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Date : 20150924


Dossier : T‑722‑12

Référence : 2015 CF 1113

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 24 septembre 2015

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

PREMIÈRE NATION SAGKEENG

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET LE MINISTRE DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU NORD DU CANADA

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision datée du 7 mars 2012, rendue par Mme Nadine Stiller, directrice des Services de financement pour la région du Manitoba d’Affaires autochtones et Développement du Nord Canada (AADNC). Aux termes de cette décision, la Première Nation Sagkeeng (Sagkeeng ou la bande) a seulement obtenu un financement partiel de ses cotisations en qualité d’employeur au régime de retraite à prestations déterminées de ses enseignants, le Retirement Plan for the Employees of the Sagkeeng First Nation (régime de retraite des employés de la Première Nation Sagkeeng (le régime de retraite)). La présente demande est présentée en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7 (Loi sur les Cours fédérales).

Contexte

[2]               Sagkeeng est juridiquement connue sous le nom de Fort Alexander Indian Band (bande indienne de Fort Alexander), et elle est située au Manitoba. Le gouvernement du Canada, par l’entremise du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, devenu depuis Affaires autochtones et Développement du Nord Canada (AADNC), a administré l’éducation pour le compte de Sagkeeng jusqu’en 1974. Cette année‑là, AADNC a délégué ses responsabilités à cet égard à Sagkeeng. En conséquence, Sagkeeng est devenue l’employeur des enseignants, jusqu’alors des fonctionnaires fédéraux, qui sont devenus des bénéficiaires de son régime de retraite. En tant qu’employeur des enseignants, Sagkeeng était tenue de verser les cotisations de l’employeur au régime de retraite.

[3]               Le régime de retraite est un régime à prestations déterminées (régime PD). Cela signifie que les cotisations à ce régime sont calculées en vue de maintenir un montant de prestations fixe, et les cotisations de l’employeur peuvent donc fluctuer en fonction du marché et des placements choisis par l’administrateur du régime. En cela, un régime PD se distingue d’un régime à cotisations déterminées (régime CD), dans le cadre duquel les cotisations de l’employeur sont fixes.

[4]               En vertu de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension, LRC 1985, c 32 (2e suppl.), et du Règlement de 1985 sur les normes de prestation de pension, 1985, DORS/87‑19, tout déficit du régime de retraite doit être comblé au moyen de cotisations additionnelles de l’employeur, appelées paiements spéciaux, afin de maintenir le niveau de prestations déterminé.

[5]               AADNC procure des fonds à Sagkeeng aux fins du paiement des prestations à ses employés dans le cadre du Programme des avantages sociaux des employés des bandes (PASEB), dont les détails sont énoncés dans la Politique du Programme des avantages sociaux des employés des bandes (Politique du PASEB). AANDC et Sagkeeng concluent une entente de financement annuelle en vertu de laquelle le financement est effectivement versé à Sagkeeng. Selon la Politique du PASEB, le montant à être versé par AANDC pour financer les cotisations des employeurs à des régimes CD est assujetti à un plafond. Elle prévoit aussi que trois régimes PD en sont exemptés, dont le régime de retraite dont il est question en l’espèce : dans ces cas, il n’y a pas de plafond, la Politique énonçant plutôt que le montant du financement sera établi en fonction de rapports d’évaluation actuarielle (REA).

[6]               Un REA pour la période se terminant le 31 août 2008 a révélé, pour la première fois depuis la création du régime de retraite, qu’il était déficitaire. Le régime de retraite est demeuré en situation déficitaire au cours des exercices financiers 2009 à 2012, et Sagkeeng, en tant qu’employeur, a dû faire des paiements spéciaux pour que le régime de retraite demeure solvable. Sagkeeng a demandé un financement additionnel à AADNC pour défrayer le coût des paiements spéciaux. En août 2010, AADNC a fait savoir à Sagkeeng que les paiements spéciaux n’étaient pas admissibles à du financement.

[7]               Sagkeeng a demandé une décision en vertu du mécanisme de règlement des différends prévu à la Politique. Les parties ont convenu de renoncer à l’exigence de la Politique selon laquelle le différend devait être tranché en première instance par le directeur général régional (DGR) d’AADNC. Au lieu de cela, un examen du différend par le directeur général de la Gouvernance (DG) a été prévu le 5 janvier 2011, puis reporté au 8 février 2011. Le 3 février 2011, l’audience du directeur général a été annulée à la demande de Sagkeeng, et elle a fait savoir par lettre datée du 9 mars 2011 qu’elle ne pouvait pas procéder avant d’avoir reçu tous les documents pertinents.

[8]               Le 7 mars 2012, Mme Stiller a fait parvenir une lettre à Sagkeeng confirmant la tenue d’une réunion le 9 mars 2012 et disant qu’AADNC avait revu sa position concernant le financement du régime de retraite, à la suite de quoi Sagkeeng a reçu des sommes additionnelles, couvrant une partie du déficit du régime de retraite. Cette décision fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

Décision visée par le présent contrôle

[9]               Étant donné sa brièveté, l’intégralité de la décision du 7 mars 2012 est reproduite ci‑dessous.

[traduction]

Chef et membres du conseil,

Objet : réunion prévue le 9 mars 2012 – financement des avantages sociaux des employés de la bande

La présente lettre a pour objet de confirmer la réunion prévue à 13 h 00 le vendredi 9 mars 2012 aux bureaux d’AADNC au 365 Hargrave Street, à Winnipeg, au Manitoba, pour discuter des différents aspects du financement des avantages sociaux des employés de la bande à l’égard desquels votre Première Nation a manifesté son désaccord.

En prévision de la réunion, veuillez noter qu’AADNC a revu sa position concernant le financement du régime de retraite à prestations déterminées de Sagkeeng, de sorte qu’AADNC versera un montant additionnel de 890 504,00 $ pour financer les avantages sociaux des employés de la bande.

Si vous avez des questions, vous pouvez me joindre à [...]

Veuillez agréer mes salutations distinguées.

Nadine Stiller

Directrice, Services de financement

Région du Manitoba

Questions en litige

[10]           Les questions en litige peuvent être formulées comme suit :

                           i.            La Cour a‑t‑elle compétence pour entendre la présente demande de contrôle judiciaire?

                         ii.            La demande de contrôle judiciaire est‑elle prématurée?

                       iii.            AADNC a‑t‑il commis une erreur susceptible de contrôle?


Norme de contrôle

[11]           Pour déterminer quelle est la norme de contrôle pertinente, la Cour vérifie en premier lieu si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de retenue judiciaire que commande une catégorie de questions particulière. Lorsque cette démarche se révèle infructueuse, la Cour entreprend la seconde étape qui consiste à déterminer la norme de contrôle applicable en tenant compte d’éléments tels que la nature de la question en cause, l’expertise du tribunal, l’existence ou l’inexistence d’une clause privative et la raison d’être du tribunal (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 aux paragraphes 51 à 64 [Dunsmuir]; Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36 au paragraphe 48).

[12]           Dans la présente affaire, les parties conviennent que la norme applicable est celle de la décision raisonnable, mais elles ne citent aucune décision établissant que tel a été le cas dans des situations analogues. Je conviens toutefois que l’application du critère de l’arrêt Dunsmuir dans les présentes circonstances mène à l’application de cette norme. La décision faisant l’objet du présent contrôle a été rendue dans le contexte du PASEB et en vertu de la Politique du PASEB. Ainsi, bien que nous ne soyons pas en présence d’une loi habilitante qui crée un tribunal ou qui guide le décideur, il s’agit d’une décision administrative concernant une politique sur les pensions et le financement de pensions. Or, la Cour d’appel fédérale s’est récemment prononcée sur la norme de contrôle applicable dans des circonstances analogues dans l’arrêt Première Nation d’Elsipogtog c Canada (Procureur général), 2015 CAF 18 [Elsipogtog CAF]. Dans cet arrêt, la Cour d’appel fédérale a conclu que la norme de la décision raisonnable s’appliquait à l’interprétation faite par le ministre d’un protocole d’entente qui délimitait ses pouvoirs dans le contexte de l’administration d’un programme d’aide au revenu. La connaissance intime qu’avait le ministre des clauses du protocole d’entente justifiait une norme de contrôle déférente. À mon avis, l’interprétation du PASEB et de la Politique du PASEB en l’espèce constitue une situation analogue. En outre, en présence d’une question touchant aux faits, au pouvoir discrétionnaire ou à la politique, et lorsque le droit et les faits ne peuvent être aisément dissociés, en règle générale, c’est la norme de la décision raisonnable qui s’applique (Dunsmuir, aux paragraphes 51 et 53).

[13]           Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, aux paragraphes 45, 47 et 48; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 aux paragraphes 59 et 62).

Question préliminaire – admission d’éléments de preuve nouveaux

[14]           À la suite d’une ordonnance de gestion de l’instance datée du 19 janvier 2015, les défendeurs ont déposé un mémoire des faits et du droit complémentaire visant à faire admettre en preuve, à l’audience relative au contrôle judiciaire, une déclaration introductive d’instance jointe comme pièce « A » à un affidavit de Mme Lisa Cholosky, avocate interne du ministère de la Justice, souscrit le 5 février 2015. Mme Cholosky affirme dans son affidavit qu’elle a été désignée comme avocate le 3 septembre 2014, que, le 25 novembre 2014, elle a accepté signification de la déclaration susmentionnée, qu’elle n’était pas au courant du dépôt de cette déclaration, et que, de même, un examen du dossier du ministère de la Justice ne donne pas à penser que quiconque était au courant.

[15]           La déclaration a été produite par Derrick Henderson, chef par intérim, et les conseillers de la bande, Kirby Swampy, Lyle Morrisseau et Joseph Daniels, pour leur propre compte et pour le compte de la Première Nation Sagkeeng, aussi connue sous le nom de la bande indienne no 262 de Fort Alexander, et ses membres, et pour le compte des participants au régime de retraite des employés de la bande indienne de Fort Alexander (les demandeurs), contre Sa Majesté la Reine du chef du Canada représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, ledit ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, et le procureur général du Canada (les défendeurs), devant la Cour du Banc de la Reine du Manitoba, à Winnipeg, dans le dossier de la Cour numéro C1 14‑01‑91171 (déclaration produite devant la CBR Man.).

[16]           Aux termes de la déclaration devant la CBR Man., les demandeurs sollicitent, entre autres choses, une déclaration selon laquelle les défendeurs sont tenus, en vertu d’une entente ou autrement, de payer l’intégralité du coût, y compris les paiements spéciaux, des cotisations de Sagkeeng au régime de retraite, des dommages‑intérêts spéciaux pour toutes les pertes pécuniaires, y compris des pénalités, les intérêts et les frais, résultant du défaut des défendeurs de verser les cotisations requises, des dommages‑intérêts généraux, des dommages‑intérêts majorés, punitifs et exemplaires ainsi que les intérêts et les dépens. La déclaration produite à la CBR Man. énonce cinq causes d’action : violation de contrat, fausse déclaration, ingérence dans une relation contractuelle par des moyens illicites, enrichissement injustifié, et manquement à une obligation fiduciaire.

