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Date : 20151002


Dossier : T-315-15

Référence : 2015 CF 1131

Ottawa (Ontario), le 2 octobre 2015

En présence de monsieur le juge Beaudry

ENTRE :

LAURENT DUVERGER

demandeur

et

2553-4330 QUÉBEC INC. (AÉROPRO)

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7 [LCF], à l’encontre d’une décision rendue le 18 février 2015 par un arbitre nommé en vertu du Code canadien du travail, LRC 1985, c L-2 [CCT], annulant l’ordre de paiement de 6 730,64 $ délivré par l’inspecteur du Programme du travail de Ressources humaines et Développement des compétences Canada [RHDCC] (maintenant Emploi et Développement social Canada) au motif que le recours est prescrit. Le demandeur se représente seul à l’audition.

[2]               Pour les raisons qui suivent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

I.                   Contexte factuel

[3]               Le demandeur a travaillé pour le compte du défendeur à l’observatoire météorologique à l’aéroport de Chibougamau du 12 mai 2008 au 21 juin 2010. Il démissionne à cette date alléguant qu’il est victime de harcèlement.

[4]               Il déménage à Gatineau en septembre 2010 et le 11 décembre 2011 il obtient un contrat de six semaines pour travailler comme observateur météorologique à Red Lake en Ontario.

[5]               Le 8 mars 2012, il dépose une réclamation à la Commission de la santé et de la sécurité du travail [CSST] pour une lésion professionnelle qu’il aurait subie le 21 juin 2010. La CSST refuse sa demande car elle est hors délai, mais la Commission des lésions professionnelles [CLP] renverse cette décision et donne raison au demandeur.

[6]               Le 6 août 2013, le demandeur dépose une demande en recouvrement de salaire et autres avantages auprès du Programme du travail fédéral. Sa plainte est reçue par RHDCC le 15 août 2013, et est confiée à l’inspecteur Johanne Blanchette [l’inspecteur].

[7]               Le 3 juillet 2014, l’inspecteur enjoint le défendeur à payer au demandeur la somme de 6 730,64 $ moins les retenues autorisées par la loi. Le défendeur porte cette décision en appel après avoir consigné le montant de 3 624,46 $ auprès du Receveur général du Canada.

[8]               L’appel est entendu par Me Léonce-E. Roy (l’arbitre), nommé par le Ministre du Travail du Canada selon la section XVI de la partie III du CCT.

[9]               Le 18 février 2015, l’arbitre accueille l’appel du défendeur et déclare que le recours du demandeur, M. Duverger, est prescrit.

[10]           Selon l’arbitre, l’arrêt Nation Delaware c Logan, 2005 CF 1702 (maintenu en appel, 2007 CAF 170) [Delaware], sur lequel se sont basés le demandeur et l’inspecteur, ne devait pas être suivi. Dans cette cause, la Cour avait déclaré qu’il n’y avait aucune prescription pour les demandes en recouvrement de salaire impayé. Toujours selon l’arbitre, le Code civil du Québec [CcQ] s’applique de façon supplétive au CCT pour les causes provenant du Québec.

[11]           Après avoir constaté que l’article 251.1 du CCT ne mentionne aucune période de prescription, l’arbitre conclut que c’est l’article 2925 CcQ (prescription de trois ans) qui s’applique dans la cause à l’étude. Étant donné que le demandeur a démissionné le 21 juin 2010, et que sa demande date du 6 août 2013, son recours est donc prescrit.

[12]           L’arbitre rejette aussi l’allégation du demandeur qu’il était dans l’impossibilité d’agir avant le mois d’août 2013. Selon lui, les agissements du demandeur – complétion de son contrat d’emploi à Red Lake, ses différents recours auprès de la CSST et de la CLP – démontrent sans l’ombre d’un doute que le demandeur aurait pu déposer son recours dans le délai prescrit. Il n’y avait donc pas eu interruption de prescription.

