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Date : 20150925


Dossiers : IMM-5760-13

IMM-5761-13

Référence : 2015 CF 1116

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 25 septembre 2015

En présence de monsieur le juge Diner

Dossier : IMM-5760-13

ENTRE :

DELERA BEGUM

SHAMMY AKTER

demanderesses

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

Dossier : IMM-5761-13

ET ENTRE :

DELERA BEGUM

SHAMMY AKTER

demanderesses

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS DU JUGEMENT

I.                   INTRODUCTION

[1]               L’affaire en l’espèce porte sur deux citoyennes du Bangladesh qui ont présenté une demande de résidence permanente [RP] au bureau des visas de Singapour [Singapour]. Peu après la délivrance des visas d’immigrant, Singapour a dû les annuler à l’insu des demanderesses à la suite de la réception d’une [traduction« lettre malicieuse anonyme » [la lettre]. Les demanderesses se sont rendues au Canada sans être au fait de l’annulation des visas. À leur arrivée, elles ont été interrogées, elles ont été jugées interdites de territoire et elles ont fait l’objet d’une mesure d’exclusion parce qu’elles avaient tenté d’entrer au pays sans visa valide. Les deux contrôles judiciaires visent les décisions suivantes : (i) l’annulation par Singapour des visas d’immigrant; (ii) la mesure d’exclusion prise par un délégué du ministre. Je suis d’avis que ces deux décisions, et leurs issues, portent atteinte aux droits des demanderesses à l’équité procédurale. Les demandes seront par conséquent renvoyées en vue d’un nouvel examen.

[2]               La situation de Mme Begum découle d’un ensemble de circonstances inhabituelles et d’un ensemble de conséquences non intentionnelles, comme le démontreront les faits exposés ci‑dessous. Puisque les faits sont uniques en eux-mêmes, l’issue dépend donc de points très précis.

II.                QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

[3]               L’intitulé de la cause IMM-5761-13, qui porte sur la mesure d’exclusion, devrait faire mention du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile plutôt que du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration. Avec le consentement des parties, j’autoriserai que l’intitulé de la cause soit modifié conformément à la Règle 76 des Règles des Cours fédérales (DORS/98‑106).

III.             APERÇU DES PRINCIPAUX FAITS

[4]               En février 2008, les demanderesses étaient coparrainées par la fille et le gendre de Delera Begum, la demanderesse principale [DP]. La seconde demanderesse est la fille de la DP (et aussi la sœur de la répondante).

[5]               Deux décès sont survenus au cours du processus de parrainage qui a duré cinq ans. D’abord, le mari de la DP, qui avait aussi présenté une demande, est décédé en 2009. Puis, le gendre (le corépondant) est mort en 2012, de sorte que Shahina Akter est devenue l’unique répondante [la répondante]. Les demanderesses ont fourni avec diligence tous les dossiers demandés par Singapour, y compris de nouvelles évaluations financières, policières et médicales après les malheureux événements survenus dans la famille.

[6]               Il semble que le traitement des demandes ait été achevé à l’été 2013. Des visas d’immigrant pour entrée unique ont été apposés en juin 2013 aux passeports des demanderesses, qui en ont pris possession à la fin de juillet avec la confirmation de leurs certificats de résident permanent. À l’insu des demanderesses toutefois, Citoyenneté et Immigration Canada [CIC] a reçu la lettre anonyme datée du 1er juillet 2013. La lettre est en fait arrivée par la poste au Centre de traitement des demandes de Mississauga (CTD  Mississauga) le 5 juillet 2013. Une « image » de la lettre a été numérisée et sauvegardée dans le système informatique du CTD  Mississauga le 1er août 2013.

[7]               La lettre fait état de deux allégations qui font toujours l’objet d’une enquête : d’abord, la DP aurait un casier judiciaire qu’elle n’aurait pas divulgué; puis, la sœur de la répondante (et codemanderesse) n’aurait pas divulgué son mariage. Les demanderesses ont nié énergiquement les deux allégations, et continuent à offrir et à fournir toute la documentation nécessaire pour les démentir.

[8]               Singapour, dans une décision datée du 7 août 2013, a annulé les visas d’immigrant en faisant valoir que les dossiers des demanderesses seraient réévalués. Une lettre recommandée précisant le tout a été envoyée aux demanderesses le même jour; de même, une copie a été envoyée à la répondante par courrier électronique [courriel]. La répondante a reçu le courriel le 7 août. La lettre recommandée de Singapour est arrivée au domicile des demanderesses au Bangladesh après qu’elles furent arrivées au Canada le 15 août 2013. À leur arrivée, l’Agence des services frontaliers du Canada [ASFC] les a avisées que leurs visas avaient été annulés.