[17]           Pour ce qui concerne la violation de contrat, Sagkeeng affirme qu’avant l’établissement du régime de retraite, il existait une entente expresse ou tacite entre elle et les défendeurs dont une des clauses importantes stipulait que les défendeurs devaient payer à Sagkeeng l’intégralité du coût, y compris les paiements spéciaux, de ses cotisations au régime de retraite. Pour ce qui concerne la fausse déclaration, Sagkeeng affirme que les défendeurs lui ont dit, avant l’établissement du régime de retraite puis régulièrement tout au long de l’administration du régime, que les défendeurs paieraient à Sagkeeng l’intégralité du coût, y compris les paiements spéciaux, des cotisations devant être versées au régime de retraite. Les défendeurs avaient une obligation de diligence de droit privé les obligeant à faire preuve de diligence raisonnable pour s’assurer de l’exactitude de leur déclaration.

[18]           Sagkeeng affirme également que les défendeurs ont nui illicitement à sa capacité de s’acquitter des obligations qui lui incombent dans le cadre du régime de retraite par leur refus de fournir le financement requis, que ce soit en vertu d’une entente, de la Politique du PASEB ou autrement, et que les défendeurs se sont enrichis de manière injustifiée. En outre, la relation entre Sagkeeng et les défendeurs est une relation fiduciaire qui fait naître une obligation fiduciaire de diligence à l’égard de laquelle il y a eu un manquement en raison du défaut de financer la totalité des cotisations au régime de retraite.

[19]           Sagkeeng soutient que, par suite de ces manquements, elle a subi et continuera de subir des pertes et des dommages en ce qui concerne cotisations régulières impayées, les cotisations spéciales impayées et les intérêts et les pénalités reliés aux cotisations impayées, ainsi que des pertes et des dommages résultant de l’utilisation d’autres ressources par Sagkeeng pour payer les montants qui auraient dû être payés par les défendeurs, dont une réduction des programmes et des mesures de soutien, notamment en matière de logement et d’entretien de logements et en matière d’infrastructure, auxquels s’ajoutent les pertes et les dommages subis par les participants au régime de retraite sous la forme d’un gel ou d’une réduction de leurs avantages sociaux.

La thèse des défendeurs

[20]           Les défendeurs affirment que la déclaration produite devant la CBR Man. satisfait aux exigences relatives aux éléments de preuve nouveaux de l’article 312 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles), et au critère énoncé dans l’arrêt Rosenstein c Atlantic Engraving Ltd., 2002 CAF 503 aux paragraphes 8 et 9.

[21]           En outre, les défendeurs affirment que la déclaration produite devant la CBR Man. sera utile à la Cour puisqu’elle démontre que l’essence des questions soulevées par Sagkeeng concernent moins un pouvoir délégué précis exercé lors de la prise d’une décision précise, et davantage des dommages‑intérêts et la détermination d’obligations continues découlant d’une relation contractuelle alléguée entre Sagkeeng et le Canada (Manuge c Canada, 2010 CSC 67 aux paragraphes 17 à 22 [Manuge]).

[22]           De plus, dans la décision Première Nation Huronne‑Wendat c Canada, 2014 CF 91 au paragraphe 29 [Première Nation Huronne‑Wendat CF], confirmée par 2014 CAF 264, qui portait sur une demande très semblable, la Cour a statué sur la question de savoir si la demande aurait dû être instruite par voie de contrôle judiciaire. Les défendeurs soulignent que, dans cette affaire, la Cour a cité l’arrêt Canada (Procureur général) c TeleZone Inc., 2010 CSC 62 [TeleZone], dans lequel la Cour suprême du Canada a affirmé, au paragraphe 76, que « [s]i le demandeur a une cause d’action valide en dommages‑intérêts, il est normalement admis à exercer son recours à ce titre », puis elle a jugé que la principale distinction entre une demande de contrôle judiciaire et une action en dommages‑intérêts tient à la nature des réparations demandées. Ce raisonnement milite en faveur d’une action en dommages‑intérêts en l’espèce. Les défendeurs soutiennent également que la Couronne ne devrait pas être obligée de répondre à plusieurs recours lorsqu’un seul est suffisant.

La thèse de Sagkeeng

[23]           Sagkeeng soutient que le critère auquel est assujettie l’autorisation de déposer un affidavit complémentaire en vertu de l’article 312 des Règles est bien établi et qu’il a été récemment confirmé dans l’arrêt Forest Ethics Advocacy Association c Office national de l’énergie, 2014 CAF 88 [Forest Ethics]. Deux questions préliminaires se posent : les éléments de preuve sont‑ils admissibles dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire, et sont‑ils pertinents à une question que la Cour est appelée à trancher? C’est seulement s’il est satisfait à ces exigences que la Cour devrait poursuivre son examen en vue de décider s’il y a lieu d’exercer ou non son pouvoir discrétionnaire, et ce, en tenant compte des principes directeurs suivant lesquels il faut déterminer si la partie aurait pu avoir accès aux éléments de preuve en faisant preuve de diligence raisonnable, si ces éléments de preuve seront utiles à la Cour, et si leur admission entraînera un préjudice important ou grave pour l’autre partie.

[24]           Selon la règle générale applicable dans le cadre des demandes de contrôle judiciaire, sous réserve de certaines exceptions, le dossier de preuve présenté à la Cour se limite au dossier de preuve dont disposait le décideur administratif dont la décision fait l’objet du contrôle (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 aux paragraphes 19 et 20 [Association des universités]).

[25]           Sagkeeng soutient que le décideur en l’espèce ne disposait pas des éléments de preuve contenus dans l’affidavit Cholosky et qu’aucune exception à la règle générale n’autorise leur admission.

[26]           De plus, les défendeurs ne contestent pas la compétence de la Cour pour contrôler la décision attaquée, et ils n’ont pas soutenu en première instance que le différend entre les parties devrait être tranché par voie d’action en dommages‑intérêts, un argument qui ne nécessite la production d’aucun élément de preuve. Dans les faits, les défendeurs cherchent à obtenir une suspension de l’instance sans présenter de demande en ce sens, comme l’exige l’article 50 de la Loi sur les Cours fédérales. Sagkeeng soutient que la Cour ne devrait pas exercer son pouvoir discrétionnaire d’admettre en preuve l’affidavit Cholosky dans ces circonstances.

[27]           Toutefois, même si l’affidavit est admis en preuve, les affaires Manuge, Première Nation Huronne‑Wendat CF, et TeleZone se distinguent de la présente espèce parce que dans les trois affaires la question à trancher était celle de savoir si une action devrait être suspendue au motif que la réparation demandée aurait dû l’être par voie de demande de contrôle judiciaire. En l’espèce, Sagkeeng demande que sa demande de contrôle judiciaire soit entendue avant son action en dommages‑intérêts.

[28]           De plus, bien que dans son avis de demande Sagkeeng sollicite une réparation de la nature de dommages‑intérêts, son dossier ne concerne que des réparations visant directement la décision contestée et aucune indemnisation financière.

[29]           En outre, bien que les défendeurs n’aient pas encore déposé de défense dans le dossier devant la CBR Man., ils pourraient soutenir dans celle‑ci que l’action constitue une attaque indirecte à l’encontre de la décision contestée, parce qu’il était loisible à Sagkeeng de contester la validité de la décision, laquelle, étant donné qu’elle n’a pas été infirmée, lie maintenant Sagkeeng. En conséquence, par son recours, Sagkeeng cherche à éviter un écueil potentiel sur le plan procédural.

[30]           Sagkeeng soutient également que certaines des questions soulevées dans la présente instance ne peuvent être tranchées dans le contexte de la déclaration produite devant la CBR Man., comme les questions de savoir si les défendeurs ont abusé de leur pouvoir discrétionnaire, s’ils ont pris en compte des considérations erronées ou déraisonnables pour rendre la décision, et si celle‑ci est discriminatoire. Inversement, l’action vise à obtenir des dommages‑intérêts sur le fondement de plusieurs causes d’action qui sont sans rapport avec la décision attaquée, bien que l’objectif ultime, consistant à obtenir des fonds additionnels pour financer le régime de retraite, soit le même.

[31]           En outre, les défendeurs demandent à la Cour de limiter les voies de recours qui s’offrent à Sagkeeng au motif que cela serait plus commode pour eux. Toutefois, lorsqu’une demande de contrôle judiciaire valide a été déposée, la Cour ne devrait pas refuser d’exercer sa compétence au motif que l’affaire semble en être une qui devrait être soumise aux tribunaux par voie d’action en dommages‑intérêts (TeleZone, au paragraphe 76), et, en l’espèce, la compétence de la Cour n’est pas mise en cause.

Analyse

[32]           L’article 312 des Règles permet à une partie de déposer, avec l’autorisation de la Cour, des affidavits complémentaires à ceux visés aux articles 306 et 307 des Règles.

[33]           Comme le juge Stratas l’a affirmé dans l’arrêt Forest Ethics :

[4]        D’entrée de jeu, afin d’obtenir une ordonnance fondée sur l’article 312 des Règles, les demanderesses doivent satisfaire à deux exigences préliminaires :

(1)        La preuve doit être admissible dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire. Comme il est bien établi en droit, le dossier dont est saisie la cour de révision est habituellement composé des documents dont était saisi le décideur. Il y a cependant des exceptions à ce principe. Voir les décisions Gitxsan Treaty Society c. Hospital Employees’ Union, [2000] 1 C.F. 135, aux pages 144‑145 (C.A.); Association des universités et collèges du Canada c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22.

(2)        L’élément de preuve doit être pertinent à une question que la cour de révision est appelée à trancher. Par exemple, certaines questions ne peuvent pas être soulevées pour la première fois dans le cadre d’un contrôle judiciaire : Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654.

[5]        En supposant que les demanderesses satisfont à ces deux exigences préliminaires, elles doivent aussi convaincre la Cour qu’elle doit dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire rendre l’ordonnance visée à l’article 312 des Règles. La Cour exerce son pouvoir discrétionnaire sur le fondement des éléments de preuve dont elle dispose et en appliquant les principes pertinents.

[6]        Dans l’arrêt Holy Alpha and Omega Church of Toronto c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 101, 2009 CAF 101, au paragraphe 2, la Cour énonce les principes censés la guider dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère l’article 312 des Règles. Elle pose certaines questions qui permettent d’établir si une ordonnance fondée sur l’article 312 des Règles servirait l’intérêt de la justice :

a)         Est‑ce que la partie avait accès aux éléments de preuve dont elle demande l’admission au moment où elle a déposé ses affidavits en application de l’article 306 ou 308 des Règles, selon le cas, ou aurait‑elle pu y avoir accès en faisant preuve de diligence raisonnable?

b)         Est‑ce que la preuve sera utile à la Cour, en ce sens qu’elle est pertinente quant à la question à trancher et que sa valeur probante est suffisante pour influer sur l’issue de l’affaire?

c)         Est‑ce que l’admission des éléments de preuve entraînera un préjudice important ou grave pour l’autre partie?

[34]           À mon avis, l’affidavit Cholosky – et plus particulièrement la déclaration produite devant la CBR Man. – n’est pas admissible en preuve. Premièrement, comme l’a souligné Sagkeeng, le décideur n’en disposait pas lorsque la décision de refuser de financer intégralement les cotisations au régime de retraite a été rendue, et, pour ce seul motif, il ne devrait pas être admis (Association des universités, au paragraphe 19). Les défendeurs n’ont pas soutenu que l’affidavit Cholosky est visé par l’une des exceptions à la règle générale selon laquelle le dossier présenté à la cour de contrôle doit se limiter aux documents dont disposait le décideur administratif. De plus, à mon avis, non seulement l’affidavit ne relève‑t‑il d’aucune des exceptions, mais il ne fournit pas d’éléments de preuve relatifs au contexte général puisque les renseignements qu’il contient n’aident pas à comprendre les questions pertinentes au présent contrôle judiciaire (Association des universités, au paragraphe 20). En outre, il n’est pas pertinent en ce qui concerne la question de savoir si AADNC a commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu’il a rendu la décision de refuser le paiement intégral de toutes les cotisations au régime de retraite.