[13]           L’arbitre a aussi déterminé que le certificat médical daté du 5 novembre 2014, que le demandeur a voulu déposer en preuve le matin même de l’audition, était irrecevable. Le médecin Séguin n’étant pas présent, il ne pouvait pas être contre-interrogé et aucun avis au préalable n’avait été envoyé au défendeur. L’arbitre qualifie ce rapport de « certificat de complaisance ».

II.                Objections préliminaires du défendeur

[14]           Le défendeur s’objecte à ce que la Cour tienne compte des pages suivantes du dossier du demandeur : 53 (L-2) 99, 100, 115, 119, 120, 124, 127, 130, 138, 143, 147, 170, 204, 205, 207, 208, 211, 116, 220, 222, 228, 229 et 230. Selon lui, ces documents n’ont pas été déposés devant l’arbitre ou n’ont pas été annexés à l’affidavit du demandeur, et certains ne constituent que du ouï-dire. Le défendeur n’a donc pas été en mesure de procéder à un contre-interrogatoire.

[15]           Le demandeur ne pouvant répondre immédiatement à cette objection, il a demandé à la Cour plusieurs délais durant l’audition pour réviser son dossier. La Cour a acquiescé à sa demande et a même reporté l’audition à la deuxième journée, et a procédé à réviser chacun des documents avec les parties pour justifier leur position.

[16]           Séance tenante, la Cour a déclaré irrecevable la page 53 (L-2, rapport médical daté du 23 février 2015) car la sentence arbitrale est datée du 18 février 2015. Quant au rapport médical du 5 novembre 2014, à la page 147, la Cour l’a accepté car l’arbitre a eu l’occasion de l’examiner même s’il a refusé de l’admettre en preuve (décision de l’arbitre, paras 34 à 36). Durant les discussions, le défendeur a retiré son objection quant aux pages 100, 119, 127 et 170.

[17]           La Cour, après avoir vérifié les autres documents contestés et après avoir entendu les plaidoyers des parties, en vient à la conclusion suivante :

-          Les pages 99 et 115 ne seront pas considérées par la Cour car il s’agit d’offres de règlement de la part du défendeur. La décision de l’arbitre n’en fait pas mention et, de toute façon, ces documents n’ont aucune pertinence ici;

-          La page 120 (courriel de l’inspecteur au demandeur lui confirmant que dans son rapport transmit à l’arbitre, le demandeur voulait soulever une objection à l’appel du défendeur car le montant du chèque déposé ne serait pas conforme à la loi) : le défendeur déclare qu’il n’a pas reçu ce courriel. Dans les circonstances, la Cour est prête à considérer ce document;

-          Les pages 124 et 130 (rapports médicaux apparemment envoyés à l’arbitre) et la page 228 (rapports médicaux envoyés à l’inspecteur) : à l’audition, le demandeur a déclaré à la Cour qu’il n’avait pas reçu une réponse de l’arbitre. De toute façon, les signataires de ces documents n’ont pas témoigné devant l’arbitre et en conséquence, la Cour ne peut les considérer;

-          La page 138 : le demandeur n’est pas certain qu’il a envoyé ce rapport à l’arbitre. Le signataire de ce rapport médical n’a pas témoigné. Cette page ne sera pas considérée;

-          Les pages 204, 205 et 207 : la Cour est d’accord avec le défendeur qu’il s’agit ici de ouï-dire;

-          Les pages 208, 211, 220, 222, 229 et 230 n’ont pas été jointes à l’affidavit du demandeur et, en conséquence, ne seront pas considérées;

-          Les page 143 et 216 auraient été envoyées par télécopieur au défendeur le 13 mars 2015, alors que son affidavit est daté du 16 mars de la même année et reçu par le défendeur le 25 mars. La Cour ne considérera pas ce document.

