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Date : 20151009


Dossier : IMM‑8290‑14

Référence : 2015 CF 1153

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 octobre 2015

En présence de monsieur le juge Gleeson

ENTRE :

EMAL WAFA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire, présentée au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 (la LIPR), concerne la décision du délégué du ministre défendeur (le délégué), par laquelle il a été établi que le demandeur constituait un danger pour le public au Canada, conformément à l’alinéa 115(2)a) de la LIPR.

[2]               La demande est accueillie pour les motifs qui suivent.

I.                   Contexte

[3]               Le demandeur est un citoyen célibataire de l’Afghanistan, né à Kaboul le 6 octobre 1981. Il est arrivé au Canada le 14 février 1995 avec son frère plus âgé et a rejoint sa mère et sa sœur. Le demandeur et sa famille ont obtenu le statut de réfugiés au sens de la Convention le 10 mai 1995.

[4]               Entre le 14 août 2001 et le 4 mars 2013, le demandeur a été déclaré coupable de diverses infractions de gravité croissante. Les déclarations de culpabilité ne sont pas contestées.

[5]               Pour établir si le demandeur constituait un danger pour le public au Canada, le délégué a concentré son attention sur les éléments suivants :

A.    les déclarations de culpabilité prononcées le 1er décembre 2010 relativement à la possession d’une substance inscrite à l’annexe I en vue d’en faire le trafic, en contravention du paragraphe 5(2) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, pour lesquelles le demandeur a été condamné à sept mois d’emprisonnement (les déclarations de culpabilité de 2010);

B.     les déclarations de culpabilité prononcées le 4 mars 2013 relativement à 1) le trafic d’une substance inscrite à l’annexe I, en contravention de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, 2) la possession en vue d’en faire le trafic d’une substance inscrite à l’annexe I, soit de la cocaïne épurée, 3) la possession d’une substance inscrite à l’annexe I, soit de l’héroïne, 4) le trafic d’une substance inscrite à l’annexe I, soit la cocaïne épurée, 5) la possession en vue d’en faire le trafic d’une substance inscrite à l’annexe I, soit de la cocaïne épurée, et 6) le non‑respect d’un engagement (les déclarations de culpabilité de 2013). Le demandeur a été condamné à dix‑huit mois d’emprisonnement, à être purgés concurremment, pour les trois premières infractions, à douze mois d’emprisonnement, à être purgés consécutivement à la première accusation, pour la quatrième infraction, et à douze mois d’emprisonnement, à être purgés concurremment à la quatrième accusation, pour les cinquième et sixième accusations.

[6]               En novembre 2011, la demande de résidence permanente du demandeur a été rejetée en raison d’une interdiction de territoire pour criminalité, et une mesure d’expulsion a été prise en août 2013. Après qu’il eut purgé sa peine criminelle, en octobre 2014, le demandeur a été transféré à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), qui l’a détenu parce qu’il constituait un danger pour le public et qu’il risquait de se soustraire à son renvoi.

[7]               Au cours du processus menant à la demande faite par l’ASFC, au titre de l’alinéa 115(2)a) de la LIPR, que le ministre rende un avis, le demandeur a déclaré qu’il était bisexuel. En dépit du fait qu’il avait caché son orientation sexuelle, le demandeur affirme qu’il a eu des rapports sexuels avec d’autres hommes et qu’un membre de sa famille l’a surpris avec un homme. Après l’incident, des membres extrémistes de sa famille en Afghanistan ont été informés de son orientation sexuelle, et le demandeur craint que ceux-ci le tuent.

[8]               Dans la Demande d’avis du ministre, l’analyste de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) (l’analyste) souligne la déclaration d’orientation sexuelle faite par le demandeur et indique que celle‑ci peut être perçue comme opportuniste et contradictoire. En réponse à cette déclaration, le demandeur a expressément demandé au délégué de procéder à une entrevue s’il avait d’autres doutes concernant son orientation sexuelle.

[9]               À l’heure actuelle, le demandeur fréquente une citoyenne canadienne, avec qui il a un fils de quatre ans. L’enfant est sous la garde de sa mère.

II.                Décision visée par le contrôle

[10]           Le délégué affirme que la décision a été établie conformément à l’alinéa 115(2)a) de la LIPR, qui inclut le paragraphe 33(2) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, et crée une exception, dans le droit canadien, à la protection générale accordée aux réfugiés au sens de la Convention. Il a ensuite fait état des antécédents criminels du demandeur et conclu, compte tenu des déclarations de culpabilité de 2010 et de 2013, que le demandeur est interdit de territoire pour grande criminalité conformément à l’alinéa 36(1)a) de la LIPR.

