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Date : 20151113


Dossier : IMM-1742-15

Référence : 2015 CF 1268

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 13 novembre 2015

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

et

MISAGH HEIDARI GEZIK

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR ou la Loi], de la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés [la Commission] a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour statuer sur la demande de constat de perte de l’asile présentée par le demandeur [le ministre] étant donné que le défendeur n’était pas un réfugié au sens de la Convention au sens de l’alinéa 95(1)a) de la Loi. Le ministre sollicite une ordonnance annulant la décision de la Commission et renvoyant l’affaire à la Commission pour qu’elle rende une nouvelle décision.

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

I.                   Contexte

A.                Situation factuelle du défendeur

[3]               Le défendeur, Misagh Heidari Gezik, est un citoyen de l’Iran. En 2007, alors qu’il vivait encore en Iran, il a épousé Mojgan Mohammad Zadeh. Peu de temps après, les deux époux ont commencé à avoir des problèmes en Iran en raison de leur foi baha’ie.

[4]               En 2009, M. Gezik et son épouse ont quitté l’Iran et sont entrés légalement en Turquie. Ils se sont présentés à la mission canadienne à Ankara, en Turquie, en vue d’une éventuelle réinstallation au Canada. Ils ont déposé auprès de la mission canadienne une demande de résidence permanente fondée sur leur statut de réfugiés à l’extérieur du Canada. La demande indiquait que Mme Zadeh était la demanderesse principale et que M. Heidari Gezik était une personne à charge de son épouse.

[5]               Le 13 avril 2001, le défendeur a fait l’objet d’une décision favorable dans la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières [RC-1] et il est devenu un résident permanent du Canada. La demande de résidence permanente du défendeur a été approuvée au motif que Mme Zadeh avait une crainte fondée, subjective et objective d’être persécutée pour des motifs religieux.

[6]               Le 12 avril 2012, le défendeur a fait renouveler son passeport iranien à l’ambassade iranienne à Ottawa.

[7]               Le 24 décembre 2013, le défendeur a déclaré à un agent de l’ASFC [l’Agence des services frontaliers du Canada] à l’aéroport international de Vancouver qu’il revenait de son deuxième voyage en Iran depuis qu’il était devenu un résident permanent du Canada. Il a également déclaré que chacun de ses voyages avait duré environ quatre mois et qu’il avait l’intention de retourner en Iran quelques mois plus tard pour se marier, étant donné qu’il s’était divorcé d’avec Mme Zadeh.

[8]               Le 24 mars 2014, le ministre a soumis une demande de constat de perte de l’asile en vertu de l’alinéa 108(1)a) de la Loi en invoquant le fait que le défendeur s’était réclamé de nouveau de la protection du pays dont il avait la nationalité. Une audience a eu lieu le 12 août 2014.

B.                 Le Programme de réinstallation des réfugiés

[9]               Voici le résumé du Programme de réinstallation des réfugiés [PRR] que le ministre a tiré du Guide opérationnel OP5 de Citoyenneté et Immigration Canada [CIC], intitulé « Sélection et traitement à l’étranger des cas de réfugiés au sens de la Convention outre-frontières et de personnes protégées à titre humanitaire outre-frontières » [l’OP 5 ou le Guide]. Le défendeur a obtenu son statut de résident permanent en vertu de ce programme. La Commission a cité le Guide dans sa décision. Personne ne s’est opposé à ce que ce Guide soit mentionné ou n’en a contesté le contenu. J’estime que ces renseignements sont pertinents pour interpréter la disposition en question et je considère qu’ils rendent fidèlement compte de la façon dont le programme s’applique au défendeur.

[10]           Le PRR a été créé pour permettre aux réfugiés au sens de la Convention et aux personnes en situation semblable d’être admis au Canada. Le PRR vient compléter le processus d’octroi de l’asile au Canada, permettant au Canada de respecter les obligations que lui impose la Convention relative au statut des réfugiés, de 1951, en vue d’offrir l’asile et la protection aux réfugiés au sens de la Convention qui foulent le sol canadien. Bien que le PRR outre‑frontières complète le processus d’octroi de l’asile au Canada, les politiques et les procédures régissant le programme applicable aux réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières sont distinctes de celles régissant le processus interne.

[11]           Le PRR est autorisé par la LIPR ainsi que par le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés [le Règlement]. L’OP 5 définit certains mots clés et propose des balises pour le traitement des demandes présentées dans le cadre du PRR outre‑frontières. L’OP 5 était en vigueur au moment où la demande de visa de M. Gezik a été traitée. Ce document a par la suite été remplacé par les Instructions relatives à l’exécution des programmes, qui renferment essentiellement les mêmes renseignements en format Web actualisé (LIPR, articles 12, 95 à 98; Règlement, articles 138 à 147).