III.             Questions en litige

[18]           Selon la Cour, les questions en litige dans le présent dossier sont les suivantes :

1.                  Est-ce que l’arbitre a commis une erreur en acceptant d’entendre l’appel du défendeur ?

2.                  Est-ce que l’arbitre a erré en déterminant que le recours du demandeur était prescrit ?

3.                  Est-ce que la prescription a été interrompue en raison du fait que le demandeur était dans l’impossibilité d’agir ?

4.                  Est-ce que l’arbitre a commis une brèche à l’équité procédurale en refusant d’accepter en preuve le rapport médical (5 novembre 2014, page147, dossier du demandeur) que le demandeur a voulu déposer le matin même de l’audition ?

5.                  Est-ce que le délai de prescription établi par l’arbitre est soumis à la théorie de l’accommodement raisonnable ?

IV.             Norme de contrôle

[19]           Le demandeur soutient que la Cour doit suivre l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir]. De son côté, le défendeur est d’accord que lorsqu’il s’agit d’évaluer les questions de droit, la norme est celle de la décision correcte mais, s’il s’agit de questions mixtes de fait et de droit, c’est la décision raisonnable qui doit trouver application.

[20]           La Cour utilisera la norme de la décision correcte pour les questions 2 et 4 et celle de la décision raisonnable pour les trois autres, selon Abel c Asselin, 2014 CF 66 [Abel].

  1. Est-ce que l’arbitre a commis une erreur en acceptant d’entendre l’appel du défendeur ?

[21]           Le demandeur soutien que l’arbitre n’avait pas compétence pour entendre l’appel puisque le défendeur n’avait pas consigné la somme requise par le CCT. Le défendeur devait payer 6 730,68 $ moins les retenues autorisées par 251.1(2) et 254.1(2) CCT. Or, le défendeur n’a consigné que 3 624,46 $, c’est-à-dire que 3 106,18 $ (soit environ 46%) ont été retenus. Ces retenues sont abusives et disproportionnelles eu égard aux exigences de la loi.

[22]           Le défendeur maintient que les 3 624,46 $ consignés étaient suffisants. Les retenues effectuées sont requises par le CCT et justifient le montant déposé. La suffisance du dépôt a d’ailleurs été reconnue par l’inspecteur Blanchette, qui a autorisé l’appel à l’arbitre. À cet effet, il réfère la Cour au talon du chèque déposé qui est conforme aux déductions légales auxquelles le défendeur devait se soumettre.

2.      Est-ce que l’arbitre a erré en déterminant que le recours du demandeur était  prescrit ?

[23]           Le demandeur s’appuie sur Delaware, rendu en Cour fédérale et confirmé par la Cour d’appel fédérale, pour avancer qu’il n’existe pas de prescription pour le recouvrement de salaire ou autres avantages en vertu du CCT. D’ailleurs, la présente Cour a mentionné aux parties qu’une autre décision rendue dans Ridke c Coulson Aircrane Ltd, 2013 CF 1183, confirmait ce principe.

[24]           Le défendeur soutient la décision de l’arbitre et mentionne que ce dernier a eu raison de faire appel aux dispositions du CcQ en invoquant Abel, dans lequel le juge Scott (maintenant à la Cour d’appel fédérale) citait les arrêts St-Hilaire c Procureur général du Canada, 2001 CAF 63 [St-Hilaire], et Gingras c Canada, [1994] 2 CF 734, [1994] ACF no 270 [Gingras]. De plus, l’arbitre a souligné que son collègue Mark Abramowitz s’était distancié de l’arrêt Delaware dans la décision arbitrale qui a fait l’objet du contrôle judiciaire dans Abel (voir décision de l’arbitre, paragraphes 14 à 20).