[11]           Le délégué conclut que, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur constitue un danger présent et futur pour le public canadien et que sa présence au Canada pose un risque inacceptable en raison 1) de ses activités criminelles, qui étaient graves et dangereuses pour le public; 2) de l’absence d’éléments de preuve d’une réhabilitation. Pour tirer cette conclusion, le délégué s’appuie sur la décision du juge François Lemieux dans La c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 476, au paragraphe 17, 36 Imm LR (3d) 64 (TD) en ce qui concerne le sens de l’expression « danger pour le public » qui figure à l’alinéa 115(2)a) de la LIPR. Il conclut que les dernières infractions commises par le demandeur étaient extrêmement graves et font état d’une escalade allant de déclarations de culpabilité pour simple vol et entrée par effraction jusqu’au trafic de stupéfiants mettant en cause de grandes quantités de substances interdites créant une dépendance, ce qui pose un danger pour le public. Le délégué souligne que, malgré le désir sincère du demandeur de changer, celui‑ci n’a pas fourni d’éléments de preuve démontrant qu’il était réhabilité. Par conséquent, le délégué conclut qu’il existe suffisamment d’éléments de preuve pour formuler l’opinion selon laquelle il est probable que le demandeur récidive et que sa présence au Canada pose un risque inacceptable pour le public.

[12]           Après avoir conclu que le demandeur constitue un danger pour la société, le délégué a effectué une évaluation des risques au titre de l’alinéa 115(2)a) de la LIPR fondée sur le processus énoncé dans Ragupathy c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 151, aux paragraphes 18 et 19, 350 NR 137, en évaluant les éléments de preuve documentaire sur l’Afghanistan et la situation personnelle du demandeur. En ce qui concerne l’orientation sexuelle du demandeur, le délégué n’a pas contesté sa déclaration selon laquelle il est bisexuel, mais il accorde peu de poids aux déclarations du demandeur concernant les relations homosexuelles antérieures, en particulier la déclaration du demandeur où il décrit avoir été surpris avec un homme par son cousin. Le délégué conteste ce témoignage en invoquant le fait que le demandeur n’a pas produit d’éléments de preuve objectifs démontrant qu’il avait eu des relations homosexuelles. Puisque le demandeur n’a pas fait la preuve qu’il avait déjà eu des relations homosexuelles, le délégué conclut, selon la prépondérance des probabilités, que le renvoi du demandeur à Kaboul n’exposerait pas celui‑ci à une menace à sa vie, à sa liberté ou à sa sécurité.

[13]           Dans son analyse des motifs d’ordre humanitaire, le délégué estime que le demandeur n’a pas démontré un degré d’établissement au Canada, au plan social ou économique, qui entraînerait pour lui des difficultés excessives s’il était renvoyé dans son pays. De plus, s’il est vrai que le renvoi du demandeur créerait une séparation à long terme, voire permanente avec sa famille, celle-ci n’entraînerait pas pour le demandeur ni pour sa famille des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives. Le délégué conclut que la nécessité de protéger la société canadienne contre le danger que représente le demandeur l’emporte sur les motifs d’ordre humanitaire et les risques possibles découlant du renvoi du demandeur en Afghanistan.

III.             Questions en litige

[14]           J’ai formulé les questions soulevées par la présente demande en ces termes :

1.      Le délégué a‑t‑il conclu de façon déraisonnable que le demandeur constituait un danger pour le public canadien?

2.      Le délégué a‑t‑il commis une erreur en ne tenant pas d’entrevue pour faire part au demandeur de ses préoccupations quant à sa crédibilité;

3.      Le délégué a‑t‑il établi de façon raisonnable que le demandeur ne serait exposé à aucun risque s’il retournait en Afghanistan;

4.      Le délégué a‑t‑il conclu de façon raisonnable que les motifs d’ordre humanitaire ne militaient pas en faveur d’une décision autorisant le demandeur à rester au Canada?

[15]           Après avoir examiné minutieusement les documents, la jurisprudence et les observations de vive voix et écrites des parties, je me bornerai à aborder la troisième question en litige, étant donné que j’estime que l’évaluation des risques faite par le délégué en ce qui concerne l’orientation sexuelle du demandeur était déraisonnable.

IV.             Norme de contrôle

[16]           La troisième question en litige met en cause le caractère raisonnable des conclusions du délégué. Il est bien établi dans la jurisprudence de la Cour que l’évaluation des risques faite par le délégué, qui fait intervenir des questions de fait et des questions mixtes de fait et de droit, est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Alkhalil c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 976, au paragraphe 16, 395 FTR 76, et Nagalingam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 153, au paragraphe 32, 292 DLR (4e) 463).

[17]           Lorsqu’une décision est contrôlée selon la norme de la décision raisonnable, l’analyse s’attache « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47).