[12]           Pour favoriser l’atteinte de l’objectif de l’unité familiale, CIC traite les demandes de visas présentées dans le cadre du PRR [les demandes d’asile] comme s’il s’agissait de demandes de protection et de réinstallation présentées par tous les membres de la famille nommés dans la demande au sens du Règlement. Si une famille présente une demande d’asile et que l’un des membres se voit reconnaître la qualité de réfugié au sens de la Convention ou de personne en situation semblable à la suite de la demande, les autres membres de la famille sont également réputés être des réfugiés au sens de la Convention ou des personnes en situation semblable en vertu de la demande. La politique de CIC énoncée dans l’OP 5 prévoit expressément qu’« [i]l suffit que le demandeur principal (DP) satisfasse aux critères de recevabilité pour que les membres de la famille qui l’accompagnent obtiennent leur statut de réfugié » [OP 5 - 10.2] et qu’« [e]n général, les faits qui ont mené à la sélection de cette personne en tant que réfugié devraient s’appliquer aux autres membres de la famille, même indirectement » [OP 5 - 13.6].

[13]           La famille doit désigner un demandeur principal dans la demande d’asile, mais l’agent chargé d’examiner la demande n’est pas tenu de déterminer si seul le demandeur principal est un réfugié au sens de la Convention ou une personne en situation semblable. Si le demandeur principal ne répond pas aux critères lui permettant de se voir reconnaître la qualité de réfugié au sens de la Convention ou de personne en situation semblable, la politique de CIC oblige l’agent à poursuivre son examen pour déterminer si d’autres membres de la famille répondent à ces critères. La politique de CIC précise toutefois que, dès lors qu’il a constaté que le demandeur principal ou un autre membre de la famille est un réfugié au sens de la Convention ou une personne en situation semblable, l’agent ne doit pas évaluer individuellement les autres membres de la famille, étant donné que toute autre évaluation est inutile.

[14]           Le traitement, par CIC, des demandes d’asile présentées par une famille au titre du regroupement familial facilite le traitement accéléré des demandes d’asile ainsi que la réinstallation des familles de réfugiés.

II.                La décision contestée

[15]           La Commission a conclu que le défendeur n’avait pas fait l’objet d’un « constat » qu’il était un réfugié au sens de la Convention au sens de l’article 95 de la Loi et a, par conséquent, jugé qu’elle n’avait pas compétence pour examiner la demande de constat de perte de l’asile présentée par le ministre en vertu de l’alinéa 108(1)a) de la Loi.

[16]           La Commission a rejeté l’argument du ministre suivant lequel le défendeur s’était vu reconnaître la qualité de réfugié au sens de la Convention outre‑frontières par un agent des visas. La Commission a conclu que l’agent des visas n’avait analysé que la question de savoir si la demanderesse principale était une réfugiée au sens de la Convention au sens de l’article 95 de la Loi. La Commission s’est fondée sur les notes suivantes de l’agent des visas :

[traduction] Après examen du formulaire de recommandation du HCR aux fins de la réinstallation et des formulaires IMM008, je suis convaincu que la DAP [la demandeure d’asile principale] craint avec raison, subjectivement et objectivement, d’être persécuté du fait de sa religion. Le formulaire Fondement de la demande d’asile est résumé ci-dessus.

[17]           La Commission a écarté la comparaison que le défendeur faisait avec les membres de la famille dans le cas des demandes de réfugiés faites au Canada et elle a conclu que le tribunal devait examiner au cas par cas la demande de chacun des membres de la famille.

[18]           La Commission a examiné la note de l’article 10.2 de l’OP 5 suivant laquelle : « [i]l suffit que le demandeur principal (DP) satisfasse aux critères de recevabilité pour que les membres de la famille qui l’accompagnent obtiennent leur statut de réfugié ». Elle a conclu que, même si la note semblait conférer au défendeur la qualité de réfugié au sens de la Convention, il ressortait de la « simple lecture » de l’article 10.2 que l’épouse était évaluée en fonction des quatre facteurs de recevabilité en faisant abstraction de l’évaluation de sa personne à charge.

[19]           La Commission a conclu que la note en question avait été insérée pour respecter les objectifs de la Loi, dont celui de la réunification des familles. Elle a déclaré que le regroupement des demandes des membres de la famille en vue de leur examen dans le cadre de la catégorie RC-1 visait à remplir cet objectif.

[20]           La Commission a conclu qu’il ressortait de la « simple lecture » de l’alinéa 95(1)a) de la Loi qu’« une personne devient un réfugié seulement lorsque cette qualité lui est reconnue », soit à l’étranger par un agent des visas, soit au Canada par la SPR. Par conséquent, la Commission a conclu que le défendeur était devenu membre de la catégorie RC-1 en vertu de l’article 140 du Règlement en raison du fait qu’il était une personne à charge de son épouse, et non parce qu’il s’était vu reconnaître la qualité de réfugié au sens de la Convention. Comme le défendeur n’était pas un réfugié au sens de la Convention, la Commission a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour statuer sur une demande fondée sur l’article 108 de la Loi.

