur exige de reconnaître que les motifs n’ont pas à aborder tous les documents ou tous les arguments. Il existe une présomption selon laquelle le décideur a examiné ce qui lui a été soumis et « n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit-il, qui a mené à sa conclusion finale ». En cas d’omission, la première étape consiste pour la Cour non pas à substituer ses propres motifs, mais plutôt à « examiner le dossier pour apprécier le caractère raisonnable du résultat », voir Newfoundland Nurses, au paragraphe 15.

[35]           Cependant, lorsque ce qui est examiné n’est pas un aspect subsidiaire, mais plutôt un aspect d’importance capitale pour le résultat, le décideur doit l’aborder dans ses motifs. Étonnamment, en l’espèce, la décision de la Commission passe complètement sous silence ou évite d’analyser les longues observations de la demanderesse présentées en réponse dans lesquelles elle réfute chaque observation que le défendeur a présentée à la conciliatrice par de nombreux faits supplémentaires, des corrections au dossier présenté par le défendeur, des calculs mathématiques expliquant pour quelles raisons l’offre qui lui a été faite n’était pas raisonnable à son avis, de la jurisprudence à l’appui de sa position et des extraits d’articles en matière de droits de la personne portant sur la fin de la relation de travail.

[36]           Le 26 mai 2014, la demanderesse a présenté d’autres observations détaillées au sujet du rapport de l’enquêteuse. Cependant, d’après le certificat délivré en application de l’alinéa 318(1)a) des Règles, il semble que la Commission n’était pas saisie de ces observations lorsqu’elle a décidé de renvoyer la plainte à la conciliation. Cela soulève la question de savoir si elle disposait de ces documents au moment d’examiner la plainte.

[37]           Il faut toujours juger jusqu’où une cour de révision peut « fouiller » le dossier pour trouver des motifs qui n’étaient pas énoncés, à la manière de la décision Newfoundland Nurses, mais qui devaient être connus pour arriver à la décision. Monsieur le juge Rennie, lorsqu’il faisait partie de la magistrature, a analysé ainsi le processus dans la décision Pathmanathan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 353, au paragraphe 28 :

L’arrêt Newfoundland Nurses n’autorise pas une cour à réécrire la décision qui repose sur un raisonnement erroné. La cour qui procède au contrôle peut examiner le dossier lorsqu’elle évalue si une décision est raisonnable et elle peut combler les lacunes ou tirer les conclusions qu’il est raisonnable de tirer du dossier et qui sont étayées par celui-ci. L’arrêt Newfoundland Nurses porte sur la norme de contrôle. Il n’a pas pour objet d’inviter la cour de révision à reformuler les motifs qui ont été énoncés, à modifier le fondement factuel sur lequel la décision est fondée, ou à formuler des hypothèses sur ce que le résultat aurait été si le décideur avait correctement évalué la preuve.

[38]           Contrairement à l’arrêt Cojocaru, les motifs en l’espèce n’indiquent pas que la Commission a examiné les questions et les arguments des deux parties avant de tirer sa conclusion. La décision révèle seulement que la Commission a examiné les observations du défendeur. Elle ne traite aucunement des observations présentées par la demanderesse. En ne tenant pas compte de ces observations, la Commission a laissé un vide analytique que la Cour ne peut combler.

L’analyse contenue dans le rapport de l’enquêteuse ajoute-t-elle aux motifs?

[39]           Normalement, lorsque les motifs sont insuffisants, le rapport d’enquête peut servir de motif à la Commission. Or, dans le cas qui nous occupe, la décision se fonde seulement sur l’offre de règlement présentée à l’étape de la conciliation, après la remise du rapport d’enquête.

[40]           À l’origine, l’enquêteuse concluait dans son rapport que la plainte devait être renvoyée au Tribunal. Elle a ensuite été persuadée ou elle a reçu instruction (la preuve n’étant pas claire) de recommander la conciliation en raison du règlement intervenu en février 2010. Il s’agit du règlement qui, de l’avis de la juge Kane, ne tenait pas bien compte des problèmes de santé mentale de la demanderesse lorsqu’elle a signé une renonciation en faveur du défendeur.

[41]           Les motifs présentés par le défendeur pour justifier la présentation de l’offre de règlement renvoient à deux paragraphes du rapport de l’enquêteuse, mais, comme dans le cas du rapport de la conciliatrice, la demanderesse a déposé des observations en réponse qui passaient au peigne fin les observations du défendeur et dans lesquelles elle se disait en désaccord avec l’enquêteuse. La Commission n’ayant pas été saisie de ces observations, sa décision peut être erronée puisqu’elle n’était pas saisie de toute l’argumentation.

Conclusion

[42]           Dans une décision rendue récemment par la Cour et portant sur le défaut d’examiner des observations, le juge Fothergill a conclu dans Brosnan c Banque de Montréal, 2015 CF 925, au paragraphe 11, que « [l]orsque la Commission n’aborde pas les observations qui vont au cœur de la plainte faisant l’objet de l’examen, cela a des répercussions sur l’équité procédurale de l’enquête et la décision qui en résulte ». (Non souligné dans l’original.)

[43]           Bien que la décision Brosnan porte sur une enquête incomplète, le raisonnement, en ce qui concerne les faits de l’espèce, s’applique également au rapport de la conciliation et aux observations sur l’offre de règlement présentées lors de la conciliation parce que la Commission a présenté cette offre pour régler la question déterminante. L’offre du défendeur, annexée au rapport de la conciliation et reproduite dans la décision, a effectivement remplacé le rapport d’enquête.

[44]           Vu toutes les circonstances de l’espèce, notamment l’importance du résultat pour la demanderesse, qui l’empêche d’obtenir toute réparation prévue par la loi relativement à sa plainte, et vu le manque de transparence ou de justification dans les motifs exposés dans la décision, je conclus que la décision ne peut être maintenue.

V.                RÉPARATION

[45]           Je ne crois pas qu’il s’agisse d’une affaire exigeant une nouvelle enquête ou une nouvelle conciliation. Elle a simplement besoin d’un regard neuf. Par conséquent, la décision en cause de la Commission est annulée. La plainte est renvoyée à la Commission canadienne des droits de la personne pour qu’elle soit réexaminée à l’aide des mêmes documents ainsi que des autres observations en réponse présentées par la demanderesse au sujet du rapport d’enquête, et en tenant compte de ces motifs.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision de la Commission est annulée.

2.                  L’affaire est renvoyée pour réexamen à l’aide des mêmes documents ainsi que des observations en réponse présentées par la demanderesse à l’enquêteuse, et en tenant compte de ces motifs.

3.                  Aucuns dépens ne sont adjugés.

« E. Susan Elliott »

Juge

Traduction certifiée conforme

[Céline Dumont, traductrice-conseil]


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-21-15

 

INTITULÉ :

KATHLEEN O’GRADY c BELL CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto, Ontario

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 AOÛT 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DESMOTIFS :

LE 5 OCTOBRE 2015

 

COMPARUTIONS :

Mme Kathleen O’Grady

 

POUR LA DEMANDERESSE

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Mme Mireille Bergeron

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mme Kathleen O’Grady

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Bell Canada

Service juridique

Verdun (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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