V.                Positions des parties et analyse

A.                Position du demandeur

[18]           Le demandeur soutient que le délégué a effectué une analyse des risques déraisonnable en ce qui concerne son orientation sexuelle. En premier lieu, le demandeur affirme que le délégué a imposé des exigences déraisonnables en matière de preuve en exigeant la présentation d’éléments de preuve corroborant qu’il a eu des partenaires du même sexe. En deuxième lieu, il soutient que le délégué a confondu à maintes reprises l’orientation sexuelle avec le fait d’avoir des relations sexuelles avec des partenaires du même sexe. Le délégué n’a pas reconnu que l’attirance ressentie envers les personnes du même sexe peut s’exprimer d’une multitude de façons et ne se limite pas aux actes sexuels. En fait, le demandeur soutient que le raisonnement du délégué tenait au fait que tant que le demandeur n’avait pas de relations homosexuelles, il n’était pas exposé au risque de persécution en Afghanistan, raisonnement, selon le demandeur, qui n’est pas compatible avec la jurisprudence de la Cour.

B.                 Position du défendeur

[19]           Le défendeur soutient que l’évaluation des risques effectuée par le délégué reposait sur les éléments de preuve fournis par le demandeur. En dépit du fait que le demandeur se soit déclaré bisexuel, le délégué ne disposait pas de suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que le demandeur se conduisait comme un homme bisexuel. De plus, le demandeur n’a pas affirmé son intention d’avoir des relations homosexuelles, et les éléments de preuve dont disposait le délégué indiquaient que le demandeur avait l’intention d’épouser la mère de son enfant à sa sortie de prison et d’être un père pour son fils. En fait, le demandeur ne manifestait pas ouvertement sa bisexualité et, par conséquent, n’aurait pas à réprimer son identité déclarée. Le demandeur s’est conduit au Canada comme le ferait un hétérosexuel, et rien ne permettait de conclure qu’il adopterait un autre type de conduite en Afghanistan.

C.                 Analyse

[20]           À la page 22 du dossier certifié du tribunal (DCT), le délégué prétend que [traduction] « M. Wafa peut très bien être bisexuel, et je ne conteste pas ce fait ». À la page 23 du DCT, le délégué a aussi affirmé ce qui suit : [traduction« J’accepte qu’une personne puisse se déclarer bisexuelle et, par conséquent, je ne conteste pas les affirmations de M. Wafa sur son orientation sexuelle, et je ne lui demande pas d’en faire la preuve ». En fait, le délégué accepte les déclarations du demandeur concernant son orientation sexuelle. Il décide ensuite d’accorder peu de poids aux déclarations du demandeur concernant ses relations homosexuelles antérieures en raison de l’absence d’éléments de preuve corroborants objectifs. Le délégué conclut aussi que le récit du demandeur selon lequel il aurait été surpris avec un partenaire de même sexe par un membre de sa famille [traduction« a été inventé par M. Wafa pour renforcer ses observations sur les risques » (DCT, à la page 23).

[21]           Après avoir conclu que le demandeur n’avait pas démontré qu’il avait eu des relations homosexuelles, le délégué conclut que le demandeur ne serait pas exposé, en raison de son orientation sexuelle, aux risques énoncés à l’article 115 de la LIPR et à l’article 7 de la Charte. Essentiellement, il a conclu que l’élément fondamental quant aux risques courus par les personnes bisexuelles en Afghanistan est le fait d’avoir eu des relations sexuelles avec des personnes du même sexe, et non pas l’orientation sexuelle. Le raisonnement sous-tendant cette conclusion et la conclusion elle‑même sont à mon avis fondamentalement viciés et minent le caractère intelligible de la décision.

[22]           La décision du délégué aurait pu appartenir aux issues possibles acceptables si celui-ci avait tiré une conclusion différente de celle qu’il a tirée au sujet de la prétention de bisexualité du demandeur en invoquant le caractère insuffisant des éléments de preuve fournis par celui‑ci (Ferguson c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1067, aux paragraphes 32 et 34, 74 Imm LR (3e) 306; II c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 892, aux paragraphes 18 à 22 et 24), mais après avoir retenu le témoignage du demandeur quant à son orientation sexuelle, y compris ses déclarations sous serment, j’estime que le délégué était tenu de procéder à une évaluation des risques en fonction de ces éléments. Le délégué a plutôt évalué les risques en se fondant sur le fait que l’orientation sexuelle du demandeur ne serait pas évidente ou découverte en raison de son comportement passé. Cette approche est contraire à la jurisprudence de la Cour et ne tient pas compte de la déclaration du demandeur selon laquelle, étant donné qu’il avait déclaré son orientation sexuelle à sa famille, il n’avait plus rien à cacher (Sadeghi‑Pari c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 282, au paragraphe 29, 37 Imm LR (3d) 150).