III.             Cadre législatif

[21]           Les dispositions suivantes de la Loi, du Règlement et du Guide opérationnel sont pertinentes en l’espèce :

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés

Immigration and Refugee Protection Act

 

Asile

Conferral of refugee protection

 

95. (1) L’asile est la protection conférée à toute personne dès lors que, selon le cas :

 

95. (1) Refugee protection is conferred on a person when

a) sur constat qu’elle est, à la suite d’une demande de visa, un réfugié au sens de la Convention ou une personne en situation semblable, elle devient soit un résident permanent au titre du visa, soit un résident temporaire au titre d’un permis de séjour délivré en vue de sa protection;

 

(a) the person has been determined to be a Convention refugee or a person in similar circumstances under a visa application and becomes a permanent resident under the visa or a temporary resident under a temporary resident permit for protection reasons;

b) la Commission lui reconnaît la qualité de réfugié au sens de la Convention ou celle de personne à protéger;

(b) the Board determines the person to be a Convention refugee or a person in need of protection; or

 

c) le ministre accorde la demande de protection, sauf si la personne est visée au paragraphe 112(3).

(c) except in the case of a person described in subsection 112(3), the Minister allows an application for protection.

 

Personne protégée

Protected person

 

(2) Est appelée personne protégée la personne à qui l’asile est conféré et dont la demande n’est pas ensuite réputée rejetée au titre des paragraphes 108(3), 109(3) ou 114(4).

(2) A protected person is a person on whom refugee protection is conferred under subsection (1), and whose claim or application has not subsequently been deemed to be rejected under subsection 108(3), 109(3) or 114(4).

 

Définition de « réfugié »

Convention refugee

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

Rejet

Rejection

 

108. (1) Est rejetée la demande d’asile et le demandeur n’a pas qualité de réfugié ou de personne à protéger dans tel des cas suivants :

108. (1) A claim for refugee protection shall be rejected, and a person is not a Convention refugee or a person in need of protection, in any of the following circumstances:

 

a) il se réclame de nouveau et volontairement de la protection du pays dont il a la nationalité;

(a) the person has voluntarily reavailed themself of the protection of their country of nationality;

 

b) il recouvre volontairement sa nationalité;

(b) the person has voluntarily reacquired their nationality;

 

c) il acquiert une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays de sa nouvelle nationalité;

(c) the person has acquired a new nationality and enjoys the protection of the country of that new nationality;

 

d) il retourne volontairement s’établir dans le pays qu’il a quitté ou hors duquel il est demeuré et en raison duquel il a demandé l’asile au Canada;

(d) the person has voluntarily become re-established in the country that the person left or remained outside of and in respect of which the person claimed refugee protection in Canada; or

 

e) les raisons qui lui ont fait demander l’asile n’existent plus.

(e) the reasons for which the person sought refugee protection have ceased to exist.

 

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés

Immigration and Refugee Protection Regulations

 

Catégorie des membres de la famille

 

Class of family members

 

140. Les membres de la famille du demandeur considéré comme appartenant à une catégorie établie par la présente section font partie de cette catégorie.

 

140. Family members of an applicant who is determined to be a member of a class under this Division are members of the applicant's class.

Catégorie

Convention refugees abroad class

 

144. La catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières est une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent obtenir un visa de résident permanent sur le fondement des exigences prévues à la présente section.

 

144. The Convention refugees abroad class is prescribed as a class of persons who may be issued a permanent resident visa on the basis of the requirements of this Division.

Catégorie

Convention refugees abroad class

 

145. Est un réfugié au sens de la Convention outre-frontières et appartient à la catégorie des réfugiés au sens de cette convention l’étranger à qui un agent a reconnu la qualité de réfugié alors qu’il se trouvait hors du Canada.

 

145. A foreign national is a Convention refugee abroad and a member of the Convention refugees abroad class if the foreign national has been determined, outside Canada, by an officer to be a Convention refugee.

Qualité

Member of Convention refugees abroad class

 

Guide Opérationnel 5

10.2. Évaluer les critères de recevabilité de base

Operational Manual 5

10.2. Assessing basic eligibility criteria

 

[…]

[…]

 

Note: Il suffit que le demandeur principal (DP) satisfasse aux critères de recevabilité pour que les membres de la famille qui l’accompagnent obtiennent leur statut de réfugié.

Note: Only the principal applicant (PA) needs to meet the eligibility requirements. The accompanying family members derive their refugee status from the principal applicant.

 

13.6. Déterminer les membres de la famille dont la demande de réétablissement est recevable : aperçu

 

13.6. Determining which family members are eligible for resettlement: overview

[…]

 

[…]

Préserver l’unité familiale

Keeping families together

[…]

[…]

En général, les faits qui ont mené à la sélection de cette personne en tant que réfugié devraient s’appliquer aux autres membres de la famille, même indirectement.

 

One family members’ selection as a refugee generally applies to the other family members, even if indirectly.

IV.             Questions en litige

[22]           Le ministre affirme que la seule question en l’espèce est celle de savoir si l’on peut soutenir que la Commission a commis une erreur en concluant que l’asile n’avait pas été conféré au défendeur lorsqu’il était devenu un résident permanent en vertu du PRR.

