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Date : 20151009


Dossier : IMM-7920-14

Référence : 2015 CF 1140

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 octobre 2015

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

YAN HUI LIU

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la Commission] a conclu, le 3 novembre 2014, que le demandeur n’a pas qualité de réfugié au sens de la Convention selon l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés 2001 c 27 [la LIPR] ni celle de personne à protéger selon l’article 97 de la LIPR.

[2]               Pour les motifs qui suivent, la présente demande est accueillie.

I.                   Contexte

[3]               Le demandeur, un citoyen de la Chine âgé de 40 ans, allègue être un adepte du Falun Gong depuis septembre 2013. Il a adopté cette discipline parce qu’il souffrait de stress et d’une hernie discale, ce qui lui avait causé des problèmes de santé. Le Bureau de la sécurité publique [le BSP] a fait une descente à son groupe de Falun Gong le 2 février 2014. Il n’était pas présent à ce moment‑là et est entré dans la clandestinité après la descente.

[4]               Le demandeur affirme que des représentants du BSP sont venus à sa résidence pour le chercher quand il était dans la clandestinité et qu’ils l’ont accusé de se livrer à des activités illégales de Falun Gong, lui demandant de se rendre immédiatement. Il a pris des dispositions pour fuir la Chine et est venu au Canada pour demander l’asile.

II.                Décision contestée

[5]               La Commission s’est dite convaincue que le demandeur avait établi son identité personnelle, mais a rejeté sa demande d’asile, la question déterminante étant celle de la crédibilité.

A.                 Profil d’adepte du Falun Gong

[6]               Le demandeur a témoigné au sujet de sa pratique du Falun Gong en Chine et à Toronto, donnant des détails sur le nombre de fois qu’il a lu le Zhuan Falun, un ouvrage fondamental du Falun Gong, et sur sa participation à des groupes de pratique.

[7]               Le demandeur a affirmé que le Falun Gong ne peut pas guérir les maladies, mais qu’il peut purifier le corps et le rendre en meilleure santé. La Commission a fait remarquer au demandeur qu’il avait tort. Elle a précisé que maître Li indique dans le Zhuan Falun qu’un adepte peut réparer les torts commis dans les vies passées, s’acquitter de sa dette karmique et se guérir d’une maladie. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il l’ignorait, le demandeur a répondu qu’en Chine, il ne disposait pas d’un exemplaire du Zhuan Falun. Il écoutait l’instructeur en parler. Ce n’est qu’une fois au Canada qu’il a obtenu le livre et lu la théorie. Il a également affirmé que certains passages du livre étaient très denses et qu’il ne les comprenait pas tous très bien.

[8]               La Commission a rejeté les explications du demandeur et conclu qu’un véritable adepte du Falun Gong qui aurait adopté cette discipline pour améliorer sa santé en connaîtrait les enseignements se rapportant à la maladie. Dans l’ensemble, une conclusion défavorable a été tirée et la crédibilité du demandeur en tant qu’adepte du Falun Gong a été minée.

B.                 Façon dont la santé du demandeur s’est améliorée

[9]               Le demandeur a déclaré que sa santé s’est améliorée deux mois après qu’il a commencé à pratiquer le Falun Gong. La Commission a fait observer que cette description ne concordait pas avec les enseignements donnés dans le Zhuan Falun, car maître Li indique qu’il faut réparer les torts causés par le passé, et que le demandeur ne l’avait pas mentionné.

[10]           Après avoir été informé des préoccupations de la Commission, le demandeur a expliqué qu’il pratiquait le Falun Gong pour se débarrasser du karma et que le karma était causé par les négativités. La Commission n’a accordé aucun poids à cette réponse, faisant remarquer au demandeur qu’elle lui avait donné la réponse.

[11]           La Commission a reconnu que le demandeur possédait quelques connaissances sur la pratique du Falun Gong, mais a conclu que le demandeur n’avait pas été en mesure d’expliquer en quoi il en avait appliqué les principes généraux. La Commission a estimé que les explications du demandeur quant à la façon dont sa santé s’est améliorée ne concordaient pas avec les principes du Zhuan Falun et que la santé du demandeur se serait améliorée pour d’autres raisons.