  1. Est-ce que la prescription a été interrompue en raison du fait que le demandeur était dans l’impossibilité d’agir ?

[25]           Le demandeur attaque la décision de l’arbitre en déclarant que celui-ci a erré en trouvant qu’il n’était pas dans l’impossibilité d’agir au sens de 2904 CcQ. Il était impossible pour lui d’agir plus tôt dû à son stress post-traumatique, diagnostiqué par trois docteurs différents entre 2012 et 2013, et à la forte crainte qu’il entretenait à l’égard de M. Dallaire (représentant du défendeur), selon Gauthier c Beaumont, [1998] 2 RCS 3 aux para 67, 78 et 82 [Gauthier]. Il ne pouvait agir avant d’obtenir la citoyenneté canadienne le 16 juillet 2013, de peur d’être renvoyé en France. Le demandeur craignait aussi pour sa sécurité physique. Le stress post-traumatique du demandeur l’empêche de surcroît d’être représenté en justice parce qu’il évite toute situation d’impuissance qui lui rappellerait ses traumatismes vécus à Chibougamau.

[26]            Le défendeur maintient que l’arbitre a eu raison de rejeter les allégations du demandeur à l’effet qu’il était dans l’impossibilité d’agir avant le mois d’août 2013. Les multiples exemples donnés au soutien des conclusions de l’arbitre à ce sujet sont raisonnables.

  1. Est-ce que l’arbitre a commis une brèche à l’équité procédurale en refusant d’accepter en preuve le rapport médical (5 novembre 2014, page 147, dossier du demandeur) que le demandeur a voulu déposer le matin même de l’audition ?

[27]           Le demandeur argue que l’arbitre aurait dû lui permettre de déposer le rapport du docteur Jacques Séguin daté du 5 novembre 2014 le matin de l’audition. Cette décision lui cause un tort irréparable.

[28]           Le défendeur s’était objecté au dépôt de ce rapport et prétend que l’arbitre, qui est maître de la procédure et de la preuve, a eu raison de maintenir l’objection car, d’une part, le défendeur n’a pas pu contre-interroger ce médecin qui n’était pas présent à l’audience et, d’autre part, il a été pris par surprise le matin même de l’audition par la réquisition du demandeur.

  1. Est-ce que le délai de prescription établi par l’arbitre est soumis à la théorie de l’accommodement raisonnable ?

[29]           Le demandeur plaide que l’accommodement raisonnable dans son mémoire n’est qu’un argument accessoire au délai de trois ans reconnus par l’arbitre. Il reproche à l’arbitre de ne pas lui avoir donné d’explications pourquoi un accommodement raisonnable ne lui a pas été accordé pour déposer son recours au mois d’août 2013.

[30]           Le défendeur allègue que cette question n’a jamais été discutée devant l’arbitre et de toute façon la théorie de l’accommodement raisonnable ne s’applique pas en l’espèce.

V.                Analyse

  1. Est-ce que l’arbitre a commis une erreur en acceptant d’entendre l’appel du défendeur ?

[31]           La Cour constate que dans la décision de l’arbitre il n’existe aucune référence à l’objection du demandeur à l’appel du défendeur pour avoir déposé un montant insuffisant. Le demandeur à l’audition a maintenu que seulement la photocopie du chèque du défendeur avait été déposée en preuve. Le défendeur maintient que les calculs des déductions ont fait partie de la preuve et réfère la Cour à la page 22 de son dossier. Ceci est confirmé par l’arbitre au paragraphe 10 de sa décision. De plus, selon lui, aucun expert fiscal n’est venu appuyer les calculs du demandeur et les références pour ses calculs ne s’appliquent pas.

[32]           La Cour trouve un peu curieux que le demandeur dépose lui-même dans son dossier les calculs des déductions faites par le défendeur (page 64). Un autre élément qui rend la Cour perplexe est le fait que le demandeur, lors de sa plaidoirie, nie avoir reçu la lettre de l’inspecteur Blanchette du 25 juillet 2014 (pages 25 à 30, dossier du défendeur) dans laquelle elle répond « oui » à la question « Les déductions ont-elles été faites en vertu du paragraphe 254.1(2) » et où, à la ligne suivante, il est inscrit « cependant, le plaignant prétend que les déductions effectuées par l’employeur (P-7) soit 46% de la somme déterminée sont abusives ».