[23]           Le défendeur affirme que la présente instance soulève les deux questions suivantes :

1.      Le ministre a‑t‑il satisfait au critère permettant d’obtenir une prorogation de délai?

2.      La Commission a‑t‑elle conclu de façon raisonnable que le défendeur n’avait jamais fait l’objet d’un constat qu’il était un réfugié au sens de la Convention en vertu de la Loi?

V.                Norme de contrôle

[24]           Les parties conviennent que la question préliminaire à examiner en l’espèce concerne l’interprétation et l’application par la Commission de l’article 95 de la LIPR et qu’il s’agit d’une question de droit.

[25]           Les parties conviennent également que les questions ayant trait à l’interprétation, par un tribunal administratif, de sa propre loi constitutive ou d’une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie sont présumées être assujetties à la norme de contrôle de la décision raisonnable, à quelques exceptions près, dont aucune n’est applicable en l’espèce (Front des artistes canadiens c Musée des beaux-arts du Canada, 2014 CSC 42, au paragraphe 13; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, aux paragraphes 30 et 34; Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c Canada (Procureur général), 2001 CSC 53, aux paragraphes 16 et 18 [Canada (Commission canadienne des droits de la personne)]; Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 51 à 64).

[26]           Toutefois, dans l’arrêt Canada (Commission canadienne des droits de la personne), la Cour suprême a conclu, au paragraphe 34, que le défaut de procéder à une analyse exhaustive de nature contextuelle et téléologique pouvait constituer un motif permettant de démontrer le caractère déraisonnable de l’interprétation en écrivant ce qui suit :

[34] […] Pour les motifs exposés ci-après, nous estimons que ces facteurs n’étayent pas raisonnablement la conclusion selon laquelle le Tribunal peut adjuger des dépens. Il appert d’une analyse exhaustive de nature contextuelle et téléologique qu’aucune interprétation raisonnable des dispositions n’appuie cette conclusion (Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c Canada (Procureur général), [2011] 3 RCS 471, 2011 CSC 53 [Commission canadienne des droits de la personne].

[27]           Dans l’arrêt B010 c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CAF 87, au paragraphe 72, la Cour d’appel fédérale a conclu, en se fondant sur l’analyse textuelle, contextuelle et téléologique proposée par la Cour suprême dans l’arrêt Canada (Commission canadienne des droits de la personne), que « même lorsque la question en litige porte sur l’interprétation qu’un tribunal administratif fait de sa loi constitutive, les issues possibles acceptables pouvant se justifier peuvent être limitées ».

VI.             Analyse

A.                Le ministre a‑t‑il satisfait au critère permettant d’obtenir une prorogation de délai?

[28]           Je suis d’accord avec le défendeur pour dire qu’on ne peut conclure à la lecture de l’ordonnance accordant l’autorisation qu’une prorogation de délai a été accordée au ministre. Le juge de première instance doit déterminer si le critère à quatre volets énoncé dans l’arrêt Canada (Procureur général c Hennelly, [1999] ACF no 846 (CAF) [Hennelly] a été respecté, étant donné que le juge qui a accordé l’autorisation n’a pas tranché la question conformément à l’arrêt Succession Deng c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 59, aux paragraphes 15 à 18. Je ne souscris cependant pas à l’argument qu’en tant que partie avisée disposant d’importantes ressources, le ministre doit satisfaire à un critère plus exigeant que celui auquel sont assujettis les simples plaideurs. Le critère est le même pour tous les plaideurs et ce critère est tributaire des faits de l’espèce.

[29]           Le critère consiste à savoir si le demandeur a démontré :

(1)            une intention constante de poursuivre sa demande;

(2)            que la demande est bien fondée;

(3)            que le défendeur ne subit pas de préjudice en raison du délai;

(4)            qu’il existe une explication raisonnable justifiant le délai.

[30]           Je conclus que le ministre a satisfait aux conditions (1) et (3). Bien que je rejette la demande, j’estime, comme nous le verrons plus loin, qu’elle n’est néanmoins pas dénuée de tout fondement. Le quatrième facteur, qui concerne l’existence d’une explication raisonnable, en l’occurrence le fait que la boîte de réception de courrier électronique était pleine et l’existence d’une confusion interne au bureau du directeur de l’ASFC, semble plutôt faible. Toutefois, je fais miennes les observations formulées par le juge Mosely dans la décision Khalife c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 221, au paragraphe 16, que le juge Gibson a reprises à son compte dans la décision Nayyar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 199, au paragraphe 7, selon lesquelles « on ne ferait pas justice à la demande en la tranchant sans en examiner le fond ». Par conséquent, la prorogation de délai demandée est accordée.

B.                 La Commission a‑t‑elle conclu de façon raisonnable que le défendeur n’avait jamais fait l’objet d’un constat qu’il était un réfugié au sens de la Convention en vertu de la Loi?

(1)               Règles d’interprétation des lois

[31]           Dans l’arrêt Németh c Canada (Justice), 2010 CSC 56, au paragraphe 26, la Cour suprême a souscrit au « principe moderne » d’interprétation des lois de Driedger suivant lequel « les termes [d’une loi] doivent s’interpréter dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur ».

