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Date : 20151117


Dossier : IMM-423-15

Référence : 2015 CF 1277

[TRADUCTION FRANÇAISE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 novembre 2015

En présence de monsieur le juge Harrington

ENTRE :

ESTHER CHIOMA AWGU

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Mme Awgu est venue au Canada en provenance du Nigeria en 2008, alors qu’elle était enceinte et sans le sou. Elle a tout de suite présenté une demande d’asile et, peu après, elle a accouché de jumeaux, dont un ayant un sérieux problème de bégaiement.

[2]               Sa demande d’asile a été rejetée, tout comme sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’égard de cette décision. Il en fut de même avec sa demande relative à l’examen des risques avant renvoi et avec sa première demande en vue de rester au Canada fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. Le présent contrôle judiciaire porte sur sa deuxième demande fondée sur des considérations humanitaires.

[3]               Selon la règle générale, une personne doit demander le statut de résident permanent de l’extérieur du Canada. Une exception, au paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, prévoit que « le ministre doit […] étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent […] compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché ». Une agente d’immigration principale de Citoyenneté et Immigration Canada a rejeté sa demande, car elle n’était pas convaincue que le renvoi de Mme Awgu au Nigeria lui occasionnerait des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives.  

I.                   Les questions en litige

[4]               La question en litige n’est pas de savoir si j’aurais accueilli la demande; il s’agit plutôt de savoir si la décision était déraisonnable. Le premier élément à examiner est celui de savoir si Mme Awgu serait exposée à des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives dans l’éventualité où elle était renvoyée au Nigeria. L’agente d’immigration principale devait, dans son examen quant à cette question, tenir compte du degré d’établissement de Mme Awgu au Canada.

[5]               Le deuxième est l’intérêt supérieur de l’enfant.

[6]               Puisque j’en suis venu à la conclusion selon laquelle l’analyse effectuée par l’agente d’immigration principale quant à l’établissement de Mme Awgu au Canada était déraisonnable, il n’est pas nécessaire d’examiner l’analyse qu’elle a effectuée quant à l’intérêt supérieur de l’enfant. Cependant, je dois donner un signal d’alarme à cet égard. La difficulté injustifiée n’est pas pertinente lorsque l’on aborde le cas d’un enfant innocent (Hawthorne c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 475). Il se peut que la phrase dans laquelle l’agente d’immigration principale semble avoir appliqué ce principe à l’enfant ait été prise hors contexte lorsque l’on examine ses motifs dans leur ensemble.

[7]               L’erreur fatale commise par l’agente principale d’immigration est qu’elle a assimilé l’établissement au Canada à l’établissement économique. Mme Awgu vit de l’aide sociale, quoique cela puisse être attribuable à ses problèmes de santé physique et mentale. Mme Awgu ne présente pas une demande de résidence permanente au titre de la catégorie des candidats des provinces, catégorie pour laquelle l’établissement économique est un facteur crucial (Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, article 87). L’établissement économique peut être pris en considération, mais il ne s’agit pas du seul facteur (voir la décision du juge Nadon, ancien juge de la Cour fédérale, dans l’affaire Tartchinska c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 373 (QL)).

[8]               Le précédent ayant eu une influence prépondérante sur mon raisonnement est la décision rendue par madame la juge Mactavish dans l’affaire Klein c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1004, et plus particulièrement le passage au paragraphe 7 où elle traite du manque d’empathie dont fait montre l’agent : « Exiger d’une personne dans la situation de M. Klein qu’elle soit en mesure de démontrer qu’elle a atteint les indicateurs courants du degré d’établissement, c’est faire abstraction de la réalité de sa vie ».

[9]               Mme Awgu a un cercle étendu d’amis et de connaissances, et son engagement dans la collectivité aurait dû être pris en considération.


JUGEMENT

POUR LES MOTIFS EXPOSÉS CI-DESSUS;

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.                  La décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent d’immigration pour nouvelle décision.

3.                  Aucune question grave de portée générale n’est certifiée

« Sean Harrington »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-423-15

INTITULÉ :

ESTHER CHIOMA AWGU c MCI

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 NOVEMBRE 2015

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE HARRINGTON

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

LE 17 NOVEMBRE 2015

COMPARUTIONS :

Adela Crossley

POUR LA DEMANDERESSE

Neeta Logsetty

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Law Office of Adela Crossley

Avocate

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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