C.                 Hukou

[12]           Le demandeur a présenté un hukou à l’appui de sa demande d’asile. Le hukou est un document qui présente la composition de la famille du détenteur et le lieu de résidence de ce dernier. La Commission a remarqué que le hukou du demandeur était en mauvais état et a rejeté l’explication qu’il a donnée pour justifier l’état de ce document. La Commission a également fait mention d’un élément de preuve contenu dans le cartable national de documentation sur la Chine qui indiquait qu’il est facile d’obtenir des documents contrefaits. Dans l’ensemble, elle n’a accordé aucun poids au hukou.

D.                Citation à comparaître

[13]           Le demandeur a également présenté une citation à comparaître, qui aurait été délivrée par le BSP, à l’appui de sa demande d’asile. La Commission s’est dite préoccupée par l’absence d’adresse dans la citation à comparaître. Reconnaissant que la procédure policière manquait d’uniformité en Chine, la Commission a rejeté l’explication du demandeur selon laquelle tout le monde sait où se trouve le BSP et comment s’y rendre. La Commission a également fondé sa conclusion sur les rapports sur le pays qui indiquent que des bureaux spécialisés s’occupent des cas de Falun Gong.

E.                 Photos et certificat de confirmation

[14]           Le demandeur a présenté plusieurs photos et un [traduction] « certificat de confirmation » à l’appui de sa demande d’asile. La Commission n’a pas été en mesure de conclure, en se fondant sur les photos elles‑mêmes ou sur la description que le demandeur a faite des activités qui y sont représentées, que le demandeur était un véritable adepte. Peu de poids a été accordé à ces documents.

[15]           Dans l’ensemble, la Commission a apprécié la crédibilité du demandeur en se fondant sur l’effet cumulatif de la preuve, et a conclu qu’il n’était pas un véritable adepte du Falun Gong.

III.             Questions en litige et norme de contrôle

[16]           À mon avis, les arguments du demandeur (examinés ci‑dessous) soulèvent la question de savoir si la décision de la Commission était raisonnable. Les parties conviennent, et je suis du même avis, que la norme de contrôle applicable aux questions de crédibilité et à l’importance attribuée à la preuve, l’interprétation et l’appréciation de cette preuve est celle de la décision raisonnable (Shatirishvili c Canada (MCI), 2014 CF 407).

IV.             Observations des parties

A.                 Position du demandeur

[17]           Premièrement, le demandeur fait valoir que la Commission a rejeté sa demande d’asile en se fondant sur une mauvaise interprétation du texte du Zhuan Falun. Le demandeur soutient qu’il avait tout à fait raison au sujet de l’opinion de maître Li sur le Falun Gong en tant que moyen de guérir les maladies, car le maître indique que cette discipline ne guérit pas les maladies, mais peut plutôt améliorer la santé d’une personne et aider à débarrasser le corps du karma.

[18]           Le demandeur fait référence aux paragraphes pertinents du texte et soutient qu’il ressort clairement de ces extraits qu’il a répondu correctement aux questions de la Commission.

[19]           Deuxièmement, le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur dans le reste de son appréciation de sa connaissance du Falun Gong. Au moment d’examiner le reste du témoignage du demandeur au sujet de la pratique et de la philosophie du Falun Gong, la Commission avait déjà décidé qu’il n’était pas un adepte, ce qui a entaché l’ensemble de ses conclusions subséquentes.

[20]           Le demandeur soutient que, même si les bienfaits pour sa santé n’étaient pas vraiment attribuables à la pratique du Falun Gong, cela ne veut pas dire qu’il n’est pas un véritable adepte. La jurisprudence met en garde contre le fait de s’enquérir de la validité de la pratique religieuse d’un demandeur plutôt que de la sincérité de ses croyances religieuses (Huang c Canada (MCI), 2012 CF 1002 [Huang], au paragraphe 13). La SPR a également omis de tenir compte du fait que le simple fait de se livrer aux exercices du Falun Gong en Chine suffisait à l’exposer à un risque d’arrestation et de détention (Wang c Canada (MCI), 2012 CF 346 [Wang], au paragraphe 9).

[21]           Troisièmement, le demandeur soutient que la SPR a rejeté des documents crédibles. En ce qui concerne le hukou, le demandeur souligne que la SPR est généralement considérée comme n’ayant pas d’expertise particulière à l’égard de la validité des pièces d’identité étrangères. Cette conclusion de la Commission était également incompatible avec sa conclusion selon laquelle le demandeur avait établi son identité, car il n’y avait aucune raison pour laquelle un citoyen chinois n’aurait pas un hukou authentique (Lin c Canada (MCI), 2012 CF 288, au paragraphe 49 [Lin]).