[32]           Ainsi que l’indique l’arrêt Canada (Commission canadienne des droits de la personne), le tribunal qui interprète une loi doit adopter une méthode « téléologique ». Cette méthode vise à identifier l’objet de la loi à l’examen et, en fin de compte, à s’assurer que l’on retienne l’interprétation qui est la plus apte à atteindre cet objet.

[33]           Par ailleurs, j’applique le principe d’interprétation énoncé en avril 1999 par le HCR dans les [traduction] « Clauses relatives à la perte de l’asile : Lignes directrices sur leur application » [Lignes directrices sur la perte de l’asile], au paragraphe 2 [que je reproduis plus loin] et qui exigent [traduction] « une interprétation restrictive et équilibrée ».

(2)               Analyse

(a)                Prétentions et moyens des parties

[34]           Je suis d’accord avec la Commission pour dire que la question préliminaire porte sur l’interprétation de l’expression « sur constat » que la personne est un réfugié au sens de la Convention, figurant dans les dispositions de l’alinéa 95(1)a) de la Loi relatives à la première catégorie de personnes protégées.

[35]           L’interprétation qu’il convient de donner à cette expression a une incidence sur la question de savoir s’il est utile de continuer à établir une distinction entre les divers types de membres de famille de la catégorie RC-1. À l’annexe de l’OP 5, la catégorie RC-1 figure sous la rubrique « Réfugiés pris en charge par le gouvernement » et le code RC-1 est défini comme suit : « Réfugié au sens de la Convention demandant le réétablissement, ayant besoin d’aide gouvernementale pendant une période pouvant atteindre 12 mois ».

[36]           Un des groupes familiaux de la catégorie RC-1 est celui composé de demandeurs principaux à qui la qualité de réfugié au sens de la Convention a été reconnue du fait que leur crainte de persécution a été jugée fondée. L’autre groupe est celui qui est constitué des membres de la famille du demandeur principal [réfugiés membres de la famille], qui sont considérés comme appartenant à la catégorie RC-1 de réfugiés selon le Règlement et le Guide OP 5 sans avoir fait l’objet d’une évaluation à titre de réfugiés au sens de la Convention.

[37]           Le ministre affirme qu’il n’y a pas de distinction entre les membres des deux groupes pour ce qui est de leur statut de personnes protégées. Par conséquent, les membres de la famille bénéficient, en vertu de l’alinéa 95(1)a), de la même protection que celle dont jouissent les personnes dont il a été constaté qu’elles sont des réfugiés au sens de la Convention et qui sont par conséquent susceptibles de faire l’objet d’une demande de constat de perte de l’asile en vertu de l’alinéa 108(1)a) au motif qu’elles se sont réclamées de nouveau de la protection du pays dont elles ont la nationalité.

[38]           Je souscris à l’argument suivant lequel les membres de la famille et les personnes à qui la qualité de réfugié au sens de la Convention a été reconnue jouissent de facto de la même protection. La question est toutefois de savoir si l’alinéa 95(1)a) ne vise que les réfugiés au sens de la Convention à qui la qualité de réfugié au sens de la Convention a été reconnue à la suite d’une évaluation confirmant qu’ils risquent d’être persécutés, comme le soutient le défendeur. Si le défendeur a raison, seules les personnes à qui la qualité de réfugié au sens de la Convention a été reconnue sont des personnes protégées pour l’application de l’alinéa 108(1)a).

(b)               Facteurs contextuels et téléologiques

[39]           Je suis d’accord pour dire qu’il ressort du libellé de l’alinéa 95(1)a) que les membres de la famille ne sont pas inclus dans la définition des personnes à qui l’asile est conféré, et ce, parce qu’ils n’ont pas fait l’objet d’un « constat » qu’ils sont des réfugiés au sens de la Convention.

[40]           Le ministre soutient que l’expression « constat » devrait recevoir une interprétation libérale. Une telle interprétation entraînerait implicitement l’ajout de mots tels que « et des membres de leur famille » ou l’interpolation à l’article 95 d’une disposition analogue à celle que l’on trouve au paragraphe 97(2), qui reconnaît expressément la qualité de personnes à protéger à certaines personnes faisant partie de catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

[41]           À l’appui de la thèse du ministre, j’estime qu’il est illogique sur presque tous les plans de faire une distinction entre, d’une part, les personnes faisant l’objet d’un constat qu’elles sont des réfugiés au sens de la Convention et, d’autre part, les membres de leur famille, d’autant plus que les uns et les autres appartiennent à la catégorie RC-1.

[42]           Les deux types de demandeurs jouissent des mêmes avantages, notamment du fait qu’ils bénéficient de la même protection contre le refoulement. De plus, en la matière, cette distinction n’est guère logique dès lors qu’en tant que personne protégée, le réfugié au sens de la Convention fait l’objet d’une demande de constat de perte de l’asile en vertu du paragraphe 108(1), tandis que le membre de la famille qui jouit de la même protection de facto est à l’abri de ce genre de procédure.

