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Date : 20151104


Dossier : IMM-2630-14

Référence : 2015 CF 1245

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 4 novembre 2015

En présence de madame la juge Mactavish

Entre :

ROOHUL AMIN SHAHZAD

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Roohul Amin Shahzad demande le contrôle judiciaire de la décision de Citoyenneté et Immigration Canada de rejeter sa demande de résidence permanente pour des motifs d’interdiction de territoire. Un agent d’immigration a conclu que M. Shahzad était un membre du Mouvement Mohajir Quami (MQM), une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle s’est livrée au terrorisme. Par conséquent, l’agent a conclu que M. Shahzad était interdit de territoire au Canada au sens de l’alinéa 34(1)f) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

[2]               M. Shahzad soutient qu’il a été traité de façon inéquitable dans le cadre du processus d’interdiction de territoire, parce qu’il n’a jamais été avisé d’un changement dans la politique de CIC portant sur le traitement des demandes en vertu de l’article 34 de la LIPR qui a été introduit dans un Bulletin opérationnel en mai 2013. M. Shahzad n’a cependant pas été capable de démontrer qu’il avait subi un préjudice en raison du changement dans la politique. Par conséquent, sa demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

I.                   Le contexte

[3]               M. Shahzad est un citoyen du Pakistan. Il est arrivé au Canada le 28 novembre 2002 et il a demandé l’asile à son arrivée. M. Shahzad a obtenu l’asile en 2003 et il a présenté une demande de résidence permanente peu de temps après. Sa demande a été approuvée en principe le 1er septembre 2004. Par la suite, des préoccupations ont été soulevées quant à l’admissibilité de M. Shahzad, en raison de son affiliation admise au MQM, et M. Shahzad a eu l’occasion de répondre à ces préoccupations.

[4]               En 2009,1’agent de CIC a rendu une décision préliminaire selon laquelle M. Shahzad était interdit de territoire au Canada au sens de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR parce qu’il était membre du MQM, une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle s’est livrée au terrorisme. M. Shahzad a été avisé de cette décision le 16 septembre 2010 et du fait qu’il pouvait présenter une demande de dispense ministérielle de son interdiction de territoire au sens du paragraphe 34(2) de la LIPR. Dans cette lettre, il n’était pas précisé si la demande de résidence permanente de M. Shahzad serait tranchée avant ou après qu’une décision soit rendue au sujet de la demande de dispense ministérielle.

[5]               M. Shahzad a présenté une demande de dispense ministérielle le 8 octobre 2010. Au moment où M. Shahzad a présenté sa demande de dispense ministérielle, la politique de CIC était de mettre en suspens une demande de résidence permanente en attendant qu’une décision soit rendue quant à la demande de dispense ministérielle. Cette politique n’a cependant pas toujours été suivie : voir, par exemple, Ali c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1174, [2005] 1 R.C.F. 485.

[6]               En mai 2013, CIC a lancé le Bulletin opérationnel 524, qui prévoit que les demandes de résidence permanente ne seront plus mises en suspens en attendant qu’une décision soit rendue au sujet d’une demande de dispense ministérielle. Le défendeur reconnaît que ce Bulletin opérationnel n’était pas accessible au grand public, et M. Shahzad soutient qu’il a été traité de façon inéquitable par rapport au processus d’interdiction de territoire prévu à l’alinéa 34(1)f), parce qu’il n’a pas été avisé du changement de politique de CIC.

[7]               Le 14 mars 2014, M. Shahzad a été avisé qu’un agent d’immigration avait finalement déterminé qu’il était interdit de territoire au Canada au sens de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR, en raison de son appartenance au MQM. La demande de dispense ministérielle de M. Shahzad est toujours pendante.

II.                Analyse

[8]               Dans ses arguments, M. Shahzad soulève des questions d’équité procédurale. Lorsqu’une question d’équité procédurale est soulevée, la Cour doit déterminer si le processus suivi par le décideur satisfaisait au degré d’équité nécessaire dans toutes les circonstances : voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43, [2009] 1 R.C.S. 339.

[9]               M. Shahzad soutient qu’il n’a pas été traité équitablement par CIC parce que l’agent qui a examiné sa demande de résidence permanente s’est fondé sur une preuve extrinsèque, soit le Bulletin opérationnel 524, lorsqu’il a rejeté sa demande. Je n’accepte pas cette observation. Une directive gouvernant la procédure interne de CIC ne constitue pas une preuve, extrinsèque ou autre.