[22]           Quant à la citation à comparaître, le demandeur affirme que la conclusion de la Commission était hypothétique. Celle‑ci n’a cité aucun élément de preuve à l’appui de son hypothèse à l’égard des renseignements qui auraient dû figurer dans la citation à comparaître. Les documents sur le pays ne faisaient état d’aucune exigence voulant qu’une citation à comparaître contienne les renseignements qui étaient manquants selon la Commission (Lin, aux paragraphes 51 à 53).

B.         Position du défendeur

[23]           Le défendeur fait valoir que, si la Commission a mal interprété la preuve, le demandeur aurait dû le dire à la Commission à l’audience. Au lieu de cela, le demandeur a donné des explications que la Commission a jugées déraisonnables.

[24]           Le défendeur soutient que, pour apprécier l’authenticité de l’adhésion du demandeur au Falun Gong, la Commission a le droit de poser des questions au sujet de sa compréhension de ses principes et sa pratique de ses préceptes. Il était raisonnable que la Commission, en examinant la demande d’asile du demandeur, insiste sur l’enseignement du Falun Gong ayant trait à la guérison des maladies parce que le demandeur a adhéré au Falun Gong dans le but de régler des problèmes de santé, ce qui, selon ce qu’il affirmait, s’était effectivement produit.

[25]           Le défendeur soutient également que la prétention du demandeur selon laquelle la Commission avait déjà décidé qu’il n’était pas un véritable adepte du Falun Gong, après avoir entendu son témoignage au sujet des enseignements du Falun Gong se rapportant à la maladie, n’est pas étayée par le dossier. La Commission a tout simplement tiré une conclusion défavorable en matière de crédibilité à la suite de ce témoignage.

[26]           En ce qui concerne le hukou, le défendeur soutient que la Commission a une expertise dans l’appréciation de la crédibilité des déclarations des demandeurs d’asile et que la commissaire en cause avait reçu une formation relative aux documents de la Chine.

[27]           Le défendeur affirme que la conclusion défavorable de la Commission au sujet de la citation à comparaître n’est pas minée par l’absence de preuve établissant qu’une citation à comparaître devrait contenir les renseignements qui étaient manquants selon la Commission. Le défendeur souligne que la jurisprudence de la Cour indique que la Commission peut se demander s’il est facile d’obtenir des documents contrefaits en un lieu donné.

V.                Analyse

[28]           Si la Commission a tiré des conclusions rejetant le hukou du demandeur et accordé peu de poids à la citation à comparaître, aux photos et au certificat de confirmation qu’il a présentés à l’appui de sa demande d’asile, il est clair que la décision de la Commission tient principalement à ses conclusions selon lesquelles le demandeur d’asile ne connaissait pas suffisamment les principes et enseignements du Falun Gong. Sur la base de ces conclusions, la Commission a conclu que le demandeur n’était pas un véritable adepte du Falun Gong et qu’il ne serait pas perçu comme tel en Chine ni au Canada. L’issue de la présente demande de contrôle judiciaire dépend donc du caractère raisonnable de ces conclusions relatives à l’authenticité des croyances du demandeur.

[29]           La Cour a fait état des préoccupations que peut soulever le fait d’apprécier l’authenticité des croyances religieuses en posant des questions sur les connaissances religieuses (voir Zhang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 503, au paragraphe 12). Cependant, elle a également reconnu qu’il faut faire preuve de déférence à l’égard de la Commission, qui est chargée d’une tâche délicate dans de telles demandes d’asile (Hou c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 993).

[30]           Comme je l’ai affirmé dans la décision Gao c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 1139, au paragraphe 26 :

[traduction] [26]     Selon mon interprétation de la jurisprudence, il n’est pas inapproprié pour la Commission de poser des questions sur la religion lorsqu’elle tente d’évaluer l’authenticité des croyances d’un demandeur d’asile, mais ces questions et l’analyse qui en a résulté doivent de fait porter sur l’authenticité de ces croyances et non sur leur exactitude théologique. Il peut s’agir d’une tâche difficile pour la Commission, car la Commission a le droit de déterminer si le demandeur d’asile a atteint un niveau de connaissance religieuse correspondant à ce à quoi il serait possible de s’attendre d’une personne se trouvant dans la situation du demandeur d’asile, mais ne doit pas tirer de conclusion défavorable fondée sur de menus détails ou sur une norme déraisonnablement élevée de connaissances religieuses.