[35]           L’affidavit Cholosky n’est pas utile à la Cour parce qu’il n’est pas pertinent et parce qu’il n’est pas suffisamment probant pour influer sur le dénouement de l’affaire. L’existence de la déclaration produite devant la CBR Man. et son contenu n’auront aucune incidence sur la réparation demandée, décrite dans les observations écrites de Sagkeeng, à savoir que la décision soit déclarée invalide, annulée ou sans effet, ou que soit rendue une ordonnance annulant la décision et renvoyant l’affaire à AADNC pour nouvelle décision aux conditions que la Cour estime justes, autrement dit, que la Cour réponde à la question, que j’ai formulée ci‑dessus à cet égard, de savoir si la décision est raisonnable ou non.

[36]           Les défendeurs soutiennent que l’affidavit Cholosky sera utile à la Cour puisqu’il démontre que les questions soulevées par Sagkeeng ne concernent pas un pouvoir délégué exercé pour rendre une décision précise, mais concernent plutôt des dommages. Toutefois, comme je l’ai indiqué précédemment, la réparation demandée aux termes des observations écrites de Sagkeeng concerne la décision, et non des dommages. En outre, même si ce n’était pas le cas, la question n’est pas claire à mes yeux de savoir quelles incidences l’admission en preuve de l’affidavit litigieux pourrait avoir sur le dénouement du présent contrôle judiciaire. Comme Sagkeeng l’a souligné, les défendeurs affirment que la [traduction« procédure préférable » pour trancher les questions est une action. Toutefois, les défendeurs ne présentent pas de requête en suspension de la demande de contrôle judiciaire comme l’exigerait l’article 50 des Règles ni ne soutiennent expressément que la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire à cet égard. Les défendeurs ne donnent pas non plus à entendre que la demande de contrôle judiciaire devrait être convertie en action en vertu du paragraphe 18.4(2) des Règles.

[37]           Je ne suis pas non plus convaincue que la demande de contrôle judiciaire est une action en dommages‑intérêts déguisée. Comme Sagkeeng l’admet, l’objectif ultime de la demande et de l’action est le même, soit le paiement intégral des cotisations au régime de retraite par les défendeurs, mais la demande de contrôle judiciaire concerne essentiellement la décision attaquée portant refus de ce faire, tandis que l’action concerne essentiellement le versement de dommages‑intérêts. Le paragraphe 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales ne permet pas d’accorder des dommages‑intérêts dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire. Pour que Sagkeeng puisse demander des dommages‑intérêts, elle doit convertir sa demande en action, soit en sollicitant une ordonnance de la Cour en vertu du paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales ou en se désistant de la demande et en déposant une déclaration (TeleZone).

[38]           Dans l’arrêt TeleZone, la Cour suprême du Canada a affirmé ce qui suit :

[18]      C’est essentiellement l’accès à la justice qui est en cause en l’espèce. Les personnes qui prétendent avoir subi un préjudice attribuable à une mesure administrative doivent pouvoir exercer les recours autorisés par la loi au moyen de procédures réduisant au minimum les frais et complexités inutiles. Notre Cour doit aborder cette question d’un point de vue pratique et pragmatique en gardant cet objectif à l’esprit.

[19]      Le demandeur qui veut obtenir l’annulation d’une décision de l’administration fédérale doit procéder par voie de contrôle judiciaire, comme le précise l’arrêt Grenier. Par contre, s’il ne s’oppose pas à ce que la décision continue de s’appliquer, mais cherche plutôt à se faire indemniser des pertes qu’il dit avoir subies (comme en l’espèce), il n’existe aucune raison logique de lui imposer l’étape supplémentaire d’un détour devant la Cour fédérale pour le contrôle judiciaire de la décision (entreprise pouvant parfois se révéler coûteuse en soi), alors que ce n’est pas le recours qui lui convient. L’accès à la justice exige que le demandeur puisse exercer directement le recours qu’il a choisi et, autant que possible, sans détour procéduraux.

[39]           À mon avis, cela confirme que le choix de la façon de procéder appartient au demandeur lorsque plusieurs voies procédurales s’offrent à lui. En l’espèce, Sagkeeng cherche à faire annuler la décision administrative de financer seulement partiellement le régime de retraite. Si elle obtient gain de cause, il se peut qu’il ne soit pas nécessaire qu’elle exerce son action en dommages‑intérêts.

[40]           Les défendeurs invoquent le paragraphe 76 de l’arrêt TeleZone, qui est ainsi rédigé :

Je pense que, lorsque le demandeur allègue les éléments d’une cause d’action en droit privé dans son argumentation devant une cour supérieure provinciale, celle‑ci ne doit généralement pas décliner compétence au motif que l’action s’apparente à un recours qui doit être instruit comme une demande de contrôle judiciaire. Si le demandeur a une cause d’action valide en dommages‑intérêts, il est normalement admis à exercer son recours à ce titre.

Toutefois, je conviens avec Sagkeeng que ce passage est de peu d’utilité aux défendeurs dans les présentes circonstances puisque la compétence de la Cour d’entendre la demande de contrôle judiciaire n’est pas contestée.

[41]           L’arrêt Manuge n’est pas non plus utile aux défendeurs. Dans cet arrêt, la Cour suprême a conclu que suivant les actes de procédure en cause il s’agissait pour l’essentiel d’une demande fondée sur des manquements allégués au paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R‑U), 1982, c 11, et que, par conséquent, il n’était pas nécessaire de suspendre l’action en faveur d’une demande de contrôle judiciaire. La Cour a également affirmé :

[17]      Suivant l’arrêt TeleZone, il ne fait aucun doute que la Cour fédérale a compétence pour instruire le recours de M. Manuge sous forme d’action en dommages‑intérêts : Loi sur les Cours fédérales, Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, L.R.C. 1985, ch. C‑50, art. 21; TeleZone, par. 19‑23 et 43‑46; Canada (Procureur général) c. McArthur, 2010 CSC 63, [2010] 3 R.C.S. 626, par. 17; Nu‑Pharm Inc. c. Canada (Procureur général), 2010 CSC 65, [2010] 3 R.C.S. 648, par. 16. Les actes de procédure de M. Manuge révèlent des causes d’action contre la Couronne, et la Cour fédérale a le pouvoir d’accorder les réparations demandées dans le cadre d’une action.

[18]      TeleZone reconnaît toutefois l’existence du pouvoir discrétionnaire résiduel de suspendre une action qui repose sur des considérations de droit public à un point tel que, pour reprendre les propos du juge Binnie, « il s’agit essentiellement d’une demande de contrôle judiciaire qui n’a que superficiellement l’apparence d’un recours délictuel de droit privé » (par. 78). La Couronne soutient essentiellement qu’il y a lieu de suspendre l’action de M. Manuge pour cette raison.

[19]      La décision du tribunal d’exercer ou non son pouvoir discrétionnaire de suspendre une action dans ce contexte dépend de l’essence du recours selon qu’il s’agit de la revendication de droits relevant du droit privé ou du droit public. Je suis d’accord avec la Couronne que certaines des prétentions de M. Manuge soulèvent des questions qui se prêtent au contrôle judiciaire. Cependant, il ne s’agit pas seulement d’établir si certains éléments plaidés par M. Manuge peuvent être examinés sous le régime des art. 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, mais de déterminer quelle est l’essence de ses demandes.

[42]           La Cour suprême a conclu qu’il n’y avait pas lieu d’exercer le pouvoir discrétionnaire de suspendre l’action dans cette affaire. Il en va de même dans l’affaire dont je suis saisie en l’espèce.

[43]           Chose intéressante, dans l’affaire Première Nation Huronne‑Wendat CF, qui concernait également une décision d’AADNC d’imposer un plafond de financement à un autre des régimes PC exemptés et une action en dommages‑intérêts à cet égard intentée par la Première Nation, AADNC a soutenu devant la Cour qu’étant donné qu’elle sollicitait une ordonnance privant la décision de ses effets pour les années 2008 à 2012, la Première Nation aurait d’abord dû procéder par voie de demande de contrôle judiciaire. Évidemment, en l’espèce AADNC soutient le contraire, en donnant à entendre que c’est l’action, et non la demande de contrôle judiciaire, qui devrait être instruite en premier.

[44]           Dans la décision Première Nation Huronne‑Wendat CF, la juge Gagné n’a pas retenu la thèse d’AADNC. Elle a fait remarquer que ce qui distingue avant tout une demande de contrôle judiciaire d’une action en dommages‑intérêts, c’est la nature de la réparation recherchée, et qu’il est toujours loisible à un demandeur « de privilégier l’exécution par équivalent d’une obligation plutôt que son exécution en nature » (paragraphe 28) :

[29]      Il est possible d’invoquer l’illégalité d’une décision administrative comme source de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle de l’État. « [S]i le demandeur a une cause d’action valide en dommages‑intérêts, il est normalement admis à exercer son recours à ce titre » (Telezone, précité au para 76). En droit civil québécois, si le demandeur invoque une faute (contractuelle ou extracontractuelle), un dommage et un lien causal entre les deux, il devrait également être admis à exercer une action en dommages‑intérêts contre l’État. L’action en dommages‑intérêts du Conseil est principalement fondée sur une faute contractuelle, recours privé par excellence. Il me semble donc que le Ministère nous invite à faire une distinction plutôt artificielle.

[45]           Encore une fois, je ne vois pas en quoi cela est utile aux défendeurs puisque la décision Première Nation Huronne‑Wendat CF ne fait que confirmer le droit de procéder par voie d’action; elle n’en fait nullement une démarche obligatoire.

[46]           Pour tous ces motifs, l’autorisation de produire l’affidavit Cholosky en preuve est refusée.

Première question en litige : la Cour a‑t‑elle compétence pour entendre la présente demande de contrôle judiciaire?

[47]           Sagkeeng soutient que la Cour a compétence pour contrôler la décision du 7 mars 2012 en vertu de l’alinéa 18(1)b) de la Loi sur les Cours fédérales :

Définitions

Definitions

2. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

2. (1) In this Act,

[...]

[...]

« office fédéral »

“federal board, commission or other tribunal”

« office fédéral » Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale, à l’exclusion de la Cour canadienne de l’impôt et ses juges, d’un organisme constitué sous le régime d’une loi provinciale ou d’une personne ou d’un groupe de personnes nommées aux termes d’une loi provinciale ou de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867.

“federal board, commission or other tribunal” means any body, person or persons having, exercising or purporting to exercise jurisdiction or powers conferred by or under an Act of Parliament or by or under an order made pursuant to a prerogative of the Crown, other than the Tax Court of Canada or any of its judges, any such body constituted or established by or under a law of a province or any such person or persons appointed under or in accordance with a law of a province or under section 96 of the Constitution Act, 1867;

[...]

[...]