[43]           La Commission n’a, semble‑t‑il, pas été appelée à examiner les répercussions de son interprétation de l’alinéa 95(1)a) sur l’article 108. De même, aucun argument de cette nature n’a été formulé en l’espèce. Comme je donne gain de cause au défendeur, je ne crains pas trop qu’il subisse une iniquité, d’autant plus qu’il s’agit d’une question d’interprétation des lois. En revanche, j’estime qu’il est inutile de certifier une question en vue d’un appel sans que le tribunal de première instance n’ait examiné toutes les questions qu’il juge pertinentes en vue d’un appel, alors que les parties auront la possibilité de présenter des arguments détaillés sur la question à la Cour d’appel.

[44]           Les Lignes directrices sur la perte de l’asile abordent les objectifs visés par des dispositions relatives à la perte de l’asile comme l’alinéa 108(1)a) qui s’appliquent lorsqu’un réfugié se réclame de nouveau de la protection de l’État. Ces dispositions visent [traduction« la protection diplomatique par le pays de nationalité du réfugié », au regard des [traduction« mesures qu’un État a le droit de prendre vis-à-vis d’un autre État », comme il est indiqué au paragraphe 6 de ce document :

[traduction] La protection voulue ici est la protection diplomatique par le pays de nationalité du réfugié. La notion de protection diplomatique se rapporte principalement aux mesures qu’un État a le droit de prendre vis-à-vis d’un autre État, de manière à obtenir réparation lorsque les droits de l’un de ses ressortissants ont été violés ou menacés par ce dernier État. Si le réfugié de se réclame de nouveau de cette forme de protection, il devrait perdre son statut de réfugié.

[45]           L’alinéa 108(1)a) consacre le principe suivant lequel le Canada cesse d’accorder la protection de l’État aux personnes protégées qui démontrent qu’elles n’ont plus besoin de protection en se réclamant de nouveau volontairement de la protection du pays dont elles ont la nationalité.

[46]           On peut donc raisonnablement soutenir que les objectifs de l’alinéa 108(1)a) sont compromis par la distinction illogique qui est établie entre le traitement réservé aux diverses personnes faisant partie de la catégorie RC-1 qui a pour effet de préserver indûment la protection de facto accordée à certains membres de la famille. Dans ces conditions, il est déraisonnable, c’est‑à‑dire qu’il n’y a aucune logique reposant sur la réalité, qu’un membre de la famille puisse acquérir de façon indirecte un statut lui assurant une protection plus permanente que celle dont jouit le demandeur principal.

[47]           Plus important encore, le gouvernement du Canada a l’obligation d’offrir la protection diplomatique aux membres de la famille protégés, et ce, même si le fait qu’ils se sont réclamés de nouveau volontairement de la protection du pays dont ils ont la nationalité devrait légitimement entraîner la perte de leur protection (du point de vue du HCR), comme ce serait le cas pour le demandeur principal.

[48]           Je suis également d’accord avec le ministre pour dire que la reconnaissance de la qualité de réfugié est le résultat prévu dans le cas des membres de la famille qui sont considérés comme faisant partie de la catégorie RC-1, comme l’indique la brève note accompagnant l’article 10.2 de l’OP 5 suivant laquelle les membres de la famille qui accompagnent le demandeur principal ont le « statut de réfugié ». On peut déduire une intention semblable à la lecture de l’article 13.6, suivant lequel, en général, les faits qui ont mené à la sélection du demandeur principal « en tant que réfugié devraient s’appliquer aux autres membres de la famille, même indirectement ». De même, le fait que les membres de la famille soient classés dans la catégorie RC-1 constitue une déclaration explicite qu’ils font partie de la catégorie des « Réfugiés au sens de la Convention demandant le réétablissement » avec les personnes faisant l’objet d’un constat qu’elles sont des réfugiés au sens de la Convention.

[49]           Je souscris toutefois à la conclusion de la Commission suivant laquelle ces mentions appuient néanmoins l’objectif de la « réunification des familles » énoncé à l’article 3 de la Loi. La Commission cherchait à démontrer que le mot « constat » se rapportait à l’évaluation de la protection, indépendamment de la question de savoir si les membres de la famille avaient ou non la qualité de réfugié au sens de la Convention. Néanmoins, ce que j’estime être l’argument implicite du ministre suivant lequel l’expression « sur constat » vise la qualité de réfugié au sens de la Convention et non la procédure (c.‑à‑d. l’évaluation du risque) par laquelle une personne se voit reconnaître cette qualité a, selon moi, un certain fondement. La définition de constat admet les deux interprétations.

(c)                Interprétation stricte

[50]           Malgré les réserves de la Cour au sujet de la justesse, sur le plan contextuel, de l’interprétation que la Commission fait de l’alinéa 95(1)a), interprétation qui tend à compromettre un aspect important du régime de protection des réfugiés du Canada, et de l’argument suivant lequel le terme « constat » vise la qualité de réfugié au sens de la Convention statut et non la procédure par laquelle une personne acquiert cette qualité, je conclus néanmoins que les arguments du défendeur doivent être retenus.