[33]           Cette lettre du 25 juillet 2014 a été reçue par l’employeur et son conseiller juridique mais non par le demandeur ? Pourtant, on aperçoit à la première page le nom du demandeur et son adresse qui est toujours valable. D’ailleurs, il reçoit de l’inspecteur, le 11 août 2014, une confirmation qu’il s’objecte à l’appel de l’employeur. Ce courriel fait suite à un appel téléphonique du demandeur à l’inspecteur, mais fait-il suite aussi à la lettre du 25 juillet où il est mentionné que les déductions ont été faites en vertu du paragraphe 254.1(2) ?

[34]           De toute façon, l’arbitre ne s’est pas prononcé sur cette question. A-t-il pris pour acquis que les déductions étaient conformes en prenant connaissance de la lettre du 25 juillet 2014 de l’inspecteur ? A-t-il considéré que le demandeur n’avait pas fait un appel distinct ? A-t-il été satisfait que les déductions étaient légales ? La Cour n’a pas de réponse à ces questions. Quoi qu’il en soit, si la réclamation du demandeur n’avait pas été déclarée prescrite, il aurait pu faire valoir ses arguments et récupérer les déductions qu’il prétend être illégales auprès des autorités fiscales.

[35]           La jurisprudence enseigne qu’un décideur n’est pas obligé de se prononcer sur chacun des arguments avancés par les parties. Compte tenu de l’ensemble de la décision arbitrale, cette question n’est pas déterminante, la Cour ne peut donc donner raison au demandeur.

  1. Est-ce que l’arbitre a erré en déterminant que le recours du demandeur était prescrit ?

[36]           L’arbitre a décidé que la prescription de trois ans s’appliquait dans la cause à l’étude car le litige en était un de nature privée et était survenu au Québec. Son raisonnement est très bien articulé aux paragraphes 13 à 22 de sa décision. Il analyse avec soin les causes de notre Cour qui ont été rendues dans des litiges provenant d’autres provinces que le Québec. Il s’appuie en particulier sur la cause rendue par le juge Scott (maintenant à la Cour d’appel fédérale) dans Abel, dans laquelle sont cités les arrêts St-Hilaire et Gingras, pour conclure que la prescription du CcQ s’applique dans la présente cause.

[37]           Ce raisonnement ne souffre d’aucune erreur. La Cour est satisfaite que l’arbitre s’est bien dirigé en droit quand il a déterminé que la prescription de trois ans était applicable.

  1. Est-ce que la prescription a été interrompue en raison du fait que le demandeur était dans l’impossibilité d’agir ?

[38]           Après avoir expliqué dans sa décision pourquoi la prescription du CcQ devait recevoir application, l’arbitre s’est demandé si effectivement cette prescription avait été interrompue par l’allégation du demandeur, qu’il avait été dans l’impossibilité d’agir avant le dépôt de son recours en août 2013.

[39]           Dans sa décision, l’arbitre aux paragraphes 27 à 33 et 38 à 45 élabore les motifs pour lesquels il rejette la prétention de l’appelant, qu’il lui a été impossible de déposer son recours avant août 2013. La Cour n’a pas l’intention ici de reproduire les différents événements sur lesquels l’arbitre s’est basé pour refuser au demandeur l’interruption de prescription. Quelques exemples suffisent pour justifier la conclusion de l’arbitre : voyages du demandeur de Chibougamau à Gatineau, signature d’un bail à Gatineau, recherche d’emploi après la démission du 21 juin 2010, travail du demandeur à Red Lake et les réclamations préparées par le demandeur auprès de la CSST et de la CLP.

[40]           L’arrêt Gauthier cité par le demandeur pour appuyer sa thèse ne lui est pas utile car les faits dans cette cause ne sont absolument pas similaires à ceux ici présents.

[41]           La Cour déclare donc que l’arbitre avait raison de ne pas retenir les arguments du demandeur à ce chapitre.