Recours extraordinaires : offices fédéraux

Extraordinary remedies, federal tribunals

18. (1) Sous réserve de l’article 28, la Cour fédérale a compétence exclusive, en première instance, pour :

18. (1) Subject to section 28, the Federal Court has exclusive original jurisdiction

a) décerner une injonction, un bref de certiorari, de mandamus, de prohibition ou de quo warranto, ou pour rendre un jugement déclaratoire contre tout office fédéral;

(a) to issue an injunction, writ of certiorari, writ of prohibition, writ of mandamus or writ of quo warranto, or grant declaratory relief, against any federal board, commission or other tribunal; and

b) connaître de toute demande de réparation de la nature visée par l’alinéa a), et notamment de toute procédure engagée contre le procureur général du Canada afin d’obtenir réparation de la part d’un office fédéral.

(b) to hear and determine any application or other proceeding for relief in the nature of relief contemplated by paragraph (a), including any proceeding brought against the Attorney General of Canada, to obtain relief against a federal board, commission or other tribunal.

[48]           Sagkeeng est d’avis que la décision est celle d’un office fédéral puisque Mme Stiller l’a rendue pour le compte d’AADNC. La décision énonce qu’AADNC avait revu sa position, et, selon les éléments de preuve présentés par Mme Stiller, des hauts fonctionnaires avaient obtenu l’approbation par l’administration centrale d’AADNC d’un paiement partiel pour contribuer à combler le déficit du régime de retraite (affidavit de Nadine Stiller, souscrit le 17 août 2012, paragraphe 55, onglet 4, volume 1, dossier de la demanderesse (affidavit Stiller)). De plus, Mme Stiller a affirmé que le cabinet du sous‑ministre avait été avisé de l’intention de faire un paiement partiel et n’avait émis aucune objection (réponses à l’interrogatoire écrit sur l’affidavit de Nadine Stiller, souscrites le 31 janvier 2014, onglet 3, volume 4, onglet 3 du dossier de la demanderesse, page 1227 (réponses à l’interrogatoire écrit)). Sagkeeng soutient que la décision rendue par Mme Stiller est, ipso facto, la décision du sous‑ministre d’AADNC qui agissait en tant qu’office fédéral lorsqu’il a exercé ou censément exercé des pouvoirs prévus par une loi fédérale. Le sous‑ministre a décidé de fournir le financement additionnel à Sagkeeng dans le cadre du PASEB et il a appliqué la Politique du PASEB, et le sous‑ministre est autorisé à administrer le PASEB en vertu de la Loi sur le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, LRC 1985, c I‑6, art. 4 (Loi sur le MAINC). La Cour a donc compétence.

[49]           Les défendeurs ne contestent pas la compétence de la Cour pour contrôler la décision.

[50]           Dans l’arrêt Anisman c Canada (Agence de services frontaliers), 2010 CAF 52 au paragraphe 29, la Cour d’appel fédérale a affirmé qu’il faut procéder à une analyse en deux étapes pour déterminer si un organisme ou une personne est un office fédéral. Il faut en premier lieu déterminer la nature de la compétence ou du pouvoir que l’organisme ou la personne cherche à exercer. Deuxièmement, il y a lieu de déterminer la source ou l’origine de la compétence ou du pouvoir que l’organisme ou la personne cherche à exercer.

[51]           Et, comme la Cour suprême du Canada l’a affirmé dans l’arrêt TeleZone :

[3]        La définition d’un « office fédéral » figurant dans la LCF est très large : « Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale » (art. 2) ― cette définition exclut certains décideurs, notamment les juges de la Cour canadienne de l’impôt, mais ces exceptions ne sont pas pertinentes en l’espèce. Les décideurs fédéraux visés vont du Premier ministre et des organismes les plus importants jusqu’au garde‑frontière et au douanier locaux, et englobent tous ceux qui se situent entre ces deux extrêmes. [...]

[52]           La Loi sur le MAINC crée le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, qui est placé sous l’autorité du ministre, et un sous‑ministre est nommé. Les pouvoirs et fonctions du ministre s’étendent d’une façon générale à tous les domaines de compétence du Parlement, non attribués de droit à d’autres ministères ou organismes fédéraux, liés aux affaires indiennes (Loi sur le MAINC, articles 2 à 4). Le titre d’usage du ministère est AADNC (Conseil du Trésor du Canada, Politique sur le programme de coordination de l’image de marque). En vertu de l’article 3 de la Loi sur les Indiens, LRC 1985, c I‑5 (Loi sur les Indiens), le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien peut autoriser le sous‑ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien ou le fonctionnaire qui est directeur de la division du ministère relative aux affaires indiennes à accomplir et exercer tout pouvoir et fonction du ministre aux termes de la Loi sur les Indiens ou de toute autre loi fédérale concernant les affaires indiennes.

[53]           Comme nous le verrons plus loin, bien que les éléments de preuve présentés par Mme Stiller ne soient certainement pas aussi clairs qu’ils auraient pu ou auraient dû l’être quant à la façon dont elle a été autorisée à rendre la décision et quant à la structure organisationnelle d’AADNC à cet égard, je suis d’avis que la décision de financer partiellement le déficit du régime de retraite a été rendue par Mme Stiller dans le cadre de ses responsabilités à titre de directrice des Services de financement du bureau régional du Manitoba d’AADNC, une des tâches qui relève de ce poste étant l’administration du financement versé à Sagkeeng. Je suis également d’avis que sa décision est censée interpréter et appliquer la Politique du PASEB, vraisemblablement établie par AADNC. En outre, je conclus que sa décision a été autorisée par le sous‑ministre adjoint (SMA) à la connaissance du sous‑ministre (SM) et a été rendue ou censément rendue dans l’exercice d’un pouvoir délégué en vertu de l’article 4 de la Loi sur le MAINC lu conjointement avec l’article 3 de la Loi sur les Indiens. Par conséquent, il s’agit d’une décision qui cadre avec la définition d’un office fédéral, et la Cour a compétence pour la contrôler en vertu de l’alinéa 18(1)b) de la Loi sur les Cours fédérales. Les défendeurs n’expriment aucun désaccord sur ce point.

Deuxième question en litige : la demande de contrôle judiciaire est‑elle prématurée?

[54]           La Politique du PASEB prévoit le mécanisme de règlement des différends suivant :

Les différends concernant l’exactitude de la population déclarée et des données sur les programmes administrés sont réglés par le directeur général régional.

Les différends concernant l’application des politiques ou des formules sont réglés en première instance par le directeur général régional. Dans le cas où l’on ne peut arriver à une solution satisfaisante, le différend est soumis au directeur général de la Gouvernance, à l’administration centrale.

La thèse des défendeurs

[55]           Les défendeurs affirment que des documents ont été communiqués à Sagkeeng avant et après la décision; des discussions entre les parties ont eu lieu à différents moments, permettant ainsi un échange additionnel de renseignements; des documents ont été obtenus à la suite de demandes d’accès à l’information du Conseil du Trésor; il y a eu communication de documents en conformité avec les Règles; Sagkeeng a également présenté une requête en communication de documents. Certes, la question de la communication de documents a été réglée, mais Sagkeeng n’a pas par la suite demandé le règlement du différend.

[56]           En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est prématurée parce que le mécanisme de règlement des différends prévu par la Politique du PASEB n’a pas été utilisé. Une partie doit épuiser un processus de révision administratif prévu par la loi avant de s’adresser à la Cour pour obtenir réparation (Canada (Agence des services frontaliers) c CB Powell Limited, 2010 CAF 61 aux paragraphes 30 à 33 [CB Powell]). Il n’y a pas de circonstances exceptionnelles ou extraordinaires en l’espèce qui permettraient que le présent contrôle judiciaire soit instruit avant que Sagkeeng ait épuisé ses droits et recours en vertu du processus administratif (Canadien Pacifique Ltée c Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 RCS 3 au paragraphe 105 [Matsqui]).

La thèse de Sagkeeng

[57]           Sagkeeng soutient qu’après que la décision a été rendue, ni elle ni AADNC n’ont demandé que le différend soit tranché. Sagkeeng a demandé à AADNC s’il participerait à une instance dans la cadre du processus de règlement de différend sous le régime de la Politique du PASEB, mais cette demande est restée sans réponse. En outre, au paragraphe 51 de son affidavit, Mme Stiller qualifie la décision de finale, mais, au paragraphe 57, elle affirme que la décision allait faire l’objet de discussions le 9 mars 2012. En conséquence, la rencontre du 9 mars 2012 n’avait pas pour objet de régler la question litigieuse, mais plutôt d’aviser Sagkeeng de la décision finale.

[58]           Sagkeeng soutient que le contrôle judiciaire est un recours discrétionnaire et qu’en l’absence de circonstances exceptionnelles il ne devrait pas avoir lieu avant que le processus administratif ait été épuisé (CB Powell, aux paragraphes 30 à 33). Toutefois, il est clair que tel est le cas en l’espèce. Sagkeeng a exprimé son insatisfaction en ce qui concerne les documents qui lui ont été communiqués préalablement à un examen prévu dans le cadre du processus de règlement des différends, et cette question n’a pas été réglée. En prévision d’autres rencontres prévues pour discuter du financement dans le cadre du PASEB, AADNC a rendu une décision qu’elle a qualifiée plus tard de décision finale, et, selon les éléments de preuve présentés par Mme Stiller, des hauts fonctionnaires à l’administration centrale d’AADNC avaient approuvé le paiement partiel destiné à combler en partie le déficit du régime de retraite.

[59]           En outre, il n’est pas possible de soulever des questions litigieuses et d’obtenir une réparation efficace en faisant trancher le différend par le directeur général d’AADNC. La décision finale a été rendue et autorisée par la personne même qui serait chargée de régler le différend suivant la Politique du PASEB. Ce manque d’indépendance institutionnelle soulève une crainte raisonnable de partialité. En conséquence, un recours subséquent au mécanisme de règlement des différends prévu par la Politique du PASEB ne serait pas une solution de rechange appropriée à la présente demande de contrôle judiciaire (Matsqui, au paragraphe 105).

Analyse

[60]           Lors de l’audition de la présente affaire, j’ai avisé les parties que je les entendrais tout d’abord sur la question de la prématurité, puis, après avoir mis ma décision sur cette question en délibéré, mais sous réserve de cette décision, je les entendrais sur les autres questions. Pour les motifs qui suivent, j’ai conclu que la demande de contrôle judiciaire est prématurée.

[61]           Le contexte factuel pertinent à cette question est le suivant. Par lettre datée du 15 décembre 2010, Sagkeeng avisait le DGR qu’elle invoquait la procédure de règlement des différends prévue à l’annexe 4 de la Politique du PASEB et demandait une copie complète du dossier d’AADNC sur le régime de retraite ainsi que d’autres documents énumérés (affidavit de Rochelle Andal, souscrit le 23 octobre 2013 (affidavit Andal), pièce 6, volume 2, dossier de la demanderesse, onglet 6(1), page 368).

[62]           À la suite de la lettre du 15 décembre 2010, le 4 janvier 2011, l’avocat de Sagkeeng a envoyé une lettre au DGR à laquelle il a joint des observations écrites, un recueil de pièces et d’autres documents qu’il invitait le DGR à examiner en prévision de la réunion prévue le 5 janvier 2012 dans le cadre du processus de règlement (affidavit Stiller, paragraphe 33, pièce « L », dossier de la demanderesse, volume 1, onglet L, page 124).