[10]           M. Shahzad soutient aussi qu’il était injuste de la part de l’agent d’immigration qui a examiné son admissibilité au Canada de ne pas mentionner, lorsqu’il a conclu que M. Shahzad était interdit de territoire, les considérations d’ordre humanitaire qu’il avait présentées en lien avec sa demande de résidence permanente. M. Shahzad a cependant reconnu que les considérations d’ordre humanitaire ne sont pas pertinentes quant à une conclusion d’interdiction de territoire au sens du paragraphe 34(1). L’agent d’immigration n’avait aucune obligation de mentionner des considérations qui n’étaient pas pertinentes et M. Shahzad n’a donc pas réussi à démontrer qu’il y a eu un manque d’équité à ce sujet.

[11]           M. Shahzad fait aussi valoir qu’il a été traité de façon injuste parce qu’en raison du changement apporté à l’article 25 de la LIPR, une personne interdite de territoire au Canada au sens du paragraphe 34(1) de la Loi ne peut se prévaloir de la dispense pour considérations d’ordre humanitaire. Cependant, rien ne donne à penser que M. Shahzad a présenté une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire au sens de l’article 25 de la LIPR, et M. Shahzad n’a pas été en mesure d’expliquer comment l’introduction du changement de politique de CIC en 2013 au sujet de la séquence dans laquelle les décisions prévues aux deux parties de l’article 34 devaient être rendues avait eu un impact sur son droit à la dispense prévue à l’article 25 de la Loi.

[12]           Comme je l’ai expliqué dans la décision Ali, précitée, aux paragraphes 40 à 43, la version de l’article 34 en vigueur au moment visé comportait deux éléments. Lu en conjonction avec l’article 33, le paragraphe 34(1) exigeait de l’agent d’immigration de CIC qu’il détermine si, entre autres choses, il y avait des motifs raisonnables de croire qu’un demandeur est membre d’une organisation terroriste. Le paragraphe 34(2) prévoyait plutôt qu’un décideur différent – à savoir le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile lui‑même – examine la question de savoir si la présence constante de l’étranger au Canada serait préjudiciable à l’intérêt national.

[13]           Une enquête relative au paragraphe 34(2) visait donc une question différente de celle envisagée au paragraphe 34(1) de la LIPR. La question que devait trancher le ministre en vertu du paragraphe 34(2) n’était pas celle de la justesse de la décision de l’agent selon laquelle il y a des motifs raisonnables de croire qu’un demandeur est membre d’une organisation terroriste. Le ministre était plutôt chargé d’examiner la question de savoir si, en dépit de l’appartenance du demandeur à une organisation terroriste, il serait préjudiciable à l’intérêt national de permettre au demandeur de rester au Canada.

[14]           En d’autres mots, le paragraphe 34(2) de la LIPR habilitait le ministre à accorder un redressement exceptionnel malgré la conclusion ayant déjà été tirée par l’agent d’immigration. Rien dans l’article 34 de la LIPR ne précise si la dispense ministérielle prévue au paragraphe 34(2) devait être accordée avant qu’une conclusion soit tirée quant à l’admissibilité au sens du paragraphe 34(1) ou après : Hassanzadeh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 902, au paragraphe 25, [2005] 4 R.C.F. 430.

[15]           La conclusion selon laquelle M. Shahzad était interdit de territoire au Canada a été rendue en 2010 et il a été avisé de la possibilité de présenter une demande de dispense ministérielle à cette époque. Cependant, on ne lui a pas donné l’assurance que, s’il choisissait de présenter une demande de dispense ministérielle, sa demande de résidence permanente serait mise en suspens jusqu’à ce qu’une décision soit rendue au sujet de sa demande de dispense ministérielle.

[16]           De manière plus fondamentale, M. Shahzad n’a pas été en mesure d’expliquer comment le changement de politique de CIC a entraîné un manque d’équité envers lui. En particulier, il n’a pas expliqué de façon satisfaisante ce qui aurait été différent si la décision quant à sa demande de dispense ministérielle avait été rendue avant que sa demande de résidence permanente n’ait été tranchée, au lieu du contraire. La demande de dispense ministérielle de M. Shahzad continuera d’être traitée, et rien au dossier ne donne à penser que le fait qu’une décision a maintenant été rendue, rejetant sa demande de résidence permanente en raison de son interdiction de territoire, puisse nuire à cette demande. 

III.             Conclusion

[17]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Je conviens avec les parties que l’affaire ne soulève pas de question pour la certification.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Anne L. Mactavish »

Juge

Traduction certifiée conforme,

Evelyne Swenne, traductrice-conseil


Cour fédérale

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2630-14

 

INTITULÉ :

ROOHUL AMIN SHAHZAD c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 NOVEMBRE 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :

LE 4 NOVEMBRE 2015

 

COMPARUTIONS :

Karen Kwan Anderson

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Sybil Thompson

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pace Law Firm

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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