[9]               Une audience sur l’interdiction de territoire a eu lieu le 19 août devant un délégué du ministre de l’ASFC. Le délégué a décidé de produire des rapports en application du paragraphe 44(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés [LIPR, la Loi]. La mesure d’exclusion accompagnant les rapports était fondée sur le défaut des demanderesses de détenir des visas valides au moment où elles cherchaient à entrer au Canada dans l’intention d’y établir leur résidence permanente [RP] et elle a été prise en application de l’article 41 et de l’alinéa 20(1)a) de la LIPR, et de l’article 6 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés [RIPR, le Règlement]. Ces dispositions prévoient toutes deux qu’un étranger qui cherche à entrer au Canada doit d’abord établir qu’il détient un visa ou tout autre document requis par le Règlement. Selon l’article 41 de la LIPR, l’étranger est interdit de territoire s’il a manqué à la Loi, c’est-à-dire s’il a commis, directement ou indirectement, tout acte ou omission en contravention avec la Loi.

IV.             LES QUESTIONS EN LITIGE

A.                La décision de Singapour d’annuler les visas était-elle interlocutoire (provisoire) ou définitive?

[10]           Les demanderesses font valoir que la décision de Singapour de délivrer des visas d’immigrant pour entrée unique était définitive, dans les limites de l’évaluation de la demande de résidence permanente qui était en cours à l’époque (l’enquête en est toutefois au point mort pour l’instant). Les demanderesses font valoir qu’elles ont agi de bonne foi en tout temps et qu’elles ne devraient pas subir les conséquences négatives découlant des actions et des décisions unilatérales du bureau des visas auxquelles elles n’ont été mises au fait qu’à leur arrivée à l’aéroport, pendant leur entretien avec l’ASFC. Le défendeur prétend quant à lui que l’annulation des visas était une mesure provisoire prise dans l’attente d’une enquête plus approfondie pour clore le traitement du dossier. En raison de l’application de la loi, il n’y avait d’autres choix possibles que celle d’annuler les visas.

B.                 Ces décisions ont-elles porté atteinte aux droits des défenderesses à l’équité procédurale?

[11]           Les demanderesses font valoir qu’il y a eu atteinte à leurs droits à l’équité procédurale quand Singapour a : (i) omis de leur donner la chance de répondre dès le départ aux allégations contenues dans la lettre; (ii) omis de faire en sorte qu’elles reçoivent bien l’avis d’annulation du visa. Le défendeur réplique que l’avis d’annulation a été envoyé par courriel, et que la répondante l’a reçu à l’adresse de courrier électronique qu’elle avait autorisée. La répondante avait préalablement communiqué avec Singapour par courriel. Le défendeur fait valoir que, selon la jurisprudence, il ne fait aucun doute qu’il appartient aux défenderesses de renverser le fardeau de la preuve selon laquelle des communications écrites envoyées à une adresse autorisée sont réputées avoir été reçues; et puisque cela n’a pas été fait, il n’y a eu aucun manquement à l’équité.

[12]           Les parties conviennent que les questions d’équité procédurale sont assujetties à la norme de contrôle de la décision correcte (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, au paragraphe 79). Les parties conviennent aussi que si la décision de Singapour a été entachée par un manque à l’équité procédurale, il en va de même de la mesure d’exclusion prise par le délégué du ministre, car cette mesure reposait uniquement sur le fait d’arriver au Canada avec des visas annulés.

V.                ANALYSE

[13]           Je voudrais d’abord faire deux observations préliminaires. D’abord, l’affaire en l’espèce repose sur un ensemble unique de faits, et en raison de ses circonstances inhabituelles, elle devrait donc être examinée à travers un prisme étroit. En second lieu, ni l’une ni l’autre des parties ne semble faire preuve de mauvaise foi. Au contraire, une série de malentendus apparemment honnêtes a mené à ce résultat malheureux et non souhaité. Cela dit, je suis d’avis qu’il y a eu manquement à l’équité aux dépens des demanderesses et, par conséquent, je renvoie le dossier pour un nouvel examen, ce qui fait en sorte que Singapour devra reprendre le traitement du dossier et de toutes les étapes restantes dans l’enquête déclenchée à la suite de la réception de la lettre.

A.                Question 1 : La décision de Singapour d’annuler les visas était-elle interlocutoire (provisoire) ou définitive?