[63]           Dans ses réponses à l’interrogatoire écrit, Mme Stiller affirme qu’une date a été fixée en vue du règlement du différend par le DG, toutes les parties convenant que Sagkeeng renonçait à son droit d’être entendue dans un premier temps par le DGR en raison d’un conflit entre le DGR et Sagkeeng (dossier de la demanderesse, volume 4, onglet 3, page 1226).

[64]           Dans une lettre du 19 janvier 2011 de l’avocat de Sagkeeng au ministère de la Justice il est fait mention que, le 15 décembre 2010, Sagkeeng a demandé un règlement de différend en vertu de la Politique du PASEB. En outre, le 4 janvier 2011, Sagkeeng a envoyé des observations écrites au soutien de sa demande, puis, le 5 janvier 2011, elle s’est présentée aux bureaux du DGR pour assister à l’audience de règlement de différend, mais elle a été avisée que l’audience ne pouvait avoir lieu (affidavit Stiller, pièce N, volume 1, dossier de la demanderesse, page 139). Dans la lettre il était également mentionné que Sagkeeng était prête et souhaitait procéder immédiatement.

[65]           Par lettre adressée à Sagkeeng datée du 27 janvier 2011, AADNC indiquait, entre autres choses, qu’il avait provisoirement réservé le 8 février 2012 pour tenir la réunion avec le DG relative au règlement du différend et qu’il ferait un suivi pour confirmer le tout (affidavit Stiller, pièce O, volume 1, dossier de la demanderesse, page 150).

[66]           Selon les éléments de preuve présentés par Mme Stiller, le 3 février 2011, Sagkeeng a unilatéralement annulé l’audience de règlement du différend que devait tenir le DG. Mme Stiller renvoie à une lettre de la même date que Sagkeeng a adressée à l’avocate du ministère de la Justice, dans laquelle Sagkeeng écrivait : [traduction« la Première Nation Sagkeeng ne participera pas à une audience devant le directeur général de la Gouvernance le mardi 8 février 2011 en raison du défaut persistant d’AINC de communiquer les documents demandés », toutefois aucune copie de cette lettre ne figure au dossier (Nadine Stiller, réponses à l’interrogatoire écrit, volume 4, dossier de la demanderesse, onglet 3, page 1229).

[67]           Mme Stiller affirme également que d’autres documents ont été communiqués à Sagkeeng et que des discussions ont eu lieu entre Sagkeeng et les défendeurs et leurs représentants. Dans son affidavit elle déclare que, le 9 mars 2011, l’avocat de Sagkeeng a envoyé une lettre au « Canada » dans laquelle il écrivait que les documents communiqués par AADNC étaient incomplets et que [traduction« la Première Nation Sagkeeng ne peut pas participer au règlement de ce différend tant qu’elle n’aura pas reçu tous les documents pertinents »; toutefois, aucune copie de cette lettre ne figure au dossier (Nadine Stiller, réponses à l’interrogatoire écrit, volume 4, dossier de la demanderesse, onglet 3, page 1229).

[68]           Mme Stiller affirme en outre que, le 7 mars 2012, elle a avisé Sagkeeng qu’AADNC avait revu sa position concernant le financement partiel du régime de retraite. Toutefois, Mme Stiller affirme que Sagkeeng n’a pas communiqué avec elle ni, autant qu’elle le sache, avec quiconque au sein d’AADNC ou du ministère de la Justice après le 9 mars 2011 concernant la question du règlement du différend.

[69]           Au soutien de leurs thèses respectives, les parties invoquent toutes deux l’arrêt CB Powell, dans lequel la Cour d’appel fédérale a conclu que la loi en cause dans cette affaire, la Loi sur les douanes (LRC 1985, c 1 (2e suppl.), prévoyait un processus administratif qui consistait en une série de décisions et d’appels et qui, à moins de circonstances exceptionnelles, devait être suivi jusqu’au bout. La Cour a fait remarquer que, dans la Loi sur les douanes, le législateur fédéral avait établi un processus administratif qui consistait en une série de décisions et d’appels. Les tribunaux judiciaires n’intervenaient nulle part dans ce processus, et, si on laissait les tribunaux judiciaires s’immiscer dans ce processus administratif avant qu’il n’ait été mené à terme, on introduirait un élément étranger dans le mécanisme conçu par le législateur. En outre, le législateur avait également interdit toute intervention judiciaire à chacune des étapes du processus administratif (CB Powell, aux paragraphes 28 et 29).

[70]           La Cour a également énoncé les principes généraux suivants :

[30]      En principe, une personne ne peut s’adresser aux tribunaux qu’après avoir épuisé toutes les voies de recours utiles qui lui sont ouvertes en vertu du processus administratif. L’importance de ce principe en droit administratif canadien est bien illustrée par le grand nombre d’arrêts rendus par la Cour suprême du Canada sur ce point : Harelkin c. Université de Regina, [1979] 2 R.C.S. 561; Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 R.C.S. 3; Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929; R. c. Consolidated Maybrun Mines Ltd., [1998] 1 R.C.S. 706, paragraphes 38 à 43; Regina Police Association Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, [2000] 1 R.C.S. 360, 2000 CSC 14, paragraphes 31 et 34; Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., [2001] 2 R.C.S. 460, 2001 CSC 44, paragraphes 14, 15, 58 et 74; Goudie c. Ottawa (Ville), [2003] 1 R.C.S. 141, 2003 CSC 14; Vaughan c. Canada, [2005] 1 R.C.S. 146, 2005 CSC 11, paragraphes 1 et 2; Okwuobi c. Commission scolaire Lester‑B.‑Pearson, [2005] 1 R.C.S. 257, 2005 CSC 16, paragraphes 38 et 55; Canada (Chambre des communes) c. Vaid, [2005] 1 R.C.S. 667, 2005 CSC 30, paragraphe 96.

[31]      La doctrine et la jurisprudence en droit administratif utilisent diverses appellations pour désigner ce principe : la doctrine de l’épuisement des recours, la doctrine des autres voies de recours adéquates, la doctrine interdisant le fractionnement ou la division des procédures administratives, le principe interdisant le contrôle judiciaire interlocutoire et l’objection contre le contrôle judiciaire prématuré. Toutes ces formules expriment la même idée : à défaut de circonstances exceptionnelles, les parties ne peuvent s’adresser aux tribunaux tant que le processus administratif suit son cours. Il s’ensuit qu’à défaut de circonstances exceptionnelles, ceux qui sont insatisfaits de quelque aspect du déroulement de la procédure administrative doivent exercer tous les recours efficaces qui leur sont ouverts dans le cadre de cette procédure. Ce n’est que lorsque le processus administratif a atteint son terme ou que le processus administratif n’ouvre aucun recours efficace qu’il est possible de soumettre l’affaire aux tribunaux. En d’autres termes, à défaut de circonstances exceptionnelles, les tribunaux ne peuvent intervenir dans un processus administratif tant que celui‑ci n’a pas été mené à terme ou tant que les recours efficaces qui sont ouverts ne sont pas épuisés.

[32]      On évite ainsi le fractionnement du processus administratif et le morcellement du processus judiciaire, on élimine les coûts élevés et les délais importants entraînés par une intervention prématurée des tribunaux et on évite le gaspillage que cause un contrôle judiciaire interlocutoire alors que l’auteur de la demande de contrôle judiciaire est de toute façon susceptible d’obtenir gain de cause au terme du processus administratif (voir, par ex., Consolidated Maybrun, précité, paragraphe 38, Aéroport international du Grand Moncton. c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2008 CAF 68, paragraphe 1; Ontario College of Art c. Ontario (Human Rights Commission) (1992), 99 D.L.R. (4th) 738 (Cour div. Ont.). De plus, ce n’est qu’à la fin du processus administratif que la cour de révision aura en mains toutes les conclusions du décideur administratif. Or, ces conclusions se caractérisent souvent par le recours à des connaissances spécialisées, par des décisions de principe légitimes et par une précieuse expérience en matière réglementaire (voir, par ex. Consolidated Maybrun, précité, paragraphe 43, Delmas c. Vancouver Stock Exchange (1994), 119 D.L.R. (4th) 136 (C.S. C.‑B.) conf. par (1995), 130 D.L.R. (4th) 461 (C.A.C.‑B.), et Jafine c. College of Veterinarians (Ontario) (1991), 5 O.R. (3d) 439 (Div. gén.)). Enfin, cette façon de voir s’accorde avec le concept du respect des tribunaux judiciaires envers les décideurs administratifs qui, au même titre que les juges, doivent s’acquitter de certaines responsabilités décisionnelles (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, paragraphe 48).

[33]      Partout au Canada, les cours de justice ont reconnu et appliqué rigoureusement le principe général de non‑ingérence dans les procédures administratives, comme l’illustre la portée étroite de l’exception relative aux « circonstances exceptionnelles ». Il n’est pas nécessaire d’épiloguer longuement sur cette exception, puisque les parties au présent appel ne prétendent pas qu’il existe des circonstances exceptionnelles qui permettraient un recours anticipé aux tribunaux judiciaires. Qu’il suffise de dire qu’il ressort des précédents que très peu de circonstances peuvent être qualifiées d’« exceptionnelles » et que le critère minimal permettant de qualifier des circonstances d’exceptionnelles est élevé (voir à titre général l’ouvrage de D.J.M. Brown et J.M. Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada (édition à feuilles mobiles) (Toronto, Canvasback Publishing, 2007), pages 3:2200, 3:2300 et 3:4000, ainsi que l’ouvrage de David J. Mullan, Administrative Law (Toronto, Irwin Law, 2001), pages 485 à 494). Les meilleurs exemples de circonstances exceptionnelles se trouvent dans les très rares décisions récentes dans lesquelles les tribunaux ont accordé un bref de prohibition ou une injonction contre des décideurs administratifs avant le début de la procédure ou au cours de celle‑ci. Les préoccupations soulevées au sujet de l’équité procédurale ou de l’existence d’un parti pris, de l’existence d’une question juridique ou constitutionnelle importante ou du fait que toutes les parties ont accepté un recours anticipé aux tribunaux ne constituent pas des circonstances exceptionnelles permettant aux parties de contourner le processus administratif dès lors que ce processus permet de soulever des questions et prévoit des réparations efficaces (voir Harelkin, Okwuobi, paragraphes 38 à 55, et University of Toronto c. C.U.E.W, Local 2 (1988), 55 D.L.R. (4th) 128 (Cour div. Ont.)). Ainsi que je le démontrerai sous peu, l’existence de ce qu’il est convenu d’appeler des questions de compétence ne constitue pas une circonstance exceptionnelle justifiant un recours anticipé aux tribunaux.

(Caractères gras ajoutés.)

[71]           L’arrêt CB Powell et les jugements qui y sont cités concernent des processus administratifs, établis par des lois, qui exigent que tous les recours efficaces dans le cadre de ce processus soient épuisés avant que les parties soumettent leur différend aux tribunaux judiciaires. En outre, les tribunaux judiciaires ont souvent fait appel à l’intention du législateur pour justifier en partie la doctrine de l’épuisement des recours (R c Consolidated Maybrun Mines Ltd., [1998] 1 RCS, 706 au paragraphe 38), puisque l’application de cette doctrine évite de « contrecarrer la volonté du législateur au regard des régimes spécialisés qu’il a établis » (Canada (Revenu national) c JP Morgan Asset Management (Canada) Inc., 2013 CAF 250 au paragraphe 85) et de « compromettre un régime législatif complet que le législateur a soigneusement conçu » (Halifax (Regional Municipality) c Nouvelle‑Écosse (Human Rights Commission), 2012 CSC 10 au paragraphe 36).

