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Date : 20151029


Dossier : T‑594‑15

Référence : 2015 CF 1223

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 29 octobre 2015

En présence de madame la juge Mactavish

ENTRE :

NOURELDIN MOHAMED AHMED MAHMOUD ABDELHAMID

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Un juge de la citoyenneté a rejeté la demande de citoyenneté canadienne présentée par Noureldin Mohamed Ahmed Mahmoud Abdelhamid au motif que celui‑ci n’avait pas établi qu’il avait été effectivement présent au Canada pendant 1 095 jours au cours des quatre ans précédant le dépôt de sa demande de citoyenneté.

[2]               Le Dr Abdelhamid affirme que la décision du juge de la citoyenneté est déraisonnable parce que celui‑ci a mal interprété la preuve qui lui avait été présentée concernant la présence effective de M. Abdelhamid au Canada et parce qu’il n’a pas tenu compte de tous les éléments dont il était saisi. Il affirme en outre qu’il a été privé de son droit à l’équité procédurale parce que le juge de la citoyenneté a refusé d’examiner les éléments de preuve documentaire qu’il a fournis pour établir qu’il avait été effectivement présent au Canada pendant la période prescrite, et parce que le juge n’a pas communiqué avec lui après l’audience afin de lui permettre de répondre à ses préoccupations.

[3]               Pour les motifs exposés ci‑après, j’estime que le juge de la citoyenneté n’a pas commis les erreurs que le demandeur lui reproche. Par conséquent, la demande sera rejetée.

I.                   Le caractère raisonnable de la décision

[4]               Dans sa demande de citoyenneté et dans le questionnaire sur la résidence qu’il a rempli, le Dr Abdelhamid a affirmé qu’il avait été effectivement présent au Canada durant 1 364 jours au cours de la période comprise entre le 6 mai 2006 et le 6 mai 2010. Il a en outre déclaré qu’il avait quitté le Canada à sept reprises durant cette période, bien qu’il affirme dans son affidavit avoir dit au juge de la citoyenneté qu’il se rendait souvent aux États‑Unis et qu’il n’avait mentionné que les absences confirmées par les étampes figurant dans son passeport puisqu’il ne se rappelait pas toutes les fois où il avait visité les États‑Unis durant la période visée.

[5]               Le juge de la citoyenneté a subséquemment obtenu un rapport du Système intégré d’exécution des douanes (le SIED) auprès de l’Agence des services frontaliers du Canada, dans lequel il était indiqué que le Dr Abdelhamid était entré au Canada 13 fois durant la période visée. Le Dr Abdelhamid ne conteste pas l’exactitude de ce rapport, mais il soutient que deux de ses entrées au pays sont survenues au cours de périodes pendant lesquelles il avait déclaré être à l’extérieur du Canada. Il affirme également que le dossier indique clairement que trois autres voyages effectués en décembre 2009 étaient des aller‑retour de moins de 24 heures s’étalant sur une période de sept jours.

[6]               Le juge de la citoyenneté a conclu que le dossier dont il était saisi ne lui permettait pas de préciser la durée des absences du Dr Abdelhamid. Selon le Dr Abdelhamid, le juge de la citoyenneté a commis une erreur en tirant cette conclusion parce qu’il n’a pas fait une analyse comparative des dates figurant dans le rapport du SIED et de celles auxquelles il s’était déclaré absent du Canada dans sa demande de citoyenneté et dans le questionnaire sur la résidence. Je ne puis souscrire à cet argument.

[7]               Tout d’abord, on constate qu’au paragraphe 21 de ses motifs, le juge de la citoyenneté a comparé les périodes d’absence inscrites dans le rapport du SIED avec celles que le Dr Abdelhamid avait déclarées. Qui plus est, l’analyse comparative des éléments de preuve en question ne permet pas de conclure que le Dr Abdelhamid se trouvait au Canada pendant au moins les 1 095 jours requis au cours de la période pertinente de quatre ans.

[8]               Il est vrai que parmi les fois où il était revenu au Canada, deux étaient survenues durant des périodes au cours desquelles il avait déclaré avoir été à l’extérieur du pays. Par exemple, le Dr Abdelhamid a déclaré avoir été absent du 26 octobre au 26 novembre 2009, et le rapport du SIED indique qu’il est revenu au Canada le 28 octobre 2009. Or, les incohérences relevées dans la preuve concernant les allées et venues durant les mois d’octobre et de novembre 2009 mettent en doute la fiabilité de son témoignage sur la durée de son absence du Canada.

[9]               De même, le Dr Abdelhamid a déclaré qu’il avait été absent du Canada entre le 29 janvier 2010 et le 11 février 2010. Selon le rapport du SIED cependant, le Dr Abdelhamid est revenu au Canada le 29 janvier 2010, ce qui met en doute là encore la fiabilité du témoignage du Dr Abdelhamid concernant la durée de son voyage.

