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Date : 20151014


Dossier : IMM‑139‑15

Référence : 2015 CF 1160

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 octobre 2015

En présence de monsieur le juge Harrington

ENTRE :

RABIA ABID

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Mme Abid, mère monoparentale de deux enfants mineurs, a tenté d’émigrer du Pakistan à titre de résidente permanente. Elle a présenté une demande au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, plus particulièrement en tant que membre d’un sous‑groupe de cette catégorie, à savoir celui des candidats des provinces. Elle a reçu l’approbation du gouvernement de l’Alberta ainsi qu’un certificat de désignation dans le cadre de l’Alberta Immigrant Nominee Program‑Family Stream (programme des immigrants désignés de l’Alberta‑classe familiale). Conformément à l’article 87 du Règlement, cette catégorie est une « catégorie réglementaire de personnes qui peuvent devenir résidents permanents du fait de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada ».

[2]               Malgré l’approbation de l’Alberta, le gouvernement fédéral a le dernier mot à cet égard. Selon le paragraphe 87(3) du Règlement, si le certificat ne constitue pas un indicateur suffisant de l’établissement économique et que l’agent a consulté le gouvernement provincial en question, l’agent peut substituer son appréciation à celle de la province. L’agent des visas avait des réserves et, en dépit d’avoir consulté le gouvernement albertain – qui a maintenu sa position – a conclu que Mme Abid ne réussirait vraisemblablement pas son établissement économique.

[3]               En l’espèce, il s’agit du contrôle judiciaire de cette décision.

[4]               Bien que certaines des opinions de l’agent des visas soient quelque peu problématiques, voire entièrement fausses dans certains cas, on ne peut affirmer qu’il était déraisonnable qu’il juge qu’une mère monoparentale ayant la garde de deux enfants mineurs et se voyant offrir un poste d’aide de cuisine à raison de 37,5 heures par semaine à 10,50 $ l’heure ne soit pas en mesure de réussir son établissement économique.

[5]               Selon le plan initial de Mme Abid, qui a été accepté par les autorités albertaines, son frère était censé les héberger gratuitement elle et ses enfants à Calgary pendant six mois. Elle devait se tourner vers des amis de son frère qui sont propriétaires de restaurants à Calgary pour qu’ils lui trouvent un emploi de cuisinière vu sa connaissance des cuisines pakistanaise et indienne. Elle pouvait également postuler pour un emploi au Tim Hortons, beignerie bien connue, vu que ce poste n’exige pas une formation très approfondie.

[6]               L’objectif ultime de Mme Abid était de devenir enseignante en Alberta, comme elle l’était au Pakistan. Elle aurait disposé d’environ 21 000 $ en argent comptant à son arrivée en Alberta. Elle aurait voulu parfaire ses études de bachelière, obtenir une attestation d’études au Canada et devenir enseignante. Or, il est bien reconnu que la connaissance qu’a Mme Abid de la langue anglaise est nettement inadéquate et loin de répondre à la norme exigée pour enseigner en Alberta.

[7]               Au départ, l’agent des visas a exprimé l’opinion suivante : [traduction« Je ne suis pas convaincu que vous seriez en mesure de trouver un emploi au Canada ou que l’emploi que vous trouveriez, le cas échéant, suffirait pour vous établir sur le plan économique ». Hormis la question de la langue, elle n’était pas qualifiée pour devenir cuisinière professionnelle.

[8]               Les autorités albertaines ont été consultées et avaient bon espoir que le plan d’action proposé par Mme Abid porte ses fruits.

[9]               Mme Abid a ensuite soumis un plan révisé à deux égards. Sa connaissance de l’anglais s’était améliorée, comme en témoigne un rapport du Système international de tests de la langue anglaise, mais demeurait bien en deçà du seuil exigé pour enseigner. L’autre révision concernait le fait qu’elle avait reçu une offre d’emploi pour un poste d’« aide de cuisine » chez Fritou Fried Chicken, à Calgary, à raison de 37,5 heures par semaine à 10,50 $ l’heure. L’offre tenait compte de sa connaissance limitée de l’anglais; il n’était pas nécessaire qu’elle parle anglais pour le poste étant donné qu’elle travaillerait dans la cuisine et qu’elle n’aurait aucune interaction avec le public. De plus, elle aurait à suivre une formation non rémunérée d’une durée de quatre semaines. Elle serait notamment appelée à nettoyer les appareils ménagers, à laver la vaisselle et les ustensiles, à nettoyer le plancher à la vadrouille, à préparer du café et à éplucher des légumes.

[10]           Cette offre d’emploi a été présentée par un ami du frère de Mme Abid, tel qu’il a été mentionné dans la proposition initiale.

[11]           L’agent des visas a vu cette offre d’un mauvais œil, la considérant comme étant faite sur mesure pour la situation de Mme Abid, mais était d’avis que la demanderesse parlait suffisamment l’anglais pour occuper le poste d’« aide de cuisine ». Il n’a pas consulté les autorités albertaines au sujet de cette offre révisée.

[12]           Il a consulté un site Web sur l’emploi en Alberta dont les renseignements étaient plutôt ambivalents au sujet de la formation en milieu de travail. Dans certains cas, il serait illégal de ne pas rémunérer le travailleur.

[13]           Mme Abid soulève une question d’équité procédurale du fait que l’agent des visas a consulté des documents qui, selon elle, n’avaient pas été prévus. Elle est d’avis que ces documents auraient dû être portés à son attention pour qu’elle puisse les commenter. Par ailleurs, il incombait à l’agent des visas de consulter de nouveau les autorités albertaines.

[14]           Les préoccupations quant à l’authenticité de l’offre d’emploi et aux quatre semaines de travail non rémunérées ne sont pas pertinentes. Le plan révisé est identique au plan initial, à l’exception du fait que la demanderesse a maintenant une offre d’emploi provenant de l’ami de son frère. Dans les circonstances, il n’était pas nécessaire de s’adresser de nouveau aux autorités albertaines. Le fait que la formation ne soit pas rémunérée n’est pas pertinent.

[15]           L’agent des visas n’était pas convaincu que Mme Abid réussirait son établissement économique en Alberta : voilà ce qui se trouvait d’abord et avant tout, et toujours, au cœur de la décision de l’agent des visas. Cette décision n’était pas déraisonnable et ne sera donc pas annulée.

[16]           Les parties et la Cour conviennent qu’il n’y a pas de question grave de portée générale à certifier.


JUGEMENT

POUR LES MOTIFS EXPOSÉS;

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

1.                  La demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par l’agent des visas le 11 novembre 2014 qui rejette la demande de résidence permanente déposée par la demanderesse au titre de la catégorie des candidats des provinces est rejetée;

2.                  Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

« Sean Harrington »

Juge

Traduction certifiée conforme

Stéphanie Pagé, B.A. en trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑139‑15

INTITULÉ :

RABIA ABID c MCI

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 6 OCTOBRE 2015

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE HARRINGTON

DATE DES MOTIFS :

LE 14 OctobrE 2015

COMPARUTIONS :

Sunny N. Vincent

POUR LA DEMANDERESSE

Stephen Jarvis

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sunny Vincent Law Office

Avocats, notaires publics

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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