  1. Est-ce que l’arbitre a commis une brèche à l’équité procédurale en refusant d’accepter en preuve le rapport médical (5 novembre 2014, page147, dossier du demandeur) que le demandeur a voulu déposer le matin même de l’audition ?

[42]           Les paragraphes 34, 35 et 36 de de la décision de l’arbitre traitent spécifiquement de cette question. Après avoir pris connaissance du rapport médical du 5 novembre 2014 et devant l’objection formelle du défendeur, l’arbitre donne raison au défendeur que ce document est irrecevable car aucun avis ne lui avait été donné, et il n’avait donc pas pu contre-interroger le médecin signataire de ce certificat.

[43]           Dans sa missive aux parties le 6 novembre 2014, l’arbitre mentionne que l’audition aura lieu les 24 et 25 novembre 2014 au Palais de justice de Longueuil, tel que requis par le demandeur. De plus, il les avise qu’ils devront s’assurer de la présence de tous leurs témoins et d’avoir en leur possession trois exemplaires de tout document qui ne sera pas encore déposé. (Page 51, dossier du demandeur).

[44]           Le demandeur explique qu’il n’a pas demandé à son médecin de venir témoigner car il ne voulait pas lui faire perdre sa journée. De plus, son médecin, en demeurant à Gatineau, a peut-être sauvé la vie d’une personne en lui procurant des conseils évitant ainsi un suicide.

[45]           La Cour croit que la décision de l’arbitre rencontre les paramètres de la décision raisonnable dans les circonstances. L’allégation du demandeur au sujet d’un suicide évité est pour le moins spéculative. L’arbitre a eu raison de ne pas accepter en preuve le certificat médical du 5 novembre 2014. Le demandeur savait depuis au moins le 6 novembre qu’il devait s’assurer de la présence de ce témoin à l’audition, ce qu’il n’a pas fait.

  1. Est-ce que le délai de prescription établi par l’arbitre est soumis à la théorie de l’accommodement raisonnable ?

[46]           Le demandeur affirme que l’argument de l’accommodement raisonnable n’est en fait qu’une raison supplémentaire pour contester la décision de l’arbitre. Il lui reproche de ne pas lui avoir expliqué pourquoi cette notion ne s’appliquait pas dans la présente cause. De son côté, le défendeur souligne que cet argument n’a pas été présenté et de toute façon, il ne s’applique pas dans la cause à l’étude.

[47]           La Cour n’a pas de transcription de la journée du 24 novembre 2014. De toute manière, même si le demandeur a questionné l’arbitre à ce sujet, ce dernier n’était pas dans l’obligation de se prononcer sur cette question car, selon la Cour, cette notion ne s’applique pas ici. La Cour croit que l’argument de l’accommodement raisonnable du demandeur s’apparente plutôt à un soutien à son allégation qu’il était dans une situation où il lui a été impossible d’agir plutôt pour déposer son recours. La Cour a déjà traité de cette question plus haut.

[48]           À la suggestion de la Cour, les parties ont discuté de la question des frais sous forme de somme globale à être octroyée à la partie qui aurait gain de cause.  Le demandeur a suggéré 7 000 $ alors que le défendeur a proposé 3 000 $.

[49]           Dans l’exercice de sa discrétion, la Cour croit qu’une somme de 3 000 $ est raisonnable.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.         La demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

2.         Le demandeur devra payer au défendeur une somme globale au montant de 3 000 $ à titre de frais.

« Michel Beaudry »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-315-15

INTITULÉ :

LAURENT DUVERGER ET 2553-4330 QUÉBEC INC. (AÉROPRO)

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 septembre 2015

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS :

LE 2 octobre 2015

COMPARUTIONS :

Laurent Duverger

 

pour le demandeur

(Se représentant seul)

 

Me Steven Côté

 

pour lA PARTIE défendeRESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Laurent Duverger

Gatineau (Québec)

 

pour le demandeur

(Se représentant seul)

 

Me Steven Côté

Thivierge, Labbé

Québec (Québec)

 

pour lA PARTIE défendeRESSE

 

 

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