[72]           En l’espèce, toutefois, il n’y a pas de processus administratif prévu par une loi. Le mécanisme de règlement des différends est seulement prévu dans la Politique du PASEB. La question se pose donc de savoir si la doctrine de l’épuisement des recours s’étend aux régimes administratifs qui ne sont pas établis par une loi. À cet égard, il convient de noter qu’en l’espèce, les parties conviennent que le processus administratif en cause est obligatoire, et elles sont seulement en désaccord quant à savoir si ce processus administratif a été épuisé ou s’il s’agit d’un recours efficace dans les circonstances de la présente espèce.

[73]           Dans l’arrêt Transport and Allied Workers, International Brotherhood of Teamsters, Local 855 c Labourers’ International Union, Local 1208, 2014 NLCA 45 (autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 36280 (21 mai 2015)) [Transport and Allied Workers], la Cour d’appel de Terre‑Neuve‒et‒Labrador a traité des autres voies de recours en notant ce qui suit :

[traduction]

[38]      Le juge Stratas de la Cour d’appel fédérale a exposé des motifs détaillés dans les arrêts CB Powell et JP Morgan pour justifier l’exigence relative aux autres voies de recours adéquates dans le contexte des demandes de contrôle judiciaire. Cette exigence vise à :

•     éviter le fractionnement du processus administratif et le morcellement du processus judiciaire (voir C.B. Powell, au paragraphe 32);

•     éliminer « les coûts élevés et les délais importants entraînés par une intervention prématurée des tribunaux » (voir C.B. Powell, au paragraphe 32; voir aussi Harelkin);

•     éviter de contrecarrer « la volonté du législateur au regard des régimes spécialisés qu’il a établis » (voir JP Morgan, au paragraphe 85);

•     éviter le gaspillage que cause un contrôle judiciaire interlocutoire alors que l’auteur de la demande de contrôle judiciaire est de toute façon susceptible d’obtenir gain de cause au terme du processus administratif (voir C.B. Powell, au paragraphe 32);

•     assurer que la cour profite pleinement des connaissances et compétences spécialisées du décideur administratif, ce qui a le plus de chances de se produire après qu’une décision administrative finale a été rendue (voir C.B. Powell, au paragraphe 32);

•     appuyer le principe du respect des tribunaux judiciaires envers les décideurs administratifs (voir C.B. Powell, au paragraphe 32);

•     renforcer l’idée que les mesures dont est assortie la procédure de contrôle judiciaire sont des mesures de dernier recours (voir JP Morgan, au paragraphe 85).

[74]           Dans l’arrêt Transport and Allied Workers, la Cour d’appel de Terre‑Neuve‒et‒Labrador était appelé à examiner la décision d’un arbitre nommé en vertu d’une convention collective relative à un projet précis, et non dans le cadre d’un régime administratif prévu par une loi. Malgré cela, la Cour a jugé que la doctrine de l’épuisement des recours était applicable.

[75]           Par conséquent, et étant donné que Sagkeeng ne conteste pas son application, il semblerait indiqué d’appliquer la doctrine des autres voies de recours adéquates dans les présentes circonstances. À cet égard, Sagkeeng affirme que le processus de décision a été épuisé, ou subsidiairement, que, même s’il ne l’a pas été, un manque d’indépendance institutionnelle fait naître une crainte raisonnable de partialité, avec comme conséquence que le processus n’offre pas une autre voie de recours adéquate.

[76]           Il faut donc disposer en premier lieu de la question de la communication des documents, puisqu’il s’agit là du motif pour lequel Sagkeeng soutient que le processus de décision a été épuisé. Comme je l’ai indiqué précédemment, les parties avaient renoncé d’un commun accord à présenter leur différend au premier palier du processus de règlement des différends. Un examen au deuxième palier, devant le DG, avait été prévu au calendrier, puis Sagkeeng l’a annulé, apparemment au motif qu’on ne lui avait pas communiqué suffisamment de documents. À mon avis, Sagkeeng n’a pas réussi à établir qu’une communication insuffisante continuait d’empêcher le recours à ce processus.

[77]           Au soutien de sa demande de contrôle judiciaire, Sagkeeng a produit seulement l’affidavit de Mme Rochelle Andal, technicienne juridique travaillant au cabinet de l’avocat de Sagkeeng, souscrit le 23 octobre 2013 (affidavit Andal). L’affidavit Andal a uniquement pour fonction de verser des documents au dossier, à savoir : la décision (pièce « 1 »); une lettre du 26 avril 2013 de M. Paul Anderson, avocat des défendeurs, à M. John Harvie, avocat de Sagkeeng (pièce « 2 »); une liste révisée de documents jointe à cette lettre (pièce « 3 »); l’affidavit Stiller du 17 août 2012 (pièce « 4 »); l’affidavit Stiller du 7 juin 2013 (pièce « 5 »); les observations écrites de Sagkeeng communiquées au DGR (pièce « 6 »); les documents énumérés dans la liste révisée de documents (pièce « 7 »). Sagkeeng n’a produit aucun autre élément de preuve par affidavit.

[78]           En ce qui concerne la communication de la preuve, l’affidavit Andal indique que l’avocat de Sagkeeng a reçu, avec la lettre du 26 avril 2013, une liste révisée de documents de l’avocat des défendeurs dans laquelle, croit comprendre Mme Andal, les documents qui sont pertinents à la décision sont énumérés. La lettre du 26 avril 2013 énonce qu’en conformité avec les articles 317 et 318 des Règles, un certificat du Bureau du Conseil privé a été obtenu et est joint à la lettre, et que l’annexe mentionnée est un document secret qui n’a pas été communiqué (une copie de l’annexe n’est pas jointe à l’annexe « 2 »). Mme Andal précise également que la pièce « 3 » jointe à son affidavit est une copie de la liste révisée des documents des défendeurs.

[79]           Au paragraphe 4 de son affidavit, Mme Andal affirme ce qui suit :

[traduction] Mme Nadine [Stiller] a souscrit deux (2) affidavits dans la présente instance dans lesquels elle fait vraisemblablement mention des documents pertinents additionnels qu’elle a en sa possession et sur lesquels elle fonde sa décision. Une copie de l’affidavit de Nadine Stiller souscrit le 17 août 2012 est jointe à mon affidavit comme pièce « 4 », et une copie de l’affidavit de Nadine Stiller souscrit le 7 juin 2013 est jointe à mon affidavit comme pièce « 5 ».

[80]           Ainsi, Sagkeeng ne produit aucun élément de preuve par affidavit au soutien de son allégation que la communication de documents dans le cadre du processus de règlement des différends demeure litigieuse ou empêche la continuation de ce processus. Sagkeeng reconnaît également qu’aucune date n’a été prévue en vue de la tenue de la réunion relative au règlement du différend après son annulation.

[81]           Sagkeeng fait également valoir qu’après la décision, ni elle ni AADNC n’ont demandé une audience de règlement devant le DG, et qu’elle a demandé à AADNC s’il participerait à une instance de règlement des différends sous le régime de la Politique du PASEB, mais que cette demande est restée sans réponse. Sagkeeng renvoie aux paragraphes 33, 51 et 57 de l’affidavit Stiller du 17 août 2012 et aux alinéas 4j) et 4l) des réponses à l’interrogatoire écrit de Mme Stiller à cet égard. Toutefois, la lecture de ces paragraphes et alinéas ne donne aucunement à penser qu’une deuxième demande d’examen, postérieure à la décision, a été faite, ni que Sagkeeng a demandé à AADNC s’il participerait au processus de règlement des différends une fois la décision rendue. À l’alinéa 4l) des réponses à l’interrogatoire écrit de Mme Stiller, celle‑ci affirme plutôt que Sagkeeng n’a pas communiqué avec elle ni, autant qu’elle le sache, avec quiconque au sein d’AADNC ou du ministère de la Justice après le 9 mars 2011 au sujet du règlement du différend pendant tout le temps où Mme Stiller a continué à travailler au service d’AADNC (elle a quitté AADNC en avril 2012).

[82]           Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que le processus de règlement des différends sous le régime de la Politique du PASEB qui a été initié le 15 décembre 2010 n’a pas été épuisé. De plus, Sagkeeng n’a pas demandé le règlement du différend après la décision du 7 mars 2012 concernant le versement d’un financement partiel. Il est mentionné dans l’affidavit Stiller que la réunion du 9 mars 2012 dont il est question dans la lettre de décision a eu lieu et que, au cours de cette réunion, les participants ont discuté de questions relatives au financement des avantages sociaux des employés de la bande et du financement du régime de retraite, des calculs ont été présentés à l’appui du montant de financement additionnel révisé de 890 504,00 $, et les participants ont discuté du plafonnement du financement à l’avenir. Je suis donc d’avis que la réunion n’a pas été considérée comme une décision du deuxième palier du processus entamé de règlement des différends ni n’en constituait une.

[83]           Le deuxième aspect de la question relative au caractère prématuré concerne l’argument de Sagkeeng selon lequel, puisqu’une décision « finale » a été rendue et autorisée par la personne qui serait chargée de régler le différend, la procédure de règlement des différends devant le DG n’est pas une voie de recours efficace pour Sagkeeng. Ce manque d’indépendance institutionnelle fait naître une crainte raisonnable de partialité, et une autre décision sous le régime de la Politique du PASEB ne constituerait donc pas une solution de rechange adéquate à la demande de contrôle judiciaire.

[84]           Tel qu’indiqué précédemment, les éléments de preuve présentés par Mme Stiller au sujet de la prise et de l’autorisation de la décision du 7 mars 2012 sont vagues. Toutefois, dans son affidavit du 17 août 2012, elle affirme qu’une de ses principales responsabilités à titre de directrice des Services de financement consistait à superviser le financement des programmes de base des premières nations au Manitoba, qu’elle était responsable de l’administration du financement versé à Sagkeeng, et qu’elle supervisait d’autres premières nations à cet égard.

[85]           Au paragraphe 51 de cet affidavit, Mme Stiller affirme que [traduction« lors du réexamen de la décision finale d’effectuer un paiement partiel à » Sagkeeng elle a pris en compte les éléments qu’elle énumère ensuite. Cette affirmation n’indique pas clairement quelle décision elle réexaminait ni qui en était l’auteur ni si, après avoir pris les éléments susmentionnés en compte, elle avait fait une recommandation fondée sur son réexamen. Toutefois, dans l’interrogatoire écrit, il lui a été demandé si la décision qu’elle mentionnait au paragraphe 51 était celle qui figurait dans sa lettre du 7 mars 2012 et, dans ses réponses à cet interrogatoire, elle a répondu par l’affirmative.