[14]           En ce qui a trait à la première question – la nature de la décision de Singapour qui est contestée –, j’estime qu’elle était définitive. Je reconnais que le processus n’est pas terminé, et que la décision définitive concernant les visas de RP n’a pas encore été prise. Toutefois, en ce qui a trait aux visas eux-mêmes, les parties conviennent du fait que, après avoir été annulés le 7 août 2013, ils ne servaient plus à rien. Comme le défendeur l’a prononcé dans sa plaidoirie : à ce point, on ne pouvait pas insuffler une nouvelle vie aux visas. Dire des visas annulés qu’ils sont périmés mène directement à la conclusion que la décision était définitive : les deux parties reconnaissent également que de nouveaux visas pourraient être délivrés à une date ultérieure, soit après la conclusion de l’enquête de Singapour. Cela donne bien lieu à un contrôle judiciaire, et je ne suis pas d’accord avec le défendeur pour affirmer que le présent contrôle est prématuré, justement en raison de l’irrévocabilité de l’annulation des visas (et des conclusions d’interdiction de territoire et des mesures d’exclusion qui en découlèrent).

[15]           Peu de décisions ont été rendues en matière d’annulation de visa d’immigrant. L’affaire qui se rapproche le plus de celle en l’espèce est Chan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] 3 CF 349 [Chan]. Bien que les faits et les conclusions de Chan soient différents, la Cour s’est néanmoins déclarée compétente quant au contrôle judiciaire et a confirmé que l’agent des visas avait le pouvoir de réexaminer une décision antérieure de délivrer, et donc d’annuler, un visa d’immigrant.

B.                 Question 2 : Ces décisions ont-elles porté atteinte aux droits des défenderesses à l’équité procédurale?

[16]           La jurisprudence est également claire : dès que le bureau des visas prouve qu’une communication a été envoyée à un demandeur, et qu’il n’y a aucune indication voulant qu’elle ait échoué, le risque de défaut de livraison repose sur les épaules du demandeur, et non du défendeur (Halder c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1346, aux paragraphes 41‑42, 49). Il incombe au demandeur de réfuter la présomption de la livraison : voir Mannil c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 70, au paragraphe 30. Le défendeur invoque ma récente décision dans Khan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 503, ainsi que les autres décisions mentionnées, pour étayer l’argument selon lequel les défenderesses ont reçu le courriel par l’entremise de la répondante qui a failli à son devoir de consulter ses courriels. J’estime toutefois que les faits en l’espèce satisfont au critère énoncé dans la jurisprudence pour les raisons exposées ci-après.

[17]           Les demanderesses ont démontré par une preuve incontestée qu’elles n’ont pas reçu la communication de Singapour portant sur l’annulation. D’abord, la lettre recommandée envoyée par Singapour n’est arrivée au domicile des demanderesses au Bangladesh qu’après leur arrivée au Canada. Ensuite, la répondante a expliqué, dans un affidavit non contesté, la raison pour laquelle elle (et les défenderesses par conséquent) n’a pas reçu le courriel avant leur départ du Bangladesh.

[traduction]

9. Mon adresse de courriel est : akter.shahina5@gmail.com. Je ne consulte pas régulièrement mon courriel et je ne connais pas bien Internet. J’ai appris à me servir des courriels vers 2011 quand j’ai appris à me servir d’un ordinateur. Avant le mois de novembre 2011, je ne consultais mes courriels que toutes les deux semaines ou peut-être même une fois pas mois.

10. Vers le mois de novembre 2011, j’ai donné mon adresse de courriel aux autorités canadiennes de l’immigration. Après quoi, j’ai reçu occasionnellement des courriels des autorités canadiennes de l’immigration au sujet de ma demande de parrainage de ma sœur et de ma mère. Je consultais habituellement mes courriels deux fois par semaine au cours du processus relatif à la demande de ma sœur et de ma mère. Il me tardait de savoir si la demande de ma mère et de ma sœur serait approuvée, et si elles obtiendraient leurs visas pour le Canada. Après leurs examens médicaux, j’espérais qu’une décision soit prise prochainement, j’ai donc commencé à consulter mes courriels plus fréquemment.