[10]           En outre, le Dr Abdelhamid n’a pas mentionné deux absences survenues en 2006 et en 2007, alors que selon le rapport du SIED il est revenu au Canada le 22 août 2006 et le 24 février 2007. Si l’on ne sait pas à quelle date le Dr Abdelhamid a quitté le Canada à ces deux occasions, il est impossible de connaître la durée de chacune des absences. Aussi, aucun des éléments de preuve documentaire produits par le Dr Abdelhamid n’établit qu’il a été effectivement présent au Canada durant cette période.

[11]           Selon le Dr Abdelhamid — à supposer qu’il était à l’étranger jusqu’au 24 février 2007 —, sa présence effective au Canada entre le 24 février 2007 et le 6 mai 2010 permet de satisfaire au critère de résidence prévu dans la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C‑29. Le dossier n’appuie pas cet argument toutefois.

[12]           À supposer que le Dr Abdelhamid était à l’étranger jusqu’au 24 février 2007, son absence n’aurait pas dépassé 70 jours de plus dans la période comprise entre le 24 février 2007 et le 6 mai 2010. Or, vu les incohérences dans le témoignage du Dr Abdelhamid, il est impossible de savoir combien de temps il a passé à l’étranger avant de revenir au Canada les 28 octobre 2009, 26 novembre 2009, 15 décembre 2009, 22 décembre 2009, 29 janvier 2010 et 11 février 2010. Il est toutefois possible qu’il ait été à l’étranger pendant aussi longtemps que 104 jours de plus durant cette période.

[13]           Il incombait au Dr Abdelhamid d’établir qu’il était, en fait, au Canada pendant la période visée : Abbas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 145, [2011] ACF no 167, au paragraphe 8. Le juge de la citoyenneté a conclu que celui‑ci ne s’était pas acquitté de ce fardeau. Le juge de la citoyenneté, qui n’a pu préciser la durée de plusieurs absences non déclarées du Dr Abdelhamid, n’a donc pu déterminer, suivant la prépondérance des probabilités, le nombre de jours de présence effective au Canada du Dr Abdelhamid au cours de la période pertinente. Vu les incohérences relevées dans la preuve concernant les voyages à l’étranger du Dr Abdelhamid, il était raisonnablement loisible au juge de la citoyenneté de tirer cette conclusion.

II.                Les arguments relatifs à l’équité procédurale

[14]           Le Dr Abdelhamid fait également valoir que le juge de la citoyenneté l’a traité d’une manière qui ne respecte pas l’équité procédurale parce qu’il a refusé d’examiner le contenu de deux sacs de documents que le Dr Abdelhamid avait apportés avec lui à l’audience pour appuyer sa demande de citoyenneté.

[15]           Je conviens avec le Dr Abdelhamid qu’un juge de la citoyenneté ne devrait pas rejeter une demande de citoyenneté sans avoir examiné les documents fournis par le demandeur au soutien de sa demande. Cela dit, l’avocat du Dr Abdelhamid n’a pas été en mesure de dire lesquels des documents apportés à l’audience — que le juge de la citoyenneté n’avait pas examinés — permettaient d’établir que son client avait été effectivement présent au Canada durant l’une ou l’autre des périodes visées. Par conséquent, s’il y avait eu manquement à l’équité procédurale dans la présente affaire, il n’aurait eu aucune incidence sur l’issue.

[16]           Le Dr Abdelhamid affirme également que le juge de la citoyenneté a manqué aux principes d’équité procédurale parce qu’il ne lui a pas donné l’occasion de répondre à ses préoccupations concernant les absences inscrites dans le rapport du SIED.

[17]           La Cour a déjà affirmé que les rapports du SIED ne constituent pas des éléments de preuve extrinsèques et qu’en conséquence, ils n’imposent pas au juge de la citoyenneté l’obligation de donner au demandeur l’occasion d’y répondre : Cheburashkina c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 847, [2014] ACF no 979, au paragraphe 31. Toutefois, le Dr Abdelhamid affirme dans son affidavit que le juge de la citoyenneté a convenu de communiquer avec lui après l’audience, [traduction« au besoin », ce qui crée une attente légitime de se voir donner l’occasion de répondre au rapport du SIED.

[18]           La doctrine des attentes légitimes s’applique lorsque des affirmations ont été faites au demandeur en ce qui concerne la procédure qui sera suivie dans une situation donnée. La Cour suprême a toutefois observé dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Mavi, 2011 CSC 30, [2011] 2 RCS 504, que les affirmations qui auraient suscité les attentes légitimes doivent avoir été « claires, nettes et explicites » (au paragraphe 68).

[19]           Selon le témoignage livré par le Dr Abdelhamid lui‑même, le juge de la citoyenneté n’a convenu de communiquer avec lui que s’il l’estimait nécessaire. Il ne s’agissait donc pas d’une affirmation explicite qui, de ce fait, aurait suscité en l’espèce une attente légitime.

III.             Conclusion

[20]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Je conviens avec les parties que la présente affaire repose sur des faits qui lui sont propres et ne soulève aucune question qui se prêterait à la certification.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Anne L. Mactavish »

Juge

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑594‑15

 

INTITULÉ :

NOURELDIN MOHAMED AHMED MAHMOUD ABDELHAMID c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 27 OctobrE 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 29 OctobrE 2015

 

COMPARUTIONS :

Krassina Kostadinov

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Brad Gotkin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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