[86]           Le paragraphe 55 de son affidavit est tout aussi vague. Elle y affirme que, le 13 février 2012, l’administration centrale d’AADNC l’a informée [traduction« que des hauts fonctionnaires à l’administration centrale d’AADNC avaient réussi à obtenir l’approbation du versement d’un paiement partiel visant à combler en partie le déficit du régime ». Elle ne dit pas ce sur quoi ces fonctionnaires avaient pu se fonder pour approuver le paiement partiel. Toutefois, tel qu’indiqué précédemment, dans le même paragraphe, elle mentionne la pièce « W » jointe à son affidavit, qui consiste en un courriel mentionnant qu’il avait été confirmé que [traduction« l’approbation de votre approche par notre SMA constitue une autorisation suffisante pour aller de l’avant. Le cabinet du sous‑ministre a été avisé et n’a soulevé aucune objection. Je vous ferai suivre, sous un pli distinct, pour vos dossiers, la version de la recommandation que M. Hallman a approuvée. »

[87]           L’avocat de Sagkeeng a fait de vaillants efforts pour cerner le processus décisionnel lors de l’interrogatoire écrit de Mme Stiller. À la question de savoir si Mme Stiller avait consulté le DGR ou le DG ou avait obtenu l’autorisation de l’un ou l’autre avant de rendre sa décision, elle a répondu en renvoyant au paragraphe 55 de son affidavit. À la question de savoir si le ministre l’avait autorisée expressément ou implicitement à rendre la décision, elle a répondu que le cabinet du sous‑ministre avait été avisé de l’intention d’effectuer un paiement partiel à Sagkeeng et n’avait formulé aucune objection, et elle a également renvoyé au paragraphe 55 de son affidavit et à la pièce « W ». À la question de savoir si elle avait consulté le ministre à quelque moment que ce soit avant de rendre la décision, elle a donné la même réponse.

[88]           Des doutes subsistent quant à savoir pourquoi les défendeurs sont si réticents à décrire clairement la structure décisionnelle et le processus décisionnel et à identifier le décideur en l’espèce. Toutefois, compte tenu des éléments de preuve dont je dispose, il semblerait que le SMA ait approuvé, et de ce fait autorisé, la recommandation de Mme Stiller de maintenir le refus initial de financer intégralement les cotisations nécessaires pour combler le déficit du régime de retraite, mais de faire un paiement partiel, et que le sous‑ministre ait été au courant de cette décision.

[89]           Compte tenu de ce qui précède, il n’est pas impossible de soutenir comme l’avance Sagkeeng, qu’étant donné que le SMA a approuvé la décision de combler seulement partiellement le déficit du régime de retraite, et ce, à la connaissance du SM, l’examen par le DG sous le régime de la Politique du PASEB de la décision révisée ne constitue pas une autre voie de recours appropriée en raison du manque d’indépendance institutionnelle faisant naître une crainte raisonnable de partialité – le DG relevant vraisemblablement du SMA et du SM.

[90]           La situation est d’autant plus compliquée à mon avis que la procédure de règlement des différends énoncée dans la Politique du PASEB est informelle et ne met en place aucune structure concernant son déroulement.

[91]           Dans l’arrêt Harelkin c Université de Regina, [1979] 2 RCS 561 [Harelkin], la Cour suprême du Canada a traité des considérations qui devraient être prises en compte au moment de décider si un demandeur doit épuiser la voie d’appel administrative prescrite avant de demander un contrôle judiciaire. À cet égard, la Cour suprême a affirmé (à la page 588) :

Pour évaluer si le droit d’appel de l’appelant au comité du sénat constituait un autre recours approprié et même un meilleur recours que de s’adresser aux cours par voie de brefs de prérogative, il aurait fallu tenir compte de plusieurs facteurs dont la procédure d’appel, la composition du comité du sénat, ses pouvoirs et la façon dont ils seraient probablement exercés par un organisme qui ne constitue pas une véritable cour d’appel et qui n’est pas tenu d’agir comme s’il en était une, ni n’est susceptible de le faire. D’autres facteurs comprennent le fardeau d’une conclusion antérieure, la célérité et les frais.

[92]           La Cour suprême du Canada a fait remarquer qu’à l’époque pertinente dans cette affaire, il n’existait pas de règlement en vigueur concernant la procédure devant le comité d’appel du sénat. Toutefois, la Cour a admis en preuve et examiné un règlement approuvé subséquemment. La Cour a également affirmé (à la page 589) :

A mon avis, l’appelant ne pouvait présumer qu’en l’absence de règlement semblable à l’époque pertinente, le comité du sénat lui aurait refusé une audience au sens de l’al. 33(1)e) de la Loi. Ni que, du fait qu’un des organes directeurs de l’Université avait omis de respecter les principes de justice naturelle, un autre organe de compétence supérieure ferait de même. Au contraire, il aurait dû supposer que l’organe de compétence supérieure lui donnerait justice, comme l’a conclu le Comité judiciaire dans White v. Kuzych  la p. 601):

[traductionLeurs Seigneuries sont donc contraintes de conclure que la décision du comité général était susceptible d’appel. Avec égards, elles ne peuvent reconnaître la justesse et la pertinence de l’opinion voulant qu’il aurait été inutile pour l’intimé d’interjeter appel parce que la fédération ne lui aurait certainement pas donné gain de cause. Elles ne voient pas pourquoi il faudrait présumer que la fédération, appelée à disposer de l’appel, ne pourrait examiner honnêtement une plainte d’injustice ou de rigueur excessive et chercher à rendre la bonne décision finale.

L’alinéa 33(1)e) de la Loi n’énumère pas les pouvoirs du comité d’appel du sénat, mais on ne peut douter qu’ils comprennent les pouvoirs habituels d’une instance d’appel, y compris, si l’appel est accueilli, le pouvoir d’infirmer la décision du comité du conseil et de rendre, sur le fond même, la décision que le comité du conseil aurait dû rendre, ou de retourner le dossier au comité du conseil pour qu’il tienne une audience conforme. Le comité du sénat avait donc toute la compétence nécessaire pour donner justice à l’appelant sans réserve.

[93]           La Cour suprême a conclu que le droit d’appel de l’appelant au comité du sénat constituait un autre recours approprié s’offrant à lui.

[94]           L’affaire Harelkin peut évidemment être distinguée de la présente affaire à la fois parce que, dans Harelkin, le processus d’appel en cause était prévu par une loi et parce qu’il s’agissait d’un appel. De plus, à la différence de l’appel au comité du sénat dans l’affaire Harelkin, la Politique du PASEB prévoit seulement un règlement des différends informel qui ne comporte pas de processus formel de décision ou d’appel. Cet arrêt est tout de même pertinent dans la mesure où il donne à entendre que, dans les présentes circonstances, il ne faudrait pas présumer que le DG, s’il était appelé à le faire, serait incapable de rendre une décision équitable et impartiale.

[95]           Dans l’arrêt Matsqui, la Cour suprême du Canada a de nouveau examiné la question de savoir si un appelant devrait être autorisé à solliciter un contrôle judiciaire plutôt que de recourir à une procédure d’appel prévue par une loi. Dans cette affaire, en vertu de la Loi sur les Indiens, des Premières Nations constituées en bandes avaient pu prendre leurs propres règlements relatifs au prélèvement de taxes sur les biens immobiliers situés sur des terres de réserve. Le règlement d’évaluation de la bande de Matsqui prévoyait l’établissement de tribunaux de révision pour entendre les appels formés contre les évaluations, la constitution d’un comité de révision des évaluations pour entendre les appels formés contre les décisions des tribunaux de révision et, enfin, la possibilité d’en appeler des décisions du comité de révision devant la Cour fédérale sur une question de droit. Les intimées avaient déposé une demande de contrôle judiciaire visant à faire annuler les évaluations, et les appelants ont cherché à faire radier la demande au motif que la décision n’était pas susceptible de faire l’objet d’un contrôle judiciaire à cause du droit d’appel éventuel devant la Cour ou, subsidiairement, parce que le règlement d’évaluation offrait un autre recours adéquat.

[96]           La Cour suprême était saisie de la question de savoir si le juge des requêtes avait correctement exercé son pouvoir discrétionnaire de radier la demande de contrôle judiciaire, obligeant ainsi les intimées à faire valoir leur contestation relative à la compétence dans le cadre de la procédure d’appel établie par les bandes.

[97]           La Cour suprême a noté que les juges de notre Cour ont le pouvoir discrétionnaire de décider s’il y a lieu de procéder à un contrôle judiciaire. Au moment de décider si elle devait entreprendre un contrôle judiciaire ou si elle devait plutôt exiger que le requérant se prévale d’une procédure d’appel prescrite par la loi, la Cour a cité ses décisions antérieures dans les arrêts Harelkin et Canada (Vérificateur général) c Canada (Ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources), [1989] 2 RCS 49, et elle a conclu :

[37]      Me fondant sur ce qui précède, je conclus que les cours de justice doivent considérer divers facteurs pour déterminer si elles doivent entreprendre le contrôle judiciaire ou si elles devraient plutôt exiger que le requérant se prévale d’une procédure d’appel prescrite par la loi. Parmi ces facteurs figurent : la commodité de l’autre recours, la nature de l’erreur et la nature de la juridiction d’appel (c.‑à‑d. sa capacité de mener une enquête, de rendre une décision et d’offrir un redressement). Je ne crois pas qu’il faille limiter la liste des facteurs à prendre en considération, car il appartient aux cours de justice, dans des circonstances particulières, de cerner et de soupeser les facteurs pertinents.

[98]           Aux fins de l’application du principe de l’autre voie de recours approprié, la Cour a examiné le caractère approprié des procédures de contestation que les bandes avaient établies, et non pas simplement le caractère approprié des tribunaux d’appel en question, et elle a conclu qu’il était loisible au juge des requêtes de conclure que permettre aux intimées de contourner les procédures de contestation prévues par les bandes dans leurs règlements d’évaluation nuirait à l’ensemble du régime, compte tenu des objectifs d’ordre public qu’il vise. Ces objectifs comprenaient la promotion de l’autonomie gouvernementale des Autochtones et le respect des procédures de contestation que les bandes avaient établies, étant donné que le paragraphe 83(3) de la Loi sur les Indiens avait pour objet de permettre aux bandes d’élaborer leurs propres procédures de contestation internes.

[99]           La Cour suprême a ensuite traité de la thèse des intimées selon laquelle les procédures de contestation établies en vertu de la loi ne constituaient pas une solution de rechange adéquate au contrôle judiciaire parce que le tribunal d’appel faisait naître une crainte raisonnable de partialité. Un des fondements de cette allégation était que des membres des bandes pouvaient être nommés membres de ces tribunaux d’appels, ce qui soulevait la question de l’impartialité de ces membres. La Cour a convenu avec les requérants que les allégations de crainte raisonnable de partialité relevaient de la conjecture. Cela était dû au fait que ces allégations avaient été formulées avant que les intimées ne se soient adressées au tribunal d’appel et avant même que des membres de la bande n’aient été nommés membres du tribunal; malgré cela, les intimées demandaient à la Cour de conclure à l’impossibilité pour elles d’obtenir une audience impartiale. On avait tout intérêt à ce que des membres des bandes soient nommés membres des tribunaux d’appel, et la crainte que ces membres ne soient portés à augmenter l’impôt afin de maximaliser les recettes de la bande concernée était simplement trop éloignée pour faire naître une crainte raisonnable de partialité sur le plan structurel.

[100]       Quant au deuxième motif fondant l’allégation de crainte raisonnable de partialité, il tenait au fait que les membres des tribunaux pouvaient ne pas être rémunérés, qu’ils n’étaient pas inamovibles, et qu’ils étaient nommés par des chefs et des conseils de bande, de sorte que ces tribunaux ne jouissaient pas d’une indépendance institutionnelle suffisante.