[23]           Dans le contexte d’une revendication du statut de réfugié au sens de la Convention, le juge Leonard Mandamin a analysé, dans Okoli c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 332, 79 Imm LR (3d) 253, au paragraphe 36, le bien‑fondé de s’attendre à ce qu’une personne se montre discrète quant à son orientation sexuelle :

[36]      Le commissaire a conclu que le demandeur n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve crédibles pour établir qu’il serait personnellement la cible de la part de la police ou de la population au Nigeria en raison de son orientation sexuelle. Bien qu’il ait remarqué que le rapport de la mission d’enquête britanno‑danoise indiquait qu’au Nigeria, tout homosexuel craint avec raison d’être maltraité par les gens de la collectivité locale et de la société en général, il a retenu l’affirmation dans le rapport selon laquelle les homosexuels qui vivent dans les grandes villes du Nigeria n’ont pas de raison de craindre d’être persécutés s’ils n’affirment pas qu’ils sont homosexuels sur la place publique. Le commissaire a affirmé ce qui suit : « Aucun élément de preuve ne donne à penser que le demandeur d’asile serait obligé de se cacher, au Nigeria, même si, par rapport à sa vie au Canada, il devrait probablement faire preuve de discrétion au sujet de son orientation sexuelle ». La Cour fédérale a considéré à plusieurs reprises de telles conclusions comme abusives, étant donné qu’elles obligent une personne à refouler une caractéristique immuable (Sadeghi‑Pari c. Canada (M.C.I.), 2004 CF 282, au paragraphe 29). [Non souligné dans l’original.]

[24]           Dans A.B. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1332, 381 FTR 312, le juge Mandamin a pris en compte la décision de l’agent d’évaluation des risques avant renvoi et affirme ce qui suit dans le même ordre d’idées :

[24]      Il appartenait à l’agent d’aborder la question de savoir si le demandeur serait personnellement exposé à une menace à sa vie, ou au risque de torture ou de peines ou traitements cruels et inusités. Il ressort des antécédents du demandeur que celui-ci a assumé pleinement son homosexualité, c’est‑à‑dire qu’il a été franc au sujet de son orientation sexuelle. L’agent a commis une erreur dans son analyse des risques en faisant reposer cette analyse sur l’hypothèse qu’au Guyana, le demandeur n’afficherait pas ouvertement ainsi son homosexualité. Dans le cadre de son évaluation des risques, il n’appartenait pas à l’agent de dire au demandeur comment il devrait se comporter à l’avenir. Il n’appartenait pas non plus à l’agent de supposer que le demandeur aurait la sagesse de se montrer discret. Le risque auquel le demandeur serait personnellement exposé en tant que personne affichant ouvertement son homosexualité constituait l’élément pertinent.

[25]      Les éléments de preuve qui avaient été produits ne permettaient peut‑être pas à l’agent de conclure qu’au Guyana le demandeur, en tant que membre d’une minorité sexuelle, serait effectivement exposé au risque de traitements cruels et inusités. L’agent n’ayant fondé son analyse que sur le traitement réservé aux travestis/travailleurs du sexe et aux homosexuels qui se montrent discrets au sujet de leur orientation sexuelle, l’agent n’a pas abordé la question de savoir si, en tant qu’homosexuel qui assume pleinement son orientation et qui ne fait partie de ni l’une ni l’autre des deux catégories ci‑dessus, l’appelant serait lui‑même exposé à un tel risque.

[25]           En l’espèce, le délégué a omis d’examiner la question de savoir si le demandeur dont il est question en l’espèce, un homme bisexuel qui a récemment révélé son orientation sexuelle à sa famille, serait exposé à des risques en Afghanistan (CCF c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1141, aux paragraphes 57 et 58, 419 FTR 42). Le délégué a donc fait une évaluation des risques incomplète et, par conséquent, déraisonnable. Une évaluation des risques déraisonnable mine le caractère raisonnable de toute la décision. L’évaluation des risques est une étape nécessaire du processus défini par la Cour d’appel fédérale dans Ragupathy, aux paragraphes 17 à 19, qui comporte la mise en équilibre des risques inhérents au renvoi et des autres considérations d’ordre humanitaire avec l’importance du danger pour le public si le demandeur restait au Canada afin d’établir si le renvoi du Canada choquerait la conscience au point de violer les droits garantis au demandeur par l’article 7 de la Charte.

[26]           Les parties n’ont pas soulevé de question de portée générale.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre délégué du ministre pour qu’il rende une nouvelle décision. Aucune question n’est certifiée.

« Patrick Gleeson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Line Niquet, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

IMM‑8290‑14

 

INTITULÉ :

EMAL WAFA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 septembre 2015

 

JUGeMENT et motifs :

LE JUGE GLEESON

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 9 OCTOBRE 2015

 

COMPARUTION :

Swathi Sekhar

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Kristina Dragaitis

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Swathi Visalakshi Sekhar

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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