[31]           En l’espèce, je conclus que le raisonnement de la Commission montre qu’elle n’a pas accompli cette tâche d’une manière raisonnable. Sa conclusion selon laquelle le demandeur n’était pas un véritable adepte du Falun Gong était principalement fondée sur ce qu’elle considérait comme une mauvaise réponse à la question de savoir si le Falun Gong peut guérir les maladies. Le demandeur a affirmé que maître Li enseigne que le Falun Gong ne guérit pas les maladies, mais peut purifier le corps et le rendre en meilleur santé. Il a précisé que le Falun Gong aide à débarrasser le corps des négativités, à se libérer du karma, et qu’ensuite, la santé s’améliorait naturellement. La Commission a estimé qu’il s’agissait d’une mauvaise réponse, faisant observer que le Zhuan Falun indique qu’un adepte peut réparer les torts commis dans les vies passées, s’acquitter de sa dette karmique, et ainsi, se guérir d’une maladie.

[32]           Dans ses observations écrites relatives à la présente demande, le demandeur cite des extraits du Zhuan Falun à l’appui de sa position voulant que son interprétation des enseignements de maître Li soit correcte et que la Commission ait mal interprété le texte. Le défendeur s’appuie à son tour sur les mêmes extraits pour étayer l’argument selon lequel la Commission avait raison et fait valoir que, de toute façon, l’interprétation de la Commission doit seulement être raisonnable et appartenir aux issues acceptables. Cependant, avec égards, le fait que le défendeur doive s’appuyer sur ce dernier argument étaye la position du demandeur voulant que la Commission lui ait imposé une norme trop élevée dans l’appréciation de la justesse de sa compréhension de principes religieux.

[33]           Il n’appartient pas à la Cour de procéder à une analyse théologique visant à déterminer laquelle des parties a proposé l’interprétation la plus convaincante du texte du Zhuan Falun. Le fait que le défendeur avance l’argument selon lequel l’interprétation de la Commission est raisonnable, et appartient aux interprétations acceptables, permet de conclure qu’il y a plusieurs interprétations possibles et raisonnables. Il s’ensuit donc que la Commission ne saurait raisonnablement conclure que, parce que le demandeur n’a pas exprimé une interprétation correspondant à celle de la Commission, il ne comprenait pas les principes de base du Falon Gong et n’est pas, par conséquent, un véritable adepte. Bien qu’elle ait été exprimée sous forme de conclusion quant à l’authenticité des croyances du demandeur, l’analyse de la Commission touche vraiment au bien‑fondé de ses convictions théologiques, dans un domaine où, selon l’argument avancé devant la Cour, il peut y avoir des divergences dans la pensée théologique ou, à tout le moins, dans la façon d’exprimer cette pensée.

[34]           Le raisonnement de la Commission peut donc être comparé à celui qui a été rejeté par le juge Mandamin dans la décision Huang, au paragraphe 17 :

[17]           La Cour conclut donc que, la SPR a soumis la demanderesse à une norme de connaissances du Falun Gong déraisonnablement élevée, et la SPR a imposé sa propre conception du Falun Gong à la demanderesse. La Cour décide que la conclusion de la SPR selon laquelle la demanderesse n’était pas une authentique adepte du Falun Gong était déraisonnable. Étant donné que cette conclusion est le fondement des autres conclusions de la SPR, selon lesquelles la demanderesse n’était pas recherchée par le BSP en Chine, la décision de la SPR ne peut pas être confirmée.

[35]           Je mettrais la présente affaire en contraste avec la décision Hou sur laquelle s’appuie le défendeur, et dans laquelle la Cour a confirmé la conclusion de la Commission portant que la connaissance qu’avait le demandeur d’asile était insuffisante pour prouver qu’il était un adepte sincère, compte tenu du caractère superficiel des réponses qu’il avait données aux questions qu’on lui posait et de son inaptitude à répondre à certaines autres questions. En l’espèce, le demandeur n’a pas omis de répondre aux questions de la Commission. Comme l’a fait observer le demandeur dans son argumentation, il y a en fait répondu à plusieurs reprises et avec cohérence. La Commission n’était tout simplement pas d’accord avec sa réponse.

