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Date : 20151102


Dossier : IMM‑953‑15

Référence : 2015 CF 1240

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 2 novembre 2015

En présence de madame la juge Mactavish

ENTRE :

TETYANA TUMANOVA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Tetyana Tumanova demande le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté sa deuxième demande en vue d’obtenir la réouverture de sa demande d’asile. La Commission a conclu que Mme Tumanova n’avait pas établi qu’il existait des circonstances exceptionnelles qui justifiaient la réouverture d’une demande d’asile dont le désistement avait déjà été prononcé, et Mme Tumanova ne m’a pas convaincue que la décision de la Commission était déraisonnable.

I.                   Contexte

[2]               Mme Tumanova est citoyenne de l’Ukraine. En juin 2014, elle a présenté une demande d’asile au Canada dans laquelle elle affirme être victime de violence conjugale de la part de son ex‑conjoint de fait. L’audience relative à sa demande d’asile était prévue pour le 20 août 2014. Mme Tumanova ne s’y est pas présentée en raison de soins dentaires d’urgence, mais sa conseil était présente à l’heure convenue. Mme Tumanova a ensuite été convoquée pour comparaître à une audience relative au désistement le 27 août 2014, à 9 h.

[3]               Mme Tumanova ne s’est pas présentée à l’audience prévue sur le désistement, mais sa conseil était une fois encore présente. Mme Tumanova s’est enfin présentée plusieurs heures plus tard, alléguant qu’elle s’était perdue en utilisant les transports publics pour se rendre à l’audience. Le commissaire a accepté de remettre l’audience à plus tard le même jour.

[4]               La Commission n’était pas satisfaite de l’explication donnée par Mme Tumanova pour justifier son absence à l’audience du 20 août. Le commissaire a conclu que Mme Tumanova n’était également pas prête pour l’audition relative à sa demande d’asile, et il a prononcé le désistement de la demande d’asile en donnant oralement les motifs de cette décision.

[5]               Mme Tumanova n’a pas demandé le contrôle judiciaire de la décision sur le désistement rendue par la Commission. Elle a cependant engagé une conseillère en immigration en vue d’obtenir la réouverture de sa demande d’asile. Dans cette demande, Mme Tumanova reprochait à son interprète et à son ancienne conseil de ne pas l’avoir rencontrée avant l’audience relative à sa demande d’asile. Elle a aussi reconnu avoir menti à la Commission au cours de l’audience sur le désistement à propos du motif pour lequel elle ne s’était pas présentée à 9 h, alléguant que son interprète était venu la chercher en retard, et qu’il lui avait conseillé de dire à la Commission qu’elle avait utilisé les transports publics pour se rendre à l’audience et s’était perdue. Mme Tumanova a également fourni à la Commission une déclaration sous serment dans laquelle elle confirmait qu’elle avait menti à la Commission suivant le conseil de son interprète.

[6]               Mme Tumanova a terminé sa demande de réouverture de sa demande d’asile en répétant son allégation selon laquelle elle était exposée à un risque en Ukraine, et en demandant qu’elle soit autorisée à établir le bien‑fondé de sa demande. Il convient de souligner que nulle part dans cette demande Mme Tumanova ne conteste la conclusion de la Commission selon laquelle elle n’était pas prête pour l’audition de sa demande le 27 août 2014.

[7]               Mme Tumanova a ensuite remis à la Commission un affidavit souscrit le 28 novembre 2014, énumérant les problèmes qu’elle dit avoir eus avec l’ancienne conseil, les soins dentaires reçus et l’explication justifiant son retard à l’audience sur le désistement. Elle a également remis à la Commission des reçus qui confirmaient qu’elle avait subi un traitement dentaire le même jour que celui prévu pour l’audience relative à sa demande d’asile.