[51]           Je me fonde pour ce faire sur le libellé clair de l’alinéa 95(1)a), de même que sur le Règlement et l’OP 5, et sur le principe suivant lequel les dispositions ayant un effet négatif sur le statut des réfugiés doivent être interprétées de façon stricte. Je reviens à ce principe, qui est énoncé dans les Lignes directrices sur la perte de l’asile, au paragraphe 2, que je reproduis ci‑dessous en y soulignant certains passages :

[traduction]

2. Les clauses relatives à la perte de l’asile énoncent les seules situations dans lesquelles le statut de réfugié accordé comme il se doit prend fin. Il s’ensuit que, dès lors que la qualité de réfugié lui est reconnue, l’intéressé la conserve tant qu’il ne se trouve pas dans l’une ou l’autre des situations prévues par les clauses prévoyant la perte de l’asile. Cette approche stricte est importante puisque les réfugiés ne devraient pas être soumis à un examen constant de leur statut de réfugié. De plus, comme l’application des clauses relatives à la perte de l’asile se traduit concrètement par la perte officielle du statut de réfugié, il convient de les interpréter de façon restrictive et équilibrée.

[Non souligné dans l’original.]

[52]           Le libellé de l’alinéa 95(1)a) est clair, surtout lorsqu’on tient compte du libellé similaire du Règlement et du Guide OP 5. Cette disposition parle uniquement des personnes ayant fait l’objet du constat qu’elles sont des réfugiés au sens de la Convention ou de personnes à protéger.

[53]           La seconde catégorie de personnes protégées à l’alinéa 95(1)a), en l’occurrence les personnes qui ont obtenu le statut de personnes à protéger à la suite d’une demande de visa, doivent se trouver « en situation semblable » aux personnes ayant fait l’objet d’un constat qu’elles sont des réfugiés au sens de la Convention. Le guide OP 5, au paragraphe 6.29, précise qu’une « personne en situation semblable » est une personne vivant dans des circonstances semblables à celle d’un réfugié au sens de la Convention faisant partie de « la catégorie de personnes de pays d’accueil » ou de la « catégorie de personnes de pays source ». Les termes employés pour les catégories des personnes de pays d’accueil et des personnes de pays source, comme pour la catégorie des réfugiés au sens de la Convention, ont presque exclusivement trait aux questions de protection.

[54]           De même, la troisième catégorie de personnes visées à l’alinéa 95(1)a), en l’occurrence, celle des résidents temporaires, est composée de personnes à qui un permis de séjour a été délivré « en vue de [leur] protection ». Ainsi, l’alinéa 95(1)a) traite uniquement des personnes dont il a été jugé qu’elles ont besoin de protection dans diverses circonstances.

[55]           J’ouvre ici une parenthèse pour écarter toute analogie que le ministre tenterait d’établir avec l’affaire récente Siddiqui c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 329. Dans cette affaire, le juge Noël examinait une contestation visant une demande de constat de la perte de la qualité de réfugié fondée sur des arguments concernant une personne à qui la qualité de réfugié avait été reconnue dans la catégorie de personnes de pays d’accueil. Cette affaire portait cependant sur des faits différents de ceux de la présente espèce. La Cour a conclu que le demandeur faisait partie de la deuxième catégorie de personnes visées à l’alinéa 95(1)a), c’est‑à‑dire qu’il était en situation semblable à celle des personnes dont il avait été constaté qu’elles étaient des réfugiés au sens de la Convention. De plus, le juge Noël a conclu, au paragraphe 27 qu’« [i]l ressort clairement de la décision de la SPR que celle‑ci avait en tête la qualité de réfugié du demandeur ».

[56]           Le Règlement appuie également la distinction que la Commission fait entre les divers membres de la famille, selon la façon dont elles sont sélectionnées en vue de leur classement dans la catégorie RC-1. L’article 145 du Règlement utilise l’expression « a reconnu la qualité de réfugié » pour désigner le réfugié au sens de la Convention outre-frontières, alors que le membre de la famille qui est désigné bénéficie du même traitement du seul fait qu’il est membre de la famille du demandeur principal par application de l’article 140 du Règlement.

[57]           On trouve également dans le Règlement des dispositions qui prévoient expressément une distinction dans le traitement accordé à « une personne protégée au sens du paragraphe 95(2) de la Loi » et au « membre de la famille d’une personne visée [en tant que personne à protéger] ». C’est le cas des articles 207 et 303 du Règlement, qui portent sur la délivrance de permis de travail et sur les frais à payer pour l’acquisition du statut de résident permanent.

[58]           J’admets à cet égard qu’il existe une certaine ambiguïté du fait que l’article 40 du Règlement oblige les personnes qui cherchent à entrer au Canada à quitter celui-ci « sauf dans le cas des personnes protégées visées au paragraphe 95(2) de la Loi […] », ce qui semble indiquer que les membres de la famille seraient tenus de quitter le Canada s’ils ne tombent pas sous le coup du paragraphe 95(2).

Ordre de quitter

 

Direction to leave

40. (1) Sauf dans le cas des personnes protégées visées au paragraphe 95(2) de la Loi et des demandeurs d’asile, si l’agent ne peut effectuer le contrôle de la personne qui cherche à entrer au Canada à un point d’entrée, il lui ordonne par écrit de quitter le Canada.