[101]       La Cour a noté que les principes de l’inamovibilité, de la sécurité de traitement et du contrôle administratif s’appliquent également dans le cas d’un tribunal administratif lorsque celui‑ci agit à titre d’organisme juridictionnel qui tranche les différends et détermine les droits des parties, bien que l’application stricte de ces principes ne se justifie pas toujours en pareil cas. En outre :

[81]      Le critère classique pour déterminer l’existence d’une crainte raisonnable de partialité est celui énoncé par le juge de Grandpré dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty c. Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, à la p. 394 :

[...] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle‑même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d’appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait‑elle que, selon toute vraisemblance, M. Crowe, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

Le juge de Grandpré a dit, en outre, que les motifs de crainte doivent être « sérieux ».

[102]       Dans l’arrêt Matsqui, la Cour suprême du Canada a fait observer que, dans le cas des tribunaux administratifs, le niveau requis d’indépendance institutionnelle doit être déterminé à la lumière des fonctions que remplit le tribunal particulier dont il s’agit. Les niveaux requis d’inamovibilité, de sécurité financière et de contrôle administratif dépendront de la nature du tribunal, des intérêts en jeu et des autres signes indicatifs de l’indépendance, tels les serments professionnels. La Cour a ensuite examiné les dispositions des règlements d’évaluation qui traitaient du pouvoir des tribunaux d’appel ainsi que de la nomination et de la rémunération de leurs membres. Elle a conclu qu’une combinaison de trois facteurs, à savoir i) l’absence complète de sécurité financière pour les membres des tribunaux, ii) une inamovibilité inadéquate et iii) le fait que les membres des tribunaux avaient à se prononcer relativement aux intérêts de celles‑là mêmes (les bandes) auxquelles ils devaient leur nomination, faisait naître une crainte raisonnable que les membres des tribunaux d’appel ne soient pas suffisamment indépendants. En dernière analyse, la majorité a jugé que « [l]’indépendance institutionnelle vise à faire en sorte qu’un tribunal soit doté d’une structure juridique qui permette que ses membres soient, dans une mesure raisonnable, indépendants des personnes auxquelles ils doivent leur nomination » (paragraphe 104).

[103]       Conformément à l’arrêt Matsqui, le critère de l’indépendance institutionnelle doit être appliqué à la lumière des fonctions que remplit le tribunal particulier dont il s’agit. En l’espèce, il s’agit d’un pur processus décisionnel administratif interne et informel ayant pour objet d’interpréter et d’appliquer une politique. Il ne s’agit pas d’un tribunal d’appel, et il n’y a pas de procédure établie. Contrairement aux décideurs dans l’affaire Matsqui, le rôle du DG ne consiste pas à exercer des fonctions décisionnelles semblables à celles de tribunaux judiciaires. La fonction décisionnelle est une des différentes fonctions qui incombent au DG compte tenu du poste qu’il occupe. Toutefois, aucun élément de preuve ne permet de savoir comment le poste de DG est doté, par exemple si c’est par voie d’embauche par la Commission de la fonction publique ou par voie de nomination par le gouverneur en conseil; ni si le DG occupe son poste sous réserve de l’approbation continue du SMA ou du SM. Ainsi, l’on ne sait pas si l’inamovibilité ou la sécurité financière sont même des facteurs pertinents.

[104]       En outre, bien que la démarche recommandée, consistant à financer une partie seulement du déficit du régime de retraite, ait été approuvée par le SMA, à mon avis, il n’a pas été établi qu’on peut en conséquence présumer qu’il serait plus probable qu’improbable que le DG ne tranche pas la question équitablement. Il se pourrait tout aussi bien, si le DG n’est pas d’accord avec la recommandation ou s’il en fait une différente, que le SMA approuve et autorise aussi cette démarche ou décision. Le fardeau de la preuve incombe à la partie qui allègue la crainte raisonnable de partialité (Abi‑Mansour c Canada (Agence du revenu), 2015 CF 883 au paragraphe 51; Jackson c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1098 au paragraphe 41; Panov c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 716 au paragraphe 19). Par ailleurs, tel qu’indiqué précédemment, en raison des différences qui caractérisent les processus décisionnels judiciaires et administratifs il y a lieu de faire preuve d’une certaine dose de souplesse dans l’évaluation de l’indépendance d’un décideur administratif (2747‑3174 Québec Inc. c Québec (Régie des permis d’alcool), [1996] 3 RCS 919 au paragraphe 62 [2747‑3174 Québec Inc.]).

[105]       En l’absence de preuve contraire, un décideur est présumé impartial (Telus Communications Inc. c TWU, 2005 CAF 262 au paragraphe 36; Hughes c Canada (Procureur général), 2009 CF 574 au paragraphe 43 [Hughes]; Munoz c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1273 au paragraphe 59; Finch c Assn of Professional Engineers and Geoscientists (British Columbia),(1996) 18 BCLR (3d) 361 (BCCA) au paragraphe 26). Dans un ordre d’idées similaire, les fonctionnaires de l’État sont présumés être impartiaux et indépendants (Muhammad c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 448 au paragraphe 144; Dunova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 438 au paragraphe 69; Mohammad c Canada (Ministre de l’Emploi et l’Immigration), [1989] 2 CF 363 (CAF)). En outre, les allégations de manque d’indépendance ou de crainte raisonnable de partialité sont graves et ne peuvent pas être fondées sur des conjectures ou des éléments de preuve limités (Bande indienne Wewaykum c Canada, 2003 CSC 45 aux paragraphes 2 et 59; Committee for Justice and Liberty c L’Office national de l’énergie, [1978] 1 RCS 369 à la page 394; Ellis‑Don Ltd. c Ontario (Commission des relations de travail), 2001 CSC 4 au paragraphe 56). Un simple soupçon de partialité n’est pas suffisant (Hughes, au paragraphe 43). En l’espèce, l’allégation est anticipée, et il n’y a aucun élément de preuve démontrant la possibilité d’un parti pris. Je conclus donc que Sagkeeng ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve à cet égard, et les présomptions d’indépendance et d’impartialité ne sont pas réfutées. Une crainte raisonnable de partialité à un niveau institutionnel suppose qu’un grand nombre de cas similaires soient recensés (2747‑3174 Québec Inc., au paragraphe 44). Sagkeeng n’a pas réussi à présenter suffisamment d’éléments de preuve pour établir une crainte raisonnable de partialité ni sur le plan institutionnel ni au cas par cas, et je ne suis pas convaincue que le DG ne règlerait pas la question litigieuse équitablement.

[106]       En arrivant à cette décision, je note également la thèse des défendeurs au sujet de la nature de la décision, à savoir que les décisions de la Couronne en matière de financement sont des questions de politique et ne sont pas susceptibles de contrôle judiciaire au regard de motifs relevant du droit administratif. En outre, je note l’argument des défendeurs selon lequel Sagkeeng demande à la Cour d’examiner une décision qui concerne essentiellement la manière dont le gouvernement débourse les deniers publics. Les défendeurs soutiennent qu’en l’absence d’une disposition législative en ce sens ou d’autres exigences légales, il n’appartient pas à la Cour de procéder à un tel exercice (Hamilton‑Wentworth (Regional Municipality) c Ontario, 2 OR (3d) 716, permission d’appel refusée [1991] OJ no 3201 (CA Ont.); Children’s Aid Society of Huron‑Perth c Ontario, 2012 ONSC 5388 aux paragraphes 2 et 52). Inversement, Sagkeeng soutient que la décision est purement administrative. Il n’y a aucune loi fédérale précise régissant le financement d’avantages sociaux payables aux employés des bandes autochtones, et la Politique du PASEB comble ce vide, elle énonce l’objectif du PASEB, et elle décrit comment s’effectue le déboursement des fonds. Le contrôle judiciaire de la décision est sollicité au motif qu’elle n’est pas conforme à la Politique du PASEB, et la Cour peut contrôler les décisions d’un ministre qui interprètent les critères prévus aux termes d’une politique et déterminer si cette interprétation permet de réaliser l’objectif établi par la politique. Sagkeeng soutient que cette démarche se distingue de celle qui consiste à contrôler l’exercice du pouvoir de dépenser d’un ministre (Simon c Canada (Procureur général), 2013 CF 1117 aux paragraphes 27 et 34 à 39).

[107]       Puisque je suis d’avis que la demande est prématurée, je n’ai pas besoin de me prononcer sur la nature de la décision. Je note toutefois ce qui précède parce que si la demande n’était pas prématurée et si la thèse des défendeurs quant à la justiciabilité de la décision était correcte –et je ne tire aucune conclusion à cet égard – aucun recours ne s’offrirait à Sagkeeng pour faire contrôler la décision. En outre, les observations des parties au sujet de la nature de la décision ne font que renforcer mon avis selon lequel, de prime abord, la nature de la présente question est telle que celle‑ci devrait être réglée en premier lieu par le DG, comme la Politique du PASEB le prévoit.

[108]       Puisque j’ai conclu que la présente demande de contrôle judiciaire est prématurée, il n’est pas nécessaire que je me prononce sur le fond de cette question. L’affaire est renvoyée et sera réglée par le DG en vertu de la clause de la Politique du PASEB relative au règlement administratif des différends. Puisque ce processus n’est pas défini, je soulignerais que le DG doit être impartial, il ne doit pas avoir de parti pris, et il doit procéder à un examen complet et équitable de toutes les observations qui lui sont présentées. À mon avis, le processus devrait, de fait, prendre la forme d’un examen de novo, et le DG devrait motiver sa décision.

[109]       À cet égard, je note que la décision du 7 mars 2012 ne comporte aucun motif. Après que la décision eut été rendue, Mme Stiller a déposé son affidavit au soutien de la thèse des défendeurs dans la présente demande de contrôle judiciaire. Comme Sagkeeng l’a fait remarquer Mme Stiller expose de manière très détaillée dans son affidavit les motifs de sa décision. Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, il est inacceptable qu’un décideur étoffe sa décision de cette manière (Stemijon Investments Ltd. c Canada (Procureur général), 2011 CAF 299 au paragraphe 41; Phan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1203 au paragraphe 24), et il est bien établi en droit qu’en principe le dossier de preuve qui est soumis à notre Cour lorsqu’elle est saisie d’une demande de contrôle judiciaire se limite au dossier de preuve dont disposait le décideur (Association des universités, au paragraphe 19). Puisque je n’examine pas le bien‑fondé de la décision, je n’ai pas besoin de me prononcer sur le poids ni sur l’admissibilité de l’affidavit de Mme Stiller dans le présent contexte. Toutefois, à mon avis, cet affidavit ne devrait pas être présenté au DG lorsqu’il sera appelé à régler le différend. Les défendeurs et Sagkeeng présenteront certainement des observations et des éléments de preuve au soutien de leurs thèses respectives, mais l’affidavit Stiller, qui motive la décision contestée après le fait, ne devrait pas en faire partie.

[110]       Après que la décision du DG aura été rendue, si Sagkeeng estime que cette décision comporte une erreur susceptible de contrôle, elle pourra en demander le contrôle judiciaire.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que

1.      La présente demande de contrôle judiciaire est prématurée. L’affaire est renvoyée à AADNC pour règlement en vertu de la Politique du PASEB.

2.      Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑722‑12

 

INTITULÉ :

PREMIÈRE NATION SAGKEENG c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET LE MINISTRE DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU NORD DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 20 AVRIL 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

LE 24 SEPTEMBRE 2015

 

COMPARUTIONS :

Anthony Lafontaine Guerra

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Paul Anderson

Kristine Whittaker

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Myers Weinberg LLP

Avocats

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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