[8]               La Commission a conclu que Mme Tumanova avait été représentée par sa conseil de manière adéquate lors de son audience sur le désistement, mais qu’elle avait malheureusement suivi le mauvais conseil de son interprète, qui n’était aucunement un spécialiste. La Commission a souligné que, selon le paragraphe 62(6) des Règles de la Section de la protection des réfugiés, une demande de réouverture ne peut être accueillie que si un manquement à un principe de justice naturelle est établi, et elle a conclu qu’aucun des éléments de preuve présentés par Mme Tumanova n’établissait un tel manquement en lien avec son audience relative au désistement. En conséquence, le commissaire a rejeté la demande de Mme Tumanova en vue d’obtenir la réouverture de sa demande d’asile dans une décision datée du 8 décembre 2014.

[9]               Mme Tumanova a demandé le contrôle judiciaire de cette décision, mais elle n’a pas mis en état sa demande et celle‑ci a par la suite été rejetée.

[10]           Mme Tumanova a ensuite présenté une deuxième demande en vue d’obtenir la réouverture de sa demande d’asile. À l’appui de cette demande, elle a fourni à la Commission une autre copie de son affidavit du 28 novembre 2014, ainsi que les reçus des soins dentaires et les observations écrites de son nouveau conseil.

II.                La décision de la Commission

[11]           La Commission a d’abord mentionné qu’il s’agissait de la deuxième demande de réouverture de la demande d’asile de Mme Tumanova. Elle a également souligné que les éléments de preuve présentés, pour la plupart, ne faisaient que reprendre ce qui avait déjà été présenté dans la première demande de réouverture de la demande d’asile de Mme Tumanova.

[12]           La Commission a souligné que, selon le paragraphe 62(8) des Règles de la Section de la protection des réfugiés, si la partie a déjà présenté une demande de réouverture qui a été refusée, laquelle visait une demande d’asile dont le désistement avait déjà été prononcé, la Commission doit prendre en considération les motifs du refus, et elle « ne peut accueillir la demande subséquente, sauf en cas de circonstances exceptionnelles fondées sur l’existence de nouveaux éléments de preuve ». [Souligné par la Commission.]

[13]           La Commission a conclu que Mme Tumanova avait soulevé un nouvel argument dans sa deuxième demande de réouverture, selon lequel sa conseillère en immigration manquait d’expérience dans la présentation de demandes de réouverture de demandes d’asile. La Commission a toutefois souligné que cette demande n’était étayée par aucun élément de preuve, et que Mme Tumanova n’avait pas non plus expliqué comment ce manque d’expérience présumé lui avait causé une injustice ou comment ces circonstances étaient exceptionnelles.

[14]           La Commission a également fait remarquer que Mme Tumanova avait repris son allégation antérieure concernant la représentation inadéquate de son ancienne conseil. La Commission a conclu que non seulement cette nouvelle circonstance n’avait rien d’exceptionnel, mais qu’une fois encore elle n’était appuyée par aucun nouvel élément de preuve.

[15]           La Commission a également souligné qu’aucun avis concernant les allégations de représentation inadéquate faites par Mme Tumanova n’avait été donné à sa conseillère en immigration ou à l’ancienne conseil de Mme Tumanova, comme l’exige le paragraphe 62(4) des Règles de la Section de la protection des réfugiés.

[16]           Ainsi, la Commission a conclu que Mme Tumanova n’avait pas établi l’existence de circonstances exceptionnelles qui aurait justifié la réouverture de sa demande d’asile.  Mme Tumanova soutient que cette décision était déraisonnable.

III.             Analyse

[17]           Un grand nombre des observations de Mme Tumanova reprochaient à la Commission d’avoir commis des erreurs dans sa décision de prononcer le désistement de sa demande d’asile, surtout en concluant que Mme Tumanova n’était pas prête pour l’audition de sa demande d’asile le jour prévu pour son audience sur le désistement. La décision sur le désistement n’est toutefois pas la décision faisant l’objet du contrôle dans la présente demande. Mme Tumanova a choisi de ne pas demander un contrôle judiciaire de la décision sur le désistement, et cette décision est désormais définitive. 