 

40. (1) Except in the case of protected persons within the meaning of subsection 95(2) of the Act and refugee protection claimants, an officer who is unable to examine a person who is seeking to enter Canada at a port of entry shall, in writing, direct the person to leave Canada.

[59]           J’estime également que, dans toutes les sections du Guide OP 5 concernant la catégorie RC-1 de réfugiés, l’analyse porte principalement sur les exigences et sur la façon de déterminer si une personne est un réfugié au sens de la Convention en tant que victime de persécutions. L’essentiel du texte concernant les membres de la famille explique comment ils obtiennent indirectement le statut de réfugié sur constat que le demandeur principal est un réfugié au sens de la Convention.

(3)               Conclusion

[60]           Comme dans la plupart des cas impliquant des facteurs opposés ayant une incidence sur une décision, le résultat dépend de la mise en balance de divers facteurs en tenant compte, en l’espèce, de la retenue dont il convient de faire preuve envers la Commission.

[61]           J’ai souligné des considérations contextuelles qui appuient une interprétation suivant laquelle les membres de la famille sont des réfugiés au sens de la Convention par application de l’alinéa 95(1)a). Néanmoins, j’estime que ces considérations sont supplantées par le libellé de l’article qui se prête davantage à la méthode de la « simple lecture » retenue par la Commission. Cette méthode concorde avec le principe de l’interprétation stricte qui permet de résoudre des ambiguïtés en faveur du défendeur dans le cas des dispositions qui ont un effet négatif sur son statut de réfugié. Tenant compte du fait que la Commission interprète sa loi habilitante, je conclus que sa décision appartient aux issues possibles acceptables et raisonnables au regard des faits et du droit et qu’elle est justifiée par des motifs transparents et intelligibles.

[62]           Je suis conforté dans ma conclusion par le sentiment qu’il existe un risque sérieux d’iniquité si on laisse planer une ambiguïté ou des doutes sur l’état du droit sur une question aussi importante que la perte de l’asile. Bien que la Cour ne dispose d’aucune preuve en ce sens, les intérêts de la justice ne seraient pas servis s’il s’avère que les conséquences d’une nouvelle réclamation de la protection de l’État ne deviennent évidentes que lorsque le membre de la famille se voit confronté à une perte imprévue de ses droits et de sa protection par suite d’une interprétation contextuelle non connue d’une disposition par ailleurs explicite.

[63]           Si le droit de se voir classer dans la catégorie RC-1 doit être restreint ou être retiré aux membres de la famille en raison de leur conduite, il faut que le législateur le précise clairement de manière à éviter tout malheur imprévu.

[64]           Par conséquent, la demande est rejetée.

VII.          Question certifiée

[65]           Les parties s’entendent pour dire qu’une question devrait être certifiée en vue d’un appel. Elles ont également recommandé d’utiliser la même question que celle qui avait été proposée par le ministre dans une affaire connexe, Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Esfand, 2015 CF 1190.

[66]           Je suis d’accord avec leur suggestion. Par conséquent, la même question sera certifiée en vue d’un appel dans la présente affaire :

Lorsqu’une personne est devenue résidente permanente en vertu d’une demande de visa dans le Programme outremer de réinstallation des réfugiés et de réinstallation pour raisons humanitaires, en vertu du fait qu’un membre de sa famille mentionné dans la demande de visa a été déclaré réfugié au sens de la Convention (même si la personne n’a pas été évaluée comme un réfugié au sens de Convention), cette personne est-elle un réfugié au sens de la Convention au sens de l’alinéa 95(1)a) de la LIPR qui peut faire l’objet de perte de la qualité de réfugié en vertu du paragraphe 108(2) de la LIPR?

VIII.       Conclusion

[67]           La demande est rejetée et une question est certifiée en vue d’un appel.


JUGEMENT

LA COUR :

  1. REJETTE la demande;
  2. CERTIFIE la question suivante en vue d’un appel :

Lorsqu’une personne est devenue résidente permanente en vertu d’une demande de visa dans le Programme outremer de réinstallation des réfugiés et de réinstallation pour raisons humanitaires, en vertu du fait qu’un membre de sa famille mentionné dans la demande de visa a été déclaré réfugié au sens de la Convention (même si la personne n’a pas été évaluée comme un réfugié au sens de Convention), cette personne est-elle un réfugié au sens de la Convention au sens de l’alinéa 95(1)a) de la LIPR qui peut faire l’objet de perte de la qualité de réfugié en vertu du paragraphe 108(2) de la LIPR?

« Peter Annis »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1742-15

 

INTITULÉ :

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION c MISAGH HEIDARI GEZIK

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 SEPTEMBRE 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ANNIS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 13 NOVEMBRE 2015

 

COMPARUTIONS :

Brett J Nash

POUR LE demandeur

 

Peter Edelmann et Aris Daghighian

POUR LE défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE demandeur

 

Edelmann & Company Law

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE défendeur

 

 

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