[36]           La Commission a également fondé sa conclusion défavorable en matière de crédibilité sur la réponse que le demandeur a donnée à la question de savoir ce qu’il avait fait pour améliorer sa santé. La séquence du dialogue avec la Commission est importante quant à cet aspect de la décision de la Commission. La transcription de l’audience révèle que, après que le demandeur eut déclaré qu’il s’était senti mieux un peu plus de deux mois après avoir commencé à pratiquer le Falun Gong, la Commission lui a demandé ce qu’il avait fait durant ces deux mois. Il a répondu en expliquant qu’il avait suivi les enseignements de son ami et les avait ensuite mis en pratique par lui‑même et a dit que c’était tout ce qu’il avait fait pour se sentir mieux. Plus loin dans son témoignage, la Commission lui demande pourquoi il n’a pas mentionné qu’il avait dû réparer les torts qu’il a causés, et il signale qu’il a déjà parlé de la nécessité de se débarrasser du karma et de purifier le corps.

[37]           Je souscris aux observations du demandeur selon lesquelles il n’était pas raisonnable que la Commission tire la conclusion qu’elle a tirée sur le fondement de ce témoignage. Le demandeur a donné une réponse factuelle à la question de savoir ce qu’il avait fait dans les deux mois en cause. Il ne ressortait pas clairement de la question de la Commission que celle‑ci cherchait une explication sur la théorie permettant d’affirmer que la pratique du Falun Gong peut apporter une amélioration de la santé. Ses réponses précédentes quant à la nécessité de se débarrasser du karma et de purifier le corps dénotent une compréhension de cette théorie, et je ne crois pas qu’il était raisonnable de la part de la Commission de conclure que la crédibilité du demandeur était minée en se fondant sur la façon dont il avait répondu à cette question.

[38]           La Commission conclut ensuite que la santé du demandeur se serait améliorée pour d’autres raisons que la pratique du Falun Gong. Cependant, la question de savoir si le demandeur a bel et bien tiré des bienfaits pour sa santé de sa pratique religieuse ne peut logiquement entrer en ligne de compte dans l’analyse de la question de savoir si ses croyances sont authentiques. À cet égard, la Commission a commis la même erreur que celle décrite au paragraphe 7 de la décision Wang :

[7]               La Commission a beaucoup insisté sur l’affirmation du demandeur selon laquelle ce sont ses insomnies qui l’avaient initialement motivé à adhérer au Falun Gong et le pratiquer. La Commission a rejeté la prétention que la pratique du Falun Gong par le demandeur avait donné des résultats positifs à cet égard parce que l’enseignement du Falun Gong interdit sa pratique par pur intérêt personnel. Le défendeur a qualifié cette conclusion de conclusion de fait à l’égard de laquelle il faut faire preuve de retenue. S’il s’agit d’une conclusion de fait, celle‑ci est assurément abusive. La Commission n’a pas le droit de faire des conjectures sur la vraisemblance des bienfaits personnels tirés par un revendicateur d’une pratique religieuse ou spirituelle, encore moins de parvenir à une conclusion défavorable sur la crédibilité sur le fondement de telles conjectures.

[39]           Je conclus donc que la décision de la Commission est déraisonnable et que l’affaire doit être renvoyée à un autre commissaire pour qu’il rende une nouvelle décision.

[40]           Les parties ont été consultées et n’ont proposé aucune question de portée générale aux fins de certification en vue d’un appel.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande est accueillie et que l’affaire est renvoyée à la Commission pour qu’un autre commissaire rende une nouvelle décision. Aucune question n’est certifiée en vue d’un appel.

« Richard F. Southcott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Diane Provencher, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7920-14

INTITULÉ :

YAN HUI LIU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 SEPTEMBRE 2015

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE southcott

DATE DES MOTIFS :

LE 9 OCTOBRE 2015

COMPARUTIONS :

Elise Korman

Esther Lexchin

POUR LE DEMANDEUR

Brad Bechard

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Elise Korman

Esther Lexchin

Otis & Kormin

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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