[18]           Mme Tumanova fait valoir qu’elle ne pouvait pas demander le contrôle judiciaire de la décision sur le désistement rendue par la Commission, puisqu’il aurait d’abord fallu qu’elle exerce ses recours devant la Commission – à savoir, demander la réouverture de sa demande d’asile. Je n’accepte pas cet argument.

[19]           La Cour procède régulièrement au contrôle judiciaire de décisions relatives au désistement : voir, par exemple, Sarran c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 62, [2014] ACF no 235. En outre, comme la Cour l’a précisé dans Lin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 512, aux paragraphes 10 à 16, [2005] ACF no 634, les décisions sur le désistement et les décisions de réouverture de demandes d’asile sont des procédures distinctes, voir les paragraphes 10 à 16. Chacune d’elles constitue une décision susceptible de révision, et puisqu’elle a omis de solliciter une telle révision à l’égard de la décision sur le désistement de la Commission, Mme Tumanova doit maintenant accepter que ses conclusions sont définitives. 

[20]           Étant donné que Mme Tumanova a choisi de ne pas mettre en état sa demande de contrôle judiciaire à l’égard de la première décision de la Commission qui a refusé de rouvrir sa demande d’asile, cette décision est également définitive.

[21]           Pour autant qu’elle ait abordé la décision visée par le contrôle dans ses observations, Mme Tumanova a soutenu que la Commission a commis une erreur en n’adoptant pas une [traduction« approche contextuelle » qui tenait compte de sa situation personnelle pour décider s’il y avait lieu de rouvrir sa demande d’asile. Le conseil n’a pas pu expliquer, cependant, comment la situation de Mme Tumanova, en tant que victime présumée de violence conjugale en Ukraine, était pertinente pour les questions que la Commission devait trancher relativement à sa deuxième demande de réouverture.

[22]           Mme Tumanova allègue également que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte du manque d’expérience de sa conseillère en immigration dans la présentation de demandes de réouverture de demandes d’asile. La Commission a reconnu qu’il s’agissait d’une nouvelle circonstance, et elle a examiné l’argument de Mme Tumanova à cet égard. Cependant, la Commission a conclu qu’aucun élément de preuve n’appuyait l’allégation et, par conséquent, qu’il n’y avait pas de  « circonstances exceptionnelles fondées sur l’existence de nouveaux éléments de preuve » qui justifiaient la réouverture de la demande d’asile de Mme Tumanova. [Non souligné dans l’original.] 

[23]           Je n’accepte pas non plus la prétention selon laquelle le manque d’expérience de la conseillère en immigration était évident à la lecture du dossier. S’il est vrai que des observations plus élaborées auraient pu être présentées à l’appui de la demande de réouverture, les observations de la conseillère en immigration n’étaient pas si mauvaises au point de laisser supposer un manque d’expérience de sa part.

[24]           Enfin, bien que cela ne vise pas le caractère raisonnable de la décision de la Commission sur cette question, je souligne également que la conseillère en immigration a fourni un affidavit à l’appui de la demande de contrôle judiciaire de Mme Tumanova, et que nulle part dans celui‑ci elle ne laisse entendre qu’elle manque d’expérience dans la présentation de demandes de réouverture de demandes d’asile.

IV.             Conclusion

[25]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Je suis d’accord avec les parties pour dire que l’affaire repose sur des faits qui lui sont propres et ne soulève pas de question à certifier.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Anne L. Mactavish »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑953‑15

 

INTITULÉ :

TETYANA TUMANOVA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 29 OCTOBRE 2015

 

jugEment  ET MOTIFS :

LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :

LE 2 NOVEMBRE 2015

 

COMPARUTIONS :

Daniel M. Fine

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Jocelyn Espejo‑Clarke

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Daniel M. Fine

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

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