11. Après que ma sœur et ma mère eurent reçu leurs visas le 30 juillet 2013, je crois que j’ai consulté mes courriels le 3 août 2013, ou vers cette date, au cas où l’Immigration eût envoyé quoi que ce soit après qu’elles eurent pris possession de leurs visas. Ce n’est que le 16 août 2013 que j’ai de nouveau consulté mes courriels. Je ne les ai pas consultés avant cette date parce que les visas avaient déjà été délivrés. Je n’étais plus préoccupée par la demande de ma mère et de ma sœur. Je n’avais aucune raison de croire que les autorités de l’immigration communiqueraient avec nous de nouveau. J’étais aussi occupée à me préparer à accueillir ma sœur et ma mère, avec le magasinage, l’argent et leur voyage. (Dossier de la demande [DD], pages 16-17, affidavit de Shahina Akter, aux paragraphes 9-11.)

[18]           Le défendeur rétorque que les demanderesses ont consenti à ce que la répondante soit leur représentante bénévole, et elles ont fourni l’adresse de courriel de cette dernière. Comme l’indiquent les notes informatiques, Singapour a communiqué avec elle au moins une fois par courriel : voir le dossier certifié du tribunal [DCT], aux pages 48-49, 58-59. Toutefois, je ne suis toujours pas convaincu. La preuve incontestée (parce que les affirmations de la répondante n’ont jamais été contestées et qu’elle n’a jamais été contre-interrogée sur son affidavit) établit clairement les raisons pour lesquelles le courriel a été reçu sans être ouvert avant que les demanderesses arrivent au Canada. C’est pour cette raison que je conclus que la nouvelle de l’annulation des visas n’a pas été communiquée de façon adéquate.

[19]           J’ajouterais que le dossier montre clairement que la répondante avait fourni son numéro de téléphone, et que le défendeur avait communiqué avec elle par téléphone pour discuter du décès du corépondant (DCT, page 50). Le défendeur a aussi communiqué avec la demanderesse principale par message texte envoyé à son téléphone mobile au Bangladesh pour l’aviser que les passeports étaient prêts et qu’elle pouvait aller les chercher. Les demanderesses ont réagi promptement à ce message texte et elles se sont rendues au bureau des visas deux jours plus tard (DD, page 26, affidavit de Shammy Akter, au paragraphe 7). Rien dans les notes informatiques ne confirme la façon selon laquelle ladite communication fut faite, mais une fois encore, il n’y a pas de raison de douter du témoignage assermenté et non contesté des demanderesses.

[20]           Finalement, j’ajouterais que le défendeur a reçu la lettre anonyme un mois avant la révocation. La lettre contenait deux allégations graves et non fondées. Je suis d’accord avec les défenderesses pour affirmer que, pendant le mois qui s’est écoulé avant l’annulation des visas (entre le 5 juillet et le 7 août 2013), le défendeur aurait pu faire un minimum d’effort pour permettre aux demanderesses de répondre aux allégations.

[21]           Le défendeur fait valoir que le CTD  Mississauga n’a téléversé l’image de la lettre numérisée que le 1er août. J’estime tout d’abord que ce n’est pas la faute des demanderesses. J’ajouterais que, selon l’historique des communications figurant au dossier, il y avait d’autres moyens de communication plus efficaces à la disposition du défendeur. Après tout, Singapour avait communiqué avec les défenderesses par message texte (pour aviser les demanderesses que leurs passeports étaient prêts) quelques jours avant de lire la lettre.

[22]           Qui plus est, le défendeur avait téléphoné, un peu plus tôt dans le processus, à la répondante pour discuter de la mort de son mari, le corépondant. Je conclus que, pour un geste si important et si inhabituel – comme celui de révoquer des visas d’immigrant dûment délivrés qui, en l’espèce, mène à l’interdiction de territoire et à la mesure d’exclusion –, il est justifié de faire appel à un mode de communication très rapidement vérifiable. Le courriel est certainement un mode de communication parfaitement acceptable, voire préférable, quand il est question, pour le bureau des visas, de communiquer avec les demandeurs pour des sujets simples et banals. On peut difficilement dire de l’annulation du visa d’immigrant qu’il s’agit d’une communication ordinaire. En l’espèce, cette communication a défait le point culminant d’un processus qui durait depuis cinq ans, un moment que les demanderesses attendaient depuis longtemps pour retrouver leur famille immédiate au Canada. Elles auraient su qu’elles avaient peu de temps pour présenter leurs visas aux autorités frontalières canadiennes avant l’expiration de leurs visas et de leurs résultats médicaux sous-jacents.

[23]           En bref, le téléphone ou la messagerie texte, deux modes de communication très rapidement vérifiables, devrait être utilisé dans des circonstances exceptionnelles ou inhabituelles, lorsque cela est possible. En l’espèce, l’utilisation de ces modes de communication était envisageable, puisque le téléphone et la messagerie texte avaient été préalablement utilisés au cours du traitement des demandes.

[24]           Compte tenu du statut imprécis des demanderesses au bout de près de deux ans au Canada en raison de ces circonstances, il est à espérer que les étapes restantes du processus de traitement de la demande de RP, y compris toute enquête encore ouverte, puissent se dérouler sans plus tarder. Il est également à espérer que les parties trouvent une façon de régler les questions de statut d’une manière non préjudiciable jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue quant à la demande de parrainage qui a été déposée il y a plus de sept ans.

VI.             CONCLUSION

[25]           L’issue des présentes demandes de contrôle judiciaire dépend d’un ensemble de faits uniques et malheureux qui ont entraîné des conséquences malencontreuses et troublantes. Les demanderesses ne peuvent pas être blâmées d’avoir quitté le Bangladesh pour une vie nouvelle au Canada avant d’avoir reçu les lettres recommandées, comme elles ne peuvent être tenues responsables de l’omission de leur répondante de consulter ses courriels après que leurs visas d’immigrant eurent été délivrés. L’annulation de ces visas d’immigrant est tout aussi inhabituelle qu’inattendue. Les demanderesses auraient dû avoir l’occasion de répondre aux allégations, sans fondement jusqu’à présent, contenues dans la lettre malicieuse anonyme. Faute d’une telle possibilité de répondre, le défendeur aurait dû au moins utiliser un mode de communication très rapidement vérifiable pour leur faire part de l’annulation, comme un appel téléphonique, afin de leur donner l’occasion d’éviter les conséquences graves qui en ont découlé à l’aéroport.

VII.          QUESTIONS CERTIFIÉES

[26]           À la demande du défendeur, les présents motifs ont été envoyés sous forme d’ébauche afin de permettre à chacune des parties de formuler des observations au sujet d’éventuelles questions à certifier. Les demanderesses se sont montrées d’accord avec cette façon de procéder.

[27]           Le défendeur soulève deux questions :

1.       Afin de déterminer qui assume le risque de défaut de livraison d’une communication, est-ce que le destinataire d’un courriel est réputé ne pas avoir reçu ledit courriel du seul fait qu’il ou elle a omis de surveiller l’arrivée de nouveaux messages?

2.       Le bureau des visas est-il limité à s’en remettre à des modes de communication très rapidement vérifiables lorsque vient le moment de communiquer des renseignements inhabituels ou essentiels, ou lorsque des questions inhabituelles ou inattendues surgissent?

[28]           Je suis d’accord avec les défenderesses pour affirmer que les questions soumises par le défendeur ne satisfont pas au critère applicable en matière de certification. Comme je l’ai déjà expliqué, l’affaire en l’espèce repose sur un ensemble de faits très particuliers et sur la situation qui en découle. Cela dit, la première question n’est pas déterminante pour trancher le présent contrôle judiciaire parce que la répondante n’était pas « réputée » ne pas avoir reçu le courriel : elle a présenté un affidavit fait sous serment qui n’a pas été contesté.

[29]           La deuxième question n’est d’ailleurs pas non plus déterminante pour trancher le présent contrôle judiciaire, car le présent jugement aborde l’obligation d’équité procédurale, dont le contenu varie grandement selon les faits de l’espèce. Puisque l’affaire en l’espèce est fortement axée sur les faits, aucune des questions proposées aux fins de certification n’outrepasse les intérêts des parties ni ne vise des sujets très importants ou d’application générale (Zhang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CAF 168, au paragraphe 9; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Liyanagamage, [1994] ACF no 1637, (1994) 176 NR 4, au paragraphe 4).


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      Les demandes de contrôle judiciaire des demanderesses sont accueillies.

a.       La mesure d’exclusion du 19 août 2013 est annulée.

b.      Le bureau de Singapour reprendra le traitement des demandes de résidence permanente des demanderesses.

2.      L’intitulé de la cause IMM-5761-13 est modifié; la désignation du défendeur passe de « Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration » à « Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile ».

3.      Aucune question ne sera certifiée.

4.      Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Alan S. Diner »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5760-13

 

INTITULÉ :

DELERA BEGUM ET AL. c LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION ET DE LA CITOYENNETÉ

 

ET DOSSIER :

IMM-5761-13

 

INTITULÉ :

DELERA BEGUM ET AL. c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 juin 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DINER

 

DATE DES MOTIFS :

Le 25 septembre 2015

 

COMPARUTIONS :

Tara McElroy

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Stephen Jarvis

